Jennifer écoutait attentivement le récit d'Eileen lui expliquant les grandes lignes de son enfance. Au fur et à mesure qu'elle parlait, notre jeune rouquine se rendit compte qu'elle n'avait pas eu la même enfance. De nombreuses différences se laissaient apercevoir ; elle vivait à la campagne, elle avait une sœur, mais surtout elle avait deux parents.

Jennifer ne pensait pas avoir eu une enfance triste et compliquée, malgré les complications, son père a toujours fait en sorte que sa vie soit remplie d'amour et de joie. Une fois que sa camarade eut fini, Jennifer s'empressa de lui répondre :

« Alors moi, j'ai une vie totalement différente de la tienne, mais on va avoir pleins de sujets de discussion du coup ; c'est cool ! dit-elle en souriant à Eileen. »

En effet, les enfances différentes qu'elles ont pu avoir leur permettraient d'exposer leurs avantages et leurs inconvénients et ainsi remplir de nombreux débats.

« Mon père travaillait au Ministère de la Magie en tant qu'Oubliator, depuis la chute de celui-ci, il s'est reconverti en botaniste et travaille dans notre petit village. Je vis également avec ma grand-mère, qui était guérisseuse ; maintenant elle ne travaille plus. Quant à ma mère, elle est morte quand j'avais cinq ans, elle ne travaillait pas pour pouvoir s'occuper de moi. Tu vois, nos vies ne sont pas vraiment identiques. Par contre, je te jalouse sur une chose ; ta sœur. Vous avez l'air de vous entendre à merveille et j'ai toujours rêvé avoir un frère ou une sœur. Mais je n'ai pas eu cette chance, je suis fille unique, et parfois, c'était compliqué, même si ça a quelques avantages. »

Sur ces dires, Jennifer attendit qu'Eileen rebondisse sur sa relation avec sa sœur. Elle n'avait pas relancé de nouveau sujet, car elle voulait en savoir plus sur la relation fusionnelle que deux sœurs pouvaient avoir.

Le Ministère de la Magie... Lili lui en avait sûrement parlé, même si elle n'en avait que de vagues souvenirs. La seule chose dont elle se rappelait était d'Ursula Parkinson, qui avait prit le pouvoir de ce fameux ministère et du monde des sorciers.
La petite lui dit qu'elle la jalousait pour une chose, ou plutôt une personne : sa soeur. Thalia. Si seulement elle savait, que tout ça était du passé. Si seulement elle savait, que Thalia n'était plus là, n'était plus rien pour la rouquine. Mais comment pouvait-elle le savoir ? Aucune d'elles ne se connaissaient avant ce jour, et Eileen avait décidé de passer au dessus de sa peine, transformée maintenant en haine.
Elle ne voulait pas plomber l'ambiance, mais il fallait qu'elle le dise, sans pleurer. Pleurer aurait été une forme de faiblesse, de maux pas encore réparés.
Elle fixa les yeux, une expression neutre sur le visage. Elle devait lui dire, elle devait le dire à quelqu'un pour être sûre.

- C'est fini, elle et moi.

C'était clair, net et précis. Il le fallait, mais elle ne voulait pas que la rousse s'attarde dessus. Elle changea vite de sujet, évitant les sujets sensibles.

- Bref, ça fait quoi d'être fille unique ? Fin du coup c'est différent que d'avoir un frère ou une soeur. T'en as jamais voulu ? Et tes parents, ils voulaient pas avoir un deuxième enfant ?

C'est fini ? Comment une relation entre deux sœurs pouvait se finir ainsi ? Jennifer était un peu confuse. Curieuse comme elle était, elle voulait en savoir plus. Mais Eileen n'avait pas l'air de vouloir s'attarder sur le sujet, en effet lorsqu'elle avait prononcé cette courte phrase, elle avait les yeux fixés dans le vide, le visage sans aucune émotion. Jennifer se demanda si c'était parce que cela était encore douloureux pour elle et que cette neutralité lui permettait d'agir comme une sorte de carapace. Ou alors c'est parce qu'elle n'avait qu'un cœur de pierre ? Non sûrement pas. Sur cette réflexion, Jennifer ne décida pas de continuer sur le sujet, Eileen lui en parlerait si elle ressentait, un jour, le besoin.

D'ailleurs, sa camarade changea très vite de conversation et lui demanda donc ce que ça faisait d'être fille unique. Puis lui posa pleins d'autres questions sur le sujet. Une fois qu'elle eut fini, Jennifer s'empressa d'y répondre.

« Bah, il y a des avantages et des inconvénients. Tu n'as personne de ton âge pour jouer avec toi, à qui te confier, avec qui partager des moments à la maison. Mais d'un côté, j'ai toute l'attention de mon père et étant toute seule, je suis assez gâtée. Mais bon ça ne fait pas tout. Moi, j'ai toujours rêvé d'avoir un frère ou une sœur. Tu sais, être toujours seule, ce n'est pas forcément top. Quant à mes parents, en réalité, je ne sais pas. Peut-être avaient-ils prévu de refaire un enfant, mais à la mort de ma mère, les plans ont sûrement dû être chamboulés. »

Elle sentait que la jeune fille voulait en savoir plus, et c'était tout à fait normal. Eileen et Thalia étaient si proches avant... Qui aurait pu croire qu'une telle complicité pourrait un jour être brisée aussi durement ? Heureusement pour la Serdaigle, l'autre fille changea vite de sujet aussi, pour répondre à la question posée quelques instants auparavant.
Elle lui raconta que ce n'était pas toujours génial d'être fille unique, Eileen la comprenait. Bien qu'elle aimait souvent être seule, que sa soeur soit plus loin pour jouer elle aussi dans son coin, la rouquine aimait beaucoup ces moments passés avec Thalia.
Puis la fille mentionna la mort de sa mère. Le regard d'Eileen se voila, comment pouvait-elle dire ça avec un air aussi détaché ? Elle voulu dire qu'elle était désolée, mais elle n'aimait pas qu'on lui dise ça, elle détestait même. Sa mère lui avait toujours apprit de ne pas faire ou ne pas dire aux autres ce qu'on ne voudrait pas qu'on lui dise, et elle comptait bien appliquer cette petite règle.
Elle ne vouait pas que Jennifer se mette à pleurer, à retourner dans des souvenirs qui pouvaient lui faire du mal. Mais Eileen ne savait pas quoi dire. Comment rebondir après qu'on ait annoncé ceci ? C'était impossible pour elle, trop surréaliste.
Puis Eileen se rappela que Jennifer l'avait mentionné, quelques instant auparavant. Elle n'allait pas revenir dessus, pas avec un air peiné en tous cas.
Elle releva la tête.

- Ouais c'est sûr. Sinon, t'as des demis-frère ? Ton père il s'est remis avec quelqu'un après ?

Eileen écoutait Jennifer avec une attention particulière, elle vit son visage changeait à l'annonce du décès de sa mère, mais Jennifer ne retenait plus les mimiques des gens quand elle abordait ce sujet. Parfois, elle dit ça tellement naturellement que les gens se demandent si elle a un cœur. Mais ce n'était pas l'absence d'empathie qui ne faisait plus sourciller Jennifer à l'annonce de cette terrible nouvelle, c'était seulement le temps et l'acceptation. Certes, c'était toujours dur, mais elle s'était habituée à cette absence.

Sa nouvelle amie, je pense que l'on peut l'appeler comme ça, car nos deux jeunes sorcières étaient en train de se lier doucement d'amitié, malgré sa mine triste, ne vint pas sur le sujet de sa défunte mère, mais demanda à Jennifer si elle avait des demis-frères ou demis-sœurs et si son père s'était remis avec quelqu'un.

Soudain, le visage de Jennifer se ferma. Il était hors de question pour elle que son père retrouve une femme. D'ailleurs, elle était persuadée que celui-ci n'en avait aucunement envie. Elle essaya de retrouver son calme intérieur pour répondre à sa camarade.

« Non, personnes ! Ni demis-frères, ni demis-sœur et encore moins de nouvelle femme. Ma mère était, pour mon père, l'amour de sa vie ! Et je suis persuadée qu'il ne voudra jamais retrouver de femme. Et c'est tant mieux, je n'ai pas envie de faire entrer une inconnue dans ma vie, surtout si c'est pour prendre la place de ma mère. Mon père ne ferait jamais ça. Donc là-dessus, no problemo ! »

Elle essayait de détendre l'atmosphère autant qu'elle le pouvait, rien qu'imaginer cette situation, elle en devenait folle intérieurement. Mais Eileen n'y était pour rien et elle n'avait pas à subir l'énervement de notre rouquine. Jennifer voulait changer de sujet, et lança donc une nouvelle discussion.

« Ce n'était pas trop dur de quitter ta famille pour venir à Poudlard ? Tu es contente d'être là ? »

L'atmosphère commençait à devenir lourde, pesante et Eileen n'aimait pas du tout ça. Avait-elle fait une bêtise en parlant d'une autre femme pour son père, autre que sa mère ? Avait-elle gaffé sur le fait de parler de demi-frères ou demi-sœur ? Eileen ne comprenait pas. Avant, cela ne posait de problème à personne de parle de ça, ses anciennes amies voulaient, justement, avoir un beau-papa ou une belle-maman. La rousse n'était sûrement pas comme elles, elle, voulait peut-être juste son père à elle toute seule, et que personne ne vienne s'interposer.
Et la petite ne s'était pas trompée, Jennifer semblait convaincue qu'il n'y aurait personne d'autre avec son père. Personne.
Eileen ne savait pas quoi dire, elle sentait la rousse s'énerver, et ne comprenait pas vraiment pourquoi. Elle regarda la fenêtre de la salle, attendant que Jennifer rompt le silence qui s'installait.
Puis la Serpentard changea de sujet, sans un retour en arrière. Cela soulagea Eileen, elle s'en voulait un peu d'avoir énervé sa camarade sans savoir pourquoi.
Le regard toujours dans le vide, ne sachant comment réagir, elle parla, d'une voix à peine audible.

- Si. Ils me manquaient beaucoup trop au début, mais c'est mieux maintenant, enfin, il y a juste mon père qui me manque énormément. Ma sœur je la déteste, et ma mère, bah... Je sais pas en fait. Mais sinon, bah à la base, je devais être dans une école spécialisée en gymnastique, mais du coup vu que je suis une sorcière, je me suis retrouvée ici. Je suis un peu dégoûtée, et si j'étais pas une sorcière, ma soeur m'aurait pas détestée mais voilà, on fait avec quoi.

Elle releva les yeux vers le fille, avant de lâcher un "et toi ?" neutre, sans expression, froid.