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07 mai 2019, 01:30
Tourbillon Granuleux  PARTAGÉ 
[ 29 SEPTEMBRE 2040 ]
4ème Étage, Hôpital Sainte-Mangouste

Jewel Kelsey,
49 ans,
Guérisseuse-en-Chef du Service de Pathologie des Sortilèges.

Charlie, 10 ans.


« Eh bien… Je pense que ce serait la pudeur. Un mot que l’on entend si peu, n’est-ce pas ? La pudeur, oui. Pour moi, ce serait la pudeur. […] Si rare. Évidemment, ça me plairait de la rencontrer plus souvent […] Oui, oui, mais voyez-vous, là encore, vous ne faites pas preuve de pudeur en insistant sur la question. La pudeur est bien plus complexe que sobrement se taire lorsqu’il le faut, ou… Ou ne pas se révéler face à celui qui en abuserait. Je veux dire… la pudeur est un fin dosage. D’aucuns la définirait de particulière. Si particulière qu’elle se fonds dans cette masse d’autres pour nous faire ressortir, égoïstement. […] Certes, en tout cas, elle doit s’y fondre […] C’est… c’est unique, totalement. La pudeur lie toutes les pièces entre elles. C’est cette colle des cœurs, cette… Dites-moi. Avez-vous déjà observé la pudeur dans un regard ? Cette si singulière émotion de ressentir qu’on vous observe sans les yeux ? Qu’on vous sait sans rien savoir ? Qu’on vous caresse sans vous toucher ? […] Exaltant, certes, j’aime utiliser le mot exaltant pour la définir. C’est un joli mot, n’est-ce pas ? »

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En ces couloirs, pas de battement d’aile, ni de hululement ; pas la moindre plume frappant l’air, ni de parchemins accrochés aux pattes. Les chouettes et les hiboux étaient interdits au sein de l’établissement. En contrepartie, des dizaines de parchemins ensorcelés traversaient les couloirs indépendamment de tout moyen de transport, en hauteur, frôlant le plafond comme s'il était leur sol ; ils étaient libres et volaient avec grâce, comme des petits oiseaux, de papier. Leur liberté était pourtant illusoire, puisqu'ils avaient tous un destinataire à atteindre, rapidement. Ces parchemins portaient le sceau de Sainte-Mangouste, en cire rouge, avec l’os et la baguette en croix.
Les échanges internes entre les Médicomages avaient quelque chose de poétique, contrastant bien trop souvent avec leur contenu cru, concis et précis. Tout le monde manquait de temps, le nombre de sorciers malades était toujours trop élevé par rapport au nombre de guérisseurs présents ; alors les échanges internes se devaient d’être efficients.
Dans le couloir du quatrième étage, un parchemin ailé se distinguait des autres. Aux yeux de n’importe quel sorcier extérieur à l’établissement, il n’y avait aucune différence entre celui-là et un autre ; pourtant, tout le personnel de Sainte Mangouste arrivait à distinguer que ce parchemin-là arborait un sceau plus sombre que ses partenaires. Un rouge cramoisi, signant son importance primordiale.

Le parchemin battait de ses ailes de tissu, filant à toute vitesse entre ses semblables.
Juste en dessous, plusieurs guérisseurs passaient avec leurs patients, souvent inconscients, lévitant froidement dans leurs sillages. À l’exception des médicomages et de quelques proches inquiets, les couloirs étaient emplis d’êtres en lévitation, qu’ils soient sorciers malades ou parchemins. La grâce de tous ces mouvements combinés avait quelque chose de fascinant, contrastant toujours aussi fort avec la lourdeur du silence.
Silence, car tout le monde savait exactement quoi faire ; silence, puisque certaines situations dépassaient les mots. Silence des cœurs pour ne pas les laisser déborder, et flétrir les esprits.

Le parchemin ensorcelé continuait sa traversée de l’établissement emprisonnant aucune odeur particulière. Les couloirs de Sainte-Mangouste étaient inodores, et décorés très sobrement, presque d'une dureté intentionnelle. L’olfactif était inutile pour ceux qui côtoyaient ces lieux, puisque la place était accordée à un sens beaucoup plus étendu : le touché. Ce sens était bien moins ciblé que l’odorat — ayant le nez comme unique attache — la perception en était que plus complexe ; peu de sorciers ressentaient les vagues magiques leur effleurer la peau.
L’établissement était imprégné des différentes magies des guérisseurs, le mélange était spécial, certains jours plus intense, d’autres jours plus discret. Les différents protocoles de guérison faisaient valser la magie entre les murs de l'hôpital, éveillant l’épiderme — et même la magie contenue en la personne si sa sensibilité était assez élevée — des sorciers.
Ici, les regards changeaient, les personnalités se taisaient, les mots se brisaient et les ressentis s’éveillaient. Sainte-Mangouste était un monde à part, un dilemme permanent.

Le parchemin rabattit ses ailes et vrilla pour descendre en pic. Juste avant d’atteindre le sol, il s’ouvrit brusquement et ses ailes de papier disparurent, le sortilège pris fin entre les mains d’Arya Bristyle, la destinataire.

Je vous attends dans mon bureau,
Jewel Kelsey


De l’autre côté de l’établissement, dans une pièce du quatrième étage, Kelsey est assise sur sa chaise de bureau, bien trop grande pour sa petite taille. La guérisseuse-en-chef du Service de Pathologie des Sortilèges avait la tête basculée en arrière, la nuque écrasée contre la partie haute du dossier, les yeux fermés dirigés vers le plafond. Elle avait pris une décision, enfin. Elle avait fini par sortir de son dilemme.
Sainte-Mangouste était l'épicentre des dilemmes, que cela soit entre l’extérieur et l’intérieur : le social et le travail. Ou en interne : diverses solutions pour une seule maladie. Kelsey était spécialiste des maladies non-répertoriées ; ainsi, se confronter à des dilemmes était devenu sa litanie depuis de nombreuses années. Et pourtant, son esprit ne s’y était jamais habitué.

Une longue expiration brisa le silence ambiant, et dérégla la magie environnante. Kelsey était d’une telle sensibilité, d’une telle expansion magique que le simple fait de souffler pouvait remuer la magie d’un sorcier suffisamment alerte ; c'était un don, qui était une malédiction en dehors de son travail.
Les mains tendrement croisées sur son ventre, la tête en arrière, la guérisseuse-en-chef attendait — en même temps qu’appréhendait — l’arrivée de la guérisseuse Bristyle, dans son bureau d’une austérité protocolaire.
Dernière modification par Charlie Rengan le 27 janv. 2020, 21:04, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

17 mai 2019, 19:55
Tourbillon Granuleux  PARTAGÉ 
29 septembre 2040
4ème étage — Sainte-Mangouste
Arya, 50 ans


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Arya Bristyle 
Guérisseuse du Service de Pathologie des Sortilèges
Mère d’Aelle



Au coeur de son épuisement, l’étincelle est assez puissante pour éloigner tous les désagréments ; petite créature vivant au sein de son coeur, nourrie par le mystère et renforcée par le moindre petit événement.  Et à l’hôpital de Sainte-Mangouste, les événements sont nombreux. Arya en raffole ; il n’y en a pas un qui la déçoit ou qui la dérange. L’inacceptable, le délirant, le dérangeant et même l’étrange ; il n’y a guère que la mort pour la faire tressaillir. Mais si elle ne vivait pas dans la crainte de voir ses patients mourir, elle ne trouverait aucun intérêt à faire son métier. Ces événements, elle les accueille avec un sourire intérieur et une passion dérangeante. Ainsi, l’urgence qui l’a fait rester sur place toute la nuit, l’empêchant de retrouver son mari et sa petite fille, n’est pas un désagrément, mais une aubaine pour elle. Passé le léger pincement au coeur qui l’a fait tressaillir en pensant à la déception de sa famille, son étincelle a explosé ; avec elle, sa passion. Et malgré le poids de ses cernes et son air las, la femme ressent déjà dans son coeur le fourmillement de la hâte — elle n’a aucune envie de rentrer chez elle, ni même de se plaindre d’enchaîner bientôt vingt-quatre heures de service. A vrai dire, l’idée de s’en trouver déranger ne lui a même pas effleuré l’esprit.

Puisqu’elle fait des événements le plat principal de sa vie, le coeur d’Arya Bristyle ne se serre pas lorsqu’elle aperçoit dans le couloir l’éclat cramoisi d’une note agitée. Comme bien d’autre, elle s’arrête net et suit du regard le papier empressé ; elle se demande, pendant un instant, ce qui requiert une urgence si grande. L’instant suivant, elle décide que cela n’a guère d’importance. Elle doit s’empresser d’aller voir l’un de ses patients — il faut dire que celui-là est dans un état fort déplorable. Elle reprend sa course à grands pas, tête levée et visage fermé. Concentrée sur ses actions futures, Arya ne se soucie guère de ce qui l’entoure. Elle se décale tout juste dans l’idée de laisser passer la note importante ; son regard s’envole déjà sur les quelques patients lévitants qui se trouvent là. Arya en reconnaît certains, mais elle décortique les autres tant de ses yeux que de sa magie. Si l’un d’eux présente une caractéristique particulière, la femme est certaine qu’elle saura convaincre le Guérisseur référant de lui partager ses impressions ; après tout, Arya est réputée pour son sens aigu de l’analyse et son efficacité.

Quelle surprise lorsque, du coin de l’oeil, Arya aperçoit la fameuse note plonger dans les airs en passant près d’elle. Il ne lui faut guère plus qu’une demi-seconde pour comprendre qu’elle lui est adressé. Dans un geste nonchalant, trop habituel pour être réfléchi, la femme ouvre la main et reçoit le parchemin. Avant même qu’elle ne prenne connaissance du contenu, son coeur s’ébat brutalement : c’est l’appel de la frénésie, de la passion, du mystère.

Le monde s’efface autour d’Arya. Le souvenir de l’éclat cramoisi fait vriller son esprit et la perspective d’une découverte palpitante lui coupe la respiration. Sans attendre, elle prend connaissance du contenu. Aussitôt fait, la déception renverse tous ses espoirs. Une grimace s’étend sur ses traits et la femme laisse tomber sa tête de dépit. *Une simple convocation*, songe-t-elle. Pas de patient en danger, pas d’appel à l’aide désespéré, ni même une Réponse à l’un des nombreux mystères que se coltine le service. Rien, si ce n’est une simple convocation.
Dans le bureau de Kelsey ; sa supérieure.

Arya soupire, mais se met en marche sans attendre. Elle n’est pas folle au point de ne pas saisir l’importance de cette missive. Au fond d’elle, elle a l’espoir qu’il ne s’agisse pas d’une simple convocation administrative. Après tout, Kelsey n’est sûrement pas une sorcière de bas étage. Arya a du respect pour elle et, même si elle mourrait plutôt que de l’avouer, une certaine forme d’admiration. Elle n’est certes pas la première à vanter la puissance et l’intelligence de la femme, mais elle n’en pense pas moins. Arya a toujours eu des échanges intéressants avec sa supérieure, notamment ceux concernant les maladies non répertoriées. Cependant, cela ne change rien au fait que la femme soit qui elle est : Guérisseuse-en-Chef de son service. Et s’il y a bien une chose qu’Arya déteste sans s’en cacher, ce sont les formalités de la hiérarchie.

Remisant ses réflexions au fond de son crâne, Arya se presse. Sa robe verte flotte autour d’elle ; habituée, elle évite les patients désoeuvrés et les Guérisseurs hâtés. Elle traverse les couloirs sans les voir, distribue des sourires figés à ses connaissances. Quand, à l’angle d’un couloir, elle aperçoit le crâne rasé de son ami et collègue Gontag, elle ralentit et offre un clin d’oeil à l’homme qui la regarde passer, l’air ahuri. Arya ne prend pas la peine de lui expliquer son empressement ; à Sainte-Mangouste, la hâte est une habitude. Il y a toujours un moment où l’on choisi la course plutôt que la marche, où l’on renverse une ou deux personnes pour atteindre plus rapidement son but. Les habitués ne prennent d’ailleurs plus la peine de s’agacer de se faire bousculer. Arya, elle, ne bouscule personne ; elle frôle, dépasse et évite.

Quand elle arrive à proximité de son but, elle ralentit. Elle ne prend ni la peine de s’arrêter, ni même celle de retrouver son souffle. Elle pousse le battant de la porte et rentre dans le bureau. C’est en pénétrant à l’intérieur de celui-ci qu’elle se rappelle qu’il est en général préférable de frapper avant d’entrer. *Peu importe*, décide-t-elle cependant de penser. Pour la peine, elle prend le temps d’offrir un sourire respectueux à la femme qui lui fait face.

« Bonjour, dit-elle en se plongeant dans les yeux de sa supérieure. Vous m’avez fait demander. »
Dernière modification par Aelle Bristyle le 04 nov. 2019, 00:19, modifié 3 fois.

26 oct. 2019, 05:18
Tourbillon Granuleux  PARTAGÉ 
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Jewel Kelsey
Guérisseuse-en-Chef, 49 ans
Responsable du dossier « Charlie Rengan »



Le silence dans le bureau était tel que le moindre frottement pouvait s’entendre de part et d’autre de la pièce. Kelsey ne produisait aucun bruit — parfaitement immobile — sa nuque tordue à l’extrême contre son dossier ne semblait pas la déranger ; cela permettait à ses cheveux hors du commun de pendre allégrement dans le dos de sa grande chaise, formant une cascade spectaculaire de blondeur ondulée, épaisse et abondante, prodige de la génétique. Lors les rares fois où elle laissait sa chevelure détachée, celle-ci lui procurait une allure de lionne dotée d’une crinière plus impressionnante que redoutable. Certes, ce ne sont pas ses cheveux qui lui octroyaient les traits de sa puissance, mais bien son regard ; d’un bleu-dragée, côtoyant les limites du translucide.
Lorsque ses traits physiques étaient dépeints, une certaine impression de superficialité pouvait s’en dégager ; pourtant, la confrontation en face à face avec la guérisseuse-en-chef suffisait à détruire toute idée superficielle préconçue. Le naturel perçant qu’irradiait son aspect surprenait les regards ; à l’unique exception des patients en maladies non-répertoriées, qui — pour la plupart — ne portaient plus vraiment d’attention aux choses qui composaient le monde. Kelsey se sentait parfaitement à sa place auprès de ses patients aux regards pulsant de choses qui dépassaient grandement le simple monde. Ces concepts hors du temps et de l’espace faisaient à chaque fois bondir le cœur de la guérisseuse-en-chef, ils composaient son unique alimentation profonde.

La main droite de Kelsey s’aventura dans sa chevelure, laissant s’entortiller son index dans une de ses nombreuses mèches ; le frottement léger de son doigt contre ses cheveux était perceptible dans ce silence, semblable à un étirement qui s’allongeait à l’extrême pour s’arrêter brusquement ; puis recommencer. Le bleu de son regard était plongé dans la sobriété du plafond immaculé ; pourtant, elle ne le percevait pas. Les étoiles de son esprit emplissaient ce qui composait ses prunelles, un ciel de pensées excitées fourmillaient dans l’infini de ses pupilles, signe d’une réflexion profondément isolée, n’arrivant pas à son terme, telle une étoile morte attendant désespérément son souffle pour imploser de puissance. Kelsey était en constante recherche de ce souffle, cette quête était une obsession. Sa vie était consacrée au ravivement des étoiles mortes, aux regards qui provenaient d’un autre monde ; ses patients.
La guérisseuse-en-chef se démenait pour les extirper de ce qu’elle aimait le plus : l’absence de souffle. Son exaltation n’était pas liée à la guérison de ses malades, même si elle y consacrait toute son âme, à cette finalité. Ainsi, la profonde exaltation de Kelsey était sa confrontation aux magies inconnues, déréglées, déviantes et meurtrières de ses patients ; puisqu’elle considérait qu’il n’existait pas de magie plus puissante que celle gangrénant un sorcier jusqu’aux portes de l’autre monde, des étoiles mortes.
Dans son propre regard, l’éminente guérisseuse portait une constellation de désolation, que celle-ci s’était empressée d’acquérir — sans réellement le vouloir — depuis son enfance. À l’inverse de ses patients, le miroir de son âme n’était pas atteint d’une maladie curable, bien au contraire, elle dégénérait de plus en plus ; l’absorption trop intense de toutes ces étoiles éteintes, immobiles, douloureuses avait changé ses prunelles à tout jamais. Tanguant entre ce monde et celui-que-l’on-peut-uniquement-ressentir-à-travers-l’âme, Kelsey voguait dans un entre-deux constant, et — au final — n’existait jamais réellement ici, ni là-bas.

Inconsciemment, la guérisseuse-en-chef comptait les secondes dans son esprit, sachant d’expérience à quel instant allait arriver la guérisseuse convoquée, avec une marge d’erreur minime. Sans que le moindre soupir de soulagement ne traverse ses lèvres, Kelsey bascula sa tête à l’endroit, face à la porte d’entrée encore close. Le glissement de sa chevelure berça le silence durant un instant.

Bien.

D’un mouvement de main gracieux, elle se saisit de sa baguette — étonnamment petite — posée en travers de son bureau et la pointa sur ses cheveux.
Commandées par un sortilège informulé, toutes ses mèches blondes se rassemblèrent pour former un chignon serré, laissant quelques petites pointes indomptables percer cette perfection. Le volume saisissant de sa crinière avait disparu.
Le bout de sa baguette se dirigea vers la surface du bureau immaculé, blanc, et se posa dessus. D’un geste absent, la guérisseuse-en-chef tapota à plusieurs reprise l’extrémité de son arme ; l’esprit ailleurs, constellé. Un unique dossier reposait sur la surface lisse, tressaillant à chaque coup de baguette.
Le dos de Kelsey se tenait toujours outrageusement droit, même assise.
Flottant à quelques millimètres du bureau, le bout de sa baguette s’apprêtait à redescendre lorsque tout se cristallisa. Dans ses orbites, le regard-étoilé vrilla vers la poignée de la porte, immobile durant une fraction une seconde.
Clic.

Le battant s’écarta brusquement, révélant une grande femme aux yeux déterminés, sans oscillations. Malgré l’équipe personnelle de Kelsey qu’elle estimait complète, Arya Bristyle était une guérisseuse qu’elle considérait comme compétente ; sa passion acharnée pour Sainte-Mangouste ne passait pas inaperçue. Pourtant, ce n’était pas pour cette raison que Kelsey avait choisi Bristyle, la motivation de ce choix était tout autre.

Bonjour, la guérisseuse-en-chef pointa son regard dans celui qui lui faisait face, le bleu-draguée était perçant, mais il en restait néanmoins opaque d’impassibilité lors des contacts avec les personnes non-malades, vous m’avez fait demander.

Kelsey soutenait les regards par habitude hiérarchique, mais ce qu’elle voyait réellement était le flux magique qui émanait de divers points dans le vaste corps de Bristyle ; c’était l’unique concept qui l’intéressait en cet instant. Le sourire de la guérisseuse-sollicitée passa inaperçu à ses yeux, tout comme le manque de bienséance dont elle faisait preuve.
D’un mouvement toujours aussi lent — couplée de la même grâce — Kelsey déposa sa baguette sur son bureau pour superposer ses deux mains sur la surface lisse. Ses lèvres s’agitèrent, et sa voix légère se propagea.

Fermez la porte et asseyez-vous.

C’était des ordres, mais qui n’en donnaient pas l’air. L’intonation de Kelsey était plus proche de la requête, bien que dure pour une voix aussi légère. Elle reprit la parole aussitôt, avec sa manie de ne jamais jouer de sous-entendu, ni d’insinuation.

Que savez-vous concernant Miss Rengan ?

Certaines rumeurs s’étaient propagées au travers de Sainte-Mangouste concernant cette patiente-là, les murs marmonnaient qu'elle était une Moldue prise en charge par l’Hôpital-Sorcier depuis plusieurs années.
La guérisseuse-en-chef n’avait rien à cacher de ses patients aux maladies innommables. Pourtant, elle exécrait prendre connaissance que des informations avaient fuité de ses services personnels. Certainement une légère peur des superstitions, des ressentis extérieurs et des Autres en général.
Dernière modification par Charlie Rengan le 27 janv. 2020, 21:04, modifié 1 fois.

je suis Là ᚨ

04 nov. 2019, 00:27
Tourbillon Granuleux  PARTAGÉ 
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Arya Bristyle
Guérisseuse du Service de Pathologie des Sortilèges
Mère d’Aelle



Il n’y a rien qu’Arya déteste plus que les personnes qui lui ressemblent ; notamment les femmes. Et cette Kelsey lui ressemble énormément. Il ne lui a fallut que peu de temps pour le comprendre. Il y a, dans la rencontre entre les regards des deux femmes, une compréhension qu’Arya saisit aussitôt. Son coeur s’en serre d’excitation : elle vient de se rappeler qu’il est absolument impossible que Kelsey l’ait convoqué pour une pure question de formalité. Son regard lui dit tout le contraire. Et Arya sait lire dans les regards qui lui ressemblent.

Elle ferme la porte derrière elle au moment même où la requête retentit. Elle tire lentement un siège et s’y assoie, les jambes croisées et les mains rassemblées sur celles-ci. Son regard ne quitte pas celui de Kelsey. Et son sourire ne disparaît pas de ses lèvres ; il y longtemps maintenant que la femme a appris à sourire lors de certaines circonstances. Un sourire peut apaiser tant de coeurs. Mais ce sourire-là a davantage le goût de la politesse, elle en a conscience. Mais qu’importe, elle n’est pas ici pour des frivolités. Kelsey non plus, puisqu’elle prend aussitôt la parole.

« Que savez-vous concernant Miss Rengan ? »

La question prend la guérisseuse au dépourvu, mais rien ne transparaît sur son visage. Elle se contente de pencher la tête, le regard lointain, comme pour accuser le coup d’une question si peu attendue. Ce n’est pas dans les habitudes de sa supérieure de parler de ses patients, moins encore encore de demander l’avis des guérisseurs. Ceux-ci, d’ailleurs, ne sont que très peu au fait des dossiers de la guérisseuse-en-chef et de son équipe. Tout au plus connaissent-ils le nom des patients. Le reste n’est que rumeur, la plupart du temps. Miss Rengan est d’ailleurs une belle rumeur. Son nom court dans les couloirs lorsque l’enfant est de visite à l'hôpital. C’est le moment où on en parle le plus. Dans les salles de repos, Arya entend des discussions, des rumeurs, des chuchotements. Rengan n’est pour elle qu’un bruit de couloir.

Arya inspire doucement par le nez et lève le regard pour le plonger dans celui de Kelsey. Sur son front, un sourcil se lève gracieusement. Elle n’en a pas conscience. C’est un geste naturel qui caractérise sa surprise, mais également son impatience. Elle n’a pas envie d’attendre que Kelsey veuille bien lui délivrer ses informations. Et elle n’a certes pas la patience de répondre à des questions si peu importantes.

« Rien qui ne vaille la peine que je l’énonce tout haut, » dit-elle d’une voix lente, le regard légèrement plissé.

Arya se fout des rumeurs. Elle se fout de ce que l’on peut bien raconter. Si les paroles de ses collègues ne contiennent pas des détails d’importance, des anecdotes précises, des savoirs inconnus, elle ne les écoute pas. C’est aussi simple que cela. Arya n’aime pas écouter pour écouter. Non, elle écoute pour apprendre. Gontag est la seule exception du service.

« Des bruits de couloir, essentiellement, » ajoute-t-elle en baissant la voix. Et, après un instant d’hésitation : « Rien, donc. »

Les mots lui arrachent la langue. Elle cache sa frustration derrière un sourire de façade. Intérieurement, son sang bout dans ses veines. Elle déteste ne pas savoir. Et elle déteste plus encore l’avouer. Mais elle n’est pas ici pour rien. Ce soir, elle rentrera à la maison l’esprit riche d’un énième savoir. C’est pour cela que son coeur s’agite dans sa poitrine, c’est pour cela que son souffle est tremblant derrière son sourire : elle saura, enfin, ce qui se cache derrière le nom de l’enfant Rengan. Rien d’autre n’aurait pu éclairer sa journée avec une plus grande force. Mais Arya refrène sa patience. Elle la calme avec adresse. Rien ne presse. Il suffit d’attendre. Et Arya attend, son sourire de façade s’étiolant pour laisser place à ses sourcils froncés, signes de sa concentration.

16 févr. 2021, 00:30
Tourbillon Granuleux  PARTAGÉ 
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« Comment débute cette histoire ?

Elle débute comme beaucoup d’histoires.
Avec une fille trop vieille pour être une enfant ; trop jeune pour être une femme.
Et un cauchemar… Diantre ; qui porte le timide nom de
Conte. »


L’Appel du Monstre
n’est-ce pas ?
Arrangement en Ré Mineur


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Jewel Kelsey
Guérisseuse-en-Chef, 49 ans
Responsable du dossier « Charlie Rengan »




D’aucuns s’attarderaient sur une tête qui se penche de manière aussi visible — quasi ostensible — ce n’est pourtant pas le cas de Kelsey.
Il en va de même pour un regard qui se décroche, une respiration qui se mue ou des sourcils qui se trahissent ; une multitude de signes qui transcrivent des émotions bien précises, mais qui n'ont aucun crédit aux yeux de la guérisseuse-en-chef. Ce ne sont que des émotions, dirait-elle sûrement. La majeure partie de mon métier consiste à aiguiser mes émotions avec un tel niveau de maîtrise que je ne sais plus différencier mes émotions naturelles de celles que je créé de toutes pièces, ajouterait-elle en conservant l’impassibilité de son regard-dragée. Je prends en compte un bon millier d’émotions avant de prendre une véritable décision envers mes patients, conclurait-elle avec un naturel sûrement, lui aussi, créé de toutes pièces.
Ainsi, sans réellement en avoir conscience, Kelsey appliquait cette manière de penser à toutes ses interactions : ses patients, évidemment, mais également ses collègues, ses connaissances et ses amants, amantes. Ce qui explique sa proximité singulière avec ses patients, et son éloignement manifeste avec tous les Autres ; personne n’avait la patience de lui offrir un bon millier d’émotions avant d’avoir un semblant de sincérité en retour.

La seule manière d’obtenir une réponse directe de la guérisseure-en-chef était par la clarté et la limpidité d’une émanation magique. Pour cela, certes, elle savait instantanément comment réagir ; et agir avec une perfection chirurgicale.
En l’absence d’effluves magiques, c’est une Jewel au regard perçant, mais tout à fait détaché de ce que pouvait ressentir son interlocutrice en cet instant. Trois pauvres émotions ne sont pas fiables, justifierait-elle, désintéressée par ce qui pouvait traverser le visage d’Arya Bristyle.

Rien qui ne vaille la peine que je l’énonce tout haut.

Ces quelques mots aux intonations scrutatrices se heurtent à la palissade qui leur fait face : l’immobilité des traits de Kelsey. Aussi figée qu’un mort ; au regard éveillé. Un regard qui était le seul mouvement dans ce tableau pétrifié. Ses yeux ne se mouvaient pourtant pas, c’est uniquement l’intensité de son bleu qui s’était accrue ; une étude assidue était en cours, pour écarter l’éventualité de tout risque. En cet instant, l’unique point qui intéressait la guérisseuse-en-chef était la confiance qu’elle pouvait accorder à cette guérisseuse.

Au sein même de sa propre équipe, elle pouvait se montrer intransigeante malgré la confiance qui régnait dans celle-ci. Nous nageons en des eaux troubles, le doute fait partie intégrante de mon service. C’est pour cela que je m’efforce à l’évincer le plus possible de tout ce qui est en mon pouvoir, intimerait-elle à une nouvelle recrue. Et un doute persistait envers Bristyle ; ce qui n’arrangeait pas la relation de confiance.
De tout le personnel du service de Pathologie des Sortilèges — et sûrement de Sainte-Mangouste — Arya Bristyle faisait partie de ceux dont les compétences étaient respectées et reconnues par Kelsey. Cependant, ce doute s’acharnait.
Dans l’esprit de la guérisseuse-en-chef, quelque-chose qui émanait de cette guérisseuse pouvait se montrer traitre ; c’était un ressenti aussi maigre qu’un filin, mais qui s’obstinait. Elle n’avait pourtant pas le choix, le temps pressait, chaque seconde était plus lourde que la précédente. « Des bruits de couloir, essentiellement ». Alors qu’aucun des mots qu’elle écoutait ne lui permettait de réellement écarter ce doute ; la tendance penchait même à l’inverse. « Rien, donc ». Deux simples mots. Un léger soulagement.
Une faible lueur de partage illumine le regard-dragée ; inconsciemment, un simili sourire de satisfaction se dessine sur les yeux de la guérisseuse-en-chef.

Bien.

Que Bristyle considère les informations non fiables comme inexistantes était une bonne chose. « Très bien », commenta-t-elle encore une fois, appuyant le message qu’elle faisait passer à travers son regard. Une approbation.

Soudainement, ses prunelles semblaient changer de registre, alors que sa voix aussi légère que douce s’éleva : « Miss Rengan a besoin d’une intervention urgente ». Un ersatz de silence. « Vous m’assisterez avec la guérisseuse Ryce ». Ne voulant pas se risquer à se parasiter l’esprit face aux émotions de son interlocutrice, Kelsey baissa les yeux vers l’unique dossier qui ornait son bureau, puis — d’une main distraite, le contenu de ce dossier étant gravé dans son esprit — elle l’ouvrit en ajoutant : « Votre rôle sera de veiller à la stabilité de ma magie ».

L’intonation toujours aussi légère — à l’exception du « rôle » qu’elle appuya particulièrement — bien que la douceur dans la voix de la guérisseuse-en-chef était bien plus mécanique que naturelle.

je suis Là ᚨ

14 mars 2021, 18:11
Tourbillon Granuleux  PARTAGÉ 
Au loin se dessine une Silhouette ; qu'est-Elle ?

Un mot. Un regard ; une approbation. Seule l’expérience permet à Arya de retenir le soupir agacé qui toque à la porte de ses lèvres. Elle n’aime guère recevoir l’approbation des autres et moins encore celle de ceux et celles qui lui sont hiérarchiquement supérieurs. Cela lui donne l’impression d’agir afin de les contenter, de répondre à leurs demandes, d’obéir à leurs ordres. Qu’y a-t-il de plus insupportable que l’impression d’obéir ? Avec cette approbation, c’est comme si Kelsey lui disait : « Voilà la réponse que j’attendais », sauf qu’Arya n’aime décidément pas l’idée que cette femme croit qu’elle lui a répondu seulement pour la contenter. *J’aurais dû m’y attendre*, se fustige-t-elle. Après tout, Kelsey n’est-elle pas Guérisseuse-en-Chef ? C’est certainement une habitude pour elle de croire que le personnel de son service n’existe que pour recevoir son approbation.

Cette frustration n’est qu’une poussière dans l’esprit de la Guérisseuse. Elle repousse ses pensées au fin fond de son esprit pour se concentrer sur l’instant présent. Lorsqu’une personne présente suffisamment d’intérêt pour elle, elle parvient sans trop de mal à occulter son statut, sa présence pour ne voir que son intelligence. C’est un don rare que celui de ne voir que ce que l’on souhaite voir — Arya est une experte dans ce domaine.

Plongée dans le regard de la blonde, les mains croisées sur son ventre, Arya ressent sensiblement le changement d’atmosphère. Peut-être est-ce la force du regard de Kelsey ou quelque chose dans son expression… Cela étant, elle se redresse subtilement, prête à recevoir…

« Miss Rengan a besoin d’une intervention urgente ».

Son coeur sursaute ; elle n’était pas prête et la surprise est grande. Se pourrait-il que...

« Vous m’assisterez avec la guérisseuse Ryce. »

Depuis quand Jewel Kelsey demande-t-elle de l’aide avec l’une de ses patientes ? Demande ou plutôt ordonne, certes, cela revient au même quand on est quelque chose-en-chef de n’importe quel service à n’importe quel étage de cet hôpital. Un léger froncement de sourcils marque la rébellion de la grande fierté d’Arya mais elle le camoufle aisément, étirant son sourire mensonger pour mieux cacher son trouble intérieur. Et dans son corps rugit son impatience. Plus grande que sa fierté, plus imposante que son indépendance, son impatience est la marionnette de sa passion. Qu’importent les ordres quand on a l’occasion de participer à une grande opération magique ?

« Votre rôle sera de veiller à la stabilité de ma magie. »

Désormais libérés du regard de Kelsey, les yeux d’Arya tombent sur le dossier ouvert sur le bureau. Elle ne cherche pas à décrypter les éventuels feuillets ni même à se pencher pour attraper au vol une quelconque information. Elle se contente de regarder, de songer et déjà elle rassemble sa concentration pour ce qui est à venir. Les détails n’ont plus grande importance maintenant qu’elle sait ce qu’elle doit faire. Seuls comptent les lents et profonds battements de son coeur.

« D’accord, » dit-elle simplement, histoire que l’autre femme comprenne bien qu'elle ne répond à aucun ordre mais qu'elle accepte d'offrir son aide.

Quittant le bureau, son regard se baisse sur le bout de sa jambe gracieusement croisée par-dessus sa jumelle. Son pied bat le rythme. Un, deux. Un, deux. Rythmant inconsciemment les pensées d’Arya qui se déroulent dans son esprit comme de grands et langoureux serpents.

« Qu’est-ce qui a déclenché cette urgence ? » demande-t-elle au bout d’un moment.

Les détails ne l’intéressent en rien. Charlie Rengan n’est qu’une patiente parmi les patients, définition même de l’individu : elle n’existe pas pour elle-même, ici, mais pour sa maladie, sa pathologie. C’est la seule chose qui permet aux Guérisseurs de la distinguer des autres. Rengan est sa maladie et Arya a besoin de connaître cette souffrance pour aider Kelsey à la guérir, à l’apaiser, à faire tout ce qui permettra à Rengan de rentrer chez elle, de libérer un lit et tout simplement de cesser d’exister aux yeux des Guérisseurs de Sainte-Mangouste.

28 mars 2021, 18:24
Tourbillon Granuleux  PARTAGÉ 
Certes, Regarde ; dans le Lune, une Monstre.


À l’ouverture du dossier, l’unique page qui apparait au-dessus de toutes les autres est écrite de la plume de Kelwey, de son écriture aussi bouclée que serrée, aux allures torturées. Un simple paragraphe qui se targue d’être le chemin à suivre pour atteindre le tant désiré « résultat ».
Chaque intervention de la guérisseuse-en-chef était mue par la volonté d’atteindre un résultat bien précis. Ce même résultat étant la priorité absolue, laissant très peu de place aux moyens mis en place pour l’obtenir. Dans l’esprit de Kelsey, rien n’existait sans sa réciproque ; ainsi, intervenir dans l’un affectait directement l’autre. Les liens de causalité regroupent des principes qu’elle a depuis longtemps adoptés. Sa préoccupation principale consiste donc à intervenir sur un versant en vue d’atteindre un résultat précis, sans toutefois endommager trop sévèrement son miroir. C’était une manière de concevoir la Médicomagie avec un investissement qui ne pouvait être autrement que total, obsessionnel et — paradoxalement — presque maladif.
Pourtant, c’est ce qu’est Jewel Kelsey : une existence entière consacrée à sa seule obsession.

Le regard-dragée parcourt encore une fois les quelques mots qui lui font face, cherchant une énième confirmation avec elle-même. Prendre des décisions était son métier ; ce qui rendait d’autant plus complexe sa prise de décision. Voguer dans les maladies inconnues soumettait forcément à ce terrible dilemme : absolument tout pouvait être une bonne décision. Chaque choix, chaque possibilité, chaque ressenti pouvait être le bon, comme le pire. Les connaissances ne pouvaient pas peser dans la balance de décision, car une mauvaise réaction à une intervention ne voulait pas forcément dire que c’était la mauvaise décision, tout comme la réussite d’une intervention ne confirmait pas la bonne décision ; seule l’expérience de Kelsey lui permettait de prendre un chemin plutôt qu’un autre, en gardant en tête tous les autres sentiers pour bifurquer à la moindre complication inattendue.
Ainsi, il était l’heure de bifurquer avec le cas de Rengan. Le chemin initialement sélectionné ne semblait pas se diriger vers le résultat escompté. « D’accord », une simple fioriture dans l’esprit de la guérisseuse-en-chef. Bien sûr que Bristyle acceptait, maintenant qu’elle avait été choisie et confirmée dans ce choix, elle n’avait plus aucun choix. La première phalange de son index venait de se faire écrabouiller par l’engrenage-Kelsey, et ce n’était que le prologue.

Depuis l’admission de sa patiente la veille, le protocole radical du fractionnement originel de la magie brute ne quittait pas l’esprit de la guérisseuse-en-chef. C’était une intervention bien trop dangereuse, qu’elle avait finalement avortée dans l’urgence de l’intervention provisoire. Elle était encore dans le doute quant à l’éveil de la Magie de Rengan, alors elle ne pouvait pas prendre de risques inconsidérés ; elle ne souhaitait pas faire voler le miroir en éclats. Seul le résultat comptait, mais s’il était atteint au prix d’un sacrifice démesuré — quasi-handicapant — il perdait tout son intérêt initial.

Qu’est-ce qui a déclenché cette urgence ?

Au milieu de ses réflexions, Kelsey accueillit cette phrase tel le prolongement de ses pensées. La veille, se retrouvant sans le moindre membre de son équipe et dans l’urgence la plus totale, elle intervint seule sur Rengan ; avec une stagnation de l’évolution de la maladie comme seul résultat recherché.
Aujourd’hui, c’est avec une équipe amputée qu’elle s’apprêtait à choisir un nouveau chemin pour sa patiente ; espérant effleurer un peu plus le résultat avec cette nouvelle décision prise dans l’urgence.

La douleur de ses mictions, commença-t-elle d’une voix toujours aussi mécaniquement douce, Rengan est une enfant, vous savez ce que cela signifie.

Une peur viscérale de Kelsey et de Sainte-Mangouste en général ; ainsi que d’autres complications liées à la croissance de l’organisme.
Ainsi, lorsque la guérisseuse-en-chef intimait à Charlie de prévenir son père à la moindre douleur physique, elle savait d’avance que cela était tout à fait inutile. C’était donc à Adam qu’elle ordonnait la surveillance minutieuse de sa fille, mettant un point d’honneur à faire attention au moindre changement, aussi infime soit-il.
Pourtant, de plus en plus, Rengan cachait avec une habilité malsaine la douleur qui pouvait la tenailler.
Il a fallu que son père l’entende gémir très faiblement, alors qu’elle était allée aux toilettes au beau milieu de la nuit, pour qu’elle soit enfin amenée au service de Kelsey. Un peu tard ; sa rate était déjà durement atteinte.
La migration de sa maladie était imprévisible.

Sa rate est surmenée, un constat fait à partir d’impulsions magiques spontanées sur son système sanguin, la cause étant, entre autres, l’action d’une magie étrangère.

Kelsey était particulièrement précautionneuse par rapport aux mots qu’elle employait.
Elle devait en révéler assez à Bristyle pour permettre une intervention réussie, mais ne pas en révéler trop pour ne pas compromettre les informations de son service.

Vous vous doutez que face à cela, la solution du fractionnement originel est la plus convaincante. Toutefois, la présence de ma propre magie inoculée urgemment en elle...

D’un geste gracieux, la guérisseuse-en-chef referme le dossier. « Ainsi que la magie étrangère mêlée à son organisme, mène à la possibilité non négligeable de perdre l’intégralité de son essence magique » rappelle-t-elle avec concision, le regard détaché, fixé sur la couverture rigide du dossier.

L’inhibition de la magie étrangère dans sa rate reste la priorité et l’urgence principale. L’intervention de Kelsey, la veille, n’était que provisoire ; seule, elle ne pouvait pas gérer tous les paramètres d’un protocole aussi complexe sans se fatiguer à une vitesse fulgurante. « Quant à vous, votre unique et seule priorité sera de maintenir la stabilité de mes oscillations chronico-magiques qui lui seront inoculées ». Le protocole choisi était enfin divulgué. C’était une variante du fractionnement, mais aux effets inverses : la recherche de l’étouffement magique par inoculation d’une autre magie, de manière chronique. Une intervention délicate, de par sa minutie quant à la quantité, la densité, la nature et la stabilité de la magie incorporée.
Le protocole était lourd, et la marge d’erreur quasi-nulle.
D’autant plus que la rate de Rengan était tout à fait déréglée, renouvelant son sang à outrance, condamnant son corps à un manque sanguin, fragilisant le système immunitaire, provoquant des douleurs terribles lors des mictions, et bien d’autres symptômes.

La confiance modulaire que Kelsey accordait à Bristyle était exceptionnelle, par manque de personnel et par affinité magique. Pourtant, cette confiance semblait s’appliquer seulement et uniquement à cette intervention primordiale qui se profilait.

je suis Là ᚨ