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16 déc. 2018, 16:26
Les lilas louangés  PV 
OCTOBRE 2043
Un matin glacé


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Des fleurs, des fleurs, des fleurs.

Joy en avait marre, des fleurs. C'était moche et ça ne servait à rien. Quand on en achetait, il fallait en prendre soin, vérifier qu'elles avaient toujours de l'eau, qu'elles n'étaient pas fanées, et puis si c'était le cas, il fallait s'en débarrasser, en acheter d'autres car un vase vide c'était pas esthétique, et franchement, si les fleurs poussaient pas dans les vases, c'était bien pour une raison et il fallait les laisser là où elles étaient.

Cette aversion pour les fleurs était assez récente, en réalité. Elle était née le jour-même où Joy s'était rendue compte qu'elle avait d'énormes difficultés à maîtriser le sortilège Orchideus. Elle connaissait l'existence de ce sort depuis des années, l'ayant vu passer dans divers livres de sortilèges qu'elle avait parcourus, et avait toujours pensé que ce sort devait être d'une simplicité remarquable. Il n'en était rien.

Créer un bouquet de toutes pièces, voyez-vous, requérait des qualités et une concentration que l'adolescente n'avait pas encore tout-à-fait acquises. Il s'agissait d'abord de visualiser son résultat, d'imaginer quelque chose de joli, de décoratif, de coloré, bourru, pas trois tristes marguerites un peu fanées. Cela, Joy s'en était toujours crue capable, car elle n'était pas dépourvue d'imagination. Seulement, ses connaissances florales étaient très maigres et lorsqu'il avait fallu visualiser quelque chose de concret, elle n'avait pu qu'imaginer des tons colorés aux formes imprécises - et c'est sans parler de l'effort de patience et de concentration que demandait le sortilège.

En bref, Joy avait sous-estimé Orchideus et s'était donc rendue, frustrée, dans le rayon botanique de la Bibliothèque. Elle y avait découvert de nombreuses variétés de plantes, magiques comme moldues, et avait emmagasiné énormément d'informations qui ne lui serviraient probablement jamais. Elle avait ensuite tenté l'expérience à nouveau, avait correctement visualisé les jolies fleurs qu'elle avait choisies, et le bouquet qu'elle avait produit avait été misérable, plat, délavé, éteint. Elle s'était alors énervée, avait jeté sa production par terre et s'était dit que de toute façon, ce n'était qu'un stupide sortilège qui ne servait à rien. Elle avait lâché l'affaire.

Mais cet échec la pesait. Elle ne comprenait pas pourquoi, elle se demandait ce qu'elle avait fait de mal, ce qui pouvait expliquer qu'un sortilège d'apparence si simple lui était si complexe. Elle s'était donc calmement penchée sur la question et avait une théorie ; lors de ses précédents essais, l'impact émotionnel que recelaient ses bouquets était inexistant. Les fleurs qu'elle avait choisies n'avaient rien de spécial à ses yeux, sinon qu'elles étaient jolies.

En ce matin d'octobre, elle retenterait donc le coup. Elle ferait apparaître des lilas, ces fleurs violettes que son père affectionnait tout particulièrement. Joy et lui avaient passé des dizaines d'après-midi à cueillir des lilas et à les utiliser pour décorer leur grande maison. Ils en avaient même fait planter dans le jardin. Les lilas n'étaient pas que des fleurs, c'était des matins d'automne, des soirs d'été, des rayons de soleil qui perçaient la véranda, les sourires de son père.

Joy s'enferma donc dans une salle d'études vide (elle ne voulait pas être dérangée par les bavardages de sa salle commune), tenant sa baguette dans sa main droite, visualisa, se souvint des rires de son père, ferma les yeux, prononça la formule, et elle sentit les fleurs qui naissaient dans sa main gauche. Quand elle ouvrit les yeux, elle découvrit le bouquet le plus riche et pétillant qu'elle eut jamais produit. Il n'était certes pas varié mais elle le trouva tout de suite magnifique.

Fière d'elle, elle se retourna, son bouquet toujours en main, et aperçut alors la silhouette d'une jeune fille qui l'observait, muette. Elle fronça les sourcils et se demanda si elle était là depuis le début. Agacée qu'on l'espionne, Joy l'interpella d'une voix irritée :

« J'te dérange ? »

Les gens du pays pensent que la vie est belle ici. La vie est belle, oui, mais quand on la rêve.

18 déc. 2018, 18:41
Les lilas louangés  PV 
Shreya n’avait pas pour habitude de rechercher la compagnie des autres. Et encore moins de les observer. Dans un sens, la petite était sacrement centrée sur elle-même… Mais ce matin-là, c’était différent et elle n’avait pas pu s’en empêcher…

Tout avait commencé parce que la Serpentard était allée se balader un peu dans le château, allant là où les escaliers magiques voulaient bien la mener. Elle ne s’était pas risquée à sortir à l’extérieur, le temps n’étant pas au beau fixe, et s’était donc retrouvée devant une salle de classe vide. En fait, rien n’aurait dû la pousser à s’arrêter, si ce n’est la curiosité, comme toujours. Merlin, cette foutue curiosité. Elle lui en avait attiré, des problèmes…Sa mère et ses tantes lui disaient toujours que cela la conduirait à sa perte. Son père, lui, se contentait de rire et d’affirmer qu’au contraire, c’était cela qui la pousserait à vouloir en apprendre plus, encore et encore. Que c’était une qualité digne d’une Serdaigle.

Ironie du sort, elle avait fini à Serpentard.

Les paroles du Choixpeau lui revirent inconsciemment en mémoire et elle sourit tendrement. Elle avait eu de mal à l’accepter, elle avait longtemps pleuré et regretté le grand jardin du manoir et les magnifiques dalles qui menaient au kiosque, sa chambre emplie de peluches, les comptines de sa grand-mère - elle toucha délicatement son pendentif en forme de lys, à la pensée de Nandini, mais elle était véritablement faite pour être chez les Serpents.

Bref, donc, elle avait atterri devant une salle vide où elle avait entendu une voix qui proclamait des paroles étranges. La jeune Varma n’avait pas tardé à comprendre qu’il s’agissait d’une élève qui s’entrainait. Sans réaliser ce qu’elle faisait, elle avait ouvert la porte et s’était faufilée à l’intérieur sans un bruit. Elle s’était alors mise a observer sa camarade. Celle-ci était bien plus âgée et portait d’ailleurs les couleurs des aiglons. Son visage était totalement inconnu à Shreya mais elle n’avait pu s’empêcher d’être fascinée par ce qu’elle faisait et était donc restée plantée la comme une idiote. Inutile de préciser que ça n’avait pas plu à la concernée lorsqu’elle avait finalement noté sa présence…

Et sans trop savoir pourquoi, toute la repartie et le culot de la première année s’étaient évanouies en fumée :

- Désolée… bafouilla-t-elle tandis que ses joues se coloraient, bien que cela ne se voie pas. Je… Je voulais juste regarder. C’est quoi comme sort ?

Parce que ce site a fait des choses magiques ~

16 janv. 2019, 16:00
Les lilas louangés  PV 
Comme Joy s'y attendait, la gamine se mit à bafouiller quelques excuses ; qu'aurait-elle pu faire d'autre, de toute façon ? Fuir en courant ? C'aurait été encore plus ridicule. Ce qui surprit Joy, en revanche, fut la persévérance de la jeune fille ; au lieu de s'éclipser sans demander son reste, elle lui demanda quel sort elle avait jeté.

Cette attitude était un peu surprenante, surtout de la part d'une élève si jeune ; à cet âge-là, Joy était encore bien trop impressionnée par les grands pour insister quand elle avait l'impression de les déranger - mais elle avait rarement eu l'impression de les déranger, car elle ne se rendait pas souvent compte qu'elle était insupportable. 

Ainsi, lorsque la petite Serpentard laissa parler sa curiosité au lieu de prendre la fuite, Joy fronça légèrement ses sourcils blonds sans la quitter du regard. Elle laissa un silence s'installer, assez agacée par l'audace de cette gamine qui brouillait sa concentration, et s'adossa à une table, sa baguette toujours dans sa main droite et son bouquet de lilas dans sa main gauche. Elle posa les fleurs sur la table et consentit enfin à répondre dans un soupir :

« Orchideus. »

Elle attrapa une fleur du bouquet posé sur la table et fit tourner la tige entre ses doigts.

« Ça sert à rien mais j'avais envie d'essayer. »

C'était assez typique des Serdaigle ; essayer pour essayer, s'entraîner pour s'entraîner, acquérir des connaissances juste pour le plaisir, accumuler les capacités parce qu'on en ressentait le besoin, parce que c'était frustrant quand il y avait quelque chose qu'on ne savait pas faire. Si Joy s'était tant obstinée à réaliser un sort qu'elle trouvait parfaitement inutile, c'était dans un esprit de compétition qu'elle s'était imposé à elle-même sans s'en rendre compte ; si d'autres y arrivaient, alors elle aussi, elle devait le faire, même si ça ne servait à rien. Elle n'aimait simplement pas l'idée d'être moins bonne que les autres.

Elle avait prévu de continuer à s'entraîner, de parvenir à créer des bouquets de plus en plus fournis, colorés, mais la présence de la Serpentard était gênante. Il aurait sans doute fallu d'une seule pique efficace pour la congédier en quelques secondes, mais Joy n'en fit pourtant rien, sans doute parce que ce sentiment d'être admirée lui plaisait un peu.

Elle quitta la petite des yeux et ses pupilles se posèrent sur son bouquet. Elle le désigna d'un mouvement de tête puis s'adressa à l'autre élève d'un ton qui mêlait moquerie et lassitude :

« Tu l'veux ? J'sais pas quoi en faire. »

Les gens du pays pensent que la vie est belle ici. La vie est belle, oui, mais quand on la rêve.