L'horreur.

Panthéa était assise dans le bureau du concierge, la mine basse et les deux mains à plat sur ses genoux. Ses pensées se bousculaient : que se passerait-il maintenant ? Allait-on l'exclure de l'école ? Allait-on prévenir sa mère ? Est-ce qu'on allait la punir en l'envoyant faire des corvées dangereuses ? Est-ce qu'elle devrait servir d'appât pour des bêtes sauvages, afin qu'elle prenne conscience de l'ampleur de ses fautes ?

Elle n'avait jamais été punie. En fait, avant d'arriver à Poudlard, Panthéa n'avait jamais enfreint de règlement, et certainement pas celui de l'école. Il fallait croire que l'internat avait une mauvaise influence sur elle ...




Panthéa avait encore entendu sa voix. Le garçon dans le tableau, la présence qui semblait lui tenir compagnie depuis la mort de son père, elle avait encore cru l'apercevoir au pied de son lit puis sur le pas de la porte de son dortoir, un sourire aux lèvres et la main tendue, comme pour l'inviter à le suivre.
Ce qu'elle avait fait sans même y songer à deux fois.

Il n'était pas très tard. Beaucoup d'élèves étaient encore bien éveillés dans la salle commune qu'elle traversa à toute vitesse : les uns occupés à leurs derniers travaux, les autres à jouer aux échecs sorciers. Mais on était après le couvre-feu, et cela, Panthéa n'en avait pas tenu compte, trop habituée à fureter dans les couloirs à des heures interdites sans jamais se faire prendre.

Mais cette fois-ci, elle manqua de discrétion.

Alors qu'elle suivait la présence fantomatique qui semblait la narguer, la fillette s'était pris les pieds dans sa robe et avait valsé dans les escaliers, provoquant un boucan de tous les diables. Trop surprise et hébétée à son atterrissage quelques mètres plus bas, elle ne s'était pas tout de suite aperçue de l'ombre menaçante qui s'approchait d'elle à grands pas.

" MADEMOISELLE JOHNSON ! ", s'écria le concierge en faisant trembler les murs. "Qu'est-ce que vous fichez là !? C'et interdit, c'est INTERDIT à cette heure, bon sang d'bonsoir !"

Panthéa voulu se ratatiner un peu plus mais la main gigantesque du concierge la saisit par l'épaule et la souleva sans ménage.

"Z'avez mal quelque part ?", lui demanda-t-il en grognant légèrement, passablement agacé à l'idée de ne pas passer une soirée tranquille. La fillette fit "non" de la tête et lui adressa, les lèvres tremblantes et les larmes aux yeux : "J'avais pas vu que...

- QUE QUOI !?", la coupa-t-il, de mauvaise humeur. "Non seulement vous n'avez rien à faire ici, mais en plus vous voulez me faire croire que vous ne saviez pas l'heure qu'il était !? Nous sommes en juin, mademoiselle, épargnez-moi vos excuses et suivez-moi !"



Elle avait, à présent, tout le loisir de contempler le trou qui ornait ses collants au niveau du genou gauche. Elle avait la paume des mains douloureuse et la robe poussiéreuse, mais elle était surtout très inquiète du sort qu'on allait lui réserver.

Le concierge lui avait demandé d'attendre là, assise sur l'une des chaises qui meublaient son bureau, tandis qu'il s'était absenté quelques minutes. Quand il revint, alors que Panthéa s'attendait à un nouveau déluges de reproches et de rabrouements, elle fut surprise de constater qu'il avait de la compagnie ... Quelqu'un qu'elle n'aurait jamais cru voir ici !

Adulith ne réussissait pas à dormir, elle s'était couchée tôt prise par la fatigue, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser à Alvy, sa famille, à ses propres parents... Les yeux grands ouverts elle avait fixé le plafond dans l'obscurité pendant longtemps, jusqu'à ce que Fuheb, qui dormait à ses pieds, finisse par se lever avec un miaulement rauque, comme agacé par l'agitation de sa maîtresse. Il avait sauté du lit et s'était dirigé vers la sortie du dortoir comme pour l'inciter à le suivre. Sur le moment elle avait songé que le chat avait raison, si elle ne parvenait pas à dormir, autant sortir s'aérer l'esprit. Elle avait quitté son lit, enfilé ses pieds nus dans ses chaussures et suivi le chat discrètement pendant que ses camarades se préparaient à aller se coucher ou discutaient dans la Salle Commune. Fuheb l'avait attendue devant la porte de la et s'était faufilé à l'extérieur, sa maîtresse sur ses talons. Elle n'avait pas su vraiment pourquoi elle l'avait suivi, mais il avait raison, rien de tel qu'une petite balade le soir pour se changer les idées et donner à son esprit le temps de penser. S'agiter dans son lit ne servait à rien. Ce n'était pas sa première sortie dans les couloirs après le couvre-feu, c'était même une activité qu'elle avait beaucoup pratiqué cette année, elle aimait le calme des couloirs, comme si le temps ralentissait dans l'obscurité naissante, le château semblait presque vivant lorsque tout le monde en avait déserté les couloirs. Elle avait suivi machinalement le chat parmi le dédale des escaliers et des couloirs, l'esprit ailleurs.

L'ombre était passée devant eux en courant, sûrement un chat ou un très gros rat. Puis tout s'était déroulé très vite : Fuheb qui souffle, les poils hérissé ; le silence brisé par le long miaulement du chat qui part à la poursuite de l'ombre ; un "chut Fuheb !" inutile puis une main sur son épaule qui l'avait fait se tourner dans un sursaut.



Elle suivait à présent le concierge dans son bureau, les yeux baissés, honteuse de s'être fait surprendre. Elle avait pourtant bredouillé des excuses et des explications plus ou moins cohérentes, mais n'était pas certaine qu'elles avaient fonctionné. Quand ses parents l'apprendraient, elle se ferai gronder c'était certain. D'un autre côté, en suivant le concierge elle avait le temps de réfléchir, elle finit par se dire qu'avec toutes les sorties nocturnes qu'elle avait faites cette année, ce ne serait qu'un juste retour des choses qu'elle se fasse punir aujourd'hui. Mais se faire punir ainsi à la fin de l'année, ce n'était quand même pas de chance, et un léger agacement venait se joindre à la honte de s'être fait prendre et à la crainte de la punition - celle du concierge et celle de ses parents quand ils apprendraient l'escapade de leur fille. C'était compliqué de rester philosophe, surtout quand on ne savait pas à quoi s'attendre. Elle entra donc dans le bureau du concierge et leva les yeux qui s'arrondirent de surprise : assise sur une chaise et pas vraiment en bon état elle trouva Panthéa qui avait l'air aussi surprise qu'elle par son apparition.

Comme elle, Théa semblait une adepte des sorties après le couvre-feu, Adulith esquissa un sourire à sa camarade tout en se demandant quelles étaient les raisons de sa présence ici. Mais elle n'eut pas le temps de le lui demander puisque le concierge se mit à leur rappeler le règlement, leur disant que c'était inacceptable, deux élèves toutes seules dans les couloirs, par les temps qui courent, elles ne connaissaient pas le règlement ? On était en fin d'année, elles n'allaient pas lui faire croire qu'elles avaient pas fait exprès. Et puis zut, il avait autre chose à faire que gérer des gamines récalcitrantes. Elles verraient ce que diraient leurs parents. Et de terminer sur un "En attendant z'allez me ranger tout c'bazar que ce satané esprit frappeur a mis ici. Y'a intérêt qu'ce soit fini à mon r'tour !" avant de quitter la pièce, les laissant toutes les deux dans la pénombre du bureau.

Adulith étrangement se sentait assez calme, les choses étaient comme elles devaient être, après tout ça aurait pu être pire, et puis, même si elle était embêtée que Théa ait elle aussi des ennuis, elle était contente de ne pas se retrouver toute seule dans cette pièce par franchement accueillante. Elle leva sa baguette et lança un lumos et elles purent voir que le bureau du concierge était emplis d'objets en tous genres éparpillés au sol et sur les meubles. Le bazar leur avait été caché par la pénombre mais elles pouvaient voir maintenant l'étendu du travail de Peeves. Des cartons marqués "Objets perdus" trônaient sur le bureau, complètement éventrés, et bien entendu vides, leur contenu se trouvant dans le reste de la pièce. Elle se tourna vers Théa avec un sourire contrit "Bon, on va devoir s'y mettre... On trie par type d'objets ?" il lui fallait cependant satisfaire sa curiosité, car parmi les autres excursions nocturnes qu'elle avait faites, il y en avait où Panthéa lui avait tenu compagnie "On a pas de chance de s'être fait prendre ce soir... Pourquoi tu étais dehors toi cette fois ?"

Adulith lui adressa un regard d'abord très surpris puis très soulagé de la trouver ici, elle aussi.

**Quelle ironie !**, songea Panthéa en se remémorant immédiatement les quelques sorties nocturnes que les deux camarades avaient faites ensemble. Il lui semblait qu'elles étaient, à cette époque, beaucoup plus jeunes et craintives alors que les faits avaient eu lieu seulement quelques mois auparavant. Le temps passait à la fois vite et très lentement dans l'école, si bien qu'il brouillait toute notion de repère temporel pour Panthéa. C'était sans doute, aussi, largement dû à tout ce que le monde des Sorciers avait traversé depuis ces moments-là, ainsi qu'aux bouleversements qu'elle avait elle-même vécus. Elle se mit à envier l'insouciance dont elle faisait preuve alors.

Adulith s'approcha d'elle. Lorsque le concierge eut fini de leur rappeler la longue liste de règles de l'école - qui n'avait pas manqué de s'allonger légèrement au moment du changement de régime - elles apprirent la punition qu'on leur avait réservée : ranger le bureau du concierge mis à sac par Peeves. Selon leur geôlier, l'accident avait eu lieu quelques heures auparavant, mais vue la couche épaisse de poussière qui recouvrait certains meubles et objets éparpillés au sol, Panthéa songea qu'il n'avait clairement pas besoin de Peeves pour mettre la salle dans un tel état.

Une fois le concierge parti, Adulith tira aussitôt sa baguette de sa robe et illumina les lieux. Sa camarade lui adressa un sourire franc et sincère et lui posa la question fatidique : pourquoi était-elle là, elle aussi ?

"C'est un peu idiot ...", avoua la fillette dans un sourire tout aussi sincère quoi que légèrement embarrassé. Elle n'avait pas peur d'être jugée par Adulith, elle savait que sa jeune amie partageait un certain attrait pour l'aventure et l'étrange, mais expliquer à quelqu'un qu'on avait dévalé un escalier sans raison avait de quoi nourrir une certaine honte. "Ça fait quelques temps que je croise une espèce de fantôme que je ne connaissais pas, et ce soir j'ai voulu le suivre ... D'habitude je ne me fais pas prendre mais là, je sais pas c'qu'il s'est passé ! Je suis tombée dans les escaliers !'

Elle montra son genou et son collant troué en guise d'ultime preuve. Puis elle posa les mains sur ses hanches et avisa le bazar qui les entourait, acquiesçant à la première proposition d'Adulith qui était de trier les objets.
"Pfffff, on en a pour des plombes !" Panthéa ne cachait pas son agacement. Elle comprenait l'intérêt d'une punition, mais en considérant l'ampleur de la tâche qui les attendait, elle préféra presque servir d'appât à une créature dangereuse : au moins, sortir du lit à une heure interdite aurait, alors, franchement valu le coup !

Après avoir attrapé un premier objet - qui ressemblait à un rapeltout abîmé - elle se tourna de nouveau vers Adulith et lui demanda, sur un ton complice et un petit sourire en coin aux lèvres :

"Et toi, t'es là pourquoi ?"

Adulith écoutait les explications de Panthéa tout en triturant une écharpe verte -ou ce qu'il en restait. Son amie avait l'air un peu gênée de raconter qu'elle était tombée, Adulith pensa surtout qu'elle avait de la chance de ne pas s'être fait plus mal que son écorchure au genou, elle avait eu moins de chance que le concierge soit passé justement à ce moment-là.

Mais ce qui intrigua surtout la jeune serdaigle ce fut l'histoire du fantôme. Elle ne doutait pas un instant que ce fantôme existât, après tout, il y en avait déjà plusieurs bien connus à Poudlard, mais elle se demandait pourquoi celui-ci venait voir Théa. Est-ce qu'il la connaissait ? Peut-être voulait-il lui dire quelque chose ? A côté son histoire à elle était bien moins originale et mystérieuse, elle raconta néanmoins : "J'ai voulu me coucher tôt mais impossible de dormir, je pensais trop à plein de trucs, commença-t-elle en se tapotant la tête, et Fuheb a dû en avoir marre que je m'agite alors il m'a fait signe de le suivre (elle se rendit compte qu'elle parlait de son chat comme d'une personne mais c'était ce qu'il s'était passé , à sa manière). On marchait dans les couloirs et là il a eu peur d'une espèce d'ombre, il s'est mis à souffler et à miauler pas vraiment discrètement... et me voilà." Son regard tomba sur l'écharpe qu'elle gardait à la main et désigna le rapeltout que tenait Panthéa "On pourrait déjà mettre tout ce qui est vêtements d'un côté et les objets magiques en mauvais état d'un autre". Joignant le geste à ses paroles, elle lança l'écharpe dans un carton.

Elle repensa au fantôme et ne put s'empêcher de vouloir en savoir plus, après tout, ce n'était pas souvent qu'une de ses camarades voyait des fantômes autres que les habituels. Elle demanda donc à son amie, d'une voix un peu hésitante car elle craignait d'être indiscrète : "Et ce fantôme... Tu le connais ? Tu penses qu'il essaie de te dire quelque chose ?" Elle réfléchit à ce qu'elle avait lu sur eux, la plupart des fantômes n'agissent pas sans raison, ils sont sur terre pour quelque chose et si celui-ci venait chercher Panthéa le soir, il y avait sûrement une explication. Il n'y avait que Peeves pour agir de manière insensée, et encore, le résultat des dégâts causés dans le bureau étaient bien ceux qu'aurait causé un esprit frappeur, donc ce n'était pas si illogique que cela. Elle ramassa un bracelet de perles blanches et se demanda vaguement si elle le rangerait dans les vêtements ou dans un endroit spécial. Avisant une boîte un peu plus petite elle le mit dedans, ce serait la boîte à bijoux.

Fuheb. Panthéa avait souvent croisé le chat de sa camarade dans les dortoirs et la salle commune de Serdaigle. Connaissant bien sa maîtresse et l'animal, elle s'était même permise de lui adresser une petite caresse de temps à autres, quand il le voulait bien. Elle aurait pu s'étonner de la relation qu'Adulith entretenait avec son compagnon à quatre pattes mais, pour les avoir souvent vu interagir, rien ne lui semblait désormais plus évident que l'animal vienne trouver sa camarade en pleine nuit et l'entraîner à sa suite dans le reste de l'école.
Elle lui adressa un sourire complice. Après tout, Panthéa, elle, voyait bien des esprits qui venaient la visiter à la nuit tombée. A bien y réfléchir, elle aurait préféré que ce soit un chat.

Adulith déposa ce qui ressemblait à un bracelet dans une petite boîte. Panthéa, qui venait de tomber sur une espèce de collier à dents - qui lui fit tirer une moue légèrement dégoûtée - décida de déposer sa trouvaille dans la même boîte.

"Je n'sais pas trop ... C'est comme si je le connaissais.", avoua-t-elle à sa camarade qui venait de lui poser la question. Après les quelques aventures qu'elles avaient partagées, Panthéa savait qu'Adulith nourrissait la même curiosité qu'elle. Aussi ne prendrait-elle pas trop de risques en lui expliquant simplement la vérité.

"En fait", précisa-t-elle, "C'est plutôt comme s'il me connaissait, du coup ... Du coup j'imagine que oui, on se connait, mais en même temps je ne sais pas du tout qui c'est. C'est étrange, non ?"

Elle ramassa une pile de livres renversés, ouverts en pagaille sur le sol, et entreprit de les trier rapidement par thème : romans, traités d'histoire et encyclopédies sur les plantes. Sans doute trouverait-elle d'autres manuels dans la montagne d'objets qui s'étalait devant elles, mais il fallait procéder avec méthode. Elle plaça les volumes sur une étagère en veillant à laisser de l'espace entre eux.

"Je sais juste qu'il a l'air jeune. Tu vois il n'est pas comme le Baron Sanglant, il ... il a un visage jeune. Mais il ne parle pas, il me fait juste des signes." Elle imita un signe de main pour souligner son propos, puis des doigts qui invitent à suivre, ou une main tendue comme pour dire merci. "J'ai essayé de lui parler mais il ne répond pas. Il me regarde juste, et il attend. Il ne va jamais trop au même endroit... Fuheb va bien ? Il ne s'est pas fait attraper ?"

Elle tira une robe de sorcier déchirée et pleine de poussière de sous un carton renversé. Panthéa la secoua si fort qu'elle fut recouverte de poussière à son tour et se mit à rire.

Adulith écoutait avec intérêt le récit de Panthéa, tout en mettant de côté des confiseries tellement vieilles qu'elles n'avaient plus rien d'appétissant, peut-être que ce garçon l'avait connue dans une autre vie ? Ou peut-être que c'était un de ses ancêtres qui aurait quelque chose à lui dire... Elle secoua la tête, elle avait un peu trop d'imagination. En même temps, un fantôme qui vient vous voir en vous faisant des signes ce n'était pas banal, même à Poudlard.

Elle fut touchée que Théa s'inquiète pour Fuheb, elle-même ne s'était pas trop inquiétée pour lui, son chat avait le chic pour disparaître au bon moment en particulier lorsqu'il venait de faire une bêtise, elle était persuadée qu'à l'heure actuelle il devait être en train de chercher quelque chose à se mettre sous la dent sans se soucier du sort de sa maîtresse. C'est ce qu'elle commença à expliquer avec Panthéa :
"Oh tu sais je ne m'inquiète pas trop pour lui, il a dû s'échapper tranquillement et...". Elle s’interrompit en voyant son amie disparaître sous une couche de poussière, elle alla rapidement l'aider à s'épousseter sans songer à utiliser la magie. Elle tapota ses habits en essayant de ne pas éternuer tout en reprenant "Sinon pour ton fantôme... S'il te connait il est peut-être de ta famille ? Tu penses qu'il n'y a que toi qui le voit ? Ou alors c'est un ancien élève du château qui veut que tu l'aides à résoudre un problème..." elle recula pour examiner Théa, elle avait l'air un peu plus propre, satisfaite, Adulith continua en riant, avec un geste vers le désordre qui régnait dans la pièce : "peut-être qu'il est mort de fatigue après avoir essayé de ranger tout ça et qu'il veut que tu le venges ! En tout cas si tu veux on pourra aller voir les photos des années précédentes, peut-être que tu le reconnaîtras".
Elle se rendit compte qu'elle s'était un peu emballée, Théa voudrait sûrement régler son histoire tranquillement, elle espéra qu'elle ne la trouverait pas trop indiscrète et qu'elle n'hésiterait pas à lui dire si elle voulait s'occuper de son fantôme sans elle. L'histoire de la jeune fille avait éveillé sa curiosité et elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer toutes les raisons qui pouvaient pousser un fantôme à entrer en contact avec Théa. Le plus étrange c'était que le fantôme ne semblait pas attendre grand chose puisqu'il n'essayait pas de communiquer plus, ou alors il ne pouvait pas...

La remarque d'Adulith sur le fantôme et sa potentielle mort par épuisement redonna un nouvel élan à son rire et lui arracha même quelques larmes. Elle eut bien du mal à plier la robe poussiéreuse et à la ranger correctement dans un énième carton qu'elle venait de retourner.

"Tu imagines ?! Le venger en mettant encore plus de désordre ici ! Ou alors pire, en cachant les objets partout dans le château ..." Elle pointa du doigt la robe dont elle venait de s'occuper. "Genre ça ! Ça, ça ferait un bon paillasson !"

Un rire, de nouveau. Mais tandis qu'elle cherchait quoi remettre en ordre parmi la montagne de vieilleries et de curiosités, son oeil fut irrésistiblement attiré par une petite planche en bois. En s'en approchant, les lettres qui y étaient peintes lui semblèrent très familières, et sa certitude fut totale lorsqu'elle finit par l'extraire du désordre.

Une planche de Ouija. Qu'est-ce que ça fichait ici ?

"Je suis même pas sûre que ce sera la peine d'aller voir des vieilles photos." dit-elle en montrant la planche à Adulith, l'air soudain parfaitement sérieux et concerné. Elle connaissait bien l'objet pour avoir souvent vu sa grand-mère et quelques unes de ses vieilles amies l'utiliser, mais elle-même n'avait jamais trop osé s'en approcher. De toute façon, sa maman avait dit non.

"C'est pour communiquer avec les esprits.", précisa-t-elle au cas où, tout en cherchant le petit ustensile des yeux, celui qui permettait d'établir un lien avec un fantôme dans l'au-delà.

Oubliée, la punition. Panthéa était absorbée par la recherche du petit outil manquant, le reste lui importait soudain très peu.
Alors qu'elle soulevait une pile de parchemins à moitié couverts par des écritures manuscrites, la fillette se tourna vers sa camarade et lui demanda : "Enfin, c'est si tu veux toujours ... le chercher avec moi." Elle n'en était pas certaine, mais Adulith avait l'air intéressé par l'aventure, en tout cas c'était elle qui avait proposé de trouver des vieilles photos pour les étudier.

Théa apprécia la plaisanterie d'Adulith et se mit même à surenchérir, ce qui fit beaucoup rire la jeune serdaigle. Elle passait toujours de bons moments avec son amie et elle en venait même à trouver ce moment passé ensemble plutôt agréable, elle en oublierait presque qu'elle était sensée être punie...
Tandis qu'elle ramassait du bout des doigts un objet informe dont elle ne voulait pas vraiment connaitre l'identité, Panthéa lui indiqua une vieille planche en bois couverte de symbole. Adulith avait déjà vu un objet de ce genre dans le magasin de sa mère, mais elle ne savait pas vraiment ce que c'était ni comment on s'en servait. Elle déposa avec précaution l'immonde chose qu'elle tenait encore à la main dans une boîte vide et s'approcha de la planche en s'essuyant frénétiquement les mains.

Panthéa lui expliqua que la planche devait servir à parler aux esprits, elle se demanda comment cela fonctionnait, est-ce qu'il y avait un système de miroir ? Ou pouvaient-ils parler à travers la planche ? En y regardant de plus près elle vit que les symboles étaient en réalité des lettres. Voyant Panthéa regarder autours d'elle elle comprit qu'il devait manquer une pièce pour que l'objet fonctionne. Elle décida de l'aider sans vraiment savoir ce qu'elle cherchait. Enfin, elle tomba sur un petit objet un peu triangulaire, il lui semblait en avoir déjà vu un semblable sur la planche qu'elle avait aperçu dans la boutique. Elle le prit et le tendit à son amie : "C'est ça que tu cherches ?" avant de lui assurer avec un grand sourire "Bien sûr que je suis partante ! J'adorerais résoudre ce mystère avec toi, et puis, je n'ai jamais essayé de contacter un fantôme !" Elle était pleine d'enthousiasme à l'idée d'aider Panthéa et ne se souciait ni de la punition ni des risques qu'il pouvait y avoir à convoquer un esprit. De plus, elle allait terminer l'année avec une vraie aventure qu'elle pourrait raconter en rentrant. Elle attendit donc que Panthéa prenne la suite des opérations. Après tout, c'était son fantôme !

Les yeux de la fillette s'emplirent d'étoiles lorsqu'Adulith se releva avec la "goutte" dans les mains. Grâce à cet objet, la planche était complète et en parfait état de fonctionnement. Son excitation grandit de quelques degrés supplémentaires, et elle se mit à chercher du regard un endroit où déposer le plateau et faire la séance.

"J'espère que le concierge ne va pas revenir tout de suite", dit-elle en poussant les cartons et les papiers qui se trouvaient sur l'unique bureau de travail de la pièce. A en croire la poussière et les miettes qui y traînaient, le meuble était peu utilisé. Panthéa fit une moue de dégoût en passant la paume de sa main sur le bois abîmé avant d'y poser la planche. Elle la tourna de telle sorte à ce que deux personnes puissent se tenir côte à côte et avoir un aperçu de l'ensemble des lettres sans avoir à pencher la tête pour les déchiffrer.

Elle déposa ensuite les deux mains sur ses hanches et réfléchit : quels éléments étaient indispensables ? Oubliait-elle quelque chose ? Lorsque Rhéa tenait une séance avec ses vieilles amies, elle affectionnait les décorations chargées et anciennes, ainsi que les lumières tamisées. Panthéa jugea que le désordre serait suffisant pour installer l'ambiance, d'autant que certains des objets perdus avaient dû appartenir à de très anciens élèves, à en juger par leur état passablement dégradé.

"Viens", dit-elle à Adulith et lui indiquant de se tenir à sa droite, après s'être elle-même placée face à la planche. En tant que gauchère, la fillette avait pris l'habitude de toujours prendre la place qui ne gênerait pas ses voisins droitiers. Elle partait, d'ailleurs, toujours du principe que le reste du monde était droitier. Adulith ne ferait pas exception à ce moment-là.

"Il faut commencer par placer ça, la "goutte", au milieu du plateau, ici", lui expliqua-t-elle en pointant du doigt l'endroit qu'elle décrivait. A en juger par l'attitude de la jeune Serdaigle, Panthéa était à peu près certaine qu'Adulith avait déjà vu une planche de Ouija, mais n'était pas sûre qu'elle en connaisse le fonctionnement. "Tu en as déjà utilisé une ?", lui demanda-t-elle alors, l'air curieux et le sourire aux lèvres. "En gros, il faudra placer le bout de nos deux doigts sur la goutte et demander à l'esprit s'il est là."

C'était sans doute l'essentiel. En tout cas, c'était ce qu'elle avait retenu. Elle s'autorisait une part non négligeable d'improvisation, trop excitée par l'aventure pour s'intéresser aux potentiels risques !

Adulith écouta les explications de Panthéa qui avait pris les opérations en main. Elle avait l'air enthousiasmée à l'idée d'utiliser la planche et son enthousiasme se révélait contagieux. Déjà Adulith se mettait en place pour procéder à l'appel du fantôme. "Je n'en ai jamais utilisé ce sera une première !" elle plaça ses doigts sur le petit ustensile qu'elle avait retrouvé en laissant de la place à son amie.

Il régnait dans la pièce une ambiance très solennelle accentuée par les objets nombreux et hétéroclites qui les entouraient et la luminosité faible du bureau. Adulith s'en sentit impressionnée, elle se prit à espérer que le fantôme de Panthéa avait des intentions pacifiques. Elle n'avait jamais été en contact avec la mort, de près ou de loin, elle avait eu la chance d'avoir une enfance assez préservée. Il y avait bien sûr quelques ombres au tableau dans sa famille, mais ses parents l'en avaient toujours tenue à part et elle avait grandi en toute insouciance. Son amie Alvy avait moins de chance qu'elle mais cette année elles s'étaient un peu éloignées à cause du départ d'Adulith pour Poudlard. Adulith jeta un coup d’œil reconnaissant à Théa, elle était heureuse que son amie l’entraîne dans son aventure, elle s'était fait peu d'amis cette année, et elle avait vécu de bons moments avec la jeune serdaigle.

Elle se concentra prête à appeler l'esprit, quand une idée lui vint, elle se tourna vers Panthéa : "Comment on sait quel fantôme vient ? Et s'il en vient un autre ? Tu crois qu'il faut préciser quel fantôme on veut ? Ou poser un objet en rapport avec toi pour qu'il sache qui l'appelle..." Elle n'était pas vraiment experte en ce qui concernait les esprits, elle se dit que Panthéa en savait plus qu'elle, elle se demanda aussi si les esprits appréciaient d'être appelé, et si on les dérangeait en pleine occupation ? Comme trop de questions se bousculaient dans sa tête elle inspira un grand coup pour faire le vide, on ne pouvait pas appeler un fantôme sans avoir l'esprit clair !

Malheureusement, après plusieurs minutes d'intense concentration, aucun fantôme ne répondit à l'appel. A la place, des pas se firent entendre. Les deux fillettes se regardèrent paniquée, Adulith mit de côté la planche et ramassa un tas de feuilles pour le ranger, tandis que Panthéa se détournait et prenait un air affairé le nez plongé dans un carton rempli d'affaires éclectiques. Le concierge entra à ce moment-là et les considéra d'un air suspect. Ne trouvant rien à leur reprocher, il leur indiqua qu'il mettait fin à leur punition, il devait avoir besoin du bureau pour des affaires plus importantes. Sans demander leur reste, les deux amies s'éclipsèrent. Elles retournèrent ensemble à la Salle Commune, mais avant de se séparer elles décidèrent de ne pas rester sur un échec, et de se procurer une nouvelle planche pour appeler le fantôme. Adulith proposa à Théa de faire quelques recherches et de la tenir au courant et celle-ci accepta avec gratitude.