S’il y avait bien une chose dont pouvait se vanter Orphéa, c’était sa connaissance du château. Dès ses premiers jours, elle avait arpenté les longs couloirs de Poudlard pour en découvrir les moindres recoins. Bien sûr, il lui restait de nouveaux endroits à découvrir, comme la cuisine, la salle de bain des préfets, qu’elle rêvait de pouvoir utiliser, ou encore la légendaire Chambre des Secrets. Avec un peu de chance, un jour elle arriverait même à rentrer un jour dans les salles communes des autres maisons. La deuxième année était bien entamée, mais elle avait néanmoins réussi l’exploit de visiter, en plus de toutes les salles qui lui étaient autorisées, les souterrains et la salle sur demande. Le seul lieu qui lui semblait accessible et dans lequel elle n’avait pas encore posé le pied, c’était le bureau du concierge. Malgré les écarts au règlement qu’elle avait pu faire durant sa courte scolarité, elle avait eu la chance de ne presque jamais se faire prendre. Et jamais par Rusard.

C’est donc par simple curiosité que la brune s’était dirigé ce jour-là vers la tour nord. Aujourd’hui, elle rentrerait dans cette mystérieuse pièce. C’est donc armée de sa baguette et de divers outils qu’elle arriva devant la porte du bureau, prête à agir. Mais avant de commencer son opération, elle jette un petit coup d’œil à travers la serrure, essayant d’apercevoir l’intérieur de la pièce. Un petit bruit derrière elle la fit sursauter, et elle se retourna vivement, un air coupable collé sur le visage, prête à se faire sermonner par l’adulte qui l’avait découvert.

Ce jour-là, Elfie était de très bonne humeur. La jeune fille entrevoyait une petite éclaircie au cœur de ses problèmes quotidiens et pour fêter cette petite victoire, elle avait décidé de prendre son après-midi pour explorer le château. Une sorte de récompense pour aider à se sentir mieux.

D'abord, Elfie était passée par les cuisines -empruntant quelques gâteaux au passage- avant de remonter les étages un à un. Ensuite, elle avait été voir les hiboux endormis dans la Volière. Aucune lettre pour elle n'était arrivée. Mentalement, pour se distraire, Elfie avait fait la liste des endroits où elle n'avait jamais mis les pieds. En tête de liste : la conciergerie.

Il faisait froid dans la Tour Nord, la jeune fille regretta de ne pas avoir pris un chandail lorsqu'elle y parvint. Un peu perdue, les talons de ses bottines claquant sur la pierre épaisse la faisaient sursauter à chaque pas. Les couloirs étaient vides. Enfin, après avoir monté beaucoup -trop- de marches, la rouquine atteignit un palier qui se prolongeait en un couloir similaire aux précédents. Une grosse porte ornait l'un des murs : le bureau du Concierge. Il ne devait avoir personne à cet heure-ci, le vieux faisait sûrement une ronde dans le château.

Des pas résonnèrent au loin. Visiblement, Elfie n'était pas la seule à avoir été prise de la fièvre de la promenade. L'ombre d'une silhouette se détacha sur le mur, révélant par la suite une simple élève, de la taille de la rouquine. Ses cheveux noirs étaient coupés au carré. Dans l'une de ses mains, elle tenait une sacoche et de l'autre, sa baguette magique. Elfie sourit avant d'écarquiller les yeux de surprise; la demoiselle venait de se mettre à genoux et de sortir des outils, qui, Elfie s'en doutait, allait servir à crocheter la porte du bureau de Rusard. Elle n'avait pas froid aux yeux. N'imaginait-elle pas la punition qu'elle recevrait si un professeur ou pire, le concierge en personne, la découvrait ?

Elfie s'avança doucement vers elle, veillant à ne faire aucun bruit. Par mal chance, la semelle de sa chaussure couina au dernier moment. Elle se redressa vivement.

-Qu'est-ce que tu fais ? lança-t-elle alors.

Elle soupira en voyant qu’il s’agissait seulement d’une élève, visiblement plus jeune qu’elle, et qu’elle ne risquait pas de se faire punir. Elle la détailla quelques instants, observant ses cheveux roux et ses yeux bleus durant plusieurs secondes. Puis quand celle-ci lui demanda ce qu’elle faisait la, elle fronça légèrement les sourcils avant de contre-attaquer.

« Toi qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle à la fille qu’elle semblait avoir déjà aperçu dans la salle commune. Il y a plein d’autres endroits pour se balader dans le château »

Elle hésita à faire croire à la rouquine que cette partie du château était interdite aux élèves. Si elle avait peur de se faire punir peut-être, s’en irait-elle et Orphéa pourrait alors continuer sa petite tentative d’intrusion en paix. Mais en faisant ça elle prenait aussi le risque de se faire dénoncer si la jeune fille était une fayote. Elle ne savais pas trop comment se débarrasser de sa camarade, et elle ne voulait pas être méchante avec elle. La brune avait suffisamment d’anémie comme ça.

« Est-ce que tu peux juste, t’en aller ? demanda-t-elle en essayant de rester aussi polie qu’il était de l’être en prononçant de telles paroles. J’ai besoin d’être tranquille pour faire... Quelque chose »

Elle ne savait pas trop comment allait réagir la Serpentard, elle espérait simplement s’en débarrasser sans pour autant la vexer.

Visiblement, Elfie n'était pas la bienvenue et l'inconnue tentait de lui faire passer le message. Poliment. La rouquine lui sourit en guise de réponse. La politesse avant tout. Un mot d'ordre. Une façon d'être pour mieux exposer ce qu'elle avait en tête et qui, d'avance, n'avait rien à voir avec ce que la brunette espérait qu'elle fasse.

-Je me balade, histoire d'en savoir plus sur le château. Elfie fixa la jeune fille avant de baisser les yeux sur ses outils. Tu as l'air de bien le connaître, toi, le château.

La rouquine ne voulait pas de conflit, ni que la brunette se mette à la poursuivre en brandissant son tournevis. La meilleur des défenses, c'est l'attaque. On ne sait jamais : certains élèves sont parfois plus que bizarres. Un peu méfiante, Elfie se décida à l'approcher, malgré le regard d'avertissement que semblait lui lancer la demoiselle. Elle ne comptait toujours pas la laisser. Cela lui rappelait la fois où elle avait rencontré, en janvier dernier, un garçon de Serdaigle dans les Toilettes Abandonnées. Il avait tenté de lui faire peur pour la faire fuir : un échec puisqu'elle était restée jusqu'au bout. Est-ce que l'inconnue pourrait faire pareil ?

Les pieds bien ancrés au sol, la rouquine répondit dans un air de défi :

-Non. Je ne te juge pas, tu fais ce que tu veux.

Bien que ce genre de paroles lui ressemblaient peu, Elfie appréciait la façon dont elle lui avait répondu. Cela avait le mérite d'être clair. Au moins, elle ne passerait pas pour la petite fille naïve et obéissante qu'elle s'était toujours appliquée à être. Sauf si elle n'était pas crédible, qui dans un sens, était fort possible. On ne change pas du jour au lendemain. On travaille le personnage avant de l’interpréter. Elfie secoua la tête. Voilà qu'elle recommençait à se poser des questions qui n'avaient plus lieu d'être. Elle devait aller de l'avant maintenant. Peut-être qu'un changement d'attitude y contribuerait mais, elle remit ça à plus tard. Ce qui, ne l'empêcha pas de commencer.

-Tu as besoin d'aide ?

La jeune fille en face d’elle était visiblement, simplement en train de déambuler pour découvrir le château. Comme elle l’avait souvent fait elle-même l’année précédente. Elle ne semblait pas vouloir la dénoncer et affirma même qu’elle ne la jugeait pas. Encore heureux. Si elle s’avisait de faire quoique ce soit qui puisse lui attirer des ennuis, elle trouverait un moyen de lui faire regretter son acte. Mais elle semblait avenante et lui proposa même son aide ce qui surpris légèrement Orphéa. Elle se redressa, la toisant d’un œil mauvais pendant quelques secondes, puis se détendis légèrement. Après tout, elle n’avait rien à perdre.

« Pourquoi pas, lâcha-t-elle d’un air grognon. J’aimerais bien rentrer dans ce satané bureau. Cela fait plus d’un an et demi que je suis ici et je ne sais toujours pas à quoi, il ressemble »

Elle avait plusieurs plans concernant cette porte, et elle si cette fille devait l’aider, autant qu’elle soit au courant de tout. Cela faciliterait la tâche.

« Je n’ai pas encore essayé, mais je pense qu’un simple sortilège de déverrouillage ne fonctionnera pas sur cette porte, elle doit être protégée, expliqua-t-elle simplement. Du coup, j’ai pris quelques outils que j’ai pu trouver »

Elle montra sa main droite dans laquelle se trouvait diverses épingles à cheveux, des ciseaux, un ressort, et un fil de fer. Elle n’avait jamais forcé de serrure alors elle ne savait pas trop de quel matériel elle avait besoin, aussi elle espérait que cela serait suffisant.

« Et en fait, je m’appelle Orphéa » ajouta-t-elle simplement en se disant que connaître le prénom d’un coéquipier était important.

Enfin, Elfie put mettre un nom sur le visage de la brune. Voilà qui allait faciliter la communication entre les deux filles, surtout si elles voulaient s'y mettre à deux pour entrer dans le bureau du vieux. Il n'était pas dans ses habitudes de faire des bêtises, elle n'aimait pas se faire remarquer, mais l'excitation la gagnait. Elfie s'agenouilla à côté d'Orphéa et fit mine d'examiner les épingles à cheveux.

-Je suis d'accord avec toi sur Alohomora, ça risque d'être compliqué de l'utiliser. Elfie marqua une pause et réfléchit un instant. Penses-tu que Miss Teigne rode dans les couloirs ?

La rouquine fixa le ressort qu'avait apporté Orphéa. Serait-il possible de fabriquer un outil, à partir de ceux déjà existants, pour ouvrir la porte facilement ? Elfie en doutait. Alors, elle prit une épingle et la plia en deux. Une partie restait à l'horizontale et l'autre, à la verticale. Elle inséra la partie horizontale dans la serrure.

-J'ai vu ça dans des films à la télévision, expliqua-t-elle à Orphéa, bien que la rouquine ne soit pas sûre de son entreprise.

En vain, elle tourna l'épingle dans tout les sens. La porte restait close. Le mécanisme de la serrure devait être très compliqué. Peut-être même Rusard utilisait-il une clé magique ? Ou bien la serrure n'avait pas l'aspect de la clé qui permettait de l'ouvrir. Ce qui était sûr, c'est que Rusard était malin mais que les deux filles seraient plus malines que lui.

Orphéa fut ravi de voir qu’Elfe semblait d’accord avec elle. Leur niveau de magie n’était probablement pas suffisant pour pouvoir ouvrir une porte comme celle-ci. Et elle était tellement concentrée sur son projet qu’elle n’avait pas pensé un instant a ce chat qui pouvait se trimballer dans les couloirs un peu n’importe où. Mais en réfléchissant elle se dit que Miss Teigne rodait probablement ailleurs.

« Elle rôdes certainement, mais probablement pas à cet étage, commenta-t-elle, quasiment sûre de ce qu’elle avançait. La plupart des élèves qui font des bêtises ne s’amusent pas à le faire juste devant le bureau du concierge »

C’est vrai que cette partie du château n’était pas réellement très animée. La plupart du temps, les élèves passaient leur temps libre dans leurs salles communes, la bibliothèque, la salle de travail, le parc, la salle de répétition et les couloirs pour certains. Mais devant le bureau de Rusard, il n’y avait rien d’intéressant. C’était prendre un risque inutile de croiser le vieux fantôme désagréable, qui cherchait toujours le moindre prétexte pour punir les enfants, et se plaisait à marmonner qu’à une certaine époque, il avait le droit de les pendre par les chevilles dans les cachots. Elle observa sa camarade tenter quelque chose, avant de voir que cela ne semblait pas vraiment fonctionner.

« Oui moi aussi chez ma cousine, elle a plein de films dans sa télévision ! dit-elle un peu naïvement. Je pense qu’il doit y avoir une technique particulière ! Peut-être qu’on devrait réfléchir un peu avant de commencer ? »

Elfie réfléchissait. Une porte aussi imposante ne s'ouvrirait jamais avec une misérable épingle, du moins, tant que les deux filles n'auront pas la clé, celle-ci restera fermée. Se sentant ridicule, la rouquine n'osa pas soumettre l'option du bélier ou du pied de biche. S'il était presque sûr qu'ils les aideraient, aucun élève pouvait s'en procurer par les temps qui couraient.

-Je pense aussi, répondit Elfie, en jetant un coup d'œil autour d'elles. Elle fouilla dans les poches de sa robe qu'elle n'avait pas eu le temps d'enlever après le repas. Je dois avoir un bout de parchemin quelque part, et un stylo pour noter nos idées...

Sa main agrippa le capuchon en plastique de son Bic bleu. Triomphante, elle le sortit du renflement droit de son uniforme.

-Tu sais ce qu'est un stylo ? interrogea Elfie, perplexe. D'un côté, elle avait un peu peur qu'Orphéa crut qu'elle la prenait pour une imbécile. Mais d'un autre, si la brune était une vraie sorcière de naissance, il serait compréhensible qu'elle ne sut pas ce que c'était. Je veux pas dire que tu es une ignorante ou quoi que ce soit hein, euh, mais tout le monde n'est pas au jus sur les inventions moldues... bafouilla-t-elle en rougissant légèremment.

Elfie ne voulait pas faire de gaffe. Elle trouvait rarement des élèves de son âge, ou un peu au-dessus, ouverts à la discussion.