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05 juin 2020, 13:55
Retour en enfer  privé 
Tac tac
Tac tac.


Le roulis du train. Il envahit tout le wagon, lentement, puis de plus en plus vite.
Elle ne perçoit plus l'autre à ses côtés.
Comme sourde, elle fait lentement glisser ses mains sur son visage.
Il ne semble pas changé.
Alors pourquoi est-ce qu'elle a l'impression d'être brisée de douleur?

Tac tac
Tac tac.


Et ce foutu bruit qui veut pas la laisser réfléchir.
Elle a envie de sortir de sa cabine, le regard certainement hanté, de courir jusqu'à l'avant du train, de tirer toutes les manettes jusqu'à l'arrêter, ici, le monstre de fer, perdu dans les landes hautes griffant les flancs de métal.
Et le silence l'accepterait peut-être comme une vieille amie.

Tac tac
Tac tac.


Elle avait peur.
Plus que des Mots et des Rumeurs, elle avait peur d'Eux.
Elle avait peur car elle avait menti.
Menti à-demi, pour cacher une vérité encore plus effrayante.
*Pas comme Eux.*
C'était tout simple.
Ça se résumait en une toute petite phrase.
En trois minuscules Mots.
*Ne jamais sous-estimer les Mots.*
Ils pouvaient déclencher pire qu'une tempête, ces trois-là.
Ils pouvaient faire naître un ouragan de colère, des hurlements de rage, des sourires de haine.

Tac tac
Tac tac.


Et tout ça, pour quoi?
Pourquoi Haine? Pourquoi les jumelles Rage et Colère?
Parce que elle.
Parce que *pas comme Eux*.
Parce que choixpeau.

Elle lui vouait une haine sans borne, à ce vieux bout de tissu ensorcelé, où une bouche avait été déchiquetée dans ce qui semblait autrefois être une étoffe brune.
Marron sale, de mauvaise humeur, limite grouillant de poux avec toutes les têtes débiles qui passaient dessous.
"Poufsouffle", avait-il gueulé dans la salle entière qui s'était emplie d'applaudissements.
Alors, bravo?
Bravo, elle est à Poufsouffle?
Bravo, il avait ruiné sa vie?
Bravo, elle sera jamais comme Eux?
Bravo, il a tout fait foiré?
Bravo, il a trouvé le moyen de la faire abandonner?

De Colère, elle se renfonça plus profondément dans les sièges pourtant moelleux.
Toute la Douceur du monde lui semblait amère.
Elle en voulait à la Terre entière, à lui, à elle-même, à l'autre assise dans la cabine, en face d'elle.

« Je sais. Excuse-moi. »

Ah ouais? Ah ouais tu sais? Alors pourquoi tu l'as ouverte? Pourquoi t'as posé La question, à laquelle tu savais la réponse? Puisque tu sais tout, hein?
Tu viens de le dire, hein! Tu viens de le chuchoter comme si t'en avais honte!
Là, les fesses tranquilles sur ton siège, toi, tu crois savoir?
Avec tes yeux qui essayent de lui faire comprendre *y a rien à comprendre* qu'elle pouvait y arriver.
Arriver à quoi, hein? Arriver à Oublier?
Tu sais pas que c'est impossible?
Tu sais pas que leurs Mots, c'est indélébile?
Tu crois vraiment savoir, tu crois aider avec tes Mots?
Tu vois pas que tu fais que Briser?
Briser, tout, toi, le silence, elle, les autres, le train, son monde?
Tu vois rien, hein.
T'es comme les autres aux final.
T'es aveugle.

Se libérer des fantômes.
Et quoi encore, sauter du train pour les rejoindre?
Elle le savait, c'était la solution la plus rapide pour les ignorer.
Peut-être qu'une fois là-bas, en haut, au-dessus des nuages, elle pourrait fuir.
Elle pourrait peut-être oublier.
Elle pourrait peut-être enfin vivre.

Mais pour que la fille en face sache, fallait dire.
Fallait hurler les reproches qui grondaient dans sa tête.
Et après, quoi, quoi? Elle se sentirait mieux?
Elle aurait fait du mal, elle aurait blessé, elle serait seule, et ça changerait quelque chose?
Non.
Rien du tout.
Y aurait juste encore le roulis du train.
Encore les bruyères sauvages essayant d'accrocher leurs feuilles aux roues du train pour voyager.
Encore le Silence et les rires des autres.
Encore les doutes et les peurs.
Ça servait à rien.
*J'suis inutile.*

Elle releva la tête, les yeux-tourmente, perdus dans un océan déchaîne de Souvenirs.

"T'sais même pas d'quoi tu parles ! Tu sais rien, tu peux pas comprendre et tu comprendras jamais ! Tu connais pas, les fantômes, hein ? Tu crois pouvoir aider. Mais. Tu. Sais. Rien. Du. Tout. J'me trompe Ary? "

Elle plaqua immédiatement les deux mains sur sa bouche, comme honteuse d'avoir laissé les mots sortir.
Le nom sonnait comme une injure contre sa langue.
Refoulant les larmes, elle tourna la tête vers le paysage défilant pas la fenêtre, laissant ses yeux essayer d'agripper des morceaux de détails.
Tout mais pas le regard d'Ary.
Tout mais pas les paroles d'Ary.
Tout mais pas les reproches d' Ary.
Tout.
Mais pas ça.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

12 juin 2020, 23:26
Retour en enfer  privé 
She distanced herself to save herself



Arya ne comprit pas immédiatement les paroles d'Alison. Ses mots ne firent pas immédiatement leur chemin vers son cerveau. Ou peut-être faisait-elle exprès de ne pas comprendre, pour éviter la vague de douleur qui déferlerait en elle, imminente. Impossible à dévier. Inévitable. Alors, dans une tentative désespérée d'y échapper, elle ferma les yeux un instant. Elle plissa si fort les paupières qu'elle se demanda si ses yeux ne s'étaient pas enfoncés à l'intérieur de son crâne.

Pourtant elle ne put empêcher son cœur de battre plus fort. De pulser contre sa poitrine comme s'il cherchait à s'enfuir, comme si ces mots étaient trop blessants pour qu'il ne puisse les supporter. Elle avait la sensation qu'Alison venait de lui planter une flèche dans ses organes vitaux, d'avoir trouvé son point faible pour le retourner contre elle.

Elle tenta de faire semblant de ne pas percevoir la façon dont elle avait prononcé son surnom. Elle préférait qu'on l'agresse ainsi en adoptant ce nom plutôt que celui qu'on lui avait donné à sa naissance, qu'elle n'avait pas choisi.

Elle n'avait jamais clamé haut et fort qu'elle sentait la présence de son père, parfois. Qu'elle entendait ses murmures près de son oreille, depuis le bal. Qu'il revenait toujours dans ses cauchemars. Mais elle n'avait jamais fait non plus comme si de rien n'était. Lorsque son fantôme revenait la hanter, elle ne pouvait parfois pas s'empêcher de lui répondre. Mais il n'était que dans sa tête. Alors, il pouvait lui arriver de parler tout seule, tout simplement.

Elle avait conscience de tout ça, mais ne voulait pas y penser. Elle ne voulait pas avouer que le décès de son père la touchait au point d'avoir des hallucinations. Elle voulait être plus forte que ça. Elle voulait l'avoir déjà oublié.

Pourtant, alors qu'Alison l'accusait de ne pas connaître ces choses-là, quelque chose s'enflamma en elle. Soudain, elle avait changé d'avis, et voulait qu'elle le sache. Elle voulait que le monde entier sache qu'elle souffrait, elle aussi. Pour une fois, elle ne voulait pas se montrer forte ? Pour une fois, elle voulait simplement être vue telle qu'elle était, sans artifice. Elle voulait revendiquer sa douleur, elle voulait qu'elle soit reconnue. Elle ne voulait plus la garder pour elle.

Mais elle était si habituée à ne rien laisser paraître... Alors, quand elle rouvrit les yeux pour affronter la vérité, elle le garda baissé. Elle était fatiguée. Fatiguée que ce sujet revienne toujours, où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse. Qu'elle ne pouvait faire comme si de rien n'était, car ce n'était pas le cas.

Devait-elle se laisser crier dessus ainsi ? Ce n'était pas son genre. D'ailleurs, ses poings serrés n'attendaient qu'à ce qu'elle éclate. Cependant, elle les retint. Elle était venue pour essayer de consoler Alison, pas pour engager une dispute. Et elle avait finalement compris, après quelques expériences ratées, que parfois il ne fallait pas riposter de la même manière pour ne pas envenimer les choses.

Elle ramena ses jambes sur elle, dans une position où elle se sentait plus en sécurité. Les yeux toujours rivés au sol, elle ne prit pas la peine de les lever. Elle ne se sentait pas capable d'affronter Alison, pas alors qu'elle était déjà si vulnérable.

« En es-tu sûre ? finit-elle par murmurer d'une petite voix. »

Une fois lancée, elle ne pouvait plus s'arrêter. Elle avait plongée, voilà. Il ne lui manquait plus qu'à explorer les profondeurs. Pas de machine arrière autorisée.

« Je sais peut-être pas quels sont tes fantômes à toi. Mais t'as pas le droit de prétendre que j'ai pas les miens. »

Enfin, elle osa lever son regard vers son interlocutrice, une fois qu'elle fut bien certaine qu'il avait retrouvé sa froideur habituelle. Elle ne voulait pas se montrer trop faible alors qu'elle venait quasiment d'avouer l'un de ses secrets. Elle s'était constitué le visage neutre et indéchiffrable qu'elle arborait d'habitude et qu'elle avait effacé simplement dans le but de consoler Alison.

Mais Alison n'avait pas l'air de vouloir continuer la joute verbale. Elle s'était tournée vers la fenêtre et regardait le paysage passer. La Gryffondor fut tentée de la traiter de lâche d'abandonner ainsi après la bombe qu'elle venait de lâcher. Pourtant elle ne dit rien. Car elle aussi avait plus d'une fois parlé sans réfléchir.

Elle détourna le regard vers la fenêtre, elle aussi, avant d'ajouter :

« Alors oui, tu te trompes. »

Elle avait cependant tenté d'adopter un ton neutre, presque le même que lorsqu'elle essayait encore de la réconforter. Peut-être était-elle trop faible pour s'énerver envers quelqu'un dont elle avait eu un aperçu des souffrances. Peut-être était-elle trop empathique, alors qu'elle pouvait également être si désagréable par moments.

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

18 juin 2020, 11:32
Retour en enfer  privé 
Tout ce gris, là. Et le vert, qui devenait noir entre les rocs.
Puis, il y avait le bleu, constant.
Toujours sûr de lui, le ciel.
C'était peut-être pour ça qu'elle l'admirait autant.
Même un train lancé à pleine vitesse ne pouvait le troubler.
Il restait fidèle à lui même, bleu, devenant violet à l'heure de se coucher, renaissant couleur abricot les matins clairs, se prélassant dans des coussins de nuage, immense, grand, apaisé.
Il ne devait pas connaître, les fantômes.

« En es-tu sûre ?

Un écho à cette pensée qu'elle venait de conclure.
*L'ciel à des fantômes?*

« Je sais peut-être pas quels sont tes fantômes à toi. Mais t'as pas le droit de prétendre que j'ai pas les miens. »

Oh.
Elle arracha brusquement ses yeux au paysage d'Informes.
Elle fixait Ari, maintenant.
Elle la fixait, et elle avait honte de ses mots, elle avait honte et elle avait mal.
Pourtant, Ari regardait ses pieds.
Elle ne semblait pas vouloir relever la tête.
*Elle abandonne.*
Non Enfant. Elle t'explique.
*Elle m'en veut?*
Beaucoup. Et elle a raison. Enfant idiote, stupide, inconsciente, dérangée, anormale, ignor...
*La ferme!*

Puis la Comédie recommença.
La fille avait relevé la tête, un nouveau masque sur le visage.
Partie, la Douceur.
Partie, la Chaleur.
Partie, le Désir d'Aider.
Il ne restait plus rien, que ce visage lisse, vide de tout sentiment.
Elle y voyait un reflet du sien lorsqu'elle parlait aux autres.
Elle voyait les fissures mal dissimulées.
Elles étaient siennes.

Elle voyait la froideur qui permettait de s'échapper.
Elle était sienne.

Elle voyait la face ronde et détendue, crispée à l'intérieure.
Elle était sienne.


Un visage de poupée.
Inexpressif.
Magnifique.
Mais silencieux.
Et presque Mort.
Figé dans le temps.
A cause d'un seul Mot.
Toujours la même expression dessinée.
Constante et maîtrisée.
Jusqu'à la prochaine vague.

La vague d'Ari, ça avait été Elle.
Et elle avait tout saccagé, avec ses Mots, tout saccagé avec ses réactions.
Ari avait fait des fautes, certes. Mais tout le monde en fait.
Toi la première.
*La. Ferme.*

Figée elle aussi dans ce wagon, atteinte de ce syndrome curieux de froideur et de gêne, ce fut à son tour de baisser les yeux.
Les masques en disent bien plus long que ce qu'ils voudraient.

« Alors oui, tu te trompes. »

Les masques n'étaient pas comme ceux de théâtre.
Ils s'enroulaient entièrement autour de la tête de la personne les mettant, la recouvrant, la cachant pendant un instant.
Pourtant, cette dernière phrase la percuta violemment.
Le ton.
Infime, cette nuance.
Effacée, presque, cette intention.
Neutre.
A peine modifiée.

*Elle est pas en colère?*
Espoir renaquit dans sa poitrine. Un petit sourire s'étira même sur ses lèvres. Peut-être qu'Ari l'avait vu, cette Ombre frémissante sur ses lèvres.
Elle s'en fichait.
Personne n'avait jamais pris le temps de lui expliquer.
Et, Ari venait juste de prendre du temps pour le faire.
Et c'est comme ça que tu remercies?
Espoir mourut brusquement, comme son sourire.
Évidemment.
Elle ne savait pas accepter les paroles.
Elle ne savait que les refouler loin d'elle, pour un temps indéterminé et changeant.
Tu la crois vraiment calme? Pas énervée? Regarde-la de plus près. Tu ne vois rien, vraiment? Dans son attitude, comment elle se tient? Neutre, hein, c'est ce que tu penses, Idiote? Elle a mal. Tu lui as fait mal. Tu ne comprendras jamais. Tu ne fais que Briser. Lâche.
Cette Voix, encore, sa conscience, peut-être, un peu d'elle, qui résonne sous sa tête et la poignarde, lentement.
C'était une torture que de l'écouter.
C'était un supplice que d'admettre qu'elle avait raison.

"J'suis désolée!"

Elle avait presque hurlé ces Mots.

"J'savais pas, pardon, pardon, pardon..."

Ceux-ci moururent dans sa bouche.
Haletante, elle cherchait sa respiration.
Mais le train et le roulis lui prenaient tout son air.
Tout son oxygène.
Tout son espace.
Enfermée dans ses pensées tournoyantes, elle les regardait déferler sur son âme.

Tu lui as fait mal.
Tu comprendras jamais.
C'est de ta faute.
Tu crois qu'Ils t'aiment?
T'es pas comme Eux. Anormale.
T'es trop bête pour leur ressembler.
*Fermez là!*


Retour brutal dans le wagon.
Pendant un instant, elle n'avait été que le corps frêle balloté dans une spirale de Mots.
Elle ferma les yeux un instant, essuyant son front ruisselant de sueur.
Respirer lui faisait mal.
Penser lui faisait mal.
Écouter lui faisait mal.
Vivre lui faisait mal.

Elle replia ses genoux et posa sa tête dessus, les yeux mi-clos, cherchant à oublier la Douleur.

"J'comprendrai qu'tu veuilles partir. J'te jure."

Une pause, longue, avant de reprendre.

"Tu fais comment pour pas y penser?"

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

07 juil. 2020, 13:59
Retour en enfer  privé 
Loneliness is addictive



Le paysage était beau. Il défilait, vite, à une vitesse telle qu'il apparaissait flou. Les couleurs s'alignaient, traversaient sa rétine avant de disparaître, puis de recommencer. L'année précédente, lorsqu'elle faisait ce même voyage pour Noël, le temps était sombre, et le ciel plus noir que jamais, tel de l'encre qui s'apprêtait à couler sur le monde. Elle aurait voulu pouvoir suspendre le temps d'un geste, que ces couleurs cessent de disparaître, qu'elles se fixent sans une position et arrêtent de défiler. Elle haïssait ne pas avoir ce pouvoir. Elle haïssait son impuissance devant ce paysage qui ne voulait pas s'arrêter de bouger, devant ce paysage qui refusait de devenir une carte postale. Elle haïssait l'impuissance qu'avaient les gens sur leurs sentiments. Elle haïssait l'impuissance qui était la sienne.

Elle était également impuissante devant cette Alison. Elle venait de révéler qu'elle aussi était vulnérable, qu'elle aussi humaine, malgré les nombreux conseils que lui avait fourni son père durant son enfance : « ne donne jamais aux autres l'opportunité de te détruire. Laisse-les croire que tu es invincible ». Mais à quoi bon ? Dans ce compartiment exigu, valait-il réellement la peine de faire croire à une quelconque force ? Alison non plus n'avait pas l'air invincible. Elle avait simplement l'air... humaine. Pourquoi tant cherchaient donc à tapir cette humanité en eux ? En quoi être humain pouvait-il bien servir à notre désavantage ?

Arya en était encore là, au milieu de ses pensées toutes plus confuses les unes que les autres, lorsque sa camarade cria qu'elle était désolée. La Gryffondor sursauta légèrement, surprise. Elle tourna lentement la tête pour faire de nouveau face à Alison, qui continua de s'excuser, encore et encore, répétant toujours le même mot, « pardon », comme une litanie qui pouvait tout régler, tout réparer. La voilà, sa réponse. Voilà pourquoi montrer son humanité était si dangereux. Et, alors qu'elle venait de se dévoiler, alors qu'elle était la dernière à l'avoir fait, ce n'était pas elle qui se sentait vulnérable. Devant cette fille qui... l'implorait ? Elle se sentait... presque forte. Et cette sensation lui donnait envie de vomir. Elle n'avait pas pitié d'Alison. Mais elle voulait qu'elle cesse. Qu'elle cesse d'implorer, de supplier. Qu'elle se sente forte, elle aussi. Que ce rapport entre elles s'équilibre.

Elle fronça les sourcils alors que ses yeux s'agrandissaient. Toujours plus lorsqu'elle murmura qu'elle pouvait partir, si elle le voulait. Toujours plus lorsqu'elle se replia sur elle-même, comme les araignées lorsqu'elles mourraient. Mais elle ne pouvait pas mourir. Il n'était pas encore temps.

« Pour... »

La phrase mourut au fin fond de sa gorge, comme ravalée en cours de route. Elle déglutit, comme pour se donner du courage.

« Pourquoi tu fais ça ? »

Juste un murmure, un simple murmure emporté par le vent, emporté avec le paysage qui défilait et qui se trouvait déjà loin du train qui les emmenait tout droit vers l'enfer.

Son regard prit une lueur plus dure, même si elle n'en avait pas l'envie. Mais elle s'en sentait obligée.

« T'excuse pas. »

Elle devait pas la supplier. Elle devait être forte. Elle devait être grande. Elle devait être magnifique. Car, la vulnérabilité n'était-elle pas une forme de beauté ? Pourquoi ne pouvait-elle pas la tourner en autre chose ?

« T'excuse pas ! »

Elle aussi avait crié, même si elle n'en avait pas l'intention. Mais Alison devait comprendre. Elle devait être magnifique.

Mais elle avait demandé comment elle faisait pour ne pas y penser. Arya mit une seconde avant de comprendre de quoi elle parlait, précisément. De sa tendance à virer violente ou du fantôme de son père ? Finalement, elle répondit, tout bas :

« Mais j'y pense. J'y pense tout le temps. On ne peut pas y échapper. »

Elle cherchait d'autres mots, ceux qu'elle venait de prononcer lui semblant bien trop pessimistes. Bien trop défaitistes.

« On peut juste... s'y habituer. Mais il est toujours là. »

Elle tourna son regard sur la banquette, à côté d'elle. Elle sentait sa présence, juste là. Il lui susurrait des mots à l'oreille, des mots qu'elle ne comprenait pas. Ou qu'elle ne voulait pas comprendre.

« Oui, il est toujours là, murmura-t-elle si bas qu'elle doutait qu'Alison l'ai entendu. »


Désolée pour le retard ^^

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

23 juil. 2020, 14:55
Retour en enfer  privé 
Plume, à mon tour de m'excuser de cet innommable retard. Vraiment navrée pour l'attente...

Encore des cris.
Encore de la violence.
Encore des reproches.
Encore de la colère.

Alors c’était ainsi ?
Ainsi qu’on oubliait les Ombres ?
En hurlant plus fort qu’elle ?
En se durcissant contre leurs attaques ?
En détestant quelqu’un d’autre que soi aussi fort qu’Elles nous haïssent ?
La haine pour répondre à la haine ?
La Douleur pour répondre à la Douleur ?
L’épée pour répondre à la guerre ?

Puis l’accalmie, après la tempête.
Les paroles doucereuses, essayant d’être compatissantes.
Le grand discours enflammé destiné à convaincre le public de ses pensées ne faisait que les embrumer davantage.
Un maelström de pensées noir charbon contrastant avec les couleurs pâles de la saison des glaces rugissait sous son crâne.
Tout avait été si simple pourtant.
Elle aurait pu rentrer chez elle entourée d’ombres.
Elle aurait pu succomber à leur appel, à ces sirènes mortellement belles, figures empoisonnées que personne ne se lasse d’écouter.
Elle aurait pu passer le trajet en leur compagnie, essayant vainement de les raisonner, se croyant encore assez forte pour lutter contre l’armée de leurs Mots.
Des flots amers auraient coulé de ses yeux, probablement, elle aurait rêvé d’une présence, d’une âme, d’une amie peut-être, pour échapper aux Grandes Sombres.

Invasives, Sombres.
Éternelles, Sombres.
Ombrageuses, Sombres.
Orageuses, Sombres.

Ombres et Sombres qui Sombrent dans l’Ombre
Ombres et Songes qui songent dans l’Onde des Sombres.
Sombres ombres qui sombrent en Songe.


Noyée dans ses pensées.
C’était idiot.
Ce n’était pas digne d’Ari.
Elle n’était pas digne d’une Rouge.
Elle ne pourrait jamais l’être.

Noyée dans ses pensées.
Quelle mort étrange que celle qui permet de vivre.
Son cœur battait.
Ses tympans subissaient inlassablement le roulis du train.
Son nez la piquait de larmes retenues.
Ses yeux apercevaient de pâles nuages rosées à travers la vitre glacée.
Ses doigts gourds s’enfonçaient lentement dans les plis de sa jupe.
*Eux aussi, ils sombrent.*

Elle resta un instant perdue, entourée de ses pensées, comme coupée de la réalité.
Tout semblait se trier, des bouts de phrases entendus, des bouts de rêves gardés, des souvenirs Inclassables.

 T’excuse pas !
N’oublie pas petit oiseau que j’étais moi aussi une petite pouffy !
Vive les gryffons !!!
Arrête Morgan, elle est incapable de comprendre.
Encore. Allez !
T’excuse pas !

Tu viens Einini ?

J'ai reçu une lettre... De ma grand-mère. Elle est à l'hôpital.
Idiote incapable ! Comment oses-tu ?
Ici, tout va bien. Bien mieux depuis que t'es partie.  
T’excuse pas !

N'aie pas peur, M. Je suis là.
Elle délire...C’est de sa faute ! 
T’excuse pas !

POUFSOUFFLE !!! 
T’excuse pas !
T’excuse pas T’excuse pas T’excuse pas T’excuse pas !!!

*STOP*


Une phrase s’extirpa de l’ouragan hurlant de ses pensées.
Cache toi.

Se cacher?
De qui ? D’Eux ? D’Ari ?
*Oh.*
Un masque froid recouvrit son visage.
Plus de larmes.
Plus de cris.
Que le calme plat de l’eau.
Mais sous la surface de l’eau, qui peut voir tous les courants remuant ses profondeurs ?
Personne.

Pourquoi avoir droit à l’humanité puisqu’on doit la cacher ? Pourquoi se cacher si on est pas invisible ? Pourquoi on doit cacher ce qu’on aime pas et montrer ce qu’on aime ? Pourquoi la vie c’est que des jeux de dissimulation ? Et pourquoi les ombres elles se cachent pas ? Et pourquoi on se fâche alors qu’on cache ce qui nous fait mal ? Pour dire que la Douleur existe ? Qu’elle augmente ? Qu’elle faiblit ? Qu’elle pulse, toujours, qu’elle vit ?

« Pourquoi tu veux pas rentrer ? »


Un silence, le temps de se reprendre encore un peu.
Des milliers de questions grondaient dans sa bouche, flot impétueux qu’elle peinait à retenir, essayant de ne garder que les plus importantes.

« Pourquoi tu veux pas alors qu’tu fais semblant que tout va bien ? »

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

23 août 2020, 19:53
Retour en enfer  privé 
She was not sure of what was real anymore



Il lui sembla alors qu'Alison replongeait dans son esprit, dans ses pensées. Elle pouvait le deviner à son regard qui devenait plus distant et moins présent. Arya se demanda à quoi elle était en train de penser. Elle semblait recluse au fond d'elle-même, et malgré le fait que la Gryffondor avait très envie de la ramener sur Terre, elle n'en fit rien et la laissa naviguer seule. Parfois il fallait savoir retrouver son chemin sans l'aide de personne, afin de pouvoir s'y retrouver, la prochaine fois, même dans le noir complet. Si l'on était toujours aidé, on finissait par se reposer trop sur les Autres, et on ne pouvait pas faire confiance aux Autres. Qui qu'ils soient, ils avaient toujours une raison pour nous laisser tomber.

Comme son père. Il l'avait laissé tomber, elle aussi, sans prévenir. Sans avoir le temps de la revoir, de s'expliquer. Il n'avait même pas attendu de la voir grandir. Il s'était enfuit, lâche, et réfugié six pieds sous terre. Il lui avait interdit le droit de protester. Il lui avait retiré tout droit de le détester. Il ne lui avait accordé pas un seul regard en arrière. Pas un au revoir. Ni un adieu. Juste le silence. Ce silence mortel qui la poursuivait partout. Il n'avait pas le droit de la laisser tomber comme ça. Elle ne s'était jamais rendue compte qu'elle s'appuyait sur lui, vraiment. Elle était persuadée d'être un électron libre, un feu follet qui savait voler. Mais il en disparaissant, il lui avait révélé qu'elle avait en réalité des chaînes à ses pieds. Elle ne pouvait pas s'envoler. Elle avait trébuché, sans lui. Comme au ralenti, petit à petit, sans trop s'en apercevoir, jusqu'à ce qu'elle touche le sol dur et froid. Elle n'avait pas encore réussi à se relever. Les boulets aux bouts de ses chaînes la retenaient, la clouaient au sol, et elle ne parvenait pas à s'en débarrasser. Fallait-il une clé ? Ou bien fallait-il simplement les laisse glisser, tout doucement ? Elle l'ignorait. Mais elle aurait aimé retrouver cette sensation de feu follet. Elle le cherchait, chaque jour, elle montait son balai, grimpait aux arbres, comme avant, à la recherche de cette douce sensation d'antan. Mais elle n'en récoltait qu'une bride, un souvenir. Ce n'était pas assez. Ce n'était jamais assez. Et son fantôme revenait toujours, dans le reflet de l'eau.

Elle ne se rendit compte qu'elle-même avait également replongé que lorsqu'Alison la ramena dans le train. Elle lui demandait pourquoi elle ne voulait pas rentrer. Arya cligna des yeux, comme si elle venait de se réveiller. Que répondre à cela ? Ce sera le premier Noël sans papa. Et ce sera le chaos à la maison. Elle n'aimait le chaos que lorsque c'était elle qui en était l’œuvre.

« Je...heu... »

La raison ne pouvait pas se dire en mots. Et elle ne voulait pas le dire à l'oral. Ça rendrait les choses trop réelles. Et, peut-être que si elle en parlait, ça n'arriverait pas. Même s'il ne pouvait en être autrement, elle aimait penser qu'elle pourrait passer de bonnes vacances.

Pourquoi je fais semblant que tout va bien ? C'était une bonne question, surtout qu'elle n'avait pas la sensation de faire semblant que tout allait bien. Mais à cette question, elle pouvait répondre.


« Parce que mes sœurs, elles, n'y arrivent pas. »

Elle avait aperçu la tête de Sandy Et Madison en entrant dans le train. Un seul regard et elle avait détalé. Hors de question de passer le voyage en compagnie de deux fantômes. Elle en avait déjà un qui lui collait aux basques, ça suffisait amplement. Leurs têtes d'enterrements faisaient peine à voir et sidérait Arya. Elle s'était demandé si elle avait la même tête qu'elles.

En sachant comment elles devaient se sentir maintenant, elle savait que personne d'autre dans ce train ne devait se sentir pareil. C'était bien assez de pensées sombres. Nul besoin de plus.


Encore désolée pour le retard !

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

02 sept. 2020, 15:43
Retour en enfer  privé 
« Parce que mes sœurs, elles, n'y arrivent pas. »

C’était censé être une réponse ?
Visiblement.
Sauf qu’elle ne la comprenait pas.
A bien y réfléchir, peut-être que la fille ne l’avait jamais écoutée. Elle ne lui avait jamais vraiment répondu, noyé dans les tréfonds de son esprits.
Elle s’en fichait, de la gamine assise en face.
Elle avait ses problèmes, elle avait ses embrouilles, elle aussi.
Juste, pas le temps de s’occuper des larmes d’une mioche effrayée, minable et qui ne sait pas être forte.

Elle avait beau essayer d’inspirer le plus profondément possible, un énorme poids pesait que ses poumons, un peu plus lourd chaque seconde.
Peut-être que les battements de son cœur s’étaient accélérés.
Peut-être qu’elle s’imaginait ce poids.
Peut-être que tout ceci n’était qu’un rêve, idiot, où elle entendait ce qu’elle voulait entendre mais allait se réveiller dans un wagon vide chargé de rumeurs.

Elle entendait leur bruissement sourd pas loin, juste derrière la porte.
Des milliers de murmures aiguisés comme des lames, n'attendant qu'un instant de faiblesse en trop pour blesser.

Pourtant, elle les avait chassées en s'installant ici, dans ce wagon.
Elle n'avait pas fuit en la voyant recroquevillée sur elle-même, assaillie par leur vacarme, sa peur, son appréhension, et son dégout pour elle-même.
Elle disait détester les mensonges? A peine arrivée au château, voilà qu'elle se mettait à en inventer.
Elle disait vouloir être comme Eux? C'était tout bonnement impossible. Elle ne pourrait pas être à la hauteur. Jamais.
*Jamais.*


Puis lentement, elle crut rêver.
Elle crut que le temps s'était échappé beaucoup trop vite, que ce n'était qu'un ralentissement idiot sur la voie. Mais la fumée se fit plus légère, se soulevant en panaches élégants à travers la vitre.
Le train s’essoufflait moins, reprenait un peu sa respiration, avant de se donner un peu plus de prestance pour rentrer en gare.
En gare.
Là où Jack l'attendrai.

Quel avait été son premier geste le premier jour?
La foutre dans ce train partant pour l'Inconnu, entourée d'autres crétins, dont les yeux brillaient de joie à l'idée de se perdre dans un château immense.
Elle avait cru un instant qu'il y aurait des exceptions.
De belles exceptions, comme peut-être la fille du train, Ary, mais au final, ils se ressemblaient tous, non?

Elle aussi, elle allait se barrer après un dernier sourire?
Elle aussi, elle allait avoir un sourire en croissant de lune, une fausse promesse que tout irait bien, puis tournerait les talons?
Elle allait l'abandonner, aussi, comme la Rousse, la Bleue, celle du premier trajet à bord de ce train?
La laisser en proie aux rumeurs, au froid, aux Ombres, aux autres, éclipser le soleil, embrumer le monde en lui enlevant ses derniers scintillement ?

Elle ficha ses yeux verts dans ceux de la Rouge, attendant un signe, n'importe quoi, lui annonçant qu'elle n'allait pas la laisser tomber malgré l'arrivée du train, malgré l'imminence de retrouver ses parents, malgré les mots peut-être de trop, peut-être pas assez nombreux, mais jamais parfaits.
Imparfaitement imparfaite, Alison Morrow.

"A-ary, t'as pas peur?"

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

07 sept. 2020, 22:06
Retour en enfer  privé 
She was standing in the ashes


Aucune réponse à sa réponse. Elle n'en attendait pas. N'empêche, elle ne put s'empêcher de jeter un regard curieux à son interlocutrice. Comme à la recherche de quelque chose. Un petit je-ne-sais-quoi. Elle n'en savait rien. Juste pour vérifier. C'était elle qui lui avait posé la question, n'est-ce pas ? Elle ne savait plus trop.

Elle avait un jour entendu dire que les yeux étaient le reflet de l'âme. Elle n'osait s'avancer sur les questionnements de l'existence de l'âme, mais elle chercha tout de même quelque chose dans les yeux d'Alison. Elle voulait bien croire qu'un grand artiste ait pu dire ça un jour, elle voulait bien croire qu'il ait vu quelque chose dans le regard des gens, cette chose si particulière qu'il décrivait. Elle, avait beau regarder les yeux des gens qu'elle croisait, elle voyait juste... des yeux. Des globes oculaires. Une tâche de couleur au milieu de blanc. Des cils, autour. Mais pas une seule trace d'une quelconque âme. Peut-être un semblant d'émotions. Mais chaque fois, c'était le vide total qu'elle rencontrait, lorsqu'elle cherchait. Elle aurait voulu voir ce que les Autres voyaient. Elle aurait voulu apercevoir l'âme des gens. Elle aurait voulu être capable de la voir. Et elle se demandait si les Autres voyaient quelque chose, dans les siens. Dans le miroir, elle cherchait sa propre âme, parfois. Mais si elle existait, elle n'était pas chez elle. Elle ne rencontrait que deux billes vertes, légèrement effrayantes si elle les fixait trop longtemps.

Ce fut alors que le train ralentit. Arya l'entendit avant de le voir. Le crissement des freins était un son insupportable, et voir le paysage se préciser à travers la fenêtre ne lui était pas non plus très agréable. Elle avait presque la sensation de sentir la tension d'Alison se mélanger à la sienne, comme deux ondes de choc qui se fondent l'une dans l'autre. Peut-être qu'elles allaient faire exploser le train. Peut-être qu'avec leur tension à elles deux, elles allaient empêcher le train d'arriver à bon port. Peut-être que le train allait repartir et faire demi-tour. Peut-être qu'il allait s'envoler dans le ciel et les emmener dans un autre monde. Dans les nuages doux et cotonneux.

Mais non. Le voilà en gare. Disparu le beau paysage. Disparu le rêve. Disparu l'espoir. Elle rencontra le regard d'Alison, dans lequel elle ne voyait aucune trace d'âme non plus. Mais elle voyait autre chose.

Si elle avait peur ? Ses doigts tremblaient, son cœur battait si fort et si vite contre sa poitrine qu'elle se demanda un instant si trop de sang allait soudainement circuler dans ses veine set créer des cailloux qui l'empêchait de circuler et la tuerait, juste avant de sortir du train. Avec ce genre de pensée, elle ne pouvait pas nier l'évidence.

« Je crois que si. Mais on va faire comme si ce n'était pas le cas, hein ? »

Elle se leva, s'empara de la poignée de sa valise de sa main droite, puis tendit sa main dominante vers Alison, attendant qu'elle la prenne.

« Ben alors ? Tu pensais quand même pas que j'allais te planter là ! fit-elle en souriant doucement. »

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

16 sept. 2020, 19:25
Retour en enfer  privé 
Assise, encore, pas prête à se lever.
Se lever, attraper sa malle en hauteur, dévaler les marches, retrouver Jack, avec sa montre qui lui fichait les jetons, son regard brun chaud froid comme la glace, ses lèvres plissées.
Voir les idiotes qu’il a connu lui tourner autour.
Le trajet du retour, probablement dans une cheminée mal famée du chemin de traverse ou autre.
La poussière lui rentrant dans la gorge, la suffoquant, lui arrachant quelques larmes, l’éclair vert aveuglant ses billes déjà saturés de larmes grises.
Puis le retour chez Elle.
Avec ses parents, qui l’attendaient.
Retrouver le sarcasme de sa mère, la voix bourrue de son père, les petits lui donnant des coups de coude pour attirer son attention, Elizabeth plongée dans un bouquin moldu et l’ignorant royalement.
La routine lui tendait les bras.
Plus de bal foireux, plus d’estropiés dans les couloirs, plus de rumeurs à son sujet.
S’échapper du monde, revenir à la maison, laisser le château derrière elle.

Elle aurait dû être contente.
Elle aurait dû sourire, un peu, se dépêcher de prendre ses affaires, parler pendant le long trajet du retour.
Car tout le monde faisait ça, non ?
Tout le monde racontait les mois précédents, colorant les détails les plus noirs ou les assombrissant encore, en un fantastique jeu de lumière et de couleur.
Un beau récit polychrome.

Au lieu de ça, elle allait se taire.
Peut-être répondre à trois questions.
Essayer de ne pas se trahir.
*Je suis une Jaune.*

Elle sentait qu’elle avait besoin de le dire. D’entendre ces mots, de s’en persuader, de persuader Helga qu’elle ne la reniait pas totalement, qu’elle était attachée à sa maison, qu’elle était désolée de ce qu’elle avait dit à ses parents.
Mais certainement Helga ne pouvait pas comprendre.
Helga devait avoir une famille gentille, Helga devait pouvoir monter sur un balai, Helga devait avoir le droit de grimper dans les arbres pour en déloger les lutins de Cornouaille, Helga devait avoir une vie aussi resplendissante que les couleurs de sa maison.

Et les Rouges, alors ?
Ils avaient aussi une existence ensoleillée, où ensanglantée ?
Ils se réchauffaient avec le soleil ou se brûlaient les doigts avec le feu ?
Ils cachaient la vérité ou proféraient des mensonges ?

*Mensonges. *
Ce qu’elle allait devoir coudre pendant deux semaines.
Quelques petits jours insignifiants.
Faux.
Les quelques petits jours les plus longs de sa vie.
Elle devait juste trouver le *courage* de les surpasser.

Contact.
Chaud, dans sa main.
Elle releva brusquement la tête.
Elle croisa le regard un peu rieur.
Elle perçut les mots sans pour autant les entendre.
Et ce visage resplendissait, belle lumière dans Ses ténèbres, il luisait de milles soleils ravivés par leurs Mains.
Il y avait assez de Soleil pour deux.
Et il criait qu’il allait pas laisser tomber, qu’il l’accompagnerait, qu’il la soutiendrait, qu’il ne la lâcherait pas, qu’ils iraient ensemble au-delà de Noël, et qu’une fois les vacances finies, ils s’en iraient tous les deux narguer les Mensonges dans la lande, écouter le vent dans les branches, ressentir l’hiver à son apogée, se fondre dans la neige pour oublier, continuer à Étinceler même dans la Nuit, beaux Soleils Nocturnes, qu’ils anéantiraient le malheur, qu’ils décapiteront la tristesse, qu’ils repeindraient le ciel gris de milles couleurs, qu’ils partiraient à la recherche des rêves, qu’ils oublieraient jusqu’à l’abandon...
Silence dit souvent plus que tous les beaux Mots du Monde.

« Merci. »

Murmure, à peine une expiration normale franchissant le seuil de ses lèvres.
Elle ouvrit la porte, tenant toujours fermement la main d’Ary, résolue à ne la lâcher sous aucun prétexte.
Une foule de corps passait devant elles.
Des milliards de corps.

Qui allaient
Les engloutir
Les noyer
Avant de pouvoir poser
Un pied
Hors du train
Masse immense
Qui fluctuait en vagues
Infinie
Courant destructeur
Qui allait les broyer
Les étouffer
Et tout simplement
*Mourir*

Elle recula de deux Pas, minuscules vu la largeur de la cabine.

« Y-y a trop de monde... J’peux pas...»

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

24 oct. 2020, 23:29
Retour en enfer  privé 
In the end, promises are just words



Arya se demanda si ses sœurs allaient l'attendre sur le quai si elle mettait plus de temps qu'elles à sortir du train. Habituellement, elle les retrouvait à la fin du voyage, pour qu'elle puisse prendre le taxi ensemble. Même après la mort de leur père, qui tenait à ce qu'elles soient capables de rentrer de façon moldue par leurs propres moyens, elles avaient continué de rentrer de Poudlard de cette manière, comme si elles suivaient une tradition. Si elle tardait trop, est-ce que Sandy et Madison partiraient sans elle ? Curieusement, elle avait envie de tester, peut-être juste pour voir si elle était capable d'aller jusque-là. Juste pour voir s'il y avait une manière d'éviter de rentrer à la maison.

Mais elle repoussa vite cette pensée. Même si elle parvenait à se mettre complètement ses sœurs à dos, elles ne l'abandonneraient tout de même pas à Londres. Étrangement, ce constat la rassura un peu. Malgré le fait qu'elles n'avaient jamais été proches, elle et ses sœurs seraient toujours liées, d'une certaine manière. Elle ne l'admettait pas souvent, mais vivre dans une famille nombreuse avait un côté réconfortant, sécurisant. Elle espérait sincèrement que c'était ce côté qui ressortirait durant ces vacances. Elles en avaient certainement toutes besoin, pour le premier Noël sans lui. La Gryffondor avait envie de soupirer rien qu'en pensant aux têtes d'enterrement qu'elles afficheraient toutes.

Non, elle refusait de penser à cela. Pas tout de suite. Elle aurait tout le temps de se morfondre plus tard, dans le taxi, dans sa chambre. Dans le tombeau qu'était devenue sa maison. Pour le moment, elle pouvait s'autoriser de faire comme si ça n'existait pas. Comme si elle était simplement une petite fille comme une autre, avec des rêves. Comme si son ciel ne s'était jamais assombri. Elle en était capable, elle le savait. Bien sûr, ignorer les gouttes de pluie n'avait rien d'anodin, n'avait rien de facile. Lorsque les gouttes glacées coulaient dans son cou, dans son dos, il était difficile de se retenir de grimacer, juste un peu. Mais elle pouvait se contrôler. Elle pouvait imaginer que le soleil était là, juste au-dessus d'elle, et faire comme si les nuages n'étaient que de passage.

Oui, elle pouvait le faire. Elle n'avait pas de parapluie, mais elle pouvait faire sans.

Et elle savait qu'Alison pouvait en faire autant. Cette force, elle semblait épuisée, trop bien cachée. Mais elle était bien là, à portée de main. C'était une certitude. Pourquoi serait-elle encore debout, sinon ?

Main dans la main, elles jetèrent un coup d’œil hors de leur compartiment. Arya en eut le vertige un instant, devant tout ce monde. Elle avait oublié que le train pouvait accueillir tant de personnes. À vrai dire, seules dans cette cabine, elle avait la sensation que le train roulait seulement pour elles deux, comme si elles étaient privilégiées. Ce brusque changement d'échelle avait de quoi étourdir n'importe qui.

Alison dû le sentir aussi, car elle recula, et son geste rappela à Arya celui d'un animal se sentant en danger. Elle bafouilla des mots, que la Gryffondor n'eut aucun mal à comprendre. Elle-même sentait quelque peu sa détermination fléchir. Mais quelque chose l'empêchait de s'écrouler. Sa main dans la sienne, elle ne pouvait pas l'abandonner.

Alors elle se tourna vers elle, reprit son sourire.

« Si, tu le peux. Je le sais. »

Elle jeta un nouveau coup d’œil au couloir du train, encore bondé.

« On va juste attendre que le couloir se vide, un peu, d'accord ? Et ensuite, tu vas faire face. Comme moi. Sinon moi aussi je vais couler. Alors on se laisse pas tomber, OK ? »


Désolée pour cet affreux retard...

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046