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12 sept. 2018, 21:28
La chouette et la lettre  Solo 
Roxanne passait les vacances d’été chez elle, dans un petit pavillon de Richmond, dans la banlieue londonienne, où elle vivait avec ses parents Anna et Richard Cresswell. C’était la première fois qu’elle devait rester à la maison pour les congés estivaux, car depuis que sa grand-mère maternelle était décédée, l’an passé, et que son grand-père était parti vivre en maison de retraite, il n’était hélas plus question de vacances à la campagne dans leur petit cottage du Worcs.

Roxanne avait d’abord été très triste à l’idée de devoir rester là pour les vacances, puis elle avait pris l’habitude de rendre régulièrement visite à Mrs. Penford pour lui apporter des biscuits ou une tarte. Mrs. Penford, veuve depuis longtemps déjà, vivait seule quelques maisons plus bas sur Evelyn Road. Mrs. Penford s’occupait autrefois de garder Roxanne quand ses parents étaient tous deux affairés hors de Londres. Puis sa hanche s’était mise à la faire souffrir, et elle était désormais obligée de rester chez elle la plupart du temps.

Ce que Roxanne préférait chez Mrs. Penford, c’était le délicieux fumet de son bouillon de poule en hiver, et son immense bibliothèque remplie de livres d’aventures, de contes et de magie ! La fillette crut plusieurs fois parcourir des livres qui traitaient de façon on ne peut plus sérieuse de sortilèges et de potions magiques, mais cela devait sûrement être le fruit de son imagination débordante. Elle avait pourtant toujours été émerveillée par ces histoires fantastiques, et faisait souvent des rêves emplis d’enchanteurs et de créatures merveilleuses.

Les parents de Roxanne craignant qu’elle ne se sente trop seule pendant l’été, ils s’étaient au départ relayés pour travailler à la maison, un jour sur deux. Puis se rendant compte que l’inventivité et la curiosité naturelles de Roxanne suffisaient à l’occuper sans répit pendant qu’ils travaillaient, ils avaient finalement décidés de la laisser seule quelques heures par jours, la déposant quelques fois chez une camarade de l’école pour qu’elles puissent aller au parc ensemble, d’autres fois l’abandonnant simplement à ses coloriages et aux albums de fleurs séchées qu’elle aimait tant constituer.

Roxanne était somme toute une petite fille sage, bien élevée et dotée d’une grande patience. Elle appréciait autant aller jouer au parc avec ses amies que contempler pendant des heures les fleurs du jardin botanique. Elle appréciait tout particulièrement observer les petits insectes qui allaient et venaient, les coccinelles grignotant de vilains pucerons sur les tiges des roses, les abeilles butinant les fleurs et chargeant copieusement leurs petites pattes de pollen doré, les sauterelles bondissant en tous sens à chaque pas du jardinier entre les touffes de graminées. Roxanne n’aimait pas particulièrement les insectes (elle avait d’ailleurs une peur terrible des araignées et des mille-pattes !) mais les voir s’affairer de la sorte dans ce monde miniature était pour elle un grand plaisir.

12 sept. 2018, 21:52
La chouette et la lettre  Solo 
Un matin, alors que ces parents étaient en train de se préparer pour partir au travail, Roxanne finissait son bol de porridge à la cuisine. Soudain, elle entendit un bruit qui lui parut bien étrange. En enfant curieuse qu’elle était, elle connaissait plutôt bien la faune et la flore de sa banlieue natale, et trouva donc particulièrement inopportun d’entendre, en pleine matinée ensoleillée, un hululement ! Elle tourna la tête en direction du jardinet située derrière le pavillon, et en plissant les yeux, sembla voir une petite forme sombre bouger dans un bosquet. Cela aurait pu être un gros moineau après tout ! Elle se leva de sa chaise pour aller coller son petit nez rond à la fenêtre. Non effectivement, cela n’avait pas l’air d’un moineau, mais plutôt d’une chouette, une toute petite chouette hulotte au plumage gris moucheté de marron. Ses yeux noirs étaient entourés d’un masque blanc, avec ce qui ressemblait à de grosses lunettes tracées autour, donnant au volatile un air studieux.

-Comme elle est jolie… murmura Roxanne en esquissant un sourire, son souffle formant un papillon de buée sur la vitre encore fraîche.

Tant elle était surprise de pouvoir ainsi observer cet adorable mais redoutable prédateur nocturne en plein jour, Roxanne ignora d'abord un détail pourtant bien singulier : la chouette tenait dans les serres de sa patte droite ce qui ressemblait à un bout de carton ou de papier jaunâtre.

La chouette pencha soudain la tête en avant pour saisir ledit bout de carton dans son bec, et s’envola en direction du toit de la maison. Roxanne suivit la chouette des yeux, puis tourna la tête pour pouvoir continuer de l’observer le plus longtemps possible, mais la bête était déjà hors de vue. Quelques secondes plus tard pourtant, Roxanne entendit un autre bruit, plus familier cette fois, mais toujours aussi inopportun. Le facteur ne doit passer que dans quelques heures, se dit-elle, pourquoi est-ce qu’il y a du courrier maintenant ? Roxanne courut à la porte d’entrée, curieuse de voir quel genre de lettre pouvait arriver si tôt, et fut saisit d’étonnement quand elle vit sur le sol le bout de carton, ou plutôt l’enveloppe jaunie, qu’elle avait vu dans le bec de la chouette un instant auparavant.

- Elle est drôlement habile, cette petite chouette ! lâcha-t-elle, en se penchant pour ramasser ce drôle de présent.

C’était une belle enveloppe faite d’un papier épais, qui sentait bon comme les vieux livres de Mrs. Penford. Elle était scellée avec un généreux cachet de cire rouge, un drôle de motif s’y imprimant en relief. En retournant l’enveloppe, elle découvrit une adresse rédigée avec une écriture soignée :


Ms. R. CRESSWELL
18, Evelyn Road
Richmond upon Thames
Grand Londres – Sud-ouest


Miss Cresswell? Donc cette lettre est pour moi, pas pour Maman… Mais ça ne ressemble pas du tout à l’écriture de grand-père, ou de tante Mary… Roxanne tourna et retourna l’enveloppe entre ses mains, passant le bout de ses doigts sur le cachet… Ce motif… Était-elle sûre de ne pas déjà l’avoir vu quelque part ?

Soudain elle entendit les pas de sa mère derrière elle, et au même instant, un hululement suivi d’un froissement d’aile se fit entendre de l’autre côté de la porte du 18, Evelyn Road. La petite chouette avait accompli sa mission et pouvait désormais repartir vers d’autres contrées l’esprit tranquille.

Sans même réfléchir, Roxanne glissa l’enveloppe dans la poche de son pantalon de pyjama et la recouvrit d’un pan de sa chemise de nuit. Sa mère arriva vers elle, un sourcil froncé, l’autre relevé (Roxanne ne pouvait s’empêcher de trouver cette mimique amusante, bien que souvent annonciatrice d’un sermon).

- Allons Roxanne, qu’est-ce que tu fais là ? Ton porridge est toujours sur la table en train de refroidir. Va donc finir ton bol et le mettre dans l’évier. Tu sais bien que le porridge durci est une horreur à nettoyer sur la vaisselle !
- Oui maman !
Ouf, pas de questions sur la raison de son intérêt soudain pour la porte d’entrée de si bon matin. Roxanne fila à la cuisine, finit son bol en vitesse puis alla le mettre à tremper dans l’évier. Ses parents finirent de rassembler leurs affaires, déposèrent un baiser sur le front de Roxanne, debout sur le seuil de la cuisine, puis partirent au travail. Avant de refermer la porte, sa mère glissa :
- La mère de Juliet passera te prendre à 11h pour que vous alliez déjeuner au parc. Ne mets pas ta robe… Plutôt un pantalon court.

Un clin d’œil et un joli sourire à sa petite fille chérie, puis la porte claqua. Roxanne s’empressa de ressortir la lettre de sa poche, puis retourna s’asseoir à la table de la cuisine. Sans savoir pourquoi, elle sentait le besoin d’être assise et non debout avant de décacheter cette mystérieuse enveloppe, en prenant soin de ne pas altérer le motif gravé dans la cire…

À peine Roxanne eut elle lut les premières lignes de cette lettre, qu’elle comprit pourquoi s’asseoir avait une décision des plus sages. Une « école de sorcellerie » ? Le « Collège Poudlard » ? La fillette passa la demi-heure suivante à lire et relire la lettre et la liste de fournitures qui l’accompagnait, incrédule. Elle tournait et retournait les feuillets en tous sens, vérifia six fois si l’enveloppe ne contenait rien d’autre, puis elle se remettait à lire en marmonnant, à grand renforts de froncements de sourcils et de plissements de nez.

Elle finit néanmoins par tout reposer sur la table, posa ses coudes et ses avant-bras par-dessus les pages de papier jauni, et enfouit sa tête dans ses bras croisés (c’est ce qu’elle avait l’habitude de faire quand elle voulait réfléchir à quelque chose d’important). Comme un petit incubateur couvant ces curieux documents, elle essayait d’en extraire tout ce qu’elle pouvait, mais le sentiment d’avoir à faire à une farce d’un goût douteux fut après un intense moment de réflexion, la seule réponse logique qui lui vint.

Une école pour jeunes sorciers… Si cela existait, tout le monde serait au courant ! Et puis, si elle-même était une… une sorcière, elle devrait également en être informée… N’est-ce pas ? Une petite boule vint se former au creux de sa gorge. Des pensées se bousculaient pêle-mêle dans sa tête. Roxanne se leva finalement, l’air décidé. Elle repoussa sa chaise en arrière, manquant presque de la renverser, puis elle réunit les feuillets et les rangea proprement dans leur enveloppe.

- Quoi que cette lettre veuille dire, farce ou non, il y a matière à réflexion. Laissons cela… décranter un peu ? Je crois que c’est ce que Granny dirait. Je verrai plus tard ce que je peux en faire.

Effectivement, même si la chère grand-mère de Roxanne lui aurait plutôt conseillé de laisser cela décanter, la décision semblait des plus raisonnables. La fillette monta dans sa chambre, glissa l’enveloppe sous son oreiller avant de refaire soigneusement son lit, puis alla se préparer pour sa journée au parc.

12 sept. 2018, 22:05
La chouette et la lettre  Solo 
Rien de mieux pour se changer les idées qu’une journée au grand air avec Juliet, qui avait toujours des histoires farfelues à raconter. En rentrant à la maison en fin d’après-midi, Roxanne était exténuée. Elle n’avait bien entendu pas parlé de la mystérieuse enveloppe à Juliet, qui quant à elle avait passé son temps à lui narrer ses dernières aventures avec Timothy et Josh, deux petits garçons avec lesquelles Roxanne avait déjà eu l’occasion de jouer quelques fois à l’école.

Elle avait fait l’effort d’écouter attentivement le récit de Juliet, qui, bien que très romancé (car il n’y avait au final rien eu de plus palpitant au programme qu’un petit bisou mouillé sur la joue, d’après elle) avait eu le mérite de lui changer les idées. En arrivant dans sa chambre néanmoins, elle s’allongea sur son lit et elle glissa rapidement la main sous son oreiller, la mine inquiète. Elle fut soulagée de constater que l’enveloppe était toujours là. Elle resta ainsi un moment, songeuse. Peut-être s’endormit-elle un instant car le moment d’après, elle fut réveillée par le bruit de ses parents qui rentraient du travail.

- Tout va bien ma chérie ? demanda Mrs. Cresswell.

- Oui… Oui oui… répondit Roxanne, le regard perdu dans son bol de potage, tournant mollement sa cuillère dans un sens, puis dans l’autre, sans grande conviction.

- Et ta journée au parc ? Tu t’es bien amusée ?

Un vague marmonnement se fit entendre en guise de réponse. Sans être toujours d’humeur prolixe au moment du dîner (après tout, rien d’anormal pour une jeune fille de son âge), il n’était clairement pas dans les habitudes de Roxanne de rester si silencieuse.

- J’essaierai de poser un jour de congé vendredi, reprit Mrs. Cresswell, comme ça nous pourrions peut-être aller manger une gaufre chez Foxlow, qu’est-ce que tu en dis ?

Re-marmonnement. Vraiment étrange, pensa Mrs. Cresswell. L’idée d’aller dans l’endroit préféré de Roxanne en ville ne semblait susciter chez elle aucun intérêt particulier. Voilà qui était curieux.

- Un livre… Mais oui, c’était un livre ! prononça soudain Roxanne en se redressant sur sa chaise, ébranlant vivement son potage qui faillit se renverser sur la table. Ses parents sursautèrent de concert, en se jetant des regards incrédules. Roxanne releva la tête et s’adressa à sa mère d’une voix vive, la fixant avec des yeux brillants :

- Maman, est-ce que je pourrais aller chez Mrs. Penford demain ? J’aimerais aller lire un livre dont elle m’a parlé.

- Et bien… Oui bien sûr, lui répondit sa mère. Elle lança un regard interrogateur à Mr. Cresswell, qui lui rendit la pareille. Un tel comportement était pour lui aussi tout aussi inédit.

- Chouette !

Une fois sa soudaine excitation passée, Roxanne replongea un instant son regard dans son bol de potage, tentant de rassembler ses pensées. Mais sentant l’incompréhension grandissante de ses parents et devinant le risque d’éveiller les soupçons, elle décida de couper court. Elle se dépêcha de finir sa soupe qui n’était déjà plus très chaude, et demanda à sortir de table. Permission accordée. Elle alla vite se brosser les dents et se mit au lit tout aussi prestement.

- Tu crois qu’il y a un souci ? C’est rare de la voir se comporter comme ça à table… Je croyais qu’aller chez Foxlow lui ferait vraiment plaisir… Mais apparemment les livres de Mrs. Penford sont plus intéressants aujourd’hui. Mrs. Cresswell regardait d’une mine inquiète le petit bout de cracker qu’elle triturait du bout des doigts.

Entre deux cuillères de soupes, Mr. Cresswell conclut :

- Ne t’en fais pas Anna, si elle avait un problème, tu sais qu’elle nous en parlerait. C’est une petite fille, laissons la avoir son jardin secret. Il haussa les épaules pour appuyer la fin de sa phrase, signifiant ainsi qu’il s’agissait déjà pour lui d’une affaire classée. Mais quelle affaire pourtant…