Assise dans le fond de la salle d’étude, Yesenia tentait, en vain, de rédiger son devoir de sortilèges, qu’elle devait rendre pour le jour suivant. Elle s’était tout d’abord assurée de se procurer les bons livres à la bibliothèque et avait ensuite filé en salle d’étude pour être sûre de trouver un moment de calme pour commencer son rouleau de parchemin. La salle d’étude était, comme d’habitude, silencieuse, et seuls les grattements de plumes se faisaient entendre. Yesenia préférait de loin se réfugier à la bibliothèque pour faire ses devoirs, mais elle avait envie de changer d’environnement, pour une fois.

Telle une élève modèle et sage, la Serpentard avait donc commencé par relire les notes prises au cours de sortilèges, puis avait fini par rédiger chaque question du devoir, en laissant de l’espace pour y répondre ensuite. Le devoir lui donnait du fil à retordre. Rédiger la biographie d’un créateur de sortilèges paraissait bien plus complexe qu’elle ne le pensait. Et surtout, elle mourrait d’envie de sortir le plus rapidement possible pour aller profiter des premiers flocons de neige qui tombaient dehors, dans le parc de Poudlard. Sa motivation était au point zéro.

Soufflant bruyamment pour montrer son ennui profond concernant ce devoir à terminer, elle prit sa plume un peu trop rapidement et fit tomber son encrier sur son parchemin. Elle roula des yeux, en se maudissant d’être aussi maladroite et chiffonna sa feuille de parchemins pour en faire une boule de papier qu’elle déposa sur le coin de sa table. Lassée, la sorcière posa sa joue sur la table en regardant dans le vide.

Elle ferma un instant les yeux, exaspérée, puis les rouvrit. Son regard parcourut rapidement les quelques tables qui composaient la salle d’étude, et s’arrêta sur sa baguette, posée à côté de sa plume, puis sur la boule de papier quelques centimètres plus loin. Elle jeta un œil autour d’elle ; personne ne la regardait. Elle sentait à l’abri des regards, bien cachée derrière sa pile de livres. Elle avança doucement sa main droite et prit fermement sa baguette entre les doigts. « Quelques exercices pratiques ne me feraient pas du mal… » Se dit-elle, excitée par la nouvelle action qu’elle comptait entreprendre.

Sans bouger de position, elle fit d’abord jouer la baguette dans sa main droite. Sa baguette était d’une flexibilité étonnante et épousait parfaitement la main de la jeune sorcière. Yesenia fixa alors sa cible : la boule de papier. Yesenia commença alors à se répéter une à une les étapes pour lancer un sortilège. Elle se redressa un peu sur sa chaise, de sorte de pouvoir toucher le sol avec ses pieds - ce qui était difficile pour une fille aussi petite - et se cramponna à sa baguette, le dos bien droit. Elle se concentra sur son intention et, dans un souffle, prononça « incendio ».

Une plume plantée au-dessus de son oreille, et les bras chargés de précieux parchemins couverts de notes, Alaska entra dans la salle d'études pour réviser son prochain test. La cravate aux couleurs verte et argent de sa maison desserrée sur le col de sa chemise, ses paumes sur ses tempes pour tenter de retenir sa tête, ses yeux d'un vert d'émeraude fixés sur les pages d'un vieux manuel, la jeune fille commença à lire. Un calme électrique régnait dans la salle du château, sans doute à cause des couloirs désertés de l'école, ou bien le parc en pleine quiétude.

Attablée à l'avant-dernier rang, la jeune fille était en proie à une lecture pénible, qu'elle ne comprenait pas. D'un soupir, elle repoussa les longues mèches ébène perdues sur son front qui s'étaient échappées du chignon que retenait lâchement sa baguette.

La troisième année fut très vite distraite dans ses révisions, une légère émanation volatile flotta jusqu'à ses narines, son odorat détecta une odeur de brûler. Comme on aurait pu s'y attendre, Alaska sursauta. Son sursaut fit tomber le manuel qu'elle tenait près d'elle ; dans cet enchaînement d'échec, la Serpentard réalisa que Poudlard était sûrement en train d'être incendié, mais pourtant, elle semblait être la seule à s'en inquiéter.

Les élèves du premier rang n'étaient pas en train de s'agiter, ils s'étaient juste retournés vers elle à cause du bruit que son livre avait fait en tombant. Celle-ci n'osa pas le ramasser, ne faisant plus aucun mouvement comme si ça effaçait le fracas qu'elle venait de commettre. D'autres regardaient derrière elle, le regard interrogateur. Curieuse, la brune pivota sur sa chaise pour découvrir une forteresse de livres, qui cachait sa voisine. Alaska eut simplement à tendre le bras pour en rabattre un et découvrir les mystérieuses magouilles de... Yesenia ? La bouche arrondie par la stupeur, la préfète pencha légèrement la tête sur le côté, les yeux rivés sur le bout de papier qui prenait feu. Ni une, ni deux, elle agrippa sa baguette qui détacha ses cheveux pour réciter :

« Aguamenti. »

L'enchantement lui permit de faire apparaître de l'eau du bout de sa baguette, et la puissance de jet éteignit les flammes.

« Tu essaies de nous faire quoi là, Cooper ? Et avec les livres à côté en plus, ce n'est pas malin de ta part... On ne t'a jamais appris que la sécurité était importante avant d'utiliser un sortilège ? Il y a les salles de classes adaptés pour ce type d'exercice, la salle d'études n'est pas faite pour. Imagine si tu n'avais pas bien mesuré tes émotions, ou si tu contrôlais pas ta magie, Merlin seul sait ce qu'il serait arrivé. » réprimanda-t-elle en élevant la voix.

Yesenia retint son souffle en continuant à observer le bout de parchemin. Les secondes paraissaient interminables avant qu'une douce fumée s’échappe de la cible. Le sortilège avait fonctionné. Yesenia était impressionnée. Son visage se relâcha et un léger sourire apparu sur ses lèvres.

La boule de papier prit doucement feu et, tandis que les flammes dansaient doucement sous ses yeux, la Serpentard ressentit une étrange satisfaction mêlée d’une excitation soudaine. Les flammes désagrégèrent chaque tissu du parchemin en si peu de temps que c’en était presque effrayant, mais complètement fascinant. Elle avait réussi à produire des flammes. C’était tout simplement incroyable pour une petite sorcière aussi mauvaise en sortilèges.

Sa satisfaction fut de courte durée, car elle eut un rapide retour à la réalité lorsqu’elle vit sa pile de livres se déplacer de quelques centimètres et une tête stupéfaite apparaître. Alaska Cross se tenait là, juste devant elle. Elle éteignit les flammes d’un coup de baguette rapide. Yesenia grimaça. Oups.

La préfète se lança dans un monologue et, à mesure que les mots sortaient de sa bouche, Yesenia se ratatinait sur sa chaise, tout en fixant un point imaginaire sur sa table, complètement honteuse. S'il y a bien quelque chose qui n’est pas agréable lorsqu’on fait une bêtise, c’est d’être prise sur le fait. Note à soi-même donc : ne plus se faire surprendre.

Yesenia avait toujours la tête baissée et jouait désormais avec une mèche de cheveux lorsqu’Alaska finit son monologue. Elle grimaça à nouveau en relevant la tête vers la préfète, et les joues rosies, répondit d’une toute petite voix :

- Mais… il n’y a pas eu de problème alors tout va bien, non ?

Yesenia tentait tant bien que mal de minimiser sa bêtise et espérait que la préfète passe l’éponge sur son petit méfait. Aussi, elle évita soigneusement le regard des autres élèves qui étaient dans la salle d’étude et qui avaient les yeux rivés sur les deux Serpentard. Se faire réprimander était assez gênant, mais le faire en public était la chose la moins agréable du monde. Pourvu qu’Alaska parle moins fort...

Son regard interloqué allait de la jeune fille belliqueuse à l'assistance médusée, comme si elle cherchait une réponse à ce qui n'en avait pas. Alaska s'étonna de se voir adresser la parole de cette manière : sourcils froncés et moue aux lèvres, elle montra un signe d'autorité en levant un index précautionneux.

« Là n'est pas la question... Il est strictement interdit de faire usage de la magie en dehors des salles de cours. » souligna-t-elle en récitant mot pour mot le règlement.

La brunette avait vraiment du mal à croire qu'on pouvait la provoquer ainsi en duel, mais comme chaque élève qu'elle surprenait en train de faire une bêtise, c'était le genre de réaction auquel elle avait droit. La mine décidée de celle qui lui faisait face, la poigne de la préfète s'affermie sur le bâton de bois, elle la toisait. Pour paraître plus ferme et faire comprendre à sa camarade l'importance de son intervention, elle rajouta :

« Cela peut être dangereux, certains élèves ont fini à Sainte-Mangouste à cause de sortilèges mal contrôlés. »

La troisième année ramassa ensuite son manuel en se levant de sa chaise, la faisant racler au sol dans un bruit strident et intense, rien que pour agacer les élèves du premier-rang, bien trop curieux à son goût. Les oreilles collées dans leur paume de main pour se les boucher, ils grimacèrent, Alaska avait réussi son coup.

« Vous n'êtes pas venus là pour travailler ? » lança-t-elle de manière cinglante, à sa faire comprendre. Sans broncher, leurs yeux se reposèrent sur leurs cours, laissant les deux jeunes filles tranquilles.

Yesenia attendait silencieusement sa punition tandis qu'Alaska continuait à souligner à quel point il était dangereux de faire de la magie en dehors des salles de cours. Certes, son aînée n'avait pas tort, mais c'était une véritable défi pour la jeune fille que de pratiquer la magie devant une classe.

Quelques mois auparavant, elle s'était rapidement aperçue qu'il lui était presque impossible de lancer des sortilèges dans des endroits calmes et sans bruit - bruit qui lui posait souvent problème pour exécuter des sorts - et commençait petit à petit à user de sa baguette à la vue de tous. Parfois cela fonctionnait avec une rapidité flagrante - et sa confiance en la magie augmentait -, parfois elle échouait lamentablement. Évidemment, les échecs restaient toujours plus ancrés que les réussites. Le cerveau était si mal fait.

Elle soupira.

- C'est vrai, ce n'était pas très malin. Dit-elle simplement. Je suis désolée Alaska.

Elle eut une petite pensée pour tous ces élèves se retrouvant à Ste Mangouste pour des raisons obscures. Sortilège qui a mal tourné, potion mal effectuée ? La liste était longue et la curiosité de la petite Serpentard était piquée. Peut-être pouvait-elle trouver quelque chose d'intéressant dans les archives de Poudlard... Il devait bien y avoir quelques parchemins sur les bêtises d'anciens élèves - bêtises qu'elle ne reproduirait pas, bien évidemment -.

Sentant que quelques regards les dévisageaient, Alaska fit crisser sa chaise sur le sol de la salle d'étude. Le bruit était strident et Yesenia grimaça tout en serrant les dents. Ce fut tout de même très efficace car les autres élèves arrêtent de les observer.

- Je vais avoir des problèmes ? Demanda alors la petite sorcière, la moue boudeuse.

Les excuses de la jeune fille la disculpait un peu plus de sa faute, Alaska s'identifia à la première année, à ses débuts à Poudlard, et son côté empathique refit surface. Même si son rôle demandait à ne pas se laisser ébranler ou influencer, elle opta pour une calme autorité.

« Pas cette fois non. Mais seulement si tu me promets de ne jamais recommencer, et si je t'attrape à enfreindre à nouveau cette règle, tu prendras une punition pour deux fautes, à la place d'une, ce qui risque de ne pas être joli. »

Bien que la préfète fasse preuve de clémence, l'intonation de sa voix faisait régner le charisme d'une sévérité naturelle. Yesenia ne devait pas prendre ses paroles à la légère, car dès que la brune accordait sa confiance, elle ne devait être brisée, sous peine que la fillette ait du mal à retrouver une place dans ses bonnes grâces.

La troisième année était sûre d'elle, elle avait fait le bon choix en se montrant bienveillante, et sa faveur envers la Serpentard ouvrait une porte d'amitié entre elles. Un sourire finit par se dessiner sur ses lèvres, pour faire un nouveau pas vers elle.

« Je pourrais t'aider à lancer Incendio si tu veux, c'est dans mes cordes. Un soir après les cours, en salle de Défense contre les Forces du Mal ? Tu me diras, si tu es d'accord, tu sais où me trouver. » proposa Alaska en faisant allusion à la salle commune que les deux élèves partageaient.

La brune retourna à son bureau en contournant sa chaise, puis s'assit dans un long soupir pour se remettre au travail, alors qu'elle était prise d'une grande paresse.