Aux mots de son fils Gilmore parut dans un premier temps pris de cours puis progressivement son visage se mit à se durcir. Jeffrey n'était pas du genre à tenir tête à son père en temps normal et encore moins à lui manquer de respect et cela désarçonnait visiblement Mr Hunter. Toutefois il se garda de lui répondre, étant visiblement curieux d'entendre ce que son fils pouvait bien lui reprocher, bien que son regard indiquait clairement que son fils devrait éviter de dépasser les bornes.

« Tu m'as toujours dit que sans ta blessure tu serais devenu professionnel, que tu me poussais autant pour mon bien et parce que j'en avais les capacités. Qu'il fallait juste bien écouter tes conseils, que tu savais de quoi tu parlais... Ca me rendait malade parfois d'être à ce point sous pression, de pas juste m'amuser librement sur un balai. Mais je t'écoutais parce que j'avais confiance en toi. » dit Jeffrey avec amertume. Il était soulagé de dire enfin ce qu'il avait sur le cœur et visiblement son père aussi était touché par la tirade de son enfant. Il ne put s'empêcher d'essayer d'intervenir. « Fistons, écoute moi. Je... », mais Gilmore ne put poursuivre sa phrase. Jeffrey était furieux.

« NON !  Je t'écouterai pas, t'es qu'un menteur ! Je sais tout, oncle Drew me l'a dit. Il m'a dit que tu as préféré tout arrêter puisque tu ne te sentais pas à la hauteur, que tu ne supportais pas la pression. Comment t'as pu ? Comment t'as pu être comme ça avec moi alors que tu l'as vécu toi-même. Pourquoi tu as été chiant à ce point avec moi ? »

« SURVEILLE TON LANGAGE JEUNE HOMME, JE SUIS TON PERE ! » tonna Gilmore en tapant du poing sur la table, faisant sauter couvert et verre de whisky sous la violence du coup. Jeffrey n'avait jamais vu son père à ce point énervé, une veine palpitant au niveau de la tempe. Etrangement il n'avait pas le visage tout rouge, un teint blanchâtre s'étant invité par endroit sur son visage. Andrew, lui, était totalement blême. Son regard oscillant entre son filleul et son frère, comme un spectateur moldu à un match de tennis. Passée la surprise et le sursaut que Jeffrey avait eu, l'adolescent repris contenance et répondit en commençant à se lever.

« T'es p'tetre mon père mais t'es un menteur. Déjà tu m'as affiché devant tous mes potes avec la Beuglante mais là c'est bien pire... J'men vais j'ai plus faim ! » dit Jeff en se levant pour de bon pour commencer à prendre la direction de sa chambre.

« RESTE ASSIS ! »

« NON ! »

« Tu vas m'obéir, c'est moi qui te le dis. » dit Gilmore en se levant à son tour pour se rapprocher de Jeffrey, sa voix s'étant soudainement posée. Comme une menace sourde. Visiblement, cela alarma Andrew, qui s'était levé à son tour et s'adressa à son frère « Calmes toi Gilmore ! ». Mais Jeffrey lui n'avait qu'une envie. Vexer son père, lui faire mal. Lui rendre la monnaie de sa pièce, lui faire ressentir toute la frustration et le mal qu'il lui avait fait dernièrement mais aussi depuis un moment déjà. Le jeune anglais n'avait pas l'impression d'avoir son père devant lui, mais une vague connaissance.

« Non, j'écoute pas les ratés comme toi. » dit il avec tout le dédain dont il était capable avant de lui tourner le dos. Enfin, d'essayer de lui tourner le dos car Gilmore attrapa avec une vigueur incroyable Jeffrey par le col de son T-Shirt et le plaqua contre le mur, son visage désormais violacé. Jeffrey sentait son haleine atroce près de lui mais défiait son père du regard, bien que terrifié et tremblant de tous ses membres. Il luttait pour refouler les larmes qui lui montaient aux yeux.

« GILMORE !!! ». Andrew s'était rapproché, sa baguette pointée sur son frère, des étincelles jaillissant de son extrémité. Furieux, il lâcha les dents serrées mais avec détermination « Lâche.ton.fils ! Lâche mon filleul, immédiatement. Je te le dirai pas deux fois. »

Andrew tenait sa baguette avec fermeté et détermination. Gilmore tourna la tête vers lui et semblait lui découvrir un regard qu'il n'avait encore jamais vu chez lui. Jeffrey en revanche avait entendu l'intervention de son oncle de façon lointaine, trop effrayé et choqué par ce que venait de lui faire son père. Il sentait encore sa poigne sur son T-Shirt et son avant bras le maintenir contre le mur, tout comme son haleine de whisky oppressante. A part sa tête qui avait un peu cognée le mur le jeune anglais n'avait pas été atteint plus que cela physiquement mais il peinait à respirer. Certes son père le plaquait fortement contre le mur mais c'était plutôt le désarroi, la peur et la panique qui oppressaient Jeffrey et l'empêchait de respirer correctement. Cependant le garçon avait beau être sous le choc, il ne voulait pas le montrer à son père et le défia du regard, les yeux baignés de larmes de fureur et de révolte.

« Bah vas-y, va au bout des choses pour une fois ! » lâcha Jeffrey d'un ton acide avant de sentir les larmes couler abondamment.

Andrew sembla avoir peur que Gilmore ne réagisse mal à la provocation de son fils et commença à dire « Lash.. » avant de s'interrompre soudainement. Mr Hunter venait en effet de relâcher Jeffrey soudainement, de lui-même et le regard dans le vague, comme s'il venait à l'instant de réaliser l'ampleur de sa faute. Il n'adressa pas le moindre regard de reproche à son fils suite à sa remarque et ne tint pas une seule seconde compte de la baguette de son frère pointée sur lui.

« Je sais pas ce qui m'a pris. Je… Désolé mon fils. » dit Gilmore en tendant le bras vers son enfant. Mais Jeffrey eut un réflexe craintif accompagné d'un « Non... », rentrant la tête dans les épaules et se protégeant, encore trop ébranlé pour comprendre que le geste de la main de son père n'avait cette fois-ci rien d'agressif. Il tremblait de tous ses membres et n'osait plus le regarder dans les yeux et encore moins le défier, paradoxalement, maintenant que l'adrénaline était un peu retombée.

« Je suis désolé Jeff, je n'aurai jamais du te faire ça. Quand bien même tu m'as manqué de respect » dit Gilmore, visiblement meurtri et tentant d'expliquer son geste.

« Non en effet, c'est impardonnable d'avoir fait ça. Je veux que tu quittes ma maison à l'instant Gilmore. Tu n'y reviendras que sobre et seulement si Jeffrey est d'accord pour que tu viennes. » intervint Andrew d'un ton sans réplique, sa baguette toujours pointée sur son frère.

Gilmore sembla sur le point de se révolter à nouveau, vexé de prendre une leçon de savoir vivre par son frère mais il se ravisa. Il lança un dernier regard d'excuse à son fils en disant « Je comprends, oui... » et pour toute réaction Jeffrey trouva la force de mettre ses jambes en action et se mit à courir en direction de sa chambre, en proie à des larmes de plus en plus nombreuses. Quelques secondes à peine après s'être enfermé dans son refuge le garçon entendit la porte d'entrée claquer fortement un étage plus bas. Et de toute la soirée ce fut étrangement ce claquement sec de porte qui heurta le plus le jeune anglais, marquant une scission entre lui et son père qui paraissait désormais insurmontable.

Jeffrey émergeait lentement de son sommeil, la tête enfouie dans ses oreillers. Ses yeux gonflés témoignaient d'une nuit passée à pleurer et finalement très courte malgré l'heure tardive à laquelle il se réveillait. Tandis que le jeune anglais luttait contre des rayons de soleil bien trop agressifs à son goût, il essayait de se souvenir pourquoi il se sentait si mal ce matin. Ce fut tout d'abord une vive douleur à l'arrière du crâne qui se chargea de lui rappeler les évènements de la veille. Sa tête avait en effet heurté le mur un peu fortement et le jeune garçon avait un bel œuf à l'arrière de crâne. Mais la douleur physique n'était pas grand chose, elle passerait même bien vite en comparaison du reste. Jeffrey n'en revenait pas, il avait espéré que tout cela soit seulement un cauchemar. Enfin... C'en était un, mais le soucis c'est qu'il était bien réel comme la bosse à l'arrière du crâne et ses yeux gonflés s'étaient plu à le lui rappeler.

Jamais le Poufsouffle n'aurait songé à tel scénario quand il avait prévu de provoquer son père au repas. Tout ce qu'il avait voulu c'était le faire prendre conscience de la pression qu'il lui mettait au quotidien et de l'hypocrisie avec laquelle il faisait cela. Il s'était attendu à des éclats de voix, une punition et peut-être même à de la mauvaise foi venant de son père, mais jamais de la vie à ce qu'il s'en prenne à lui physiquement. Jusqu'ici Jeffrey avait considéré son père comme quelqu'un de très strict et bourru, mais aimant. Il avait toujours pressenti de la bienveillance derrière sa fermeté. Mais de toute évidence il s'était trompé.

Le cœur lourd, Jeffrey s'habilla lentement, comme si chacun de ses membres pesait une tonne. Il n'avait aucune envie particulière pour cette journée mais ce qui était sûr c'est qu'il était resté bien assez seul. Son oncle l'avait laissé tranquille toute la soirée après s'être assuré que tout allait bien physiquement. Il se doutait qu'en descendant pour prendre son petit déjeuner, le temps des questions ne tarderait pas à venir. Si tel était le cas Jeffrey ferait comprendre à oncle Drew qu'il avait plutôt envie de s'occuper l'esprit, de bouger.

Quand il entra dans la cuisine, il ne fut pas surpris d'y trouver son parrain qui l'attendait, l'air soucieux. Un téléphone était posé devant lui. Était-ce un coup de fil de son salon de tatouage ? Ou bien de son père ? Andrew ne lui laissa pas le temps de se questionner davantage.

« Salut mon grand, ta mère a appelée. »

Jeffrey fut étonné par cette entrée en matière et il laissa simplement échapper un « Ah, d'acc. » anxieux en attendant d'en savoir plus. Son oncle sembla s'en rendre compte et reprit la parole, avec d'infimes précautions. « Elle voulait savoir comment tu allais, prendre des nouvelles. Ton père est rentré à la maison hier soir et visiblement il lui a tout raconté. Du coup ta mère était un peu dans tous ses états comme tu t'en doutes. »

« J'vais bien. Ca va oncle Drew. » répondit Jeff comme dans un réflexe et avec une lueur de défi dans le ton de sa voix. Le garçon n'avait pas envie de rajouter des inquiétudes à sa mère et il aurait voulu lui écrire là sur le champ afin de la rassurer. Quand bien même cela n'allait finalement pas. Emma Hunter avait toujours couvé ses enfants autant qu'elle le pouvait afin de veiller à leur bien-être, quitte à parfois se montrer un peu envahissante avec eux. Jeffrey savait que s'il lui montrait que ça n'allait pas, il serait parti pour l'avoir sur le dos tout l'été et qu'en attendant celui-ci il serait inondé de lettres de sa part.

Andrew regarda attentivement son filleul, les sourcils froncés. Visiblement il brûlait d'envie de lui parler des évènements de la veille mais il se contenta finalement de répondre à Jeffrey d'un ton compatissant « En gros c'est ce que je lui ai dit, et que je gardai un œil sur toi bien sûr. Ta maman m'a dit qu'elle serait bien venue te voir mais qu'elle devait discuter avec Gilmore dans les prochains jours. »

« Discuter de quoi ? » demanda Jeffrey un peu perdu.

Andrew passa sa main dans sa barbe d'un air gêné. Visiblement il ne savait pas trop comment poursuivre cette conversation. « Et bien… Tu sais… Des histoires de grandes personnes. Il est possible que ton papa soit moins souvent à la maison pendant quelques temps. Le temps qu'ils discutent. »

Son oncle avait beau prendre autant de pincettes qu'il voulait, Jeffrey n'était pas dupe pour autant. A Poudlard il avait croisé plus d'un camarade dont les parents étaient séparés. Quand le jeune anglais s'était intéressé à la façon dont cela s'était passé, des situations similaires lui avaient été décrites, notamment l'expression "histoires de grandes personnes", ou le fait de devoir beaucoup discuter. Jeffrey avait l'impression qu'à chaque fois, cela aboutissait au même résultat. Pour lui ses parents allaient peut-être divorcer et dans l'esprit du jeune garçon il en était totalement responsable.

La fin des vacances chez l'oncle Drew se passa heureusement sans bouleversements supplémentaires pour Jeffrey. Il faut dire que le jeune anglais avait été bien assez ébranlé comme cela et étrangement il se sentait comme anesthésié par tout cela. Seuls les coups de téléphone de sa mère, plusieurs fois par jour, ravivaient les mauvais souvenirs et mettaient en état de stress le grand brun.

A chaque appel il s'attendait à ce que sa mère lui annonce qu'elle se séparait de son père mais rien de tout ça, elle se montrait évasive sur le sujet et apparemment son père était même revenu à la maison. Sa petite sœur Olydia semblait ne pas se rendre compte de grand chose quand à elle. Jeffrey avait pu lui parler au téléphone et elle semblait juste se languir de son retour. Elle révéla cependant à son grand frère que leurs parents se criaient dessus fort ces jours-ci. Rien d'étonnant, mais rien de rassurant non plus…

Oncle Drew de son côté avait fait tout son possible pour occuper l'esprit de Jeffrey, qui lui en était reconnaissant. Bowling, magasins de musiques et de Comics, pizzas, glaces… Tout y passait pour remonter le moral de son filleul et Jeffrey avait même pu visiter le salon de tatouage de son oncle, un endroit qui avait longtemps intrigué le jeune adolescent. Cet endroit était vraiment trop cool à ses yeux et Jeffrey avait même essayé d'apitoyer son oncle en jouant sur les récents évènements pour obtenir le droit d'avoir un tatouage. Tentative qui s'était soldée par un refus catégorique, jusqu'à ce que son oncle lui promette de lui tatouer un boursouflet sur le front s'il posait une nouvelle fois la question, provoquant un long fou-rire entre les deux Hunter.

Puis vint le moment de retourner à Poudlard pour Jeffrey. Le garçon ne savait pas dire si cela l'enthousiasmait ou pas, cela dépendait de ses humeurs. Tantôt il voulait revoir Maddie et ses amis, tantôt il aurait préféré rester là avec son oncle. Les au revoir à la gare de King's Cross furent un peu difficiles mais quand il entra dans le Poudlard Express Jeffrey se remémora les mots que son oncle avait prononcé avant une longue accolade : « Ca va s'arranger Jeff, tu verras. Et si jamais ce n'était pas le cas tu serais toujours le bienvenu à la maison. Je serais toujours là pour toi mon grand... ». Ces vacances avaient peut-être creusées un fossé entre Jeffrey et son père mais elles l'avaient grandement rapproché de son oncle Drew. Intérieurement le garçon se promit de ne plus jamais attendre trois ans pour rendre visite à son parrain.