Alors qu'il traversait la salle commune en direction des dortoirs, Ethan se fait alpaguer par Megan. Celle-ci se prélassait confortablement dans un fauteuil au coin du feu. Celle-ci lui propose de faire un jeu. Excellente idée. C'était une très bonne raison pour remettre le devoir de métamorphose à plus tard. Elle lui proposa d'emblée de jouer à "Cap ou pas cap". Ce jeu affreux qu'il perd chaque fois parce qu'il est beaucoup trop gentil avec ses partenaires de jeu? Non merci. Mais il n'a pas le temps de refuser poliment en arguant qu'il avait un devoir de métamorphose urgent sur le feu qu'elle lui demande si il est cap de manger du haggis.

Un frisson le parcourut rien qu'à l'évocation du nom du plat. Celui qui leur avait été présenté quelques semaines auparavant l'avait dégouté au plus haut point. Est-ce qu'il était encore capable de regarder droit dans les yeux ce plat et d'en avaler quelques bouchées? Peut-être bien. Après tout, même si c'était une spécialité du nord alors que lui venait du sud de l'île, il faut croire que le vrai plat était suffisamment bon pour avoir traversé les siècles. C'était donc l'occasion de goûter ce plat typiquement écossais pour en découvrir le vrai goût. Cela ne devait pas être si terrible. Après tout, les écossais en étaient si fiers.

- Cap! répondit-il en souriant. A moi! Mmmmh, laisse moi réfléchir.

Cette fois-ci il voulait faire fort. Il avait appris de ses parties précédentes que la gentillesse ne paie pas dans ce jeu. Lui demander si elle était cap d'embrasser un garçon lui traversa l'esprit mais il ne voulait quand même pas la mettre mal à l'aise à ce point là. Peut-être faire son devoir de métamorphose à sa place? En voilà une excellente idée! Sauf qu'ils n'ont certainement pas la même écriture et que le pot au rose serait sans doute vite découvert. Un autre idée lui traversa la tête.

- Cap d'aller chercher un objet dans le bureau du concierge?

Voilà, c'était suffisamment difficile. Mais elle pourrait répondre par l'affirmative sans aucune preuve et s'en sortir comme un fleur un peu trop aisément. Il ajouta tout de suite avant qu'elle ne puisse répondre.

- Tout de suite?

C'était beaucoup mieux. Ainsi elle ne pourrait pas faire semblant ou mentir, même si elle ne semblait pas être une menteuse. Soit elle irait courageusement, soit elle allait s'avouer vaincue.

Megan accepta le défi après une courte hésitation, à la plus grande surprise d'Ethan. On ne le laissera donc jamais gagner à ce jeu? La jeune fille se lèva en débordant d'enthousiasme. Il s'apprêtait à s'affaler à sa place dans le fauteuil devant l'âtre en attendant qu'elle accomplisse sa mission quand elle lui proposa de faire la course jusqu'au cinquième. Elle n'attendit pas qu'il réponde pour détaler.

Ethan courut derrière elle par réflexe. Il avait toutes les peines du monde à la suivre et l'avance qu'elle avait pris dès le départ lui était difficile à combler. Mais son poids plume était un avantage contre la gravité. De plus c'était un sportif, et même s'il n'a pas beaucoup l'occasion de pratiquer à Poudlard, il gardait un souffle au delà de la moyenne. Il rattrapa Megan au quatrième étage. Il aurait pu la dépasser mais il se rendit compte qu'il s'était fait rouler dans la farine. Qu'est ce qu'il faisait là, lui? Ce n'était pas son défi! Il se rappela aussi qu'ils se dirigeaient droit vers le bureau d'un des fantômes les plus détestables de l'école. Finalement il décida de rester derrière elle, par prudence. Megan arriva donc la première au cinquième étage.

- Bravo, tu as gagné, la félicita-t-il très légèrement essoufflé, en lançant un regard inquiet dans le couloir et en prenant bien soin de laisser la jeune fille entre la porte et lui.

Maintenant qu'ils étaient presque arrivé à leur destination, la curiosité de pénétrer dans ce bureau qu'il n'avait jamais visité se faisait de plus en plus insistante. C'était l'occasion ou jamais de découvrir cette pièce.

- Je vais t'accompagner jusque dans le bureau. Pour, hum, vérifier que tu ne triches pas. Mais tu passes devant parce que c'est ton défi. s'empressa-t-il d'ajouter. Curieux mais pas fou! Au fait, as tu une idée comment on sait que Rusard est là?

Peut-être qu'elle lui dirait qu'elle irait simplement toquer à la porte, auquel cas il ne l'accompagnerait peut-être pas. Il détestait ce fantôme et c'était le dernier de ses souhaits de croiser sa route. D'ailleurs au plus il songeait au fantôme, au plus sa curiosité s'amenuisait et était remplacée par la crainte de se faire prendre. Mais cette crainte avait quelque chose de grisant, comme lors de sa visite à Pré au Lard. Il savait qu'il resterait jusqu'au bout. Et puis, jusqu'à présent, ils n'avaient de toute façon pas commis d'acte illicite.

Alors qu'ils étaient presque arrivés à destination, Megan invita Ethan à s'assoir à côté d'elle. Ce n'était peut-être pas une mauvaise idée. Ils donneraient l'impression d'être moins suspect. Il obtempéra donc sans rechigner et se plaça face à la porte, de telle sorte à ne pas être surpris si le fantôme devait sortir de son bureau. Mais en sortirait-il par la porte? A travers la porte, plus probablement, ou à travers un mur. Il fallait changer son mode habituel de pensée.

Sa camarade lui proposa d'aller écouter à la porte ou de l'entrouvrir et de se cacher. Ensuite elle eut une crainte que la porte soit verrouillée. Elle n'avait pas envie de faire perdre des points à leur maison, ce qui était compréhensible. Mais le fantôme avait-il ce pouvoir? Ethan n'en était pas convaincu. Le garçonnet chuchota pour être sûr de ne pas être entendu.

- Je pense qu'on devrait d'abord commencer par coller notre oreille à la porte pour entendre s'il y a du bruit. Tu t'imagines si il traverse la porte à ce moment là? Ce serait trop bizarre!

Ethan tira une petite moue de dégoût, s'imaginant le fantôme de Rusard passant à travers son corps. C'était assez repoussant comme pensée malgré qu'il n'y ait pas de contact.

- S'il n'y a pas de bruit, on fait comme tu as dis: on entrouvre très légèrement la porte et on court se cacher. On saura à ce moment là si elle est verrouillée.

Le plan n'était sans doute pas parfait mais, sans magie, ce n'était sans doute pas possible de faire mieux. Il ne voyait pas très bien quel sortilège appris en cours pourrait les aider. Au pire ils s'enfuiraient. L'avantage, en cas de fuite, c'est qu'ils devraient prendre la direction du bas.

- Allons-y!

Le Poufsouffle se leva et avança en direction de la fameuse porte à pas de sioux. Jusqu'ici, aucun son ne perçait du bureau. Mais les vieillies portes épaisses étaient particulièrement isolantes du bruit donc ce n'était pas une preuve suffisante. Ils n'en auraient le coeur net que'à partir du moment où ils auraient écouté en se collant à la porte. Les battements de son coeur commençaient déjà à s'accélérer sous le stress. Ce petit jeu prenait une tournure inattendue mais oh combien amusante!

Les deux enfants arrivent à la porte et y collent leur oreille. Le bois n'est pas désagréable au toucher. Ethan s'attendait à une surface glaciale, sans doute en rapport avec le caractère du fantôme qui occupait les lieux qui se trouvaient juste derrière, mais il n'en n'était rien. Il se concentra afin de repérer le moindre signe de vie qui pouvait s'en dégager. Apparemment, derrière la porte, c'était le calme absolu. Il imita Megan quand celle-ci recula. Elle n'avait rien entendu non plus.

- Pareil, je n'ai rien entendu du tout. Comme il n'est sans doute pas du genre à s'installer devant un livre, je pense qu'il n'est pas là., chuchota-t-il. Même si les parages semblaient déserts, la proximité du bureau de Rusard lui faisait baisser le son de sa voix.

Au bout de quelques secondes d'hésitation, la fillette acquiesca implicitement en effectuant la seconde partie du plan. Le Poufsouffle n'attendit pas son reste et s'éloigna en vitesse. Megan était occupée de se précipiter vers lui quand il s'arrêta et se retourna. Il tendit le cou pour voir le résultat par dessus l'épaule de sa camarade. Il se tapa le front en voyant qu'elle était toujours fermée, laissant échapper un rire nerveux.

- Je confirme! répondit-il à voix haute, encore un peu hilare. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'est pas sorti malgré tout le raffut qu'on vient de faire. Je pense que la voie est libre.

Son ton était à peu près assuré mais c'était juste une façade. Sa fébrilité était à deux doigts de se propager au physique, menaçant de provoquer des tremblements de son corps. Dans quelques instants, ils allaient réellement tenter d'entrer dans le bureau de Rusard. Ethan ignorait quelles parties du règlement ils allaient transgresser. Il ne se rappelait pas avoir vu d'interdit explicite concernant l'entrée dans son bureau, mais son petit doigt lui disait qu'il valait mieux que Rusard ne les surprenne pas.

Megan reprit la direction du bureau après que les deux enfants se soient calmés de leurs rires. Ethan emboita son pas. Sa camarade ouvrit la porte de quelques millimètres et jeta un oeil dans le bureau. Il se mit sur la pointe des pieds pour tenter d'apercevoir quelque chose mais il était trop petit. La fillette ne dit rien du tout, ce qui était bon signe. Si le fantôme avait été présent, elle aurait certainement déjà pris la fuite. Elle eut la gentillesse de s'écarter pour qu'il puisse observer à son tour par la fente. C'était trop étroit pour vraiment pouvoir détailler la pièce. Tout juste pouvait-on deviner que tout était calme.

Quand Megan demanda s'il était prêt, Ethan répondit oui de la tête, l'air solennel. Sa camarade ouvrit la porte et pénétra dans la pièce. C'était trop facile. Beaucoup trop facile. Mais pourquoi les choses devaient tout le temps être compliquées? Le Poufsouffle balaya ses doutes, de toute façon il était désormais trop tard, et entra à son tour dans la pièce.

Quel fatras indescriptible! Au yeux du garçonnet, c'était une vraie caverne d'Ali Baba! Des monticules d'objets confisqués au fil des décennies jonchaient le sol. C'est à peine si on pouvait encore deviner le bureau, mais sans doute n'était-il plus utilisé depuis que l'occupant des lieux avait été réduit sous forme de spectre. Si un classement existait, Ethan ne l'avait pas encore compris. Mais il n'en avait cure. Ses yeux brillaient d'excitation. C'était un véritable trésor qui se trouvait devant ses yeux. Il devait faire un effort surhumain pour résister à la tentation de ne pas se servir. Il lorgnait les boîtes à flemme, les plumes de copie, les ballons criants, les yoyos aveuglants et les jeux de carte autobattants. Il y avait un espèce d'appareil qui ressemblait à un lance Bombabouse automatique. Une corde à sauter piégée venait d'être déposé sur un monticule car elle n'avait pas encore pris la poussière.

- Rohlalalala! finit-il simplement par s'exclamer, à court de mot pour exprimer son étonnement mêlé d'émerveillement. Il se tourna vers Megan. Que vas tu prendre?

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle avait le choix.