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08 mars 2018, 16:45
 RPG   PV  Une baguette et un os croisés
43. L’HOPITAL POUR LES MALADIES ET BLESSURES MAGIQUES


Une lettre cachetée, arborant l’emblème de Ste Mangouste, arriva à Poudlard quelques jours seulement après le nouvel an. Destinée à Aude Luneau — ce qui était une première surprise — la lettre rédigée dans un ton formel l’invitait à bien vouloir accepter un entretien d’ordre privé, une semaine plus tard, avec la célèbre directrice de l’établissement magique, Hannah Abbot. La lettre, signée du secrétariat central de l’hôpital, n’indiquait absolument rien quant aux motivations de la directrice. Intriguée par tant de mystères, Aude Luneau présenta la lettre à sa compagne. Tout aussi étonnée par son contenu, Kristen Loewy lui décrivit la Hannah Abbot qu’elle avait, deux ans auparavant, rencontrée au cours du dîner de la société des femmes d’état de Grande-Bretagne. Rassurée, mais pas complètement, Aude Luneau insista pour que sa compagne soit du voyage…

*

« Aude Luneau et Kristen Loewy, nous avons rendez-vous à quinze heures avec madame Abbot, déclarai-je au mannequin miteux de la vitrine de Purge & Pionce Ltd. »

« Entrez, je vous prie, répondit le mannequin. »

Je jetai un regard anxieux autour de moi pour m’assurer qu’aucun Moldu ne pouvait nous voir, et libre d’agir je traversai la vitrine sans ménagement pour me retrouver dans le hall d’accueil de l’hôpital Ste Mangouste. La vitrine abandonné n’avait beau être qu’un artifice visuel, visant à détourner l’intérêt des Moldus pour le bâtiment, je ne pus m’empêcher de remettre de l’ordre dans ma coiffure comme si je venais de traverser un couloir envahit par les toiles d’araignées.

Un coup d’oeil rapide sur la file d’attente qui pointait devant le comptoir de l’accueil me fit dire que la journée devait être relativement tranquille pour les employés de l’hôpital… bien qu’un sorcier d’un certain âge semblait éprouver quelques difficultés à trainer l’une de ses jambes métamorphosée en patte d’éléphant.

« Le bureau de la directrice se situe au cinquième étage, mesdames ! déclara la sorcière d’accueil en nous avisant du coin de l’oeil. Prenez le couloir à droite de l’entrée du salon de thé ! »

La patiente qui lui faisait face tourna vers nous un regard éteint. Ses oreilles ressemblaient non seulement à des choux de Bruxelles… mais elles en avaient également la couleur.

« Très bien, merci beaucoup ! dis-je en entraînant Kristen vers l’ascenseur. Tu as vu les oreilles de cette pauvre femme ? la questionnai-je, une fois à l’intérieur de la cabine. Je me demande ce qui lui est arrivée… elle semblait si abattue… »

Après une courte attente, la cabine nous ouvrit les portes du cinquième étage. N’eussent été les patients en blouse blanche et les membres du personnel en blouse verte, l’endroit aurait pu passer pour un salon de thé tout à fait charmant. Moi et Kristen nous engageâmes dans le couloir indiqué par la sorcière d’accueil. Il ne nous fallut guère plus de vingt pas pour parvenir à la porte du bureau de la directrice de l’établissement. Une porte qui était gardée ouverte par une pile de cartons.

Nous échangeâmes un regard interrogateur ma moitié et moi avant que la silhouette enrobée d’une sexagénaire aux cheveux grisonnants ne déboule devant nous, les bras croulant sous le poids d’un carton au bord de la déchirure.

« Madame Luneau ! Professeur Loewy ! Quoi, il est déjà quinze heures ? Par Merlin où j’avais la tête… venez, entrez donc ! »

La petite femme déposa le carton sur la pile déjà bien chargée avant de s’éponger le front.

« Vous déménagez ? demandai-je en remarquant que l’intérieur du bureau était sens dessus dessous. »

« Et comment ! Je n’en vois plus le bout… et puis ça vous laissera la joie de décorer cette pièce à votre goût. »

Ma mâchoire se décrocha légèrement. Un énorme caillou bloqua au même moment les rouages de mon cerveau. Comme toujours dans pareille situation, je cherchai à établir un contact visuel avec Kristen.

« Ah oui, euh pardon… c’est un peu brut… asseyez-vous toutes les deux, poursuivit Abbot, l’air un poil embarrassée. Je vais nous servir le thé, tiens. Ainsi, nous serons dans de bonnes dispositions pour discuter ! Hum... oui voilà... en premier, les tasses ! »

J'étais sidérée.
08 mars 2018, 22:47
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Kristen ne savait pas trop pourquoi elle était là, à s’interroger sur les métamorphoses que mériteraient de subir ses élèves les plus turbulents : comme cette sorcière, des oreilles-choux-de-Bruxelles ? Comme cet homme, une patte d’éléphant ? Les sorciers ne manquaient pas d’imagination, aussi se permettrait-elle de leur en piquer un peu. Bien sûr, Kristen n’avait jamais vraiment puni un élève par la métamorphose. Ce n’était pas tant une question de bienséance pédagogique qu’une envie de rester loin des embrouilles avec les parents d’élèves. L’envie de remplacer les cheveux de certains par un potager ne lui manquait pourtant pas. Bref, elle n’eut aucune compassion pour la femme aux oreilles-choux, mais feint d’en avoir pour donner l'impression de posséder un cœur normalement arrangé aux yeux de sa compagne. C’est-à-dire qu’elle esquissa un faux petit sourire désolé qui ne la bernerait sans doute pas.

Elle était ici, à Sainte-Mangouste, parce qu’Aude avait insisté pour qu’elle vienne et Kristen ne pouvait absolument rien lui refuser. C’était comme ça, cette femme la menait à la baguette (sans mauvais jeu de mot). Mais pourquoi Aude devait y aller resta mystérieux, du moins jusqu’à ce qu’elles croisent la route de Hannah Abbot.

Kristen se laissa guider, se demandant si elle finirait un jour clouée dans l’un de ces lits, vieille et la chair fripée et dégoulinante, les cheveux uniformément blancs, le dos plié, les jambes fracassées et les genoux tordus, les bras bleus, veinés sous la peau translucide, plus la force de sourire, un dégoût de la vie et la nostalgie morbide d’une jeunesse qui est partie trop loin, trop vite. Elle n’aimait pas beaucoup cet endroit, comme elle détestait toutes les images qui pouvaient de près ou de loin renvoyer à l’inévitable fin de toute vie humaine, et plus important, de la sienne. Vieillesse, faiblesse, mort, des mots à cacher sous terre en espérant, un peu bêtement, qu’on ne les y rejoindra jamais. Elle frémit, leva les yeux vers sa mèche blanche, inspira par les narines tout cet air d’hôpital et tâcha de s’attacher plutôt au fond qu’à la forme.

Elle suivit Hannah Abbot du regard avant de poser ses yeux bleus sur ceux d’Aude. Elle esquissa un petit sourire. On l’avait compris, même avant le thé : Aude se voyait proposer une place importante à l’hôpital Sainte-Mangouste. En fait, la place la plus importante.

« C’est très bien, n’est-ce pas ? dit-elle à voix basse, ce qui la rendait un peu plus grave. »

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09 mars 2018, 18:45
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44. TOMBÉE SUR LA TÊTE


« Très-bien ? articulai-je, sans émettre le moindre son. »

J’eus beau chercher une étincelle de fièvre dans le regard de Kristen — non sans inquiétude — je n’y décelai rien d’anormal. Par tous les saints, est-ce que tout le monde était tombé sur la tête ? Je reportai vivement mon regard sur Abbot quand elle fit apparaître un service à thé sur son bureau. Elle non plus ne semblait pas fiévreuse, peut-être simplement folle… mais le doux sourire qu’elle me servit me fit aussitôt regretter cette pensée. Mal à l’aise, je tentai de trouver une position plus confortable en m’asseyant sur l’une des chaises mises à notre disposition.

« Je peux vous appeler par votre prénom ? »

Assise tranquillement sur ma chaise, j’essayai de remettre de l’ordre dans ma tête pour mieux analyser la situation. Le regard fixe d’Abbot me ramena violemment à la réalité.

« Pardon ? »

« Hum… je disais, est-ce que cela ne vous dérange pas si je vous appelle par votre prénom ? »

« Non-non allez-y, répondis-je avant d’embrayer. Vous n’étiez pas sérieuse à l’instant, rassurez-moi ? »

Se fut au tour d’Abbot d’être mal à l’aise. Je la regardai chercher l’appuis de Kristen du coin de l’oeil, mais elle devait bien mal la connaître pour croire qu’elle dirait quoi que ce soit dans ces circonstances.

« Hum… je dois malheureusement quitter mon poste… un nouveau bureau m’attend au ministère, répondit-elle, un sourire forcé, mais vraisemblablement sincère, sur les lèvres. Mais… hum… je ne pouvais pas quitter l’hôpital sans m’assurer qu’une personne digne de confiance le reprendrait. J’ai épluché un nombre totalement fou de dossiers, rencontré plusieurs personnes, mais aucune ne m’a donné pleine satisfaction. Aucune sauf vous, Aude. »

Si cette bonne femme avait toute sa tête — ce qui semblait être malheureusement le cas — elle disposait nécessairement d’informations à mon sujet pour avancer de tels propos. Sans que je ne m’explique tout à fait pourquoi, la simple idée qu’elle ait volontairement, ou non, cherché à en savoir davantage sur moi, sans me consulter, me révulsait. Je détournai les yeux de mon interlocutrice, de peur qu’elle n’y lise mon ressentiment, et posai un regard de biche égarée sur Kristen.

« En désespoir de cause… poursuivit Abbot. J’ai contacté des amis et il s’avère que je connais bien l’un de vos anciens professeurs, madame Florianne. C’est elle qui vous a recommandé. D’après elle, vous êtes la meilleure élève qu’elle n’ait jamais eue en cours de guérison… et hum… je dois dire que la façon dont vous avez dirigé Beauxbâtons est… »

« Arrêtez ça tout de suite. »

Le son de ma voix me sembla presque étranger à moi-même. Il y eut un silence — trop long à mon goût. En ramenant mon regard sur Abbot, je fus surprise de constater qu’elle me souriait toujours malgré le ton sec que je venais d’utiliser.

« Je vais chercher le thé, dit-elle en se levant. Je vous laisse y réfléchir à tête reposée. »

En écoutant ses pas s’éloigner, je pris pleinement conscience de ma crispation et poussai aussitôt un soupire pour me détendre. Autre nécessité, je tendis ma main vers celle de Kristen.

« Qu’est-ce que je suis censé faire ? lui demandai-je à mi-voix. »
11 mars 2018, 19:21
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Kristen suivait l’échange en faisant aller son regard d’une personne à l’autre, un peu bêtement. Elle plissait les yeux quelquefois, s’étonnait des réactions d’Aude, tournait les yeux vers la pauvre vieille Abbot qui ne savait plus où se mettre. Quand celle-ci s'éclipsa, Kristen prit machinalement dans sa main celle qu’Aude lui tendait – elle faisait néanmoins toujours attention à ne pas trop impliquer sa main pourrie par la magie noire – et fit des petits ronds hésitants avec son pouce sur la peau de sa compagne. Elle réfléchissait.

« Ce qui te semble le mieux, mais… »

La danse des cercles sur peau s’arrêta un instant, puis reprit au même rythme.

« Cela me paraît être belle opportunité et je crois que ça te correspondrait bien. »

Elle se pencha un peu en avant capta son regard. Les yeux d’Aude Luneau étaient tout un univers. Un univers relativement simple, mais plein de constellations éclatées.

« Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée de te consacrer à quelque chose de nouveau, ajouta-t-elle. »

Kristen quitta l’espace étoilé des iris de sa compagne et les reporta sur son environnement terrestre, bulle administrative dans le grand globe maladif de l’hôpital Sainte-Mangouste. Elle observa chaque recoin de la pièce dans l’idée qu’elle traiterait les informations reçues par son cerveau plus tard, en cas de besoin. Elle s’arrêta sur le point qui lui semblait le plus éloigné d’elle.

« En revanche, tu es bien censée me dire tout ce qui te préoccupe, dit-elle d’une voix neutre accordée à son regard fixe. »

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12 mars 2018, 17:13
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45. UN LONG PARDON


Kristen semblait réellement emballée par l’opportunité qui m’était servie sur un plateau d’argent. J’en restais bouche bée. Peut-être y voyait-elle quelque chose qui échappait totalement à ma perception, quelque chose de vraisemblablement positif. Je ne savais pas quoi en penser. Nous vivions jusqu’à maintenant des jours paisibles sous les toits de Poudlard, et voilà que du jour au lendemain, une personne que je ne connaissais même pas venait tout chambouler en me proposant la direction d’un hôpital alors que je ne disposais d’aucune formation qualifiée de médicomage ou de guérisseuse… et quand bien même ce n’était pas ce qu’on me demandait, la Mort jetait encore  une ombre funeste sur une partie de mon esprit. Je n’avais pas oublié. Loin de là.

La perspicacité avec laquelle Kristen pointa mes manquements me laissa songeuse et, je dois bien l’avouer, honteuse. Se figurait-elle que je lui cachais quelque chose par volonté propre ? Cette seule idée me répugnait. Je lui répondis sans prendre de gants :

« C’est de la folie. Kristen, je ne suis jamais parvenu à sauver qui que ce soit… »

Mes mains s’étaient crispées sur les accoudoirs de ma chaise.

« La pauvre Marie… Ingrid… dis-je, deux ou trois tons plus bas, mes yeux tournés vers le sol. Même pour ma propre personne, je n’ai pas réussi… on comptait sur moi et je n’ai pas réussi… »

M’entendre le dire rouvrit des blessures enfouies : de celles qui n’avaient cessé de saigner tout au long de mon enfance à celles, plus récentes, que les corps inanimés de deux innocentes, deux amies, avaient ouvert à la hache.

« Cette pauvre femme ne sait pas à quel point j’ai échoué, poursuivis-je en regardant le bureau devant moi. Si elle le savait, nous ne serions pas ici… comment… »

Je me sentis soudain à bout de forces. J’en soupirai.

« … comment peut-on me faire confiance ? Comment je peux me faire confiance, après tout ce qui s’est passé ? »

Les réponses à ces questions échappaient totalement à mon imagination. Le temps d’un court instant, il me vint l’idée de fuir cette situation et ce bureau presque totalement dépouillé de son contenu. Mais une force irrésistible conserva mes deux pieds encrés dans le sol. Cette force était assise à côté de moi, et comme toujours, elle était amenée à me donner une énergie inespérée dans les plus grands moments de doute.
12 mars 2018, 23:15
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Kristen écouta, dents serrées. Ses yeux débordaient d’intransigeance tandis qu’elle fixait Aude. Elle avait cette expression de quelqu’un qui n’est pas du tout réceptif à une blague censée être hilarante. Chaque mot prononcé par Aude était une goutte d’eau dans la grande fiole qu’était Kristen, et quand cette grande fiole déborderait, il vaudrait mieux se tenir droit. Quand Aude termina son mea culpa, Kristen soupira volontairement trop fort. Puis, avec un regard toujours aussi sévère, elle attrapa Aude par l’épaule et la força à la regarder droit dans les yeux.

« Est-ce que je demande un peu de potion d’Aiguise-Méninges à rajouter dans ton thé, ou ça ira ? »

Elle claqua sa langue, relâcha Aude et croisa les bras, visiblement vexée. Ses sourcils étaient toujours froncés.

« Ou une potion de Mémoire, peut-être ? Qu’est-ce que tu préfères ? »

Elle soupira encore, et si bien, cette fois, que ses épaules firent un mouvement du haut vers le bas.

« C’est grâce à toi que nous avons pu aller à Beauxbâtons avant que tout ne soit détruit. Que serait-il arrivé si tu n’avais pas été là pour tous nous y conduire ? »

Kristen ne supportait pas qu’une femme si exceptionnelle qu’Aude Luneau se dénigre ainsi. Elle ne supportait pas qu’une image du succès lui parle d’échec. Elle n’avait pas le droit d’employer ces mots devant elle, ce n’était presque pas juste. Et puis, où étaient passées ses belles paroles de réconfort du lendemain des événements de Beauxbâtons ? Tout était envolé, c’était une rechute ?

« Il n’y a pas une nuit où je ne pense pas à ce que j’aurais pu faire pour sauver Arseni. Et alors ? Tu as oublié ce que tu m’as dit, que tu voulais te trouver un nouveau travail, parce qu’on avait le devoir de vivre notre vie jusqu’au bout, en hommage à ceux qui sont partis trop tôt ? »

Ses sourcils étaient toujours froncés, mais son visage s’adoucit un peu. Elle regarda volontairement dans la direction opposée à sa compagne.

« Je connais quelqu’un que tu as réussi à sauver, et elle est vexée que tu l’aies oubliée. »

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13 mars 2018, 19:52
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46. UN PAS EN ARRIÈRE POUR UN BOND EN AVANT


J’avais creusé ma propre tombe, comme une idiote. En bonne compagne, Kristen me poussa délicatement à l’intérieur de la boite pour me faire apprécier l’étroitesse de mon raisonnement. J’encaissais sans rien dire car tout ce qui pouvait sortir de ma bouche était désormais superflu. Je me sentais comme une enfant prise la main dans le sac à qui on passait un sacré savon. Un savon mérité. Ce sentiment désagréable se transforma en malaise à l’écoute de sa dernière réplique, malaise qui vira à l’angoisse quand je vis que Kristen regardait volontairement dans une autre direction. Je l’avais vexée.

A cet instant, j’aurais souhaité rétablir le contact et lui présenter mes excuses, mais c’est le moment que choisit Abbot pour revenir avec une théière fumante entre les mains. Je m’enfonçai dans mon siège et jetai un nouveau coup d’oeil du côté de Kristen, en vain. Elle regardait toujours ailleurs. Je soupirai discrètement et croisai mes mains sur mes cuisses.

Kristen avait raison. Les morts tragiques de Beauxbâtons n’étaient pas plus de mon fait que la maladie qui avait failli me terrasser plus d’une fois avant que ma route ne croise celle de Kristen. Me rendre coupable de leur existence revenait à me rendre coupable de l’existence même du hasard et des circonstances. Un non-sens, une fois de plus.

Si mon embarras était à son maximum, l’aveu de Kristen au sujet de la mort de son ami me remuait les entrailles. Voilà que je me sentais comme une hypocrite… nous avions toutes les deux nos lots de regrets à porter sur nos épaules, et je m’étais permise de placer les miens sur le devant de la scène, comme s’ils étaient plus importants que les siens. Ce qui n’était pas vrai ; j’espérais maintenant qu’elle n’était pas arrivée à la même réflexion car c’était là un bon moyen de me rendre complètement malade.

« Merci, dis-je à la directrice Abbot qui venait de nous servir le thé, son éternel sourire aux lèvres. »

Le silence qui pesait entre moi et Kristen était horrible. Je ne le supportais pas.

« J’ai pris ma décision, ajoutai-je subrepticement. Mais juste un petit instant je vous prie. »

Je me tournai entièrement vers Kristen et posai ma main sur son avant-bras pour l’obliger à me regarder droit dans les yeux.

« Je suis une parfaite idiote et je te demande pardon. »

Sans même attendre de réponse de sa part, je me tournai vers la directrice Abbot en lui offrant mon plus beau sourire.

« J’accepte le poste ! »

« Ô par Merlin ! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point vous me sauvez la vie ! s’enthousiasma Abbot après être restée béate devant mon intervention auprès de Kristen. »
18 mars 2018, 00:21
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Kristen avait bien conscience d’avoir été très dure dans ses propos. Elle était comme ça. Aude le savait, de toute façon, même si elle n’avait que rarement l’occasion de l’expérimenter elle-même. Le contact de sa fine main contre son avant-bras fit tourner la tête de Kristen, pour se confronter au regard de sa compagne. Elle remarqua d’emblée la détermination dans ses yeux et accepta ses excuses d’un faible mouvement, les jugeant même un brin superflues. Aussitôt, Aude accepta le poste qui lui était proposé. Kristen ne prenait pas encore tout à fait la mesure des conséquences de cette décision. Elle verrait sans doute moins Aude, en tout cas la semaine. Peut-être passerait-elle son temps à s’inquiéter pour elle : s’il y avait un jour eu une attaque au Ministère, pourquoi pas à Sainte-Mangouste ? Et si elle attrapait une maladie par le biais d’un patient gravement atteint, et que l’hôpital devait être mis en quarantaine ? Fort heureusement, Kristen n’en était pas encore là, et elle faisait assez confiance à Aude pour tout surmonter, quand bien même elle espérait qu’il n’y aurait rien à surmonter du tout.

Kristen remercia Hannah Abbot pour le thé d’un sourire et d’un hochement de tête et saisit sa tasse.

« Ainsi, il y a du mouvement au Ministère ? demanda Kristen sur le ton de la conversation. »

Elle souffla sur son thé trop chaud. Le thé, pour elle comme pour toute anglaise qui se respecte, était un culte. Il agrémentait une conversation, réveillait l’esprit, créait un moment de partage et rendait tout très digne et respectable.

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19 mars 2018, 18:52
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47. UNE LANGUE-DE-PLOMB


La façon dont Kristen reprit le fil de la conversation suffit à m’assurer que la page était bel et bien tournée, que rien de tout ce qui nous avait précédemment opposé ne perdurerait dans nos mémoires. J’en éprouvais du soulagement, mais aussi de l’admiration. Kristen ne cessait de me surprendre. Cette fois, par son pardon sans condition. Il était ferme et résolu, comme une promesse sur laquelle il était inutile de s’éterniser une fois qu’elle était prononcée. Je souriais en moi-même. Dire qu’une femme si extraordinaire était pour moi.

« Blackwave redistribue les cartes ! s’exclama Abbot. Ce n’est pas un politicien pur et dur. Je suppose qu’il tient à ce que le ministère lui ressemble un peu, en ce sens. Il est parti à la recherche de nouveaux visages qui n’entendaient pas embrasser une carrière au ministère, des gens comme vous et moi. Il trouve les institutions poussiéreuses. Il n’a d’ailleurs pas hésité à remercier celles et ceux qui prenaient la poussière avec elles depuis un certain nombre d’années. Depuis Mordoch, peut-être bien. Blackwave entend que le ministère soit un peu plus à l’image de la communauté qu’il représente. »

Se rendant compte qu’elle avait beaucoup parlé, et très vite, Abbot rougit en saisissant sa tasse de thé entre ses doigts boudinés. Je lui souriais toujours, savourant sa simplicité malgré le désintérêt profond que j’éprouvais à l’égard du ministère. Tous les souvenirs qui me rattachaient à lui étaient sombres et malheureux. De plus, il me semblait qu’au moment d’accepter le poste de directrice de Ste Mangouste, les préoccupations qui accompagnaient le dit poste s’étaient mises à cogner contre les portes de mon cerveau. Je ne connaissais, certes, pas encore leur nature, mais je pouvais clairement sentir leur présence à l’orée de mon esprit. Depuis, plusieurs questions me brûlaient les lèvres, mais Abbot referma une nouvelle fois la fenêtre de tir.

« Vous avez devant vous une Langue-de-plomb, professeur, annonça-t-elle en affichant un sourire qui se voulait sans doute énigmatique mais qui me parut plutôt comique. Je ne prends aucun risque à vous dire ceci, mais je m’en vais prendre la tête d’un laboratoire. »

Sa fierté était si enfantine que je ne pouvais m’empêcher de la trouver touchante, à sa façon. Je ne m’appesantis pas sur cette constatation, ne souhaitant pas lui laisser l’opportunité de me couper une fois de plus dans mon élan.

« Excusez-moi, mais y a-t-il quelque chose que je dois impérativement savoir avant de prendre mes fonctions ? »

Abbot cligna plusieurs fois des yeux, les joues de nouveau roses.

« Et bien… madame la directrice, tout ce que vous devez savoir se trouve là… hm, dans ces cartons… »

Suivant son doigt, j’arrêtai mon regard sur la pile de cartons qui maintenait la porte du bureau ouverte. Ma mâchoire se décrocha légèrement.

« Je crois qu’il va falloir sérieusement songer à agrandir nos appartements pour y aménager une salle des archives, déclarai-je à Kristen, secouée d’un petit rire nerveux. »
19 mars 2018, 21:51
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L’enthousiasme de la nouvelle-ex-directrice de Sainte-Mangouste amusa Kristen, qui s’autorisa un petit sourire en coin avant de plonger tête la première dans son thé. Blackwave semblait être un Ministre convaincant. Il suivait la logique « antisystème » qui n’était apparemment pas démodée, des années après la première apparition du terme en politique. Un instant, Kristen se demanda si ce ministre-là plaisait à Aidan et sa bande. Le fait d’embarquer dans les aventures du Ministère des « gens comme vous et moi », Kristen l’avait déjà expérimenté. Blackwave lui avait demandé de prendre la tête d’une armée, rien que ça. Elle n’avait d'ailleurs encore donné aucune réponse.

Kristen était en train de boire une nouvelle gorgée de thé quand Abbot annonça fièrement qu’elle était une Langue-de-plomb. La directrice de Poudlard manqua de s’étouffer et reposa sa tasse. Elle tapota les coins de sa bouche du dos de sa main, dissimulant à peine un nouveau sourire moqueur.

On passa un moment sur la prise de fonctions d’Aude et sur ce que cela impliquait. Kristen fut ravie de la remarque d’Aude sur leurs appartements et pensa qu’elles auraient l’occasion de discuter de l’organisation de leur vie privée une fois de retour à Poudlard. Cela s’annonçait plutôt bien. Étrangement, il ne semblait pas y avoir de coup fourré dans toute cette histoire, ce qui était assez rare pour être souligné. On discuta encore des modalités de prise de fonctions d’Aude, même si tout semblait devoir être expédié au plus vite.

Le thé et la conversation se finirent et on décida qu’il était temps de partir. Se levant, Kristen récita les formules de politesse habituelles. Près de la sortie, elle s’autorisa néanmoins une petite fantaisie, sourire ironique aux lèvres :

« Je ne sais pas si c’est de plomb que j’aurais qualifié votre langue, mais… félicitations. »

Abbot répondit qu’on ne la qualifierait en tout cas pas de langue de bois, on se dit à nouveau au revoir et bon courage. C’était une fin banale pour une journée de grand changement.

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