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17 oct. 2018, 20:38
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
PROLOGUE

« C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien. »


12 décembre 2005

Philonoe Hammond avait intégré l’établissement Sainte-Magouste depuis près de vingt-quatre heure et elle commençait à trouver le temps long. Il s’agissait de sa première grossesse. Elle avait décidé dès le quatrième mois qu’il s’agirait aussi de la dernière.
Quand les premières contractions commencèrent, son mari Alexandre fut appelé à la rejoindre. Le travail fut rapide, ce qui laissa à peine le temps au père d’enlever sa cape d’hiver avant de tenir son enfant dans les bras.
C’était un bébé à la peau pâle comme de la porcelaine et aux cheveux d’un blond presque blanc. Il semblait déjà vouloir s’effacer, se rendre invisible. Même ses yeux, pour l’instant encore cachés derrière ses paupières, étaient d’un bleu-gris tirant presque vers le blanc. Mais ce que remarquèrent en premier ses parents n’étaient pas sa fragilité apparente : ce fut sa voix. L’enfant, respirant pour la première fois, expulsa la douleur de cette expérience en criant.
« Alexandre, je t’en prie, éloigne-la. Je suis déjà suffisamment fatiguée par cet accouchement… soupira Philonoe.
Son mari emmena la fillette plus loin puis la confia à une infirmière :
- Quand vous la ramènerez, pourrez-vous vous assurer qu’elle soit calme ? Ma femme a besoin de repos. »
Alexandre Hammond n’était pas homme à qui l’on disait non, aussi l’infirmière s’exécuta. Elle administra les soins au bébé, vérifia que tout était en ordre et attendit que la petite fille soit silencieuse pour la ramener auprès de sa mère.

Irene Hammond n’avait pas le don de double vue. Pourtant, dès ses premiers instants, elle comprit que la volonté de ses parents aurait de grandes conséquences sur sa propre vie.


Plongeons dans ces moments d'existence.

Acquis
Obéissance : +5
Retenue : +2

Ça va être une grande, grande, grande journée !

21 oct. 2018, 18:23
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
ACTE I
MON NOM EST PERSONNE

13 octobre 2012
Domicile des Hammond, Londres

« Brownie, où en est la cuisson du rôti ?
Les oreilles de l’elfe tressaillèrent. Le ton cassant de Philonoe Hammond avait toujours eu le don d’effrayer les elfes qu’elle employait. Ils n’étaient pas moins de trois à travailler d’arrache-pied depuis le lever du jour pour préparer le dîner mondain qui aurait lieu dans quelques heures. Le couple Hammond faisait partie de la haute société des sorciers : ils vivaient principalement de leurs rentes et passaient le plus clair de leur temps à recevoir ou à être eux-mêmes invités. Afin de conserver leur statut social, ils s’évertuaient à préparer (ou plutôt à faire préparer) des dîners dignes de ce nom.
- Il sera prêt pile à temps pour le dîner, Madame Hammond, répondit Brownie.
- Et la table ? Je ne l’ai pas encore vue mise… souleva Philonoe.
Brownie, qui était justement en train de prendre la vaisselle avant d’être interrompu, couina :
- Tout de suite, Madame Hammond.
Il fit un signe à son fils pour qu’il vienne l’aider. Quand Philonoe Hammond demandait quelque chose, elle devait l’obtenir, et tout de suite.

En se dirigeant vers la salle à manger, les elfes croisèrent Irene Hammond. La petite fille avait bien grandi mais pas tellement changé : ses cheveux restaient aussi pâles que sa peau diaphane. Elle leva ses yeux gris vers sa mère qui s’avançait vers elle. Bien qu’elle la fréquentât depuis maintenant six ans, Irene ne s’était toujours pas complètement habitué à la démarche impérieuse de Philonoe. L’âge, pourtant, tendait à la rendre de moins en moins docile.
- Irene, ne traîne pas dans les pattes des elfes. N’as-tu donc rien d’autre à faire ?
Irene baissa la tête mais osa répondre :
- Je m’ennuie. Pourquoi Hooky ne peut pas jouer avec moi ?
- Je te l’ai déjà dit, Hooky travaille. Ne va pas le déconcentrer.
Philonoe s’éloigna sans plus de formalités.
Cependant, Irene ne se découragea pas. Une fois sortie du regard de sa mère, elle alla retrouver le petit Hooky, l’enfant de Brownie.
- Tu fais quoi Hooky ? chuchota-t-elle, le faisant sursauter.
- Je mets la table pour Monsieur, Madame et leurs invités, répondit-il de sa voix aiguë en jetant des regards inquiets autour de lui. Vous devriez aller vous préparer vous aussi, Mademoiselle, pour être jolie et charmante quand ils arriveront.
Irene se renfrogna. Elle n’avait pas envie d’être jolie et charmante. Elle voulait jouer.
- Hooky, on fait un saute-dragon ?
L’elfe s’apprêtait à refuser quand une ombre s’abattit sur eux.
- Irene ! Si je te revois une seule fois en train de déranger les domestiques, je m’occuperai moi-même de te faire taire.

Irene avait passé le reste de sa journée à s’ennuyer. Elle s'était laissée coiffer et avait enfilé la robe choisie par sa mère sans rechigner (ou presque : elle avait attendu d’être seule avec les elfes pour geindre que le tissu la démangeait et que les pinces lui tiraient les cheveux). Quoiqu’il en soit, Philonoe n’avait pas eu à se plaindre d’elle à nouveau. Pourtant, peu de temps avant que les invités n’arrivent, Irene commença à s’agiter. Alors que tout le monde autour d’elle fignolait avec soin les derniers préparatifs, elle gigota dans sa jolie robe rose.
- Maman, Hooky peut jouer avec moi ? demanda-t-elle.
Sans même lui jeter un regard, Philonoe rétorqua :
- Non.
- Pourquoi ?
- Ne discute pas, Irene.
- Mais je veux aller jouer !
La petite fille commença à s’énerver et à pleurnicher. Plus sa mère l’ignorait, plus les pleurs d’Irene s’intensifiaient. Au bout de quelques instants, Philonoe se tourna vivement vers sa fille.
- Irene, tais-toi. Comporte-toi en adulte, je n’ai pas le temps pour tes enfantillages.
Mais elle ne s’arrêta pas. Devant l’absence de succès de sa femme, Alexandre Hammond, qui venait d’entrer dans la pièce, soupira et sortit sa baguette.
- Nous ne présenterons pas une petite fille bruyante et désobéissante à nos amis ce soir. Silencio.
La voix d’Irene disparut. Elle essaya pourtant de crier plus fort mais aucun son ne sortit de sa gorge.

Plus tard dans la soirée, les invités, à table depuis deux bonnes heures, passèrent au dessert. Irene, toujours aphone, était assise entre sa mère et une femme ronde.
- Qu’elle est adorable, dit celle-ci. On ne l’a pas entendue de la soirée. Vous l’avez vraiment bien élevée, ma chère Philonoe.
Cette dernière sourit, satisfaite, tandis que son mari affirmait :
- Nous nous évertuons à enseigner les bonnes manières à notre fille. Les enfants doivent apprendre à respecter les adultes et à rester à leur place. N’est-ce pas, Irene ? »
La petite fille baissa la tête, vaincue. Autour d’elle, tous bavassaient, parlaient de tout et, surtout, de rien. Elle, bien entendu, restait muette.

Acquis
Docilité : +4
Discrétion : +3

Ça va être une grande, grande, grande journée !

23 oct. 2018, 11:40
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
ACTE II
ILLUSIONS PERDUES

14 septembre 2014
Domicile des Brut, Londres

« J’ai un secret.
Le chuchotement avait fait frémir d’excitation la petite fille blonde. Son amie dressa ses oreilles, impatiente que la révélation se fasse… Irene regarda une feuille de parchemin posée sur les couvertures et se concentra. Au bout de quelques secondes, celle-ci se mit à tressaillir. Ce n’était presque rien mais la performance arracha un « Oooh » impressionné à sa spectatrice.
- Refais-le, ordonna-t-elle, impérieuse.
Irene s’exécuta avec joie. La feuille tressaillit à nouveau.
- Depuis quand tu les as ?
- Ça fait presque deux semaines.
- Deux semaines ? se vexa l’autre enfant. Pourquoi tu m’as pas dit avant ?
Irene se tortilla sur le sol, gênée.
- Je voulais pas qu’on le sache. Sinon, ma mère voudra que je m’entraîne tout le temps et j’aurai plus le temps de jouer avec Hooky…
Avec un sourire complice, son amie lui rétorqua :
- Mais je dirai rien, moi. Enfin… ajouta-t-elle avec malice, seulement si tu le refais encore. »
Le visage d’Irene s’éclaira à son tour et elle recommença.

○ ○ ○

Domicile des Hammond, Londres

Alexandre, Philonoe et Irene furent accueillis par un Brownie de très bonne humeur.
« Comment était votre dîner, Monsieur et Madame Hammond ? demanda-t-il en prenant leurs capes.
- Très instructif.
Le ton de Philonoe était pincé. Irene ne s’en aperçut pas, encore plongée dans le souvenir de son secret partagé. Ce n’est que quand sa mère lui intima de la suivre dans le bureau familial, qui lui était jusque-là strictement interdit, qu’elle commença à s’inquiéter. Elle pénétra pour la première fois dans cette grande et impressionnante pièce. Au centre trônait un bureau sombre. Sur les étagères, beaucoup, beaucoup de livres. Sa mère prit tout son temps pour en choisir une petite dizaine, puis elle les disposa devant Irene. Durant tout le temps de ce processus, celle-ci retint son souffle.
- Il paraît que nous avons quelque chose à célébrer, commença mystérieusement Philonoe.
Devant le silence de sa fille, elle ajouta d’un ton légèrement agacé :
- Je parle de la découverte de tes pouvoirs. Voici les livres que tu devras apprendre, dans un premier temps. Dans un second temps, je te ferai cours. Tu pourras t’entraîner à lancer des sortilèges simples avec ma baguette. As-tu des questions ?
Encore sous le choc, Irene resta un instant sans parler. Enfin, elle osa demander d’une petite voix :
- Je dois lire tout ça ?
- Oui, répondit Philonoe d’un ton sans appel. Et les apprendre par cœur. Tu commences dès demain, huit heures. Tu as du retard à rattraper puisque tu as voulu jouer les cachotières. Heureusement, ton amie est plus mature que toi…
Le visage de la fillette se décomposa. Elle s’était faite trahir ? Philonoe ne lui laissa pas plus de temps et la congédia.
- C’est tout, Irene. Va te coucher. »
En montant les escaliers, Irene sentit son cœur se serrer. Elle ne lui reparlerai plus jamais. Et elle ne confierai plus aucun de ses secrets à personne.

Acquis
Méfiance : +5

Ça va être une grande, grande, grande journée !

25 oct. 2018, 11:29
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
ACTE III
LES RACINES DU MAL

15 avril 2018
Domicile des Brut, Londres

La salle de réception accueillait une cinquantaine de sorciers de la haute société. Certains portaient un patronyme reconnu, d’autres occupaient un poste important au Ministère, et tous étaient apprêtés de manière à étaler leur réussite et leur fortune. Dans un coin, Irene Hammond portait sur ce monde froid un regard glacial. Ce soir, les Brut fêtaient l’anniversaire de leur fille. Irene avait tenu sa promesse : elle n’avait jamais plus reparlé à son ancienne amie autrement que pour les civilités d’usage. Elle n’avait même pas demandé d’explication. Mais en la voyant au centre de l’attention, complimentée par les sorciers les plus influents de Grande Bretagne sur son apparence, sa réussite scolaire et son incroyable loyauté, elle ne pouvait s’empêcher de grincer des dents. Ce qui n’échappa pas à Philonoe.
« Irene.
Sa fille eut un léger sursaut. Elle ne l’avait pas entendue arriver. Son ton jurait tellement avec son sourire distingué qu’il aurait fait frissonner d’angoisse n’importe qui, excepté Irene. Elle avait été habituée depuis déjà trop d’années.
- Tu sais qu’il y a ici de nombreuses personnes qui pourraient t’assurer un avenir, n’est-ce pas ? Ce n’est pas en stupéfixiant ton amie du regard qu’ils viendront vers toi.
Irene se sentit bouillonner.
- Ce n’est pas mon amie, lâcha-t-elle entre ses dents.
- Peu importe, rétorqua Philonoe. Tes sentiments  comptent peu. Tu dois paraître aimable et souriante.
Face à l’absence de réaction de sa fille, elle ajouta, sans se départir de son propre sourire :
- Immédiatement.
Pour appuyer son propos, elle saisit le bras d’Irene. Elle la tourna face à elle et, tout en serrant sa main, elle afficha un sourire parfait : doux et digne pour n’importe qui,  fixe et effrayant pour celle qui savait ce qu’il camouflait. Son insubordination fondit. Pourquoi s’obstiner ? Sa mère gagnait toujours, de toute façon. Elle calqua son expression sur la sienne.
- Voilà. Tu vois, quand tu veux, se félicita Philonoe. Allons présenter cet agréable visage aux autres invités.

Pendant tout le reste de la soirée, Irene avait affiché le même sourire que Philonoe. Elle avait rencontré presque tout le gratin du Londres sorcier, qui l’avait trouvé unanimement « aussi charmante que vos parents ». Philonoe et Alexandre rayonnaient. À douze ans, leur fille avait fait son entrée dans le monde avant l’heure. Lorsque sa propre soirée arriverait, dans quelques mois, elle aurait déjà pris une longueur d’avance.
L’ancienne amie d’Irene, au contraire, était contrariée. Les invités quittaient la soirée et elle les saluait les uns après les autres avec déférence mais, quand Irene arriva, elle murmura presque inaudiblement :
- Tu ne pouvais pas t’empêcher de me voler la vedette.
Un étonnement sincère traversa Irene. Lui voler la vedette ? Elle aurait préféré mille fois rester chez elle  plutôt qu’écouter les discours barbants de tous ces adultes imbus de leur personne. Le regard haineux de son ancienne amie lui fit l’effet d’une décharge électrique. Sa mère n’avait pas complètement tort : tant qu’elle évoluerait dans ce milieu, elle devrait apprendre à se protéger. Elle afficha le sourire de Philonoe.
- Je te remercie pour cette magnifique soirée. Je me souviendrai de ton entrée dans le monde comme d’une pleine réussite. Bon anniversaire, Olive. »
Puis, après un dernier regard, elle se permit une légère accolade : douce et digne pour n’importe qui, froide et vide pour celles qui savaient ce qu’elle camouflait.

Acquis
Impassibilité : +6
Courtoisie : +2

Ça va être une grande, grande, grande journée !

27 oct. 2018, 20:11
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
ACTE IV
PAS DE REPOS POUR LES BRAVES

16 juillet 2022
Domicile des Hammond, Londres

« Alors ?
La main d’Irene se mit à trembler. Au bout, ses résultats de B.U.S.E. En face, Alexandre et Philonoe, attendant qu’elle parle.
- Six Optimal.
Irene tenta un sourire timide. Six Optimal. Bien qu’elle ait travaillé dur pour ces examens, elle avait du mal à réaliser sa réussite. De leur côté, ses parents aussi.
- Tu n’étudiais pas sept matières ? demanda froidement Alexandre.
Le visage de sa fille se décomposa.
- Si. J’ai eu Effort Exceptionnel à la dernière.
Le silence qui suivit cet aveu aurait pu refroidir un crabe de feu. Au bout d’un temps interminablement long, Alexandre l’interrogea :
- Laquelle ?
- Étude des moldus.
S’il y avait bien une matière qu’Irene ne suivait pas par choix, c’était celle-ci. Mais les filières étaient ainsi faites à Poudlard. Pour faire autant de Divination qu’elle souhaitait, elle devait aussi subir deux heures hebdomadaires d’Étude des moldus. Ce n’était pas qu’elle n’aimait pas les moldus, simplement, elle n’y comprenait pas grand-chose. Elle avait rapidement fais la déduction qu’elle y arriverait mieux en apprenant et en recrachant bêtement ses connaissances, mais cela ne lui valait pas mieux qu’un Effort Exceptionnel.

Ce qui était étrange avec ses parents, c’est qu’ils n’avaient jamais voulu lui imposer une quelconque filière, ni même un projet professionnel. Quand ils lui avaient demandé quelles matières elle désirait étudier, à la fin de sa deuxième année, elle leur avait annoncé avec appréhension, persuadée que son intérêt pour un art aussi peu reconnu que la Divination les ferait hurler d’effroi. Mais non. Alexandre avait simplement acquiescé, sans montrer signe ni de contentement, ni de désapprobation.
Ils n’aimaient pas particulièrement les moldus. Alexandre comme Philonoe les considéraient peu. En fait, ils vivaient comme si, dans l’autre partie de Londres, n’habitaient pas toutes ces personnes sans pouvoirs magiques. Irene s’imaginait naïvement qu’ils ne s’offusqueraient donc pas d’une note moins bonne dans une matière qui les étudiait… C’était sans compter leur exigence.

- Nous savons donc ce que tu vas faire du reste de ton été, prévint Philonoe. Brownie, peux-tu sortir les livres d’Étude des moldus du bureau, s’il te plaît ?
Malgré la formule de politesse, sa demande avait tout d’un ordre et Irene savait qu’elle pouvait aussi le prendre pour elle. Devant son air vaincu, sa mère ajouta :
- Parfait. Tu le prends avec rationalité, c’est déjà ça.

- Je ne veux pas subir une nouvelle déception, avertit Alexandre. L’année prochaine, nous surveillerons tes notes, surtout celles d’Étude des moldus. Tu as choisi cette filière, maintenant, tu te dois d’y exceller. Il en va de ta crédibilité dans ce monde. Comprends-tu, Irene ?
Sa fille, le visage baissé, hocha légèrement la tête.
- Bien. Un peu de pragmatisme, désormais. Il te reste encore tes ASPIC pour rattraper ton dossier scolaire. Ne soyons pas ostentatoires et nous oublierons vite cet incident. Nous le mettrons sur le compte de l’adolescence volage mais ne sois plus outrecuidante, à l’avenir. »

La sentence arrêtée, les deux adultes quittèrent le grand salon. Ils croisèrent Brownie, à bout de souffle, qui apportait à Irene son unique occupation pour l’été à venir. 

Acquis
Exigence : +5
Humilité : +3

Ça va être une grande, grande, grande journée !

29 oct. 2018, 22:02
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ACTE V
LE DERNIER JOUR D'UN CONDAMNÉ

21 juin 2024
Salle de bain du dortoir de Serdaigle, Poudlard

« T’es sûre de pas vouloir la garder ?
La tête penchée au-dessus de l’évier, Irene confirma. Demain, c’était le grand départ. Elle quittait Poudlard définitivement et elle retournait chez ses parents. Elle l’avait déjà conservée jusqu’au dernier moment. Son amie soupira, déçue, puis vida le contenu de la fiole sur la chevelure rousse d’Irene.
- C’est dommage. Ça te va beaucoup mieux.
- Ce n’est pas ce que dirait Philonoe, répondit Irene, pragmatique.
Gloria secoua la tête.
- Je ne comprendrai jamais ta mère. Elle aurait voulu un enfant albinos ou quoi ?
Même si elle partageait son avis quant à ses cheveux roux, la remarque fit mal à Irene. Elle s’imagina avec une tête de lapin aux yeux rouges, ce qui n’était pas très agréable. Pourtant, elle ne dit rien et ne laissa rien transparaître. Heureusement, son amie réalisa d’elle-même sa bourde et bafouilla :
- Enfin pas que tu aies une tête d’albinos, hein. Désolée.
- Il n’y a pas de mal, sourit Irene. Tu peux m’aider pour enlever la couleur en dessous, s’il te plaît ?
Gloria passa ses mains dans les cheveux plein de potion. Le liquide emmenait avec lui des traînées rousses. Les cheveux d’Irene reprenaient progressivement leur pâleur. Au bout de plusieurs minutes, toute trace de cette coloration clandestine avait disparu. Irene releva la tête, attrapa une serviette et enroula ses cheveux dedans avant qu’ils ne goutent sur le sol de la salle de bain.  Elle les sécha, les coiffa, puis entreprit de les inspecter à la recherche d’une mèche rousse rebelle. Elle n’en trouva pas, la potion avait bien fait son travail.

De l’autre côté de la pièce, Gloria soupira.
- Tu la referas un jour, hein ?
Irene repensa à ses parents. Ils avaient toujours vanté la blondeur familiale. Celle de leur fille, plus appuyée encore que dans le reste de la famille, étaient pour eux une source de fierté. Le teint de porcelaine, les yeux pâles… Pour Irene, ça ne servait qu’à la rendre encore plus invisible. Finalement, c’était peut-être ce qui leur plaisait tant. Si son instinct de survie la poussait à leur cacher sa rébellion capillaire, l’enthousiasme et l’impulsivité de Gloria déteignait suffisamment sur elle pour qu’elle affirma :
- Bien sûr. »

Acquis
Émancipation : +5
Dissimulation : +4

Ça va être une grande, grande, grande journée !

31 oct. 2018, 15:35
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
INTERLUDE
PROXIMA DU CENTAURE

22 mars 2028
Chemin de Traverse, Londres

J’avais prévenu Alexandre et Philonoe – pardon, mes parents – de ne pas m’attendre de l’après-midi. La désapprobation s’était lue dans leurs yeux avant que je n’ajoute, pour ma défense, que j’avais rendez-vous avec un éditeur pour observer un manuscrit. J’étudie pour la quatrième année à l’école supérieure des arts divinatoires d'Angleterre et chaque élève prépare son propre sujet de recherche. Le mien est sur les prophéties. Un livre édité dans la maison Les Petits Livres rouges a été écrit sur ce sujet par une véritable voyante, morte il y a maintenant des décennies. J’avais réussi à obtenir d’un des éditeurs de venir étudier son manuscrit original. Je ne savais pas s’il y aurait des notes de sa main mais, dans tous les cas, la graphologie pourrait m’apporter des pistes.

Une femme m’accueillit – je compris rapidement qu’il s’agissait de la réceptionniste. Elle m’indiqua un sofa où m’asseoir en attendant que mon rendez-vous finisse sa réunion. Je laissai mon regard se promener sur les vieux manuscrits encadrés et accrochés au mur. L’un d’eux m’interpella : il était composé d’une unique illustration, celle d’une étoile. Sans même lire la légende, je la reconnaissais (grâce à mes souvenirs des cours d’astronomie) : l’étoile la plus proche de nous après notre Soleil. Comme souvent, Alexandre et Philonoe s’imposèrent dans mes pensées quand je songeai me sentir plus proche de cette étoile que de mes parents.

« L’une de nos plus belles pièces.
Je me tournai vers la voix enjouée qui avait interrompu ma contemplation.
- Bonjour, je suis Hugh Field. Vous êtes Irene, si je ne me trompe pas ?
J’acquiesçai. Après nos échanges par hiboux, j’avais imaginé un homme beaucoup plus âgé. Je fus surprise de me retrouver face à quelqu’un d’une trentaine d’années. Je le suivis à travers le dédale des couloirs. Il me proposa une boisson chaude, que je déclinai. J’avais surtout hâte d’observer le manuscrit.

Mr Field le déposa devant moi. Il était couvert de ratures, de commentaires, de notes, si bien que certains passages étaient presque illisibles. Je n’aurais pas pu espérer mieux… Je remerciai l’éditeur, l’assurai n’avoir besoin de rien d’autre et commençai mes observations. En quelques minutes seulement, les cinq premières pages de mon carnet de recherches étaient noircies de mon écriture.

Je ne vis pas le temps passer. Je serais certainement restée toute la nuit si Mr Field n’était pas venu me chercher. Les bureaux fermaient et je m’excusai platement, gênée d’avoir tant abusé de son temps. Il se contenta de rire, d’un rire franc, si éloigné de celui de Philonoe…
- Vous n’aurez qu’à revenir pour continuer vos recherches !
Je ne voulais pas abuser mais il n’avait pas l’air d’être homme à proposer uniquement par politesse.
- Ce serait une opportunité merveilleuse. Merci.
J’aurais voulu lui montrer davantage ma reconnaissance, ne serait-ce qu’avec un sourire, mais j’avais peur de ne savoir faire que celui, vide et creux, enseigné par Philonoe. Je me contentai donc de me répéter bêtement :
- Merci.

Mr Field était déjà vêtu de son manteau, prêt à partir. Pourtant, il m’attendit pendant que je rangeai mes affaires, le manuscrit et que je me rhabillai. Je pensais d’abord qu’il devait fermer les bureaux mais, quand nous passâmes devant l’accueil je vis la réceptionniste toujours présente.
- Bonne soirée, Doris, lança Mr Field.
Je me contentai d’un hochement de tête poli envers cette femme d’un certain âge.

- Vous êtes très studieuse, observa Mr Field une fois que nous fûmes dehors. Je n’aurais jamais eu la patience de rester assis sur cette chaise un après-midi entier. Même quand je m’occupe de mes propres manuscrits, je suis obligé de me lever toutes les demi-heures sinon je deviens fou !
- C’est une question d’habitude, je suppose, répondis-je avec précaution.
Et pour cause, cette capacité, je l’avais acquise de force en restant assise à apprendre des livres entiers dans le bureau familial. Je chassai ces souvenirs. Mr Field était certainement plus agréable qu’eux.

Je resserrai mon manteau – par habitude, l’air était doux. Le regard de Hugh Field me perturbait. Il dût s’en apercevoir car il finit par se détourner… ce qui ne me convint par tout à fait.
- Cette illustration, à la réception… Je suppose que c’est une originale ? De quel livre vient-elle ?
Le regard revint.
- Oui, nous aimons conserver et prendre soin de nos originaux. Il s’agit d’un livre sur l’astronomie, plus précisément sur les systèmes planétaires. Il a été écrit par Dora Dee mais cette illustration nous vient de la talentueuse Berta Stock. Comment la trouvez-vous ? L’illustration, je veux dire, pas Berta !
La bonne humeur de Mr Field devait être contagieuse car le rire qui m’échappa me surprit moi-même par sa sincérité.
- Elle est magnifique. Proxima du Centaure, n’est-ce pas ?
- Oui, la même que celle de la chanson des Wizard Brothers !
Devant mon air perdu, Mr Field s’exclama :
- Ne me dites pas que vous ne connaissez pas les Wizard Brothers ! Le groupe à la mode, écouté par tous les étudiants de ce pays !
Il s’arrêta brusquement et me regarda d’un air suspicieux :
- Êtes-vous sûre d’être une étudiante, et pas une concurrente venue espionner notre maison ?
Je m’arrêtai à mon tour, portai ma main à ma bouche et répondit :
- Merlin, vous m’avez percée à jour…
Son rire franc m’assura qu’il avait compris ma tentative d’humour. Il reprit sa marche :
- C’est drôle, on dirait que nous ne venons pas de la même planète !
- Ou du même système planétaire ? osai-je, mise en confiance par ma précédente blague.
- Alors qui serait quoi ? Je vous vois bien en Proxima du Centaure, ce qui fait de moi… le Soleil ? Cela me paraît un peu présomptueux…
- Non, non, le Soleil, cela vous convient bien…
Je sentis à nouveau ce regard sur moi. Audacieusement, je le regardai à mon tour. Ce devait être un spectacle assez comique, ces deux sorciers qui se contentaient de se lancer de petits coups d’œil intrigués.

En arrivant au croisement de la rue, je ralentis. Je craignais que nos chemins s’y séparent et, malheureusement, j’avais raison.
- Quand souhaitez-vous revenir ? Nos bureaux sont ouverts du lundi au vendredi, de 9h à 20h, plaisanta-t-il. Mais si vous avez cours, je peux m’arranger et venir un samedi, ajouta-t-il, reprenant un visage sérieux.
- Demain, c’est parfait, répondis-je précipitamment.
J’avais envie d’y retourner le plus rapidement possible.
- À la bonne heure ! s’exclama Hugh. Si vous voulez venir le matin, nous irons déjeuner ensemble ! »
J’acquiesçai, un sourire aux lèvres. Et cette fois, ce n’était pas celui de Philonoe.

Acquis
...

Ça va être une grande, grande, grande journée !

11 nov. 2018, 17:11
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
ACTE VI
RÉSISTE

23 mai 2029
Domicile des Hammond, Londres

Quand Irene rentra de son ultime journée de cours, la maison était en pleine ébullition. Brownie, Pimkie et Hooky couraient dans tous les sens, transportant des pots de fleurs et déplaçant des sofas sous les ordres de Philonoe. Irene arrêta un des elfes :
« Pimkie, que se passe-t-il ?
- Nous préparons la fête de Mademoiselle ! La fête pour son diplôme de prophétesse !
Irene s’abstint de préciser qu’elle n’avait pas obtenu de diplôme de prophétesse. Cette réception organisée sans même la prévenir, c’était du Philonoe tout craché… ce que cette dernière confirma.
- Ah, Irene ! Je t’ai préparé une tenue dans ta chambre. Dépêche-toi d’aller te préparer, l’heure va arriver vite.
Comme sa fille ne bougeait pas, elle fit claquer plusieurs fois ses doigts en ajoutant, agacée :
- Vite vite ! Il faut que tu fasses bonne impression devant nos invités !
Elle repartit aussitôt à ses préparatifs et Pimkie lança un regard désolé à Irene.

Les premiers invités étaient arrivés mais Irene était consignée dans sa chambre. Son entrée se devait d’être attendue.
- Tu es prête ? Ça va bientôt être le moment, imposa Philonoe en pénétrant dans la pièce. N’oublie pas : souris, sois aimable et polie. Tu représentes les Hammond, tu es notre héritière et notre successeur. Si personne ne croit en toi, tu n’obtiendras jamais d’invitations, et encore moins de propositions de placements de tes gallions. C’est très important, Irene, tu comprends ?
Elle hocha la tête. Elle n’avait pourtant aucune envie d’être invitée à jouer aux cartes par des sorcières de la haute société. Quant aux placements, elle ne comprenait pas trop l’intérêt de gagner sa vie sans rien faire de ses dix doigts. Elle suivit pourtant sa mère dans le salon et la laissa l’introduire auprès de nombreux sorciers. Ce n’est qu’au bout de quarante minutes qu’elle parvint à lui échapper pour aller se désaltérer. Une vieille femme interpella Philonoe, laissant à Irene quelques minutes devant elle. Elle reconnut alors un homme qu’elle avait déjà rencontré à une soirée similaire, douze ans plus tôt : le directeur du département des mystères. Soudain, elle eut un mouvement de témérité et s’approcha de lui.
- Monsieur ? Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi… Irene Hammond. Je devais avoir dans les douze ans quand nous nous sommes rencontrés ? »
L’homme tourna sa tête vers elle et lui sourit. Il la reconnaissait.

○ ○ ○

« Ah, tu es là ! Je te cherchais, s’exclama Philonoe, interrompant l’échange entre Irene et son interlocuteur. Ravie de vous revoir, Monsieur !
- Moi de même, Madame. Votre fille m’a fait découvrir son parcours. Son sujet de recherche est très intéressant pour le ministère. J’étais justement en train de lui dire que nous serions ravis de l’accueillir dans notre département.
Pour la première fois de sa vie, Irene vit sa mère perdre – légèrement – contenance devant une tierce personne.
- L’accueillir ? répéta-t-elle, un sourire figé sur les lèvres.
- Comme chercheuse de prophéties, s’interposa Irene.
Elle planta ses yeux dans ceux de Philonoe. Elle avait fait son choix.
Après un long silence, Philonoe finit par lâcher :
- Splendide ! »
Elle n’en pensait pas un mot, bien évidemment, et Irene savait que le deuxième round ne tarderait pas une fois que son père serait mis au courant. C’est pour cela qu’elle prit immédiatement rendez-vous pour le lendemain afin de signer son premier contrat de travail.

Acquis
Initiative : +5
Ambition : +2

Ça va être une grande, grande, grande journée !

03 déc. 2018, 22:39
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
ACTE VII
LE MÉPRIS

24 novembre 2031
Domicile des Hammond, Londres

Irene avait une boule au ventre. En deux ans de relation, Hugh n’avait jamais rencontré ses parents et ce pour une excellente raison : elle avait peur de leur jugement. À ses yeux, Hugh Field était un homme merveilleux, drôle, gentil, attentionné. Elle ne voulait pas que cette image se brise en le voyant à travers le regard dur et cinglant d’Alexandre et de Philonoe. Il réclamait pourtant ce dîner fréquemment, sûrement étonné de n’avoir jamais vu ceux qui hébergeaient sa compagne lors de leur rencontre. Il s’était fait de plus en plus insistant, demandant tour à tour pourquoi Irene s’y refusait, et quand elle cèderait. N’ayant jamais voulu répondre à sa première interrogation, elle finit par consentir à la deuxième. C’est ainsi qu’un lundi soir de novembre, Hugh Field et Irene Hammond se dirigeaient vers la maison d’Alexandre et Philonoe Hammond, une bouteille d'un très bon vin d'ortie entre leurs gants.

La sonnette fit l’effet d’une douche glacée à Irene. Elle fut presque soulagée en baissant la tête pour saluer Brownie, un des elfes de maison de ses parents. Mais la voix de Philonoe, qu’Irene aurait reconnue entre mille, vint rapidement la ramener à la réalité.
« Vous voilà ! clama-t-elle en s’avançant vers ses invités. Entrez, entrez, je vous en prie. Irene, quel plaisir de te voir. Quant à vous, vous devez être Hugh.
Irene sentit le regard de sa génitrice scanner chaque parcelle de son amant. Cravate trop desserrée. Plis dans la cape. Barbe de quelques jours. Chaussures bon marché. Mais le tout agrémenté de son éternel sourire et d’une formule de politesse :
- Je suis enchantée d’enfin faire votre connaissance.
Hugh, inconscient du danger, sourit à Irene et lui prit la main avant de répondre à Philonoe :
- Je le suis tout autant de rencontrer celle à qui je dois l’existence de ma charmante Irene.
Elle aurait presque pu entendre le crissement du sourire de sa mère. Dès les premiers mots de Hugh, ses craintes se fondèrent. Il pouvait être aussi charmant qu’il le souhaitait, il ne jouait pas dans la même cour que ses hôtes.
- Passons dans le grand salon, voulez-vous ? Brownie, va ranger cette merveilleuse bouteille de vin d’ortie. Quelle délicate attention de votre part, Hugh. »

○ ○ ○

La main d’Irene se crispait autour de son verre de vin. L’interrogatoire que subissait Hugh était d’autant plus difficile à supporter que le pauvre n’avait même pas conscience de son déroulement. Questions sur le métier ? Check. Hugh n’était que éditeur et ne désirait pas spécialement de promotion : manque d’ambition. Questions sur sa fortune personnelle ? Check. Il n’en avait pas : il ne pourrait pas subvenir aux besoins de sa famille. Questions sur son âge ? Check. Comme le craignait Irene, leurs quelques années de différence étaient un frein pour ses parents : s’il n’avait trouvé personne auparavant, c’est qu’il devait sûrement cacher un problème – l’hypothèse de l’attente d'un véritable amour, tout simplement, n’étant pas une option. Il ne manquait plus que…
« Field… soupesa Alexandre d'un air songeur. Je ne connaissais personne de ce nom avant vous, Hugh. Que font vos parents ?
- Oh, ils sont en vadrouille depuis de longues années ! Ils étudient des plantes en Amérique latine et profitent des paysages et du beau temps, quand il accepte de se montrer.
- Comme c’est curieux ! renchérit Philonoe. Ils n’ont donc pas d’attache avec Londres ?
- En dehors de moi, non, plus depuis longtemps. Mais ils s’en accommodent très bien ! Ils n’aimaient pas tellement la vie citadine.
Pas de relations, pas de nom… Les parents d’Irene n’ayant rien trouvé d’intéressant chez lui, Hugh venait de signer son arrêt de mort. Heureusement, la soirée touchait à sa fin. Alexandre et Philonoe saluèrent leurs hôtes et les raccompagnèrent à la porte. Les civilités d’usage ne dupèrent pas plus Irene que pendant le repas… contrairement à Hugh.

- Eh bien ! C’était charmant. Et délicieux ! Tes parents sont de vrais cordons bleus.
- Brownie est un vrai cordon bleu. Mes parents ne cuisinent pas...
Excepté les personnes. Irene prit une grande inspiration et se tourna vers Hugh, le regard suppliant :
- S’il te plaît, promet-moi qu’on ne le refera plus. Je ne veux plus dîner avec eux.
- Mais pourquoi ? Ça s’est bien passé, non ? Et ils habitent à cinq minutes de chez nous…
- Non, ça ne s’est pas bien passé. Je te parie ce que tu veux que je recevrai une lettre dans la semaine pour me convaincre de…
Hugh s’arrêta, inquiet.
- De quoi ?
Rapidement et sans croiser son regard, Irene répondit :
- Ils viennent d’un milieu particulier. Tu n’as ni de nom, ni de fortune, ni de relations. Ils n’approuveront pas que tu sois avec leur fille.
- Oh...
Hugh s'arrêta, le regard dans le vide et l'air soucieux. Il se repassait mentalement le déroulement de la soirée.
- Je comprends mieux toutes ces questions.
- Mais je ne pense pas comme eux ! se rattrapa Irene. Je ne veux pas de leur jugement parce que je ne le partage pas. Et nous n’avons pas à le subir de nouveau… d’accord ?
Hugh la serra contre lui, caressa ses cheveux et acquiesça.
- Je ne suis pas certain de vouloir les revoir, de toute façon. »

Acquis
Distanciation : +4

Ça va être une grande, grande, grande journée !

21 déc. 2018, 16:28
Jusqu'ici tout va bien  Solo 
ACTE VIII
LA FÊLURE

25 janvier 2042
Domicile des Field, Londres

Voilà douze ans qu’Irene avait présenté Hugh à ses parents. Depuis, le jeune couple avait connu beaucoup d’évolutions. Ils s’étaient mariés mais avaient aussi appris à se faire de plus en plus confiance, jusqu’à ce qu’Irene puisse se confier pleinement à son mari sur son enfance et les particularités de ses parents. Ils avaient longtemps évité Alexandre et Philonoe, n’acceptant leurs invitations que pour les grandes occasions, par politesse. Puis Irene avait commencé à ressentir un certain manque. À oublier, peut-être. Hugh avait accepté de réitérer l’expérience, jamais complètement agréable, ni complètement désagréable.
Enfin, Irene était tombée enceinte, deux ans plus tôt. Malgré ses rapports légèrement apaisés avec ses parents, elle eut besoin de cinq mois – et de nombreuses conversations partagées avec Hugh – pour leur révéler son état. Ils accueillirent la nouvelle avec un tel enthousiasme qu'elle se jura instantanément de ne jamais leur laisser la garde de son enfant. Jamais.
Les parents de Hugh étaient revenus à Londres pour accueillir le petit Louis et ils le gardaient avec beaucoup de joie… au début. Malheureusement, ils avaient un défaut : l’Amérique du Sud leur manquait terriblement. Ils repartirent voyager quand Louis fêta sa première année.
Irene reprit son travail au Ministère moins d’une année plus tard. Hugh et elle durent se rendre à l’évidence : il leur fallait trouver un baby-sitter plus proche d’eux que des lamas. C’est ainsi qu’Irene revint sur sa promesse, avec énormément d’angoisse. Il fut décidé que la première garde se ferait avant qu’Irene reprenne le travail, au cas où il y aurait besoin qu’elle aille récupérer son fils en urgence. Elle parvint même à trouver, dans l’allée des embrumes, un ours en peluche enchanté à un miroir, lui permettant de voir tout ce que ce dernier voyait. Ainsi, elle suivrait la garde du début à la fin. En déposant Louis, elle s’arrangea pour placer l’ours à un endroit stratégique du salon, à la bonne hauteur. Elle pourrait même entendre ce qu’il se passait et modifier le volume sur le miroir, chez elle.

« Tout ira bien », tenta de la rassurer Hugh.
Devant le manque de réaction de sa femme, il se contenta d’un baiser furtif et inquiet avant de partir travailler.

○ ○ ○

Irene observait le miroir depuis presque deux heures. Peu de chose notables jusqu’ici. Alexandre lisait la Gazette du Sorcier pendant que Philonoe donnait des ordres aux elfes de maison ; rien n’avait vraiment changé depuis l’enfance d’Irene. Des jouets en bois jonchaient le sol. Louis les avait découverts avec joie avant de s’en lasser aussi rapidement. Hooky tentait de le contenir mais c’était peine perdue : Louis courait dans tous les sens, gesticulait, riait fort… Il avait pris bien plus du côté paternel que maternel – ce qu’Irene ne regrettait pas une seconde. Puis, ce qui devait arriver arriva : Louis renversa un vase qui se brisa net sur le sol, en mille morceaux.

Irene, devant son miroir, se figea. Au domicile des Hammond, Philonoe courut vers son petit-fils qui la regardait avec de grands yeux :
« C’est pas moi qui l’a renversé, soutint-il.
Sa mère eut un geste protecteur en direction du miroir. Ajouter le mensonge à l’imprudence n’avait jamais plu à Philonoe. Pourtant, cette dernière se contenta de rire devant l’air sérieux et convaincu du petit garçon.
- Louis, mon lutin, fais attention. Tu risques de te couper. »
Elle sortit sa baguette et répara la bêtise du bambin avant de le prendre dans ses bras et de couvrir son visage de baisers.
L’après-midi fut composé de successions d’événements de ce type. Plus Louis s’épanouissait dans les bras de ses grands-parents, à rire et à manger des sucreries, et plus le cœur d’Irene se serrait. Pourquoi réservaient-ils à son fils le traitement qu’ils lui avaient toujours refusé ? Qu’avait-elle fait durant son enfance pour qu’ils la traitent aussi durement, alors qu’ils étaient finalement capables d’autant de tendresse que les autres parents ?
De l’autre côté du miroir, elle observa son fils et un sentiment nouveau naquit en elle. 
Jalouse. Jalouse de Louis.

○ ○ ○

Quand Hugh rentra, Irene était allé chercher leur fils qui, désormais, courait dans le salon de ses parents.
« Tout s’est bien passé ? demanda-t-il à sa femme en l’embrassant.
-Très bien.
Face au visage fermé et à la réponse froide d'Irene, il ne put s'empêcher de la considérer, perplexe.
- Vraiment ?
Elle leva ses yeux, inexpressifs, vers lui, et lui mentit :
-Vraiment. »

Acquis
Amertume : +6
Jalousie : +2

Ça va être une grande, grande, grande journée !