Elle marche dans la rue. La neige tombe, le sol crisse sous ses pas et, plusieurs fois elle manque de glisser sur le parterre verglacé. Elle expire et de la vapeur sort de sa bouche, elle sourit sous son écharpe et secoue la tête pour faire tomber la neige de ses cheveux.
Elle marche, droit devant, vite, pour se réchauffer. Son corps est gelé par la température extérieure et ses muscles tendus ne lui servent qu'à faire un pas devant l'autre. Elle ne réfléchit pas, elle marche, le cerveau engourdi ou peut être même gelé par le froid.

*Crrr* *Crrr* *Criss*
*Crrr* *Crrr* *Criss*

Le sol crisse sous ses pas, elle a froid. Les flocons tombent devant ses yeux, mains dans les poches, elle avance.

*Crrr* *Crrr* *Criss*
*Crrr* *Crrr* *Criss*

Elle pense à la maison bien chaude où elle va arriver. Elle pense à celle qu'elle va voir : sa soeur, Elwing.
Ce n'est plus les bruits de ses pas dans la rue vide qui résonnent dans sa tête mais le nom de sa soeur, son visage, son sourire, le son de sa voix, sa manière de la regarder, Elwing.

Mais ça ne va pas. Rien ne va, il y a quelque chose. Elle a senti que le rose de ses joues, les étincelles de son regard, la lumière qu'elle dégage, quelque chose en elle, quelque chose lui dit qu'Ewing ne va pas bien. Elle dramatise. Ne va pas bien... Elle exagère, mais Elwing avait quelque chose d'anormal. Cyanna veut voir, savoir, aider.

Elle est la petite peur, mais elle ne va pas rester les bras croisés, elle va aider, soigner le mal qui ronge sa soeur. Oui, elle sera là pour elle comme elle a été là pour elle. Cyanna est, du moins avec Elwing, sortie de sa coquille, et Cyanna brisera les liens qui enchaienent sa soeur. Oui, elle le fera. Du moins, elle espère.

Il est 10 h 30. 15 minutes qu'elle marche sous la neige. 15 minutes qu'elle grelotte dans le froid. 15 minutes, ce n'est rien pour sa soeur. Elle marcherait des heures... du moins, c'est ce qu'elle aimerait pouvoir affirmer. Bientôt ses orteils bleuis et glacés par le froid ne lui répondront plus. Bientôt, ses cheveux bruns enneigés seront entièrement blancs.

Mais bientôt n'arrivera pas car elle la voit, la maison qu'elle cherche. Elle sourit jusqu'à la porte qui donne sur la rue et s'arrête un instant pour vérifier que l'adresse inscrite est la même sur son bout de papier et sur le mur. Oui, elle y est.

Cyanna sonne.

  Ils sont là, encore ce matin.  

- Je sais que vous allez partir aujourd'hui.

  Ce qu'elle chuchote là, elle en est convaincue.  Elwing sent que le jour est venu, son passé va s'en aller.  Elle se regarde dans le miroir, elle voit ses cheveux roses, maintenant mi-longs.  Dans le reflet, derrière, elle les voit.  Non, ils ne l'ont pas encore quittée mais elle s'est habituée à leur présence.  Pendant cette semaine en tête à tête avec ses souvenirs, elle a appris à les connaître et à avancer sans qu'ils ne la gênent.  Elle les entend toujours mais elle sait en faire abstraction.

Alors elle est là, devant le miroir de son passé.  Elle se promit que demain matin, il n'y aurait plus que Elwing, celle qu'elle voulait garder, et que ses fantômes s'évanouiraient.  La jeune fille n'aime pas ces cheveux, ils sont trop roses, mais ils lui donnent un air qu'elle affectionne beaucoup, elle pourrait l'aimer, cette jeune fille du miroir, cette image d'elle.  Et dire qu'hier elle était encore cette enfant persécutée par le vide qu'elle ressentait, ce vide toujours présent même si elle ne veut pas se l'avouer.  

  Un son vient la sortit de ses pensées, quelqu'un sonne à la porte de l'appartement.  Horreur, peur...  Qui est l'âme qui va venir tout gâcher ? Qui vient perturber la paix qu'elle tente de retrouver.

  Elwing s'avance vers la porte, tremblante.  Elle attrape la poignée et la tourne.  La jeune fille ouvre et découvre un visage familier.  Cette chevelure brune et ces yeux bleus qui lui redonne le plus grand élan de joie qu'elle ait jamais ressenti.

- Cyanna...

  Elwing s'avance vers elle et la prend dans ses bras, surprise de la retrouver ici.  La Poufsouffle éclate en sanglots sur l'épaule de sa soeur pour la remercier de ce geste incroyable et l'invite ensuite à rentrer.

La description de l'appart dans le premier post de ce RP !
https://www.poudlard.fr/viewtopic.php?f=157&t=15153
Magnifique post, merci beaucoup !

Elle sonne.

Silence, attente. Elle a peur et froid, elle frissonne. Quelle est la cause de son frisson ? Elle ne sait pas. Qui du froid ou de la peur est maître d'elle ? Bonne question. Ce qui est sûr, c'est qu'elle ne peut se contrôler.

*Elwing... Qu'est ce qui cloche ? Pourquoi me regardais-tu comme ça ? Qu'est-ce qui ne va pas ?*

Les questions se répètent : Pourquoi ?
Elle a peur, pour sa soeur, qu'elle n'a jamais vu avec l'oeil aussi hagard, lointain.

La porte s'ouvre et... elle n'a pas le temps de comprendre. Son cerveau lui balance des informations sans qu'elle ne puisse les saisir :
Elwing
Rose
Fatiguée
Demi-sourire
Bras
Calin
Bras
Serrer
Chaud
Pleurs, sanglots, triste ?

Une connexion se fait : Elwing = Triste. Cyanna est incapable de penser correctement, engourdie par le froid. Mais, peu à peu les bras d'Elwing, sa soeur, font leur effet : elle se réchauffe, de l'intérieur, de l'extérieur. Elle a une forme de sourire sur les lèvres, et même si elle pleure, sa soeur a l'air d'être en un seul morceau.
C'est ce qu'elle pense, naïve qu'elle est. Oui, Elwing va bien, elle est là, elle va bien. Elle essaye de se persuader mais les larmes chaudes qui coulent le long de son cou lui hurlent le contraire.

Lorsque Cyanna retrouve ses esprits, elle lève les bras et entoure sa soeur d'une étreinte chaleureuse, pas étouffante, elle se veut rassurante. Y arrive-t-elle ? Tout ce qui est relationnel n'est pas son point fort.

Sous ses bras de nageuse, la petite sent les secousses des sanglots de sa soeur. Alors, elle réalise : Ça ne vas pas. Non. Pas du tout. Cyanna passe ses mains dans le dos de sa soeur, elle la frotte affectueusement, l'air de dire Ça va aller. Ne t'en fais pas. Je suis là.

Mais elle ne le dit pas. Elle ne le dit pas, parce que quelle que soit la douleur d'Elwing, elle sait qu'une présence de plus ou de moins ne change rien. La fille dans la salle de répétition avait essayé de lui dire la même chose au départ, après la soirée d'Halloween. Mais, ça n'avait rien changé. "Je suis là", Elwing pouvait déjà le voir, pas besoin de lui dire.

Alors quoi ? Que faut-il dire quand on vous tombe dans les bras ? Cyanna, ouvrit la bouche avant de la refermer. Sa soeur pleurait... Pourquoi ? Cyanna voulait lui faire oublier cette tristesse qui semblait la ronger de l'intérieur, elle changea de sujet :

- Tu m'as manqué...

Jamais. Jamais, pour qui que ce soit d'autre, elle n'aurait prononcé des mots aussi précieux. Dommage qu'Ewing ne puisse pas entendre ses pensées, qu'elle ne puisse pas savoir l'effort que cela coûtait à la petite. Mais, elle n'était pas là pour ça. Elle força Elwing se décoller d'elle et la regarda droit dans ses yeux humides :

- Pourquoi ?

La question avait franchit ses lèvres, et elle était certaine que sa soeur comprenne.

  Elle pleure, encore et encore, soulagée par la présence de sa soeur.  Toute la pression retombe.  Enfin elle respire vraiment.  Ensuite, Cyanna la prend dans ses bras.  Pour la première fois, Elwing ressent l'étreinte de cette petite Poufsouffle qu'elle aime tant.  Elle est persuadée que cette fille cache des choses incroyables...  La Poufsouffle ressent une chaleur dont elle manque cruellement depuis qu'Elle est partie et qu'Ils sont arrivés.  

  Rôles inversés, récompense de sa bienveillance.  A son tour d'être réconfortée, le moment est venu.  La petite voix de sa soeur lâche les mots.  Elwing veut répondre mais l'émotion est trop forte.  Impossible...  Elle se sent ensuite éloignée de la source de bonheur, qui est remplacée par la connexion de leurs regards, tout aussi agréable.  Cyanna donne le signal à Elwing pour qu'elle s'exprime enfin.  La jeune fille pose une main dans le dos de sa soeur, l'accompagne jusqu'au canapé au silence et séche ses larmes.  

- Moi aussi tu m'as manqué, beau...

  Les larmes reviennent, elle les retient et inspire profondément avant de reprendre.

- Beaucoup,  trop...  Je...  Merci...  Tu es géniale.

  Elwing la regarde dans les yeux, elle lui dit sa reconnaissance en silence puis répond à La question.

- Tu sais que j'étais avec Juliette, mais c'est fini.  Et puis ça a été le vide.  Plus de père, plus d'amour, plus rien.  Plus de but...  Ensuite, Ils sont venus combler le vide, les fantômes du passé, les flashs, les voix.  Je deviens folle ?  ...
Devenir une autre, la seule solution.  Pour qu'ils me laissent tranquille, je devais les tromper, et voilà pourquoi.

  A ce moment-là, Elwing entend le silence.  Le premier silence depuis le début du mois.  Ils ne sont pas là.  Plus là ?  

- Tu es ma lumière Cyanna...

Elwing parle. Sa voix est entrecoupée : ce n'est pas sa voix. C'est la voix... d'une autre... d'une fille : brisée.

*Elwing ! Pourquoi ?! Qu'est-ce qui ne va pas ?*

Elle en presque les larmes aux yeux. Cyanna n'a jamais été violente ou colérique, pourtant, elle voudrait briser tout ce qui se trouve autour d'elle, envoyer valser meubles et objets, taper, des pieds, des poings, hurler, faire fuir ce qui hante le regard de sa soeur. Elle ne peut pas. Ça la ronge, la perturbe.

Sa soeur s'arrête, repart, s'arrête, tressaute, repart. Cyanna a l'impression qu'à chaque fois que sa soeur "redémarre", elle est plus faible, sa voix est plus plaintive, triste. Imagination ? Réalité ? Où est la frontière ? Y en a-t-il une ?
Sa soeur, par sa voix, représente, un coeur en défibrillation. Elle s'arrête, repart plus faiblement, tressaute, sursaute, connait des remontées, des chutes, des pics. Irrégulère. Inconstante.

*C'est si grave ? Défibrillation... Arrêt cardiaque...*

C'est son coeur, il est malade. Son coeur monte et descend. Il faut compter trois arrêts cardiaques en général avant qu'un patient ne meure. L'enfant compte dans sa tête :

*Son père, un.
Juliette, deux.
Et... *

Rien. Rien. La vie de sa soeur ne tient plus qu'à un fil. Si elle est encore brisée, survivra-t-elle ?
Cyanna a peur. Non, elle est terrifiée, mortifiée, pétrifiée, terrorisée. Immobile, elle ne cille pas. Elle retient sa lèvre de trembler : elle ne pleurera pas avec sa soeur, elle sera forte.

C'est décidé : Cyanna sera forte. Voilà comment chemine la petite : sa soeur va mal, elle ira bien ; elle sera toujours vaillante et présente ; elle répondra à tous ses appels, toutes ses demandes. Cyanna sera un rempart et jamais personne ne le franchira. Derrière le rempart se tiendra le coeur d'Elwing et si un barbare veut franchir la muraille de son corps, de son esprit, il devra l'anéantir. Elle se donnera pour Elwing. Donjon surplombant fièrement la cour formée par ses bras, ses murailles, Elwing sera défendue par chaque parcelle de sa soeur.

Cyanna écoute encore sa soeur :
*Ils ?Qui ça ? Les... fantômes ? Les tromper ? Folle ? Sa... lumière ?*

Instinctivement, l'enfant se regarde : elle ne brille pas.

*Quelle idiote !*

Elle se retient de se frapper la tête et frissonne, toujours sur le pas de la porte, neige à jamais ancrée dans ses cheveux, elle en est sûre.

- Elwing... Tu... n'es pas folle. Tu le voies bien ! Qui sont ces voix ? Je ne suis pas sûre de comprendre..., elle s'arrête un instant, Je vais... te... Non. Tu n'es plus seule maintenant. Je suis là. Je ne suis pas magique, mais je veux t'aider. Et je ferais tout pour y arriver. Regarde-moi. On va trouver une solution à ton problème. Ensemble.

  Elwing sent, elle voit le mal-être de sa soeur au plus elle avance dans son récit.

*Non, non, tu lui fais du mal arrête.  Reprends-toi.*

  Cyanna est là, rassurante, comme si elle devenait la grande et Elwing l'enfant à consoler.  La jeune fille ne l'avait jamais vue comme ça.  Sa soeur gagne en assurance et cela la réchauffe et vient combler petit à petit le trou béant de son coeur qui manquait de flancher jusqu'à ce jour.   Des millions de questions apparaissent alors.

Comprendra-t-elle ?  Bien sûr que oui.
Le supportera-t-elle ? C'est moins certain.
Dois-je tout dire ?  Absolument tout.

  Les idées sont claires, tout devient limpide.  Ensemble...  c'est ça, c'est ce truc là qu'il manquait depuis tout ce temps.  C'est pour ça qu'Ils partent, Cyanna les chasse.  Les fantômes du froid ne supporte pas la chaleur de l'amour sororal qui reprend enfin ses droits sur le reste.  Elle est là, triomphante, la lumière...

  La jeune fille ne pleure plus, elle n'en a plus besoin.  Elle est sereine, apaisée par cette présence, elle peut s'exprimer sans problème.

- Merci...  Ce sont les voix du passé qui viennent me crier dans la tête.  Ils me crient ma solitude, la fin de mon but, mon errance éternelle.  Mais je ne les entends plus, parce que j'ai retrouvé mon but, ma Cyanna...  J'avais oublié tes doux cheveux bruns, tes yeux...  J'étais perdue dans un gouffre sans fond mais tu m'a lancé une corde et me voilà en train de remonter la pente.  C'est toi la solution, rien de plus.

  Elwing la regarde dans les yeux, le regard empli d'amour pour ce petit bout de jeune fille qui affronte tout avec elle.  Et elle sourit...  elle sourit à nouveau car elle est heureuse.  C'est sa soeur qui la rend heureuse.

- Je suis fière de toi, dit-elle, les larmes encore aux yeux.  Ma Cyanna, mon soleil...  Merci pour tout ce que tu fais, je sais que c'est dur donc merci.

  La Poufsouffle inspire un bon coup avant de poursuivre.

- J'ai juste besoin d'un gros câlin de ma petite soeur...

  Elwing prend Cyanna dans ses bras et la serre fort, sans l'étouffer non plus, elle s'accroche à elle comme à une bouée, c'est elle qui la maintient à la surface.

Cyanna entend sa soeur parler. Elle sait qu'Ewing en est capable, mais elle ne l'a jamais entendue s'exprimer ainsi. Ses mots sont doux et glissent sur ses lèvres, comme un chant. Mais les paroles qu'elle prononce sont douloureuses. Pourtant, Elwing semble s'être calmée. Mais les mots poétiques qui coulent des lèvres de la jeune fille ne lui ressemblent pas.

Sa soeur est transformée. Les pensées que l'enfant estime "philosophiques", sans doute à cause des métaphores que sa soeur utilise, lui laissent une drôle d'impression. Comme si noyée dans son chagrin, la joie d'Elwing avait laissé place à une profonde mélancolie. Comme si tous les mots qu'elle prononçait étaient des résolutions qu'elle avait prises, des chaînes suivies de boulets qu'elle trainait.

Cyanna regarde sa soeur, elle pose sur elle le même regard que celui qu'elle réserve à ses frères et soeurs de sang. Car, oui, Elwing compte autant qu'une soeur de sang pour elle. Elle laisse ses yeux courir sur le visage de sa soeur, ses pupilles analysent chaque trait, chaque mouvement de sourcils, de la commissure de ses lèvres, de ses yeux, chaque tremblement de son menton. Cyanna couvre sa soeur d'un regard chaleureux et maternel.

Elwing aussi la regarde, droit dans les yeux, Cyanna sent comme un courant électrique la parcourir, une vague de chaleur l'envahit et elle tressaille. Sa soeur sourit, elle lui rend son sourire et, l'espace d'un instant il ne reste plus rien, rien d'autres qu'elles. Elwing n'a plus de problèmes, Cyanna n'est plus timide, le monde s'arrête de tourner pendant une fraction de seconde. Puis Elwing lui parle : elle veut un câlin.

Comment pourrait-elle refuser ? Les contacts n'ont jamais été la tasses de thé de l'enfant parce qu'elle ne sait comment s'y prendre mais dans un monde où le temps s'arrête et où tout disparaît, le souci de ce genre de choses n'existe plus. Elle sert Elwin dans ses bras et sourit un peu plus.


Pourtant, toutes les bonnes choses ont une fin et, allez savoir pourquoi, la petite bulle spatio-temporelle dans laquelle se trouvait la jeune Poufsouffle se brise et Cyanna se remet à réfléchir :

* Et maintenant ?*

C'est bien beau mais que dire ? Que faire ? Elle est là mais elle ne sait pas quoi dire à sa soeur. Faut-il qu'elle l'aide à se "vider" ? Qu'elle la relance sur ces sujets "fâcheux" ? Qu'elle lui propose autre chose ? Cyanna reste pétrifiée dans les bras de sa soeur. Et pourtant ! Elle s'était promis d'être là, de prendre les choses en main...

*Idiote. Incapable.*

Les mots la frappent en plein coeur mais elle ne sait toujours pas comment agir. Peut-être que sa soeur veut faire quelque chose, non ? Alors elle ouvre la bouche et demande :

- Est-ce que quelque chose te ferais plaisir ? Tu veux... sortir ? Prendre l'air ?

C'est alors que, se détachant du corps chaud d'Ewing, Cyanna remarque quelques cernes sous les yeux de sa soeur.

- Tu es sûre que ça va ?! Tu as 'air fatiguée... Mieux vaut rester ici tu pourrais tomber malade avec le froid de dehors et la fatigue...

Elle pose un regard soucieux sur sa soeur.

Avec ton accord pour les cernes, mais j'ai trouvé ça plutôt logique par rapport à l'état que tu me décrivais. Je peux toujours modifier mon post si besoin.

  Elwing voit une autre Cyanna, il n'y a plus de timidité, il n'y a plus de peur dans son regard.  Du moins pas la même qu'avant.  Pour la première fois, quelqu'un pose un regard bienveillant, rassurant sur elle.  Sa soeur est préoccupée, la Poufsouffle voit le sourire inquiet sur son visage et cela lui procure un sentiment étrange.  Elle est heureuse de voir ce sourire, dévastée par sa solitude et s'en veut de faire ressentir ça à l'autre Poufsouffle.  

  - Je préfère rester ici oui...  Je crois que c'est mieux.  Je veux juste oublier...

  La jeune fille tourne la tête vers le miroir, elle se regarde, elle est horrible.  Son visage est éteint, ses yeux sont rouges à cause des larmes et de la fatigue, soulignés par d'énormes poches qui accentuent son apparence devenue presque cadavérique.  Elle se secoue la tête un bon coup pour y voir clair et oublier cette image.

- Tu mérites des explications plus claires Cyanna, je suis trop vague, je ne suis pas bien.  Tu l'as bien vu, je ne veux pas te mentir.  J'ai quitté Juliette parce que ça n'allait pas, je crois qu'on ne s'aimait pas vraiment à vrai dire.  Je me suis éloignée de plusieurs personnes ce mois-ci, je n'ai plus de famille...  J'ai tout perdu quand j'ai quitté Juliette, je ne m'en étais pas rendu compte.  

  Elwing marqua une pause avant de reprendre.

- Enfin voilà, j'espère que tu as mieux compris, je suis prête à en parler pour une bonne fois, si tu veux en savoir plus.  J'avais oublié que j'avais besoin de quelqu'un, de ma soeur pour aller mieux.

Elwing. Sa soeur. Triste.
Elle regarde les sillons que les larmes ont tracées sur son visage. Elle regarde les dernières perles rouler doucement sur ses joues, autrefois roses. Elle regarde ses yeux rougis par la fatigue, les cernes noires les entourant, les nervures rougeâtres les parsemant. Elle regarde, au fond de ces yeux, autrefois si doux et insouciants, les marques que la vie a laissé. Elle observe sa soeur, dévastée, détruite, cassée. Elle la regarde, droit dans les yeux, et elle sait que même si les sillons des larmes disparaîtront, jamais le coeur d'Ewing n'oubliera les coups qu'il a pris.

Elle voudrait punir. Faire Justice. Elle voudrait que ceux qui ont fait ça, payent. Parce que la petite, tout droit sortie d'un monde de paix et d'innocence, naïve et candide, a cette réflexion, celle que bon nombre d'enfants ont, cette célèbre phrase de l'enfant dit "capricieux" : *C'est pas juste*
Mais cet enfant capricieux, ne l'est pas. Pas vraiment. Cet enfant cherche des bases, des repères qui le guideront. Et, cet ingénu enfant, et non pas capricieux, pose ses limites : Où est-ce juste ? Où dois-je m'arrêter ? Où les autres doivent-ils s'arrêter ? L'enfant construit un cadre don il ne doit pas déborder. pourquoi pleure-t-il quand "c'est pas juste" ? Parce qu'on a marché sur son cadre, on a opprimé ses libertés en marchant dans son cadre.

*C'est pas juste.*

Voilà ce que pensait l'enfant : "Ils ont marchés sur le cadre d'Elwing." Ils l'ont écrasée. Et ne l'était-elle pas ? Ne se tenait-elle pas les épaules voûtées, le dos plié, la tête basse ?

Si. On lui avait fait du mal. Elle n'avait rien demandé.

*C'est pas juste.*


Cyanna était là pour réparer les dégâts causés par... qui ? Par le destin. Son père était mort, Cyanna ne pouvait lui en vouloir ; Juliette l'avait abandonnée, Cyanna pouvait, cette fois, reporter sa colère sur elle. Mais, ce n'était pas dans le caractère de la Poufsouffle.

Et pourtant... Elle enrageait à l'idée qu'Elwing ne fasse que subir les actes des autres.

Alors, elle la laissa s'expliquer, se vider. Comme si le chagrin de sa soeur allait s'en aller en ôtant le barrage qui bloquait une rivière de sentiments.

Elle la regarda tendrement, touchée par ses paroles :

- Parle. Elwing... Je suis sûre que ça te fera du bien. Raconte-moi. Dis-moi pourquoi tu pleures ainsi.

  Cyanna lui dit de parler, alors elle parle.  Elwing lâche tout ce qui ne va pas, pleure sur l'épaule de sa soeur et se libère de tout ce poids qu'était la solitude.  Elle lui raconte comment toutes ses relations ont fini par perdre leur importance à côté de Juliette, le moment où elle s'est rendu compte qu'elle ne l'avait jamais vraiment aimée et qu'elle était seule.  La Poufsouffle enchaîne avec ce trou béant qui a régné en elle quand elle a dit à Juliette qu'elle ne pouvait plus continuer, puis termina par sa décision de venir ici.  Un torrent de larmes inonde le salon et ne fait que grandir au fur-et-à-mesure.  

  La tempête se calme, Elwing sent que la mer ne balance plus, elle ne débordera plus.  

- Allons nous coucher.

  La jeune fille prend la main de sa soeur, elle l'entraîne jusqu'à la chambre et lui propose de s'installer dans le plus grand lit.  Elle va dans le plus petit et s'allonge en regardant le plafond, les joues mouillées.  Elwing ne supporte pas le froid qui règne sous la couverture, elle se lève et se couche à côté de Cyanna, espérant ne pas la déranger.  Elle se blottit contre elle, comme un enfant qui a fait un cauchemar, et se réchauffe auprès d'elle.

- - - - -                                                              - - - - -

  Mardi,

  Elwing se réveille, elle regarde autour d'elle et voit Cyanna qui dort encore.  Cela lui donne le sourire pour la journée.  Elle se lève et regarde dans le miroir, son seul reflet y figurant.  Elle prépare deux plateaux de petit-déjeuner, en apporte silencieusement un sur son lit puis va rechercher le second et revient dans la chambre.

- Debout Cyanna, on a une belle journée qui nous attend, le petit déjeuner est servi !