Sortant des dortoirs en faisant le moins de bruit possible: Ewen était reparti pour un énième tour en dehors de la salle commune. Outrepassant les règles de Poudlard notamment celle du couvre-feu pour ne pas changer: il se dirigea à pas feutrés vers le bureau du concierge. Se faisant la réflexion en cours de route, il n'avait aucun doute sur le fait que plusieurs élèves avaient déjà tentés de pénétrer dans le bureau de Argus Rusard, se demanda à la fois comment pouvait-on garder un fantôme aussi vicieux au sein de l'école et si la porte allait être facile à ouvrir. Même si le Baron sanglant en tenait une bonne couche, ce dernier s'occupait surtout des Serpentards. Rien que pour ce détail, le garçon était content d'être chez les Poufsouffles et n'enviait personne: il fit depuis le début de l'année la conclusion qu'il ne pouvait y avoir mieux qu'un fantôme qui aimait et savait faire la fête.

Le chemin vers la tour nord n'était pas des plus facile et le jeune sorcier avait déjà préparé un plan indiquant les endroits qu'il devait éviter à l'aide des conseils d'élèves de différentes maisons. Il devait absolument récupérer quelques affaires confisquées qu'il avait échangé contre des cartes chocogrenouilles: sa boîte à Flemme, un Frisbee à dents de serpents ainsi que deux Bombabouses. Le lot lui avait coûté une carte en or après tout.

Arrivant à l'escalier menant à la tour, il dut s'arrêter à cause de bruits qui venait vers lui. Ne sachant pas ce que cela pouvait être, il chuchota à sa baguette le sortilège Nox puis se cacha dans un coin d'une intersection la plus proche: ayant trouvé refuge derrière un pilier. En boule et ne bougeant plus, les bruits qu'il entendait s'avéraient être des pas qui approchaient de sa position en plus d'une lumière diffuse. Coupant sa respiration et entendant les battements de son cœur, la personne qui rodait dans les couloirs passa devant lui sans l'apercevoir après avoir marqué un arrêt, tournant la lumière dans les différentes directions qui se proposaient à lui.

Quelques secondes qui lui donnèrent l'impression d'être resté plusieurs minutes à même le sol, Ewen se leva tout en ayant du mal à reprendre son souffle. Il prit le temps de regarder par où était parti le rôdeur puis reprit son chemin jusqu'à arriver au bureau du concierge. Ayant apprit le sortilège Alohomora pour une telle occasion qui se présenterait: le jeune garçon sortit sa baguette pour y entrer et enfin récupérer son dû. Cependant il se fit interrompre une seconde fois, non par un adulte comme il s'y attendait mais par une élève de son âge qu'il avait déjà aperçu dans ses cours.

Elle tombait, tombait, tombait... Deryn se réveilla en sursaut avec cette étrange sentiment de chute dans le vide. Quel drôle de rêve. Elle était sur le dos d'un oiseau et... Mais où était-elle ? Elle avait froid, elle avait mal au cou et...

- Wouahou !

Le ciel était magnifique cette nuit. Les étoiles étincelaient comme des milliers de petite lanternes suspendues dans les airs. L'irlandaise sourit en frissonnant, s'accordant quelques instants pour profiter du spectacle. Elle savait maintenant où elle était mais n'avait pas prévu de rester aussi tard. Quelle heure était-il d'ailleurs ? Elle se redressa et s'étira. Après manger, elle était montée à la volière pour écouter les oiseaux. Depuis quelques jours, elle essayait d'apprendre à reconnaître et imiter leur chant et c'était le soir qu'ils étaient les plus bavards. Elle avait dû bêtement s'endormir, enroulée dans sa cape, assise en boule dans son coin. Elle ramassa son carnet avec ses notes et prit la direction de la salle commune. Mieux valait ne pas se faire attraper à une heure pareille.

Elle descendit prudemment les marches du grand escalier, rasant les murs autant que possible. Dire qu'elle s'était promise il y a peu de ne plus sortir la nuit, plus jamais. C'était un comble. Elle serrait contre elle son carnet, hésitant à allumer sa baguette pour se repérer ou, au contraire, à ôter ses chaussures pour être la plus discrète possible.

Soudain elle perçut un mouvement. Quelqu'un essayait visiblement de forcer une porte. Elle avait compris la leçon le mois dernier et décida qu'elle devait ... Elle réfléchit un instant. Non, elle n'allait pas l'arrêter, mais peut être prévenir cet élève que ce n'était pas une bonne idée. Elle s'avança sans bruit et chuchota quand elle fut assez proche.

- Hey, je ne sais pas exactement ce que tu fais, mais ce n'est à mon avis pas une très bonne idée.

Tout en parlant, elle se dit que cette approche était totalement stupide. Un élève qui forçait une porte savait à priori que ce n'était pas une bonne idée.

"Pas une bonne idée" était juste, Ewen roula des yeux face à cette évidence et resta les bras ballant. Ne sachant quoi répondre à l'élève qui, tout comme lui, brisait le couvre-feu et pouvait se faire attraper par un professeur ou un préfet. Il ne savait cependant pas quelle punition ils risquaient, ne s'étant jamais fait avoir jusqu'ici.

- Il faut bien une première fois à tout.. chuchota-t'il à lui même, avant de reprendre un peu plus fort: tu ne serais pas Deryn, par hasard ?

Il lui posa cette question quelque peu rhétorique mais s'en servait comme introduction: Deryn et lui étant dans la même classe mais très souvent à l'opposé l'un de l'autre et ne s'étant jamais retrouvé en binôme. Non pas qu'il ne l'appréciait pas, simplement que l'occasion ne s'était jusqu'ici jamais présentée.

- En tout cas, pour une première vraie discussion on pouvait mieux faire. Tu viens d'où d'ailleurs ? Et tu f'sais quoi ?

Il n’attendit pas sa réponse pour essayer d'ouvrir la porte. Prenant un peu de recul pour manier sa baguette, il toussa d'une manière quasi imperceptible et récita le sortilège - Alohomora ! - mais rien ne se passa. Frustré, il soupira en levant la tête vers le plafond avant de se frotter le front, se demandant s'il devait forcer la porte quitte à créer un remue-ménage avant de filer à toute vitesse.

- Pas étonnant, j'dois pas être le premier à essayer après tout.. T'aurais une idée toi ? dit-il en se retournant vers Deryn, l’embrigadant dans cette histoire sans lui demander son avis.

Quand il se retourna, la Poufsouffle reconnut un de ces camarades de maison. Qu'est ce qu'Ewen faisait là ? Ce qu'elle faisait là elle et bien... La fillette bafouilla un peu honteuse d'avouer la raison de sa présence dans les couloirs.

- Ben je... En fait j'étais partie écouter les hiboux. Je voudrais les reconnaître et... et je me suis bêtement endormie. Je...

Son camarade reprit de plus belle. De toute évidence, c'était plutôt une question rhétorique qu'une interrogation stricte. C'est vrai que pour une première discussion sérieuse, le cadre était assez étonnant, froid, sombre et un peu stressant. Elle serra un peu plus son carnet et lança instinctivement un coup d’œil aux alentours, tentant de distinguer des formes plus précises dans l'obscurité qui les entourait. Elle sourit en voyant le Poufsouffle lancer un sortilège sur la porte. Dire qu'il y a peu de temps elle avait eu la même idée.

- Ça ne marche pas ces sortilèges sur les portes. Ils sont plus malins que nous tu penses. Ils doivent utiliser un truc plus puissant. Un sortilège de protection ou un truc du genre.

Le silence se fit plus pesant. Ils étaient en plein milieu du couloir, en train de discuter à une heure ou personne n'était autorisé à sortir et ce pour de bonne raison comme Kevin le lui avait rappelé le mois dernier. Elle attrapa le garçon par le coude et l'entraîna près du mur, dans l'ombre d'une armure. Elle reprit tout bas.

- Pourquoi tu veux entrer là ? C'est la porte de quelle pièce ? Tu as essayé d'ouvrir tout simplement ? J'ai l'impression que dès fois, certaines portes restent ouvertes. Je ne sais pas si c'est exprès ou non cela dit. Y a peut être une raison.

Ewen trouvait cela cocasse que la sorcière se retrouve à errer la nuit pour avoir eu envie d'écouter des hiboux. Après tout, c'était le meilleur moment pour pouvoir les entendre et il trouvait cela logique: le brun l'aurait sans aucun doute accompagnée si on lui avait donné l'opportunité. Il se promit d'essayer d'aller dans l'une des tours de Poudlard la nuit pour observer le ciel dénué de tout nuages mais parsemé d'étoiles.

S'exposant elle aussi au risque de se faire attraper, il pouvait voir dans ses yeux un soupçon d'anxiété. Il comprenait que la situation de se retrouver en présence du fantôme d'Argus Rusard après avoir fait le fanfaron en plein milieu du couloir n'était enviable pour personne. Il gardait cependant son calme, ne s'enivrant pas d'une quelconque excitation pour avoir enfreint plusieurs règlements de l'école et suivit l'élève quand elle l'attira à l'ombre des regards. L'armure étant plus grande qu'eux de plusieurs têtes, elle offrait un semblant de couverture pour quiconque aurait besoin de se dissimuler dans ces longs couloirs.

Ecoutant attentivement ce que lui disait Deryn, il doutait de la possibilité de l'ouvrir simplement à la main. Se demandant pourquoi le bureau resterait ouvert alors que ce dernier gardait en sécurité les objets confisqués des élèves, Ewen expliqua à la Poufsouffle la raison de sa venue:

- Baaah, j'ai simplement des.. jouets que l'on m'a confisqué et qui se trouvent dans le bureau du concierge. En plus je me suis embêté à les échanger contre une carte chocogrenouille mythique donc t'imagines bien que je ne vais pas faire une croix là-dessus !

Un regard remplit de défi, le garçon ne comptait pas en rester là. Regrettant de ne pas pouvoir se transformer en un petit animal pour se faufiler à l'intérieur de la pièce, Ewen fronça des sourcils tout en se grattant le menton et se concentra à nouveau sur Deryn.

- Dis, t'as déjà essayé de rentrer dans le bureau de Rusard ?

Le bureau du concierge ! Son camarade essayait d'entrer par effraction dans le bureau du concierge en pleine nuit. La jeune fille se serait bien frappé le front à cette nouvelle mais elle tenait son carnet trop serré entre ses bras croisés pour ça et elle n'allait pas pester trop fort. Ne savait-il pas que l'actuel et éternel concierge était un fantôme ?

- Dis, tu es au courant que le concierge c'est un fantôme et que techniquement enfin, je crois, les fantômes ça ne dort pas la nuit. Enfin je veux dire, si ça se trouve il est juste derrière la porte ou derrière le mur et il nous écoute en se marrant avec son sourire de travers.

Elle frissonna et ne put s'empêcher de lever les yeux, inspectant rapidement la cloison contre laquelle ils avaient trouvé refuge, s'attendant presque à voir une tête dépassée, tel un trophée de chasse empaillé.

- Tu ne crois pas que c'est moins risqué en journée ? Il faut repérer la chatte et filer au bureau quand elle est à l'autre bout du château. Normalement il est toujours derrière non ? Après il reste le problème des préfets et professeurs de passage.

Elle fronça légèrement le nez, réfléchissant en se mordillant la joue. Le bureau du concierge était peut être l'endroit le mieux gardé de Poudlard au final. Mais en même temps, une carte chocogrenouille mythique... ça devait être un truc chouette qu'il s'était fait confisquer et Deryn comprenait qu'il veuille récupérer son bien.

- Tu penses qu'en regardant par la serrure on verra s'il est là ? Peut être qu'il luit un peu dans l'obscurité non ?

Voir l'effarement sur le visage de sa camarade de maison fit sourire Ewen au point de se mordre l'intérieur de la joue, à défaut de se mettre à rire. Mais l'idée que le fantôme du concierge pouvait se trouver de l'autre côté de la porte et donc être au courant de leur messe basse le coupa net dans son euphorie. Un frisson glaçant parcouru le long de son dos, le faisant frémir de peur en imaginant l'horrible tête de Rusard pointer le bout de son nez devant son visage en traversant un mur, ou la porte. Il resta silencieux quant à cette possibilité, laissant Deryn continuer sa mise en garde.

Il avait déjà pensé à la proposition de cette dernière pour le faire la journée: mais jugeait qu'il était plus facile de se faire repérer de par le nombre de témoins et d'adultes circulants dans les couloirs. Il était clair qu'il avait néanmoins l'avantage de se fondre plus facilement dans la masse, que le fantôme du concierge soit occupé ailleurs et que le bruit créé par la vie-même du château pouvait facilement le couvrir.

Après avoir écouté ce qu'elle avait à dire: il tenta de suivre à la lettre sa proposition d'aller espionner par la serrure si quelqu'un se trouvait déjà dans le bureau en question. Hochant de la tête par l'affirmative et se dirigeant donc vers la porte, Ewen se baissa quelque peu à la serrure et ferma son oeil gauche, collant son visage à l'acier froid pour essayer de percevoir un mouvement dans la pièce.

Il n'était pas surprit du résultat, c'était le noir total et il ne pouvait rien voir. Le brun essaya de coller son oreille au bois de la porte mais fit une grimace à l'attention de Deryn, il ne perçut aucun bruit de l'autre côté. S'il n'y avait donc aucune présence, la chance était donc avec lui. Il essaya d'ouvrir la porte en tournant simplement la poignée comme l'avait proposée sa camarade, mais rien ne se passa.

Ewen maugréa puis regarda une nouvelle fois par la serrure, rempli de frustration et faute de savoir quoi faire. Cependant, il ne s'attendait pas à percevoir quelque chose. Quelque chose de blanc et transparent.. quelque chose qui ressemblait à une sorte d'ectoplasme.. quelque chose qui ressemblait à un oeil. Le brun comprit enfin que ce qu'il observait quand l'oeil en question se tourna pour le regarder droit dans les yeux.

- Bordel de merde fit-il en reculant soudainement, tombant sur ses fesses à quelques mètres de la porte. Il pointa sa baguette magique vers elle par pur reflex et entendait son coeur battre à toute vitesse.

Des bruits le tirèrent de sa méditation nocturne. Il ne dormait pas vraiment mais avait pour habitude de se laisser flotter dans son bureau quand le soleil se couchait. Seulement voilà, cette nuit, des bruits l'avaient dérangé. Il tendit l'oreille écoutant les sottises de ses élèves en secouant la tête. C'était bien tous les mêmes. Un sourire déforma soudain son visage et il se pencha lui aussi à la serrure.

L'œil à l'autre bout s'agrandit de frayeur pour le plus grand plaisir du concierge. Il fit passer la tête par l'emplacement de la serrure et roula des yeux en découvrant les deux gamins qui se trouvaient sur le pas de sa porte avant d'annoncer d'un ton menaçant en séparant bien chaque mot.

- Que faites - vous là ?

De toute évidence, Ewen ne voyait rien par le trou de cette serrure. Deryn décida donc de le rejoindre. Elle fit quelques pas vers lui, commençant à traverser le couloir en sa direction. Elle n'eut cependant pas le temps de le rejoindre que son camarade poussa un juron en reculant vivement. Il heurta au passage l'irlandaise.

- Aïe !

Elle bascula en arrière dans la pénombre sous le choc de leur rencontre. Ne voulant pas perdre à nouveau son carnet, elle le serra contre elle dans sa chute et termina elle aussi par terre. Elle sentit dans son dos une chose froide et un frisson de panique la traversa quand elle compris qu'il s'agissait de l'armure. Cette dernière, si précieuse cachette quelques instants plus tôt vacillait maintenant dangereusement. Deryn se retourna, manquant ainsi l'apparition cauchemardesque du concierge, pour tenter de la retenir en vain. Elle ne put qu'arrêter les jambes de cette dernière. Heaume, visière, bras, gants et buste s'écroulèrent sur le sol. Un vacarme assourdissant se répercuta dans les couloirs vides et jusque là silencieux. Deryn, toujours plus ou moins allongée par terre pâlit dans l'obscurité. Aucun doute possible, même un ours en pleine hibernation aurait entendu un tel boucan. D'ailleurs la voix qui venait de s'élever un instant plus tôt n'était elle pas la preuve même du début de sérieux ennuis.

Elle reporta son regard sur la porte, en direction de la personne qui venait de leur parler sur un ton glacial et découvrit avec stupeur, l'hideuse tête du concierge, faisant plus ou moins disparaître serrure et poignée. Elle ouvrit bêtement la bouche come tétanisée avant de se remettre à parler dans un murmure.

- Ewen, on... devrait filer d'ici en vitesse non ?

- De la vermine, voilà ce que vous êtes.

Le fantôme sortit totalement de son bureau, à la fois outré et ravi d'une potentielle distribution de réprimandes. Il se dirigea lentement vers les deux Poufsouffle.

- Non respect du couvre-feu. Complot et tentative d'effraction. Utilisation d'injures envers ma personne. Non ne niez pas, sale petit troll ! Je vous ai entendu derrière la porte. Destruction du patrimoine matériel de l'école et j'ai cru deviner sur vos lèvres de petite effrontée un refus d'obéissance et une tentative de fuite. De mon temps, on vous aurait pendus par les pieds au fond des cachots avant de vous renvoyer !

Les paroles du concierge résonnaient dans les couloirs comme un écho à l'armure gisant sur le sol.