Inscription
Connexion

11 févr. 2019, 16:48
 Solo | RPG ++  L'objet de mes vœux
Image
GRACE ROSENTHAL
(37 ANS)


8 MARS 2043
CHELSEA, MARKHAM STREET



« Joyeux anniversaire, Grace ! »

Un chœur s'éleva à l'unisson dans la salon de la chaleureuse maison de Markham Street. Celle qu'on célébrait ce jour-là se pencha et souffla les quelques bougies présentent sur un gâteau, venant tout droit d'un des meilleurs pâtissiers de la ville. Elle ferma les yeux et fit un vœu, comme il était coutume de le faire. Elle resta quelques secondes dans cette position, le dos courbé, les mains aplaties sur la table et les paupières fermées ; aujourd'hui, son vœu était bien différent de tous ceux qu'elle avait déjà pu faire. Elle s'imaginait ainsi que si elle y pensait plus fortement, il se réaliserait mieux. Elle garda encore quelques instants cette posture, et ne se releva que quand elle jugea que son souhait avait bel et bien quitté son esprit, pour rejoindre cette mystérieuse force auxquels les Hommes s'en remettaient afin d'exaucer leurs désirs les plus profonds. Si Grace ne savait si son vœu se réaliserait, elle se laissait au moins porter par l'espoir. Finalement, elle revint à sa position initiale et sourit à sa famille.

« Alors, quel vœu est-ce que tu as fait ? » 

Elle ne répondit pas à la question de son frère et se contenta de le fixer, d'un regard dont il devina la signification tout aussi tôt. Adriel savait que Grace ne lui dirait rien, et avait posé cette question par taquinerie. Quel que soit l'âge atteint, frère et sœur garderaient toujours cette relation enfantine entre eux.

Une femme très distinguée, mais aux traits qui commençaient à se faire âgés, se leva ensuite et revint avec un paquet entre les mains. Il était rectangulaire et semblait plutôt léger.

« C'est de la part de ton père et moi. »

Grace regarda ses parents d'une façon reconnaissante, pensant néanmoins qu'un cadeau n'était pas nécessaire. Elle appréciait pour son anniversaire de se retrouver avec sa famille au complet. Ou du moins, presque au complet ; elle essaya d'oublier cette sensation étrange qui se mit à lui remuer l'estomac. La jeune femme attrapa le paquet et enleva le ruban doré qui l'entourait. Elle tenta d'être aussi délicate qu'elle le pouvait pour en faire de même avec le papier, mais la tâche était plus difficile. L'emballage révéla alors une boîte rouge contenant un très beau foulard en soie, de forme carrée. Grace le laissa glisser entre ses doigts puis alla embrasser tour à tour Agnes et Henry. Elle le trouvait réellement splendide. Elle le posa sur le fauteuil où elle était assise, et ouvrit ensuite le cadeau de son frère. C'était tout simplement un livre, mais qu'elle souhaitait lire depuis longtemps. Elle le remercia chaleureusement.

Agnes apporta alors du thé pour terminer le repas dans les règles de l'art. Elle laissa couler le liquide ambré dans chacune des tasses, qui furent bien vites attrapées par des mains désireuses. Grace fit passer son majeur dans l'anse de sa tasse avant de la faire tourner contre son doigt. Elle semblait contempler son contenu, à la manière dont un devin aurait pu y lire l'avenir. La différence était que Grace ne croyait pas en ces choses là. Elle ne croyait pas en tout ce qui s'apparentait à la magie. Ou plutôt, elle n'avait pas l'idée d'y croire ; celle-ci lui était inconnue. Ses yeux restaient néanmoins fixés sur la tasse, songeurs. Elle releva alors la tête et observa d'un air lointain les membres de sa famille, coupant la parole à Adriel, sans même s'en être rendue compte.

« Vous savez, on dit que que si on raconte son vœu, il ne se réalisera pas. Pourtant, je ne suis pas forcément d'accord. »

Elle laissa le temps à ses paroles de s'évaporer au rythme des secondes, puis baissa de nouveau la tête, sous le regard interloqué de ses parents comme de son frère par cette intervention surprenante. Elle continua de contempler sa tasse, la faisant éternellement tourner contre son doigt, avant de reprendre.

« Je pense qu'il y a certains vœux qui ne peuvent se réaliser que si on les partage. Autrement, c'est tout ce qu'ils resteront ; des vœux. Et je pense que la plupart, en réalité, n'ont rien d'irréalisable. Nous ne nous adressons juste pas à la bonne personne. On les place entre les mains de quelqu'un, ou de quelque chose, qu'on ne connaît même pas. À vrai dire, on ne sait même pas où ils s'en vont une fois prononcés. On les laisse juste s'échapper en espérant, souvent vainement. Alors que si nous les remettions à la bonne personne, ou aux bonnes personnes, ils auraient toutes les chances du monde de se réaliser. »

Elle s'arrêta là, et laissa ses paroles suspendues quelques instants dans les airs, sous un silence résonnant. Grace releva alors ses yeux vers ses parents, l'air presque implorant, et laissa échapper un soupir de désespoir.

« Papa, maman, je souhaite que Jane revienne. »

TROISIÈME ANNÉE RP
Code couleur : #18405A

27 févr. 2019, 16:19
 Solo | RPG ++  L'objet de mes vœux
Image
HENRY ROSENTHAL
(70 ANS)


À l'évocation du nom de sa fille, Henry se raidit. Il sentit chaque cellule de son corps se crisper, animées par une rancœur que le temps ne lui avait pas permis oublier. Son humeur, aussi joyeuse était-elle capable d'être, avait rapidement revêtu une couleur sombre. Jane. Depuis longtemps il avait pris la résolution de ne plus parler d'elle, tant elle l'avait déçu. Son comportement, qu'il avait jugé d'une immaturité et d'une inconscience totale, avait achevé et gardé intact le souvenir d'amertume qu'il conservait d'elle. Il n'était pas capable de passer à autre chose.

« Je croyais que nous étions réunis pour fêter ton anniversaire, Grace. Pas pour parler de ceux qui ne désirent pas y être. »

Ses yeux bleus, désormais glacés, pénétraient ceux de sa fille, désespérés. 

« Papa, tu sais aussi bien que moi que si on lui en avait laissé la possibilité, elle serait venue. Si on lui avait fait comprendre qu'elle était de nouveau la bienvenue ici, aujourd'hui, on serait réellement réunis pour fêter mon anniversaire. »

Henry laissa échapper un rire moqueur. La pensée de sa fille lui paraissait bien naïve. C'était Jane elle-même qui avait décidé de partir. Jane elle-même qui leur avait tourné le dos, en cette soirée qui remontait maintenant à bien longtemps. Jane elle-même qui avait causé leur dispute familiale. C'était Jane qui était responsable de leur situation actuelle. Et s'il se savait peut tolérant, il ne pouvait se reconnaître comme cause première de cette déchirure.

« Tu es naïve, Grace. Si Jane voulait revenir, elle se serait manifestée par elle-même. »

Son ton était froid et définitif. La jeune femme contempla son père d'un air complètement abasourdi. Était-il possible que quelqu'un ait aussi peu de sentiments envers sa propre progéniture ?

« Mais enfin, tu n'as pas envie de la revoir ? »

Devant l'air impassible de son père, elle se tourna vers sa mère.

« Maman ? »

Agnes ne répondit pas. Henry gardait les yeux fixés sur sa fille, qui semblait ébahie. Rancunier, il l'était assurément. Mais ce qu'il ressentait pour sa fille dépassait de la simple rancune. Il ne la détestait pas, non. Pouvait-on détester ses propres enfants, aussi décevants avait-on pu les juger ? Le dernier souvenir qu'il avait d'elle était celui d'une image d'abandon de sa part. Et il considérait que si durant toutes ces longues années il ne l'avait pas revue, c'était parce qu'elle ne le voulait pas elle-même.

Grace sembla alors passer du désespoir à une incompréhension teintée de colère.

« Mais enfin, vous ne pouvez pas réellement penser une telle chose ! Vous ne pouvez pas réellement avoir fait une croix sur votre fille !  »

Elle se tourna vers Adriel, cherchant un soutien de sa part. Celui-ci suivait sa sœur des yeux, sans que son visage ne laisse pour autant transparaître ce qu'il pensait. Devant son apathie, elle continua de se laissa emporter.

« Mais est-ce que vous vous rendez compte ? Quatorze ans ! Ça fait quatorze ans qu'aucun de nous ne l'a vue ! Quatorze ans, et on sait à peine ce qu'elle est devenue ! Mais c'est même bien plus que ça ! Quatorze ans qu'elle nous a annoncé qu'elle était enceinte, et qu'elle est partie parce que nous ne l'avons absolument pas soutenue ! »

Henry resta stoïque devant la colère grandissante de sa fille. Lui-même se sentait agité par de dangereux sentiments, et se contrôlait en serrant sa mâchoire. Alors, Grace, face à l'absence continuelle de réaction de sa famille, laissa finalement exploser tout son ressentiment.

« Quatorze ans ans que vous avez une petit-fils, ou même une petite-fille, que vous n'avez jamais vu et dont vous ne connaissez même pas le nom ! J'ai un... Elle laissa échapper un son s'apparentant à un rire, composé d'une unique note de dégoût. Bordel, je ne sais même pas si j'ai un neveu ou une nièce ! »

Elle était à présent debout, et dans ses gestes brusques avait fait tomber sa tasse de thé sur la table, sans prendre la peine de la ramasser. Henry, à ces derniers mots – sous toute la colère qu'il contenait en lui, autant vis-à-vis du souvenir de Jane que des accusations de Grace –, sentit alors son cœur se crisper presque imperceptiblement. Plusieurs fois il avait eu ce drôle de sentiment en pensant à cette idée, mais chaque fois il l'avait chassé, se rappelant des dernières paroles que Jane avait prononcées à leur égard. Ne t'inquiètes pas, ça ne risque pas. Chaque fois, il se rassurait en se rappelant que c'était Jane qui avait claqué la porte.

Adriel, cependant, semblait avoir été piqué de façon plus visible par les dires de sa sœur. Lui aussi avait déjà pensé ainsi, et avait toujours eu du mal à se situer dans ce conflit familial. S'il aurait aimé revoir sa sœur, et connaître cet enfant qu'elle avait eu, il avait également du mal à digérer la façon dont elle était partie, coupant contact avec toute sa famille, y compris Grace et lui, qui s'étaient pourtant montrés bien plus tolérants. Ainsi, d'un ton plus doux que celui de son père, néanmoins intangible, il finit par laisser Grace connaître le le fond de sa pensée.

« Je comprends ce que tu ressens, Grace. Moi aussi j'ai souvent pensé à cet enfant, en me disant qu'il était impossible que je ne sache même pas si c'était une fille ou un garçon. Mais j'en veux à Jane. J'en veux à Jane parce qu'en partant, elle n'a pas seulement claqué la porte derrière papa et maman, mais aussi derrière nous deux. Je lui en veux car elle n'a jamais cherché à nous recontacter, alors qu'elle aurait dû. Je suis désolé, mais j'ai finalement accepté l'idée que si elle ne l'a pas fait, c'est tout simplement parce qu'elle ne veut réellement plus nous revoir, et ne pas nous présenter son enfant non plus. C'est comme ça, un point c'est tout. »

Grace se laissa tomber dans le fauteuil, perdant le seul soutien qu'elle pensait pouvoir avoir ; son frère. Agnes, aussi froide que son mari, montra son approbation à ses dires ainsi qu'à ceux de son fils. Quant à Henry, s'il se sentait redevenir plus calme, il restait toujours animé par cette rancœur qu'il traînait depuis des années, et conclut alors la discussion d'un ton aussi sec qu'impitoyable.

« Je ne réinviterai pas Jane dans cette maison. Elle a fait son choix, elle est partie. Si elle voulait nous revoir, elle serait revenue. Si elle ne le fait pas, considère qu'elle ne souhaite, pas plus toi que nous, te revoir. » 

_______

TROISIÈME ANNÉE RP
Code couleur : #18405A