Inscription
Connexion

26 janv. 2020, 13:43
Accœur Perdu  PRIVÉ 
Image
Emily Smith, 16 ans
6ème année, Serdaigle


23 Décembre 2043
Sainte-Mangouste, Londres
6ème année


Un jour, j’ai demandait à Thalia pourquoi aimait-elle observer les foules, alors qu’elle les haïssait tant. Sourire aux lèvres, elle m’a soufflé qu’elles recelaient un mystère inexplicable à ses yeux. « Je regarde la foule, Emily, et je la vois ; il n’y a plus d’esprit, il n’y a qu’un seul être, un corps unique en harmonie. Mais quand je tente d’y entrer, tout se brise et il n’y a plus d’harmonie, il n’y a que les Autres qui me bousculent : il y a un tout, qui se démembre quand je m’y faufile. J’aime observer la foule, car je n’y ai pas ma place. Elle est la rivière qui coule sans heurt, et je suis le rocher qui m’y glisse et qui sépare les molécules. Le jour où je comprendrais pourquoi, je n’aurais plus besoin d’observer la foule. » La petite agoraphobe avait débité tout cela sans me regarder, juchée sur la rambarde du balcon de la galerie d’art où nous nous étions rendues, son carnet posé sur ses genoux, esquissant un croquis sans regarder son œuvre, les yeux plongés vers la rue. Ce jour-là, j’ai compris que l’être humain avait une curieuse tendance à se plonger à corps perdu — « à cœur perdu, Emily, à cœur perdu, le corps n’est rien » me sermonnerait Thalia — dans ce qui le terrifiait fondamentalement. Et la petite Gil’Sayan, malgré tout ce qu’elle peut dire, est parfaitement humaine. « Soit je n’le suis pas, soit je le suis trop, » assène sa voix en se rappelant à moi. Elle l’est trop, je crois.
Je crois aussi que je ne devrais pas penser à Thalia aujourd’hui. Tout ce que ces pensées peuvent m’apporter est un trouble plus important encore que celui qui me saisit déjà. Penser à une enfant étrange en allant en voir une autre est la pire chose à faire, je le sais. *Fais taire tes pensées, et avance*.

Je sors de la ruelle presque déserte que j’ai emprunté pour arriver jusqu’ici, et affronte du regard la foule qui emplit les rues par lesquelles je dois obligatoirement passer pour me rendre à destination. Tous, Moldus comme Sorciers — les capes et baguettes mal dissimulées, ou les habitudes de duellistes, sont si simples à remarquer —, sont de sortie avant Noël. Aucune prévoyance, se bousculant dans les boutiques. Je secoue la tête en pensant aux présents trop simples que je vais offrir à Père et Mère. Rien de touchant, de familial. Juste des preuves de prouesse magique, montrer qu’ils peuvent être fiers. Il n’y a rien dont ils peuvent être fiers.
En biais, tournant à peine le dos au courant de la foule qui déferle dans les rues, je fends la dernière vague pour arriver au bout de la rue. Dans la vitre, j’observe mon reflet sans me laisser songer qu’il me dégoute. D’une tape de la paume, je lisse mes vêtements moldus. Si Père me voyait dans cette chemise blanche, ce pantalon et ce veston noirs trop bien coupés, bien trop moulants à son goût, je sais que mon corps valserait à l’autre bout de Londres. Cela fait bien longtemps que j’ai cessé de sur-estimer l’empathie et l’amour filial de mes parents ; ils sont absents. Une jeune fille déguisée en Moldue : quelle honte peut-elle être supérieure ? Pourtant, je me sens bien dans ces vêtements d’étudiante sans soucis, trop stricte, peut-être préoccupée par ses examens prochains. Il est simple de recouvrir un masque, et j’ai toujours été douée pour jouer un rôle. Extérieurement. Jamais mes pensées ne veulent s’accorder avec celles de la fille que je joue ; cette fille qui n’a pas de temps pour l’amour, qui doit sans doute avoir des cours dans son sac à main. Non, je ne peux pas oublier que ma baguette est lacée à mis poignet droit, facile à dégainer, et que je porte dans mes bottines noires sans talons une lame effilée et affutée. Ne jamais sortir sans protection, parce qu’on ne sait jamais. Une des premières règles que j’ai appris dans la haute société sorcière. Et dans ce sac, des cours, certes, mais des potions aussi, et des gallions d’or pour mes prochaines courses. Tant que je serais sorcière, je ne pourrais être normale. Me promener dans les rues londoniennes sans scruter autour de moi pour prévenir le danger m’est refusé.

Remontant à peine mes lunettes sur mon nez, je jette un nouveau coup d’œil à mon reflet. Dégoutée. Une main passée dans mes cheveux blonds pour les ébouriffer un peu plus, je compose un air strict sur ma face *ne t’regarde pas*, et je serre dans ma main un parchemin chiffonné, la raison de ma venue, avant de passer l’entrée de l’Hôpital Sainte Mangouste. Sans peur. Sans effroi. Ma détermination est glaciale, car l’excitation est trop brûlante au fond de mes veines.

Un sourire supérieur orne les coins de mes lèvres quand je me présente à l’accueil. La jeune sorcière, brune, cheveux lisses coupés au carré, yeux miel que je dévisage sans me cacher, m’observe d’un air parfaitement ennuyé.

« Rengan, Charlie, est prise en charge dans cet hôpital. » Froide, ma voix. Froide comme mes yeux bleus, mes cheveux pâles, mes vêtements stricts. On ne m’a pas appris à me libérer de ce cocon glacial dans lequel je me sens trop à l’étroit. Un instant déséquilibrée, l’hôtesse recule à peine puis acquiesce maladroitement. Remontant mes lunettes, je la fixe un peu plus en pivotant de quelques centimètres. Ainsi, un de mes derniers devoirs de Poudlard sort à peine de mon sac ; Smith, Emily, est-il inscrit en haut. Le nom de mes parents est utile, et lorsque la femme l’effleure de son regard, je sais ce qu’il me reste à faire.
Ce n’est pas grave si mon cœur rate un battement d’effroi, qu’il n’est plus aussi bien accordé, car l’Être n’est rien comparé au Paraître, et que je perfectionne mon rôle depuis seize années. Il ne me fait pas faux bond, contrairement à mon palpitant.
Ma voix claque contre les murs de l’hôpital trop strict, cette nouvelle prison.

« Dites lui qu’elle a une visiteuse. »

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

27 janv. 2020, 22:14
Accœur Perdu  PRIVÉ 
[ 23 DÉCEMBRE 2043 ]
Hôpital Sainte-Mangouste

Charlie, 14 ans.
3ème Année


Image












Image
Jewel Kelsey
Guérisseuse-en-Chef du Service de Pathologie des Sortilèges, 53 ans
Responsable du dossier « Charlie Rengan »



Il ne restait plus qu’à s’allonger *Plus qu’à…* lorsque la porte de la pièce s’ouvrit à la volée.
Un petit parchemin avec ses ailes de tissu se jeta dans les mains de Jewel Kelsey, qui était mal assise sur la banquette de repos ; prête à se reposer.
La couleur cramoisie du parchemin ne surprit aucunement la Guérisseuse-en-Chef, la quasi-totalité des messages internes lui étant destinés pulsaient du sceau urgent.
Alors que le parchemin reprenait magiquement sa forme initiale, un rare soupir traversa les fines lèvres de Kelsey ; en temps normal, chaque parchemin cramoisi lui déclenchait un hoquet au cœur, qui résonnait jusque dans les landes étoilées de son Regard. Ce n’était pourtant pas le cas de cet instant où l’exténuation profonde lui faisait perdre sa concentration. Ses yeux bleus-dragée manquaient d’éclat.

Rengan Charlie accueil


Trois mots, concis, qui reflétaient la structure de pensée qu’imposait Kelsey au personnel qui la contactait : « le nom du patient concerné accompagné de son prénom, puis l’emplacement où je suis attendue ». La Guérisseuse-en-Chef exigeait le face à face lorsque cela concernait ses propres patients, elle croyait uniquement au partage d’information direct, yeux dans les yeux ; et avec l’âge, son avis n’était que plus intense, mieux gravé, moins malléable.
Les trois mots sur ce parchemin lui firent froncer ses sourcils, inconsciemment. Elle n’imaginait pas Charlie descendre à l’accueil, et encore moins sa mère la laisser faire une telle chose. Cette urgence devait sûrement concerner une personne, Moldue ou Sorcière. *Certaine*. C’était la seule possibilité qui restait après avoir brassé toutes les autres.
D’un unique bond enfantin — et d’une grimace quant au gémissement de son genou gauche — la Guérisseuse-en-Chef sortit de la salle de repos en prenant la direction des escaliers.

Son corps se déplaçait d’une vigueur exagérée pour combler le manque de volonté qui lui embrumait les muscles. Si le lieu où elle était attendue avait été la chambre de Charlie, son corps se serait réveillé avec bien plus d’adrénaline.
Ce n’était pourtant pas le cas, cette urgence n’était qu’administrative, elle se sentait, elle se savait ; et cette formalité était en train de l’empêcher de se reposer. *Plus qu’à se presser*. Une lourde intervention magique l’attendait dans une petite demi-heure, et Kelsey se demandait si elle arriverait à se reposer une dizaine de minutes avant.

La période de Noël était exténuante pour tout le personnel. C’était à croire que tous les Sorciers devenaient absurdes avec l’approche des fêtes. L’hôpital-sorcier était débordé. En plus de ses patients aux maladies non-répertoriées, la Guérisseuse-en-Chef devait assurer la direction de son service de Pathologie des Sortilèges. Et en cette période de fête, le temps que lui prenait son service principal était bien supérieur au temps consacré à ses propres patients. Pourtant, son esprit était toujours délicieusement hanté par ses cas aux maladies non-répertoriés.
C’était une période de grande Fête à Sainte-Mangouste ; dans l’esprit de Kelsey, un grand spectacle d’Agonie, qu’elle aimait. De fait, peu de ses patients mourraient sous sa responsabilité, les moyens déployés pour leur maintien à la vie étaient bien trop soigneux pour cela, bien trop précieux, bien trop cruels. Ils agonisaient sans douleur, pour la plupart, ils étaient maintenus dans l’existence. Pas forcément vivants, mais existants. C’était le plus important pour Kelsey ; qui croyait en ses patients uniques et en ses recherches les concernant. Son service principal — celui du 4ème étage — n’était que secondaire au fond de ses prunelles.

D’un coup de baguette, la porte de service débouchant sur l’accueil s’écarta. Kelsey fit irruption dans le hall en braquant son attention vers le comptoir principal, la baguette toujours serrée dans sa main droite. Lorsqu’elle avait affaire à des personnes qu’elle n’avait jamais rencontrées, c’était une habitude pour elle de garder son outil le plus précieux dans sa main ; juste au cas où. La vie entière de Kelsey était basée sur des juste-au-cas-où.
*Moldue*. Une adolescente blonde, à lunettes. Et ce n’était pas Darcy Crown.
La Guérisseuse-en-Chef se dirigea d’un pas décidé vers la fille, le regard trainant inconsciemment sur son grand corps ; la vue ne lui était pas réellement utile, c’était le toucher qui se réveillait de sa manière si singulière, si naturelle.
Plus que quelques pas.
*Sorcière*. Kelsey avait mis un premier pas dans les minces effluves magiques de l’adolescente, très différents de la secrétaire de l’hôpital. Une Magie aussi unique que l’empreinte des doigts. *Ronde*. Sa baguette était toujours tenue entre ses petits doigts fins. *Cyclique*. Et son regard donnait l’impression de glisser sur les choses, alors que sa peau se réchauffait de Magie.
Si son épiderme pouvait trembler en corrélation avec sa sensibilité à la Magie, un tremblement de terre se déclencherait dans les rues Londoniennes.

Qui êtes-vous ?

Sans même demander à la secrétaire de lui résumer la situation, Kelsey s’adressa directement à la grande adolescente qui la dépassait de quelques centimètres.
La Guérisseuse-en-Chef s’arrêta brusquement, comme un freinage sec, laissant ses propres effluves magiques s’échouer contre le corps de la blonde, même si elle savait qu’elle ne pouvait pas réellement en saisir toute l’ampleur.
Son regard était toujours aussi glissant, il ne croisait aucunement celui lui faisant face.

Deux blondes aux yeux bleus, face à face, et pourtant tellement différentes que la situation en devenait outrageante.

je suis Là ᚨ

29 janv. 2020, 15:05
Accœur Perdu  PRIVÉ 
Image
Emily Smith, 16 ans
6ème année, Serdaigle


Les effluves me parviennent en premier. Avant même que je ne commence à observer la nouvelle arrivante, sa Magie me heurte. Mes leçons avec Thalia et les livres me reviennent à l’esprit ; nos sensibilités exacerbées, la mienne déjà travaillée, et mes mots pour lui apprendre à ressentir les vagues de pouvoir. Et sa Vague, à l’Inconnue, surpasse profondément en intérêt celles qui émanent des sorciers dans la foule, ou de la secrétaire. Son empreinte à elle est plus floue, car mes sens, même déployés, n’arrivent pas à les saisir dans toute leur ampleur. Cela n’a rien à voir avec une Magie particulièrement puissante, mais avec une maitrise qui me frappe. Instinctivement, je fais glisser ma baguette le long de mon poignet. Ma main saisit son manche doux sans la dégainer, laissant mes pores frémir au contact de l’autre Magie, s’ouvrant à cette nouvelle découverte.
À leur tour, mes yeux établissent le contact. Fixés dans le bleu plus pâle, ils dévisagent en douceur, stricts. Effleurant la silhouette, petite, puis le regard, imposant. À l’image des vagues successives que je reçois d’elle, sa présence est intense. Les cascades blondes attirent mon œil, le repousse aussitôt.

*Sal’té ; Beauté ; Miroir*.
Outre toutes différences facilement discernables, l’Inconnue est à mon être un miroir. Sa vision continue de heurter mes sens à chaque instant. La paix stricte qui en émane attise mon sourire. Sourire d’enfant curieuse qui découvre un nouveau livre vivant, en puit de Connaissance. Elle est belle en sa froideur d’harmonie, et fait s’agiter mes pensées. Une qui grimpe le long de mon esprit attire ma concentration, avant que je ne la repousse. Sans m’empêcher de la considérer attentivement. *J’pourrais ressembler à ça, plus tard*. En m’affranchissant des parents autoritaires, en créant mon propre cadre ; pourquoi pas ? Mais je suis idiote.
Je suis idiote, et mon unique but ici est l’enfant à la peau mate et aux yeux émeraudes qui se cache quelque part dans cet hôpital. La femme, si captivante soit-elle, n’est qu’une étape avant la contemplation de la chevelure noire. Rangeant ma Moitié à demi sortie, je serre un peu plus fort le papier froissé dans ma main gauche. Maintenant ? *Ça n’veut rien dire*. Si, ça signifie beaucoup, c’est précisément pour cela que je suis présente aujourd’hui.
Mon regard cesse la contemplation pour se figer en formalité, droit et fier dans le Bleu de l’autre, reflet fragile de ma détermination. Les orbes ont beau éviter de croiser les miens, j’y reste accrochée.

Jouant avec mes mots trop froids, mes lèvres s’agitent en miroir. D’une formalité excessive ; mon soupir intérieur devant mon obligation à décliner mon identité se ressent jusqu’à la moindre syllabe qui s’échappe de ma bouche désormais dénuée de tout sourire.

« Emily Smith, sixième année à Serdaigle. Vous êtes ? »

Ce serait mentir que d’affirmer ne pas être intéressée par la réponse aux deux mots qui clôturent ma prise de parole inintéressante. *Vous êtes ?*. Qui ?
Ma Magie se rétracte à peine devant la sienne, et je ne peux m’empêcher d’en être frustrée. Un pouvoir ne devrait pas prendre tant de place qu’il réfrène le mien ; mais à vrai dire, c’est mon pouvoir qui choisit de lui-même de lui laisser un peu plus d’espace. Pour mieux sentir.

« Je souhaite voir Charlie Rengan. » et je déteste me répéter.

Mais je le fais tout de même, m’adressant à elle, décalant mon corps sur le côté pour laisser les prochains sorciers à la charge de la secrétaire ennuyeuse. Prise d’une excitation à peine visible, trop calme. Doigts de ma main droite s’enroulant soudain autour d’une de mes mèches, dans un réflexe oublié. Une tâche d’encre apparaissant au creux d’une de mes phalanges, trace de ma dernière analyse de bouquin, ce matin à la va-vite. En me lavant les mains, je n’ai pas frotté suffisamment fort pour la faire disparaitre, cette encre persistante. Et je ne m’en aperçois qu’à cet instant. Cela ne change rien, pourtant. Mes lèvres sont toujours aussi neutres, un sourire invisible y flottant, et mes yeux bleu glacier dénué de mon gris habituel posés sur ceux glissants de la femme qui me fait face.
*Plus qu’à patienter*.

Une confrontation muette comme je les aime tant.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

07 févr. 2020, 11:43
Accœur Perdu  PRIVÉ 
Image
Jewel Kelsey
Guérisseuse-en-Chef du Service de Pathologie des Sortilèges, 53 ans
Responsable du dossier « Charlie Rengan »



Pourtant, autant de différences convergeaient fatalement vers une certaine ressemblance, en profondeur ; dans la gestuelle inconsciente, dans les pensées complémentaires, sans pour autant que cela prenne de la place dans le cœur des deux femmes. Avec un certain naturel, elles s’accordaient sans y insuffler d’intensité. Elles s’accordaient simplement, sans réfléchir, et réagissaient au moindre mouvement Magique apparent. La maîtrise était différente, mais la profondeur ne changeait pas.
Ainsi, lorsque Kelsey ressenti la *Rondeur qui se chiffonne*, cette baguette qui s’engageait dans Magie de la grande blonde, elle relâcha la pression de sa propre baguette.
La Guérisseuse-en-Chef venait d’encadrer la Magie qui lui faisait face, et ses doutes étaient en train de s’envoler le plus simplement du monde. Avec naturel.

*Calmer le cycle*. Son outil n’était plus pressé entre ses doigts, il pendait comme un bête accessoire, un meuble mal placé. La barrière de la Magie était levée, l’adolescente n’était pas dangereuse ; sa Magie coulait d’une manière bien trop Ronde dans son corps pour cacher la moindre agressivité, le moindre désir caché.
Kelsey était toujours sur ses gardes lorsqu’un visiteur s’adressait à elle, ses patients complexes étaient quelquefois victimes de malédictions ou de sortilèges antiques qui étaient jetés pour leur faire du mal. Ainsi, elle se méfiait à un degré quasi-paranoïaque des visiteurs mal intentionnés, au cas où leur viendrait à l’idée de finir leur travail.
La Magie de la grande blonde n’était aucunement dangereuse, même si elle était *Froissée*, cette Magie-là pulsait de douceur. Et lorsque Kelsey décida d’enfin poser son regard dans l’autre-Bleu, elle fut surprise de faire face à tant de dureté factice. Une dureté dans les yeux, mais pas dans le Regard. Une dureté de façade qui — au-delà de la surprise — n’intéressait aucunement la Guérisseuse-en-Chef.
Elle détourna son regard pour le laisser glisser, à nouveau. Ce croisement fut bref, tellement rapide qu’il se dilua dans l’illusion ; il dura moins de temps qu’un battement d’ailes.

Des mots se jetèrent à la charge. Certes, des mots chargés ; qui ne touchaient aucunement Kelsey. Son esprit était uniquement intéressé par les ressentis, et celui qui émanait en cet instant de l’adolescente était faussé comme du sucre figé, fin, il pouvait casser au moindre mouvement brusque. *Aucun danger*.
Ce n’était pas grave, Kelsey était habituée à provoquer de fausses houles dans les corps. Pour elle, il n’y avait que la Magie qui ne s’habillait pas, qui ne se cachait pas, qui ne mentait pas. Les lèvres trop minces de Kelsey s’écartèrent pour amener une réponse aux mots chargés, mais d’autres mots que les siens devancèrent la première salve.

Deuxième attaque, plus douce, plus *Ronde*.
Ce n’était même plus une attaque, mais une défense bancale, de celle qui boite avec dignité. *Rengan*. Les mots de l’adolescente étaient inutiles à Kelsey, ils ne lui apportaient aucune information supplémentaire, et ils l’avaient coupée dans son élan de réponse. *Jeune*. En cet instant de temps, la grande blonde n’était plus qu’une enfant dans l’esprit de Kelsey ; et son esprit gravait ces premières impressions à une vitesse effrayante malgré son âge.
Pourtant, l’empreinte Magique lui faisant face devançait toutes les informations qu’elle pouvait collecter. C’était une belle empreinte comme il n'en existait pas beaucoup, d’une rondeur qui tournoyait, d'un balayage constant. *Belle*.
Une belle empreinte. Ce qui n’empêchait pas l’esprit de Kelsey de dissocier la Magie de la Personne ; certains disaient que c’était une aberration sans nom, alors que d’autres affirmaient que c’était la manière la plus stable d’appréhender. Kelsey n’avait pas choisi son approche, elle l’avait simplement ressenti.

La dissociation était faite, et les mots qui emplissaient la bouche de la Guérisseuse-en-Chef étaient bien différents de ce qu’elle ressentait pour la Magie de l’adolescente.
D’un mouvement ample, elle rangea son précieux outil dans la poche de sa grande robe verte, ornée d’un noir propre à son statut. Son regard bleu-dragée se planta soudainement dans l’autre-Bleu, suivi du mouvement lent de ses lèvres articulées :

Ma question complète est : qui êtes-vous pour Miss Rengan ?

L’attitude de la Guérisseuse-en-Chef avait changé, elle n’utilisait plus son Toucher en priorité. Ce qu’elle avait ressenti concernant les émanations de l’adolescente était suffisant pour qu’elle ne ressente plus le caractère urgent et potentiellement dangereux de la situation.
Fatalement, ses pensées se décalèrent vers un futur qui se rapprochait. Cette opération. *Je dois…*. Et cette fatigue.
Oh, cette satanée fatigue !
Dernière modification par Charlie Rengan le 11 févr. 2020, 18:38, modifié 1 fois.

je suis Là ᚨ

10 févr. 2020, 19:27
Accœur Perdu  PRIVÉ 
Image
Emily Smith, 16 ans
6ème année, Serdaigle


« Ma réponse complète est une fille qui lui a écrit et à qui elle a répondu. »

D’un geste fluide, j’ouvre mon poing fermé pour laisser entrevoir la lettre pliée et à peine froissée que j’y serre. Son regard glissant ne fait qu’effleurer mes contours, et l’observation si minutieuse — mais à peine appuyée — de ma Surface fait frissonner ma peau. Comme une impression de n’être qu’une enveloppe insignifiante, qui ne protège plus rien. Qui n’a jamais rien protégé de rien. Je ne suis rien ; et mon corps ne sait que me salir, jamais me protéger. C’est lui qui me fait désormais défaut, lui qui se paralyse dans les instants les plus précieux, lui qui est encore marqué de son autre corps. Sous le regard de la Femme, mon corps me semble retourné pour offrir ma Magie à nue. Et mon âme par le même coup. *C’est si idiot*. Je ne sais différencier Magie et Âme, même après mes centaines de lectures montrant leurs divergences. Ma vision me les offre si intrinsèquement liées. La Magie collée au fer rouge à l’âme, parfois le contraire peut-être, comme un fardeau lourd qui se révèle parfois léger comme un envol d’oiseaux. L’esprit n’a rien à voir avec la Magie, et cela l’histoire le prouve bien, les couloirs du Château le prouvent même ; une belle Magie pour de pauvres intentions, il en court les rues, malheureusement. Et le contraire tout autant. Mais ici, fragile comme je ne l’ai été depuis longtemps, je tressaille à peine en sentant cette observation qui pèse sur moi.

« Et une connaissance de Darcy Crown. »

Demi-mensonge, ou demi-vérité. Mon demi-tressaillement était un demi de trop, la parole s’était imposée, et elle n’était pas fausse. Crown était des rares qui respectaient l’image que je me faisais des bleu et bronze, je ne savais même pas pourquoi. Son lien avec la petite Rengan, je l’avais à peine deviné. Mais moi, je n’avais qu’effleuré du regard la grande blonde — comme un reflet, parfois —, et adressé quelques mots une fois ou deux. Belle, Darcy se remarque dans la masse, et son indifférence ne fait que plus converger les regards. Dont, parfois, fait partie le mien.
J’ai entendu dire que la petite Rengan connaissait la septième année par des sources que je n’aurais pas cru si elles n’avaient pas été si fiables. Peut-être que le nom de Darcy, ici, me sera profitable. Ou pas. Qui sait ? Personne, tout comme personne ne peut m’assurer que les deux se connaissent réellement. Quoique, les deux Différences, se connaissant ; rien d’anormal, en réalité. Me présenter comme sa connaissance est à peine osé, mais je ne suis pas troublée. Ce n’est peut-être pas un mensonge. Peut-être qu’elle connait mon nom, bien qu’il y ait peu de chances. Nos profils se ressemblent à peu près, diraient certains.
Ils auraient tort — *complètement tort*, et ce n’est pas le moment de laisser mes pensées se perdre ailleurs que sur ce qui se joue ici et maintenant.

J’incline à peine la tête, laissant retomber la pression que j’exerçais sur ma baguette. La rangeant à l’intérieur de ma manche d’un geste rapide, je laisse mon regard jouer le même jeu que celui de la Femme ; aller-retour, passages en glissement sur son corps. Les prochaines répliques de cette nouvelle scène du théâtre d’Improvisation de mon existence sont pour elles, et les miennes stagnent dans mon esprit occupé.
Venir voir Charlie Rengan. C’est étrange, n’est-ce pas ? Mon premier but n’était que de lui envoyer une lettre, peut-être plus. La surprise est toujours grande. Me déplacer, ce n’était pas mon intention. Je ne comprends toujours pas réellement ce que je fais ici. *J’viens défier*. Mais défier quoi ?
Une fille qui lui a écrit et à qui elle a répondu.
A qui elle a répondu.
*Car elle m’a répondu*.
Ce n’était pas vraiment une réponse, mais elle m’a répondu.
M’obligeant du même coup à aller confronter moi-même le temps plutôt que de me cacher derrière un parchemin.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

11 févr. 2020, 18:36
Accœur Perdu  PRIVÉ 
Image
Jewel Kelsey
Guérisseuse-en-Chef du Service de Pathologie des Sortilèges, 53 ans
Responsable du dossier « Charlie Rengan »



La fatigue…
Une fatigue dont elle était habituée, mais qui appuyait sans relâche depuis de trop longues heures. Et l’accoutumance ne pouvait rien contre la pression de ces Doigts-là. L’habitude se cassait face à la contrainte, et les Doigts de Fatigue se délectaient de leur caresse trop ferme, gonflée de pression.
L’esprit de Kelsey ne recevait plus de stimulation, et son corps reprenait le dessus face à son intérêt en déclin. L’adolescente qu’elle fixait de son regard avait perdu tout son intérêt à ses yeux.
C’était une des raisons de ce regard qu’elle soutenait — contrairement à son habitude — juste pour ne pas perdre le dernier lien qui la maintenait attentive à ce mystère qu’elle avait déjà résolu, à cette grande étoile bien vivante qu’était la blonde ; bien trop lumineuse pour intéresser la Guérisseuse-en-Chef, pas assez déclinante à son goût, à son Toucher. *Dois…*.

Et les mots qui accompagnaient le regard bleu se mirent à résonner dans l’espace restreint qui les enveloppaient. Deux blondes se toisant, en une ressemblance profonde qui s’affaissait face aux mots qui faisaient surface. Des mots qui — à présent — n’intéressaient aucunement Kelsey. Sa décision était déjà prise.

Les mots n’étaient pas importants pour la Guérisseuse-en-Chef, elle n’y accordait que très peu de crédit. En revanche, leur intensité, leur couleur, leur aura et leur degré étaient essentiels dans son esprit. Elle n’entendait pas le contenu des mots, et ne les écoutait pas non plus ; préférant ressentir la voix qui les portait, aussi bien qu’elle ressentait la Magie enveloppant un corps.
Kelsey s’accrochait à la voix de la grande blonde comme une main tendue au milieu de l’enfer, en se forçant à ne pas laisser tomber l’intérêt qu’elle avait déjà perdu. *Juste une visite*. Dans sa perception, l’adolescente était à présent comme les autres personnes qui visitaient la petite Rengan : insignifiantes.

Et une connaissance de Darcy Crown.

Toutes aussi insignifiantes les unes que les autres.
Pourtant, la voix de la grande blonde se mélangeait à cette rondeur cyclique qui battait dans son corps, elles se suivaient parfaitement. La Guérisseuse-en-Chef voyait très bien le schéma flagrant, presque exhibitionniste de l’adolescente : une agression, suivie d’un soin ; comme pour se racheter d’être trop dure.
*Deux fois*. L’une à la suite de l’autre, elle avait fait le processus deux fois de suite. Les mots n’étaient pas importants, mais leur support l’était. À l’image de la baguette magique qui était le réceptacle de la Magie pour Kelsey. *Ronde*
Elle connaissait cette manière de faire. Certes. Elle se rendait compte que son intérêt ne s’était pas totalement estompé, puisque ce schéma lui rappelait outrageusement une de ses patientes.

*Rengan*. Attaquer pour mieux embaumer, c’était sa manière de faire. *Peu importe*. Elle coupa court à ses pensées.
La Guérisseuse-en-Chef décida de suivre sa première décision, la fatigue et l’urgence de la prochaine situation ne lui permettant pas de s’attarder plus longtemps à réfléchir. La grande blonde était déjà en train de s’estomper dans son esprit lorsqu’elle articula clairement : « Suivez-moi », avant de faire volte-face et de se diriger vers cette même porte de service qu’elle avait empruntée.
*Rice*. Demande à une Guérisseuse de son équipe, Karen Rice, d’escorter l’adolescente lui avait traversé l’esprit, mais ce n’était qu’une futile perte de temps, un simple caprice, une bêtise ; pourtant, la fatigue lui répétait la fabuleuse *Rice* en écho, sans interruption. Telle une fable intouchable.

Il fallait remonter au quatrième étage. *’dois me reposer*. La prochaine Opération toquait déjà contre la paroi qu’était la Guérisseuse-en-Chef, si bien qu’elle avait à moitié omis la présence de la grande blonde dans son dos.
Une présence qu’elle n’avait même pas cherché à vérifier, cela ne lui importait plus en ce temps.

je suis Là ᚨ

15 mars 2020, 21:35
Accœur Perdu  PRIVÉ 
Image
Emily Smith, 16 ans
6ème année, Serdaigle


*Déstabilisante*. Une femme déstabilisante dans un lieu déstabilisant. Le simple mot d’« hôpital » était déconcertant, parce qu’il impliquait immédiatement « médecins, soignants », et qu’une sous-catégorie de ces métiers était « psychothérapeute » ou tout autre professionnel habilité à prendre en charge après un traumatisme. Or, je m’étais jurée de ne jamais pénétrer dans tout lieu de soin où l’une de ces professions pouvait être exercée. Et, par conséquent, ma présence dans ce lieu était déroutante. Troublante. Pour moi. Rien de tout ceci ne me mettait à l’aise. Trop habituée à connaitre et à anticiper, un malaise était bien présent dans ma gorge, depuis que j’avais franchi l’entrée de ce lieu. Les rapports de force étaient déstabilisés, inversés. Et ce n’était pas agréable. Encore moins devant cette femme, plus puissante que les secrétaires que je pouvais impressionner. Elle me rappelait à quel point ma place n’était pas ici.
Personne ne connaissant la froide et imposante Emily Smith n’aurait jamais songé que je puisse être aussi décalée dans un lieu strict tel que cet hôpital. Mon enveloppe collait parfaitement avec la froideur du lieu, mais ma Magie et mes pensées bouillonnaient d’inconfort.
Merlin, Rengan avait intérêt de ne pas me faire regretter ma présence.

« Suivez-moi. » Directe. Déstabilisante, et directe.
Deux intrigantes qualités, sur lesquelles je n’arrivais pourtant pas à m’attarder en l’instant.

Même la simplicité bienvenue des mots ne m’extirpait pas du Malaise qui s’installait autour de ma Magie, autour de mes pensées, comme une brume troublée. Inspiration. Expiration. Dissiper, à peine, l’inconfort, pour continuer ma démarche.

Souplement, j’emboitais le pas à la femme qui s’était rési *s’est résignée à rien du tout*, qui avait choisi de me laisser entrevoir la gamine. Je n’étais pas prête de sortir du Malaise. En silence. Toujours, les gens prenaient la parole pour remplir le silence et le bourrer de leur inconfort visible, comme pour se délaisser du décalage qu’ils ressentaient entre une situation et leur Être. Moi, mon silence dans le Malaise restait plus facile à vivre qu’une fausse conversation nourrissant ma situation déséquilibrée. Elle ne parlait pas, c’était *bien, vraiment très bien*. Mon mur de silence réconfortant tendait à envoyer des décharges au Malaise, qui reculait peu à peu.

La routine des pas était un point de concentration intéressant. Garder tout mon esprit fixé sur cette action instinctive de poser un pied après l’autre sans perdre l’équilibre rendait la chose plus ardue. Et rien ne pouvait perturber mon attention soignée, qui me redonnait une idée de mon but. Précise, sans plus me laisser distraire par l’inconfort généré par tout ce blanc d’hôpital. *Pour soigner, le physique et l’psychique*. Je n’avais besoin d’être soignée pour aucun des deux ; du moins, il fallait m’en persuader. Et Rengan ? C’était une question à laquelle mon absence de réponse était certaine.

Le quatrième étage se présenta soudain à moi. Avec lui, bientôt, le couloir. C’était lui, et je le sentais puissamment. Il n’y avait pas place pour le doute. *Pesante*. Ça détonnait. Électrique, l’air dans lequel je me mouvais. Au milieu d’un lieu pesant, se trouvait un lieu si pesant qu’il en devenait léger. J’y étais presque plus à l’aise. Mouvement dans l’Immobilité, Poids dans l’absence de masse, gravité dans l’Apesanteur. Un sourire ironique défonça la neutralité de mes lèvres pour orner mon visage de sa moue amusée, mais grave, comme pour pénétrer dans un songe. Moi, je trouvais que ça puait la Magie. Tellement décalé du décalage que ça finissait par se caler sur ma réalité.
Il n’y avait strictement rien d’étonnant à l’idée que la Rengan *Charlie* se trouve dans ce couloir si détonnant.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

22 mars 2020, 00:52
Accœur Perdu  PRIVÉ 
« H-hh… »

Une respiration encombrée.

« Rhh… »

Et une mère au regard inquiet.

Image
Charlie



Ça recommençait.
La boucle me faisait descendre le long de sa liane qui me paraissait si droite, si belle. Une liane qui avait une fin, d’illusion. Encore. Elle recommençait. Cette foutue traitresse. Mais je n’avais pas la force d’être énervée contre elle ; on se connaissait par cœur. Elle m’habillait de son cache-cœur, pourri de son venin traqueur. Sans elle je me sentais nue. Cassure. Elle avait cassé ma pensée, et mon flot. Je le sentais.
Je glissais. Je dévalais en essayant de m’accrocher à la liane. Mes mains se déchiquetaient dans le feu de la vitesse, mais je ne sentais pas leur douleur. Ce n’était pas elles qui me faisaient Mal.

Mon dos.
Mon dos-de-Corps. Chaque petite bifurcation dans ce foutu « Hh… » corps me faisait mal. J’étais pleine de verre cassé, qui me fracassait à chaque geste. Mais ma chute ne réduisait pas sa vitesse, et le sang continuait à gicler entre les lambeaux de mes mains. Ça faisait tellement Mal que tout était en train de disparaître, c’était ça. La fin de la liane. Droite. Avec une belle fin. Belle liane. Juste…
Jusqu’à ne plus rien sentir. D’un coup. Enfin pouvoir lâcher cette liane de Douleur, tomber dans le trou. Une espèce de noir d’une couleur claire. Je n’avais jamais vu un noir aussi clair, aussi vif. Je ne respirais plus. Le temps était suspendu là-bas, pendu haut et sans cou. Le temps me regardait de ses yeux noir-vif. Il brillait comme le soleil, de noir, mais ça ne m’aveuglait pas. Je ne bougeais pas. J’attendais que la fin meure. Qu’elle laisse sa place au début, à la liane. À la chute, encore. Ce n’était pas fini, la fin n’était que la femme du début, et son homme la regardait d’un air que je détestais. Il l’aimait, ça se voyait aussi bien que le noir-vif. Et ça me faisait Mal. Je voulais que tout s’arrête. Qu’on me laisse tomber la tête la première, m’écraser la gueule contre le sol sans me forcer à regarder mes mains insensibles porter mon corps de Douleur. Je rêvais que tout s’arrête, même si je savais que je rêvais déjà. Je dormais. C’était sûr. Je le savais, mais j’étais bloquée. Je devais me reposer contre la liane, tout le temps. Je dormais dans l’unique bras de cette liane, qui tombait toujours tout droit, sans jamais s’arrêter. Une liane bouclée. Je la détestais ; mais pas assez. Je dormais depuis tellement de temps.
Je dormais sans jamais m’endormir.

Si c’était ça, la vie, alors je voulais mourir.



Une porte s’ouvrit à la volée.
Le visage de Charlie Paya se releva ; le regard irrévocable, figé, dégoulinant d’une crainte maternelle. Un tel regard sur une femme aussi imposante était d’une rareté flagrante, c’était un regard-qui-n’avait-pas-sa-place, aussi déstabilisant qu’affronter l’unique œil d’un cyclope. Un tout d’étrangeté.

Jewel Kelsey apparut à la place de la porte ; et une fille aussi blonde qu’elle dans son dos. Le sang de Miss Paya ne fit qu’un tour. *Merlin !*. La surprise de cette étrangère la poussa à se lever brusquement — tout en se déshabillant de son blazer noir pour couvrir le buste nu de sa fille. Charlie était dans son lit, en position semi-assise, entièrement nue, le bas recouvert d’un simple drap blanc, et le blazer de sa mère pour le haut ; elle semblait endormie.
Les instructions de la Guérisseuse-en-chef avaient toujours dérangé Miss Paya, mais elle ne pouvait aucunement aller contre ; pas en l’état actuel de sa fille.
Kelsey s’avança de deux pas dans la chambre, puis se tourna vers la blonde-à-la-magie-ronde.

Miss Paya vous raccompagnera à l’accueil, déclara-t-elle d’une voix douce, bien que dotée d’une certaine rudesse — sa main désigna l’intéressée d’un geste détaché.

Sans attendre la moindre réponse, elle pivota vers la cible de son geste.

Aucune sudation ?

Légèrement, répondit Miss Paya en s’approchant des deux femmes, avec lenteur ; la démarche élégante malgré son regard discordant.

Bien.

Comme si elle était totalement passée à autre chose, Kelsey contourna la blonde puis sortit de la chambre — claquant la porte derrière elle — et laissant l’adolescente seule face à l’imposante femme-aux-cheveux-châtains. Celle-ci gardait une bonne distance entre elle et l’inconnue, son regard émeraude la scrutant de haut en bas, d’un air entre l’intérêt et l’arrogance.
Sans prononcer le moindre mot.

je suis Là ᚨ