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10 mai 2019, 16:41
Chambre d'Angus Loewy
Recueil de OS


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Owen et Nathan Stein rendent visite à Angus Loewy endormi
Vacances d'avril 2044.



Papa ouvrit la porte et je vis Papy allongé sur le lit qui lui était réservé depuis plusieurs semaines. Il était pâle, maigre, ses joues rentraient à l’intérieur de sa bouche comme s’il n’avait plus qu’un drap de peau sur le crâne. D’instinct, je pensai qu’il allait mourir, parce qu’il avait l’air d’être déjà mort. Je n’ai jamais vu de cadavre, mais c’est à ça que ça doit ressembler. Papa entra dans la chambre et je restai figé sur le seuil. Mamie était à l’intérieur, elle se leva pour accueillir Papa.

« Comment va-t-il ? demanda-t-il à Mamie. »

Celle-ci ne répondit pas, car il n’y avait rien à répondre, et je la compris. Papa était un idiot fini. J’avais envie de répondre : « il pète le feu, ça se voit pas ? » mais je me retins, mon regard fixé sur Papy. Je crois qu’il me dégoûtait, en fait, mais je n’arrivais pas à m’en détacher. Il y eut un silence tandis que Papa tirait une chaise, qu’il ramena vers le lit de Papy.

« Maxine n’est pas venue ? fit Mamie, sans doute pour être polie.
- Non, elle estime que ce n’est pas sa place.
- Elle a raison, fis-je machinalement, car je ne voyais pas bien le rapport entre Maxine et Papy, qui était finalement « le Papa de l’ex » pour elle. Je compris trop tard que je n’aurai pas dû dire ça : Papa et Mamie me regardèrent avec un regard sévère. »

Papa s’avança vers moi et me tira vers l’intérieur de la chambre. J’allai alors me planter devant Papy, qui dormait apparemment. D’ici, il avait encore plus l’air d’être mort.

« Comment ça se passe, à Poudlard ? me demanda Mamie avec un air bizarre.
- Ça va.
- Owen a eu de bonnes notes en Défense contre les Forces du Mal et en Métamorphose, depuis le début de l’année.
- Y a un gars de ma maison qui dit que j’ai des prédispositions et que si un jour, j’arrive à tout transformer en or, faudra que je partage le butin avec lui, fis-je, assez fier. »

Les deux adultes en présence s’échangèrent un drôle de regard, jusqu’à ce que Papa remplisse ce silence, se munissant d'un sourire tout préparé :

« Et tu le feras, si ça arrive ?
- Bien sûr que non, fis-je en haussant les épaules. »

Papa n’eut pas l’air satisfait de ma réponse, mais peu importait. De toute façon, j’étais convaincu d’avoir raison : si je voulais devenir le plus grand sorcier du monde, il valait mieux être riche. Mamie, elle, ne dit rien. C’était comme si elle n’était pas vraiment là. Ca faisait trop longtemps que Papy était malade pour qu'elle reste elle-même : il avait d'abord enchaîné les allers-retours à Sainte-Mangouste, et maintenant, il semblait parti pour y rester.

« Quand sont ses prochains examens ? fit Papa en secouant la tête vers Papy.
- Dans deux jours. Il n’arrête pas d’en avoir, ça l’épuise encore plus.
- Maman est venue le voir ?
- Penses-tu ! soupira Mamie. »

C’était lourd. Mamie était toujours très remontée contre Maman, depuis qu’elle m’avait abandonnée. Parfois, je me demandais si elle ne l’était pas encore plus que moi.

« J’espère qu’il va se réveiller avant qu’on s’en aille. »

Papa répondit que oui, certainement, qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Mamie proposa d’aller chercher des jus et avant même que l'on ait eu le temps de répondre, elle quittait la pièce. Avant de ne plus pouvoir la voir dans le couloir, je lui dis bien fort que je voulais un jus de pomme. Et voilà, Papa et moi n’étions plus que tous les deux à regarder Papy mou… dormir. On n’avait rien à se dire, c’était bizarre. Je n’avais encore jamais regardé quelqu’un mourir dans un lit d’hôpital.

« Le grand-père de Qiong est mort y a pas longtemps, dis-je pour briser le silence. J’avais parlé à Papa et Qiong et Mei, quand j’étais retourné chez lui l’été dernier, ainsi qu’aux vacances de Noël.
- La fille dont tu m'as parlé ? Son grand-père, c'était pas le directeur de l’école de Chine ?
- Si. Eh ben, assassiné, elle a dit.
- Elle a dit ? Qui ça, elle ?
- Bah, Qiong. Elle est venue à Poudlard au début du mois de mars avec une autre dame et elle a dit ça. J’pensais pas qu’il pouvait mourir, dis-je en baissant les yeux sur mon grand-père à moi. »

Papa sembla soucieux. Pour être honnête, je n’avais pas trop réfléchi à cette question d’assassinat : j’étais surtout désolé pour Qiong.

« Et comment va ta mère ? demanda-t-il comme si cela avait un rapport. »

Comment lui dire que je ne lui avais plus parlé, ni même que je ne l’avais plus croisée, depuis plusieurs mois ? Elle restait planquée, comme toujours ; mais depuis quelques temps, même moi je ne la voyais plus. Nos entraînements censés être réguliers ne l’étaient pas du tout, en vérité, et je ne pouvais m’en remettre qu’à moi-même depuis au moins le mois de février.

« Comme d’hab’, je suppose. »

Papy ne se réveilla pas cette fois-là, et ce fut, somme toute, une après-midi très ennuyeuse.

Siehst, Vater, du den Erlkönig nicht?
Den Erlenkönig mit Kron’ und Schweif?