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11 juil. 2018, 17:23
Volupté  Libre 


Avril 2043 - fin des vacances
Chaudron Baveur
2ème année

Au coeur de la fournaise, j’éprouvai une liberté qui m’était difficilement accessible. Les flammes me léchèrent la peau ; elles furent comme une douce caresse pour mon corps épuisé. Si les neuf premiers salons sorciers hauts en couleur qui nous virent passer m’avaient laissé de marbre, les dix autres me virent fondre aussi sûrement que de la cire au soleil.  Je me sentis tomber, de mon plein gré, contre Narym et à aucun instant je n’ai souhaité me dérober à cette chute. Son torse fut, durant ces quelques secondes, plus bouillant que jamais. Coincée dans ce maelstrom d’âtres, je m’accordai la douceur d’une étreinte qui me brouilla les sens. Je fermai les yeux en sentant les bras de mon frère se refermer autour de mon corps ; sa chaleur pulsait autour de moi, je n’avais pas ressenti une telle sécurité depuis un long temps qui me parut alors d’une infinité mortelle.

Il n’y eut, durant cette étreinte, que la force de ses bras et le battement de son coeur que je sentis tout du long résonner contre la peau de mon dos. La chaleur de mon bien-être fut étouffante et des gouttes de sueur bienheureuses coulèrent sur mon front.
Pour rien au monde je n’aurai arrêté cet instant.
Avant que ne se dessine devant mon regard l’âtre du Chaudron Baveur, la voix retentit à nouveau et s’esquissa, presqu’à regret, un sourire sur mes lèvres pâles : je t’aime de tout mon coeur.

Le bruit du Chaudron fut une claque resplendissante pour mon esprit Libre. Le poids de mon corps me fit chuter vers l’avant et je n’évitai son écrasement qu’aux réflexes de Narym qui me retint du bout des bras. Nous fîmes une entrée bruyante dans le pub et je m’assis sur le sol de pierre autant pour éviter les regards que pour calmer mon corps qui tressautait sous les hauts-le-coeur.

Narym me domina de toute sa taille ; je n’osai pas le regarder. J’avais encore sur le corps la brûlure de sa peau et la joie de son étreinte dans le coeur. *Merlin, il a la peau douce*. Cette pensée se vrilla à mon crâne et ne voulut plus en sortir ; mon visage s’embrasa dans l’instant.

« Tu vas bien, Aelle ? » me chuchota ce Frère-à-la-peau douce qui vint s’accroupir près de moi.

J’acquiesçai avec peine, ressentant une gêne plus grande qu’auparavant face à cette proximité. Je me relevai difficilement en secouant la tête pour qu’il n’approche pas sa main. J’avais déjà honte de ce câlin que je lui avais donné, il n’était pas question que cela arrive à nouveau.
Cette journée était bien trop harassante.

Il sourit et je plongeai dans ses yeux sombres. Je me serais perdu tant ils étaient brillants. Je ressentis, tout au fond de mon corps, un gouffre attrayant qui me demandait de me blottir dans les bras puissants de mon frère. J’étais au bord de ce gouffre et sans que je n’en comprenne la raison, j’en ressentis un effroi qui m’éveilla les sens : ma peau se couvrit de frissons. Je me détournai de Narym sans mot dire, le coeur battant à tout rompre dans mon corps douloureux. Je me dirigeai sans y penser vers une table qui trônait au beau milieu de la salle bruyante et grouillante de sorciers. Je n’avais pas la force d’aller plus loin et secrètement, j’avais l’espoir que les Autres retiennent mon Gouffre de s’agrandir.

Je posai mes fesses sur le banc et, les pieds se balançant dans le vide, je m’écrasai contre la paume de ma main.

Cette table-là était bien plus réconfortante que celle qui m’avait confronté à Natanaël.

La tête pleine de mes souvenirs de la journée, je regardai Narym du coin de l’oeil. Il s’était installé face à moi ; ses doigts jouaient avec sa baguette. Il gardait la tête baissé, mais cela ne m’empêcha pas de remarquer sa lèvre qu’il tenait en étau entre les deux rangées de ses dents ; peut-être notre accolade m’avait-elle ouvert à ce frère car instantanément, moi qui jamais ne comprenais les Autres, je compris qu’il était plus gêné que je ne l’étais.

Sans ne plus faire attention à ce qui m’entourait, je m’absorbai dans la signification de ses traits. Je le vis relever la tête et c’est avec une stupeur qui s'inscrivit sur mon visage que j’observai la peau de ses joues se couvrirent d’une rougeur d’enfant.

« Quoi ? » me dit-il sans autre forme de procès.

Je n’avais rien à répondre alors je ne répondis rien. Je regardai la rougeur qui me donna envie de sourire. Je ne souris pas.

« C’est… Et puis zut, tu veux ton truc à la citrouille, alors ? »

Il se redressa sur son siège et bientôt la jolie couleur s’en alla. Je me redressai également, une moue de déception se peignant sur mes traits. L’ivresse de la journée, à moins que ce ne soit la torpeur de ma fatigue, la chassa rapidement :

« Ouais ! » dis-je d’une voix guillerette ; je fus la première surprise de mon propre ton.

Narym m’offrit un regard plein de consternation avant de me tourner le dos et de se diriger vers le comptoir. Mes jambes se balançant à un rythme qui m’était inconnu, je ne le quittai pas des yeux, une main contre le pot du figuier d'Abyssinnie que j'avais posé sur la table. 


Premier post réservé. Le reste est Libre.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 02 août 2018, 09:51, modifié 1 fois.

31 juil. 2018, 14:59
Volupté  Libre 
Ce jour-là, j'étais au Chaudron Baveur. A peine installées le matin même dans notre chambre pour les trois prochains jours, Alyssa était partie, me laissant seule après m'avoir demandé de ne pas faire de bêtises de sa voix de grande soeur pleine de remontrances. Comme si c'était mon genre de faire des bêtises. J'avais levé les yeux au ciel en la voyant quitter la chambre et j'avais déballé un peu mes affaires. J'avais ainsi passé un peu le temps qu'il restait de la matinée en me plongeant dans mon livre de sortilèges.

Je savais qu'Alyssa serait d'une humeur massacrante pour les prochains jours, car elle avait été arrachée au foyer de sa meilleure amie, devant m'accompagner ici, sur les ordres de notre grand-père. Il aurait dû nous accompagner, mais il avait été pris au dernier moment par son travail, comme d'habitude. Notre maison était beaucoup trop loin de King's Cross pour pouvoir y aller le matin même et ces quelques jours de plus à Londres avant de retourner à Poudlard étaient censés être mon cadeau d'anniversaire. Il était passé depuis deux mois déjà, mais nous avions pris pour habitude de le fêter à cette période. Je me retrouvais donc à nouveau seule, pour changer...

Néanmoins, j'étais plutôt contente d'enfin quitter la maison et ma grand-mère. Il ne se passe pas un jour sans crise de ma grand-mère. Une crise parce que soi disant le balai avait changé de place, que les murs avaient changé de couleur, ou encore me faisant subir toutes sortes de régimes plus bizarres les uns que les autres. Sa dernière manie était de ne me faire manger que des aliments crus, sous prétexte que la cuisson engendrait une poussée de verrues. Allez manger des oeufs crus avant de me juger.

Au bout de quelques heures de lecture intensive et commençant à avoir faim, je décidais de descendre manger quelque chose dans le chaudron.
Au moment où je descendais les escaliers, je vis une fille. Cette fille entrant avec un garçon plus âgé et manquant de tomber par terre. Si j'avais été à Poudlard, et dans d'autres circonstances, je n'y aurais sûrement pas prêté plus d'attention que cela. Mais je savais que mes relations avec les autres seraient limitées dans les prochains jours, que la seule chose que j'allais recevoir serait de la haine de la part de ma soeur et j'avais besoin de m'assurer que j'étais toujours capable d'avoir des relations normales, sans vraiment comprendre d'où me venait ce besoin de m'affirmer.

La fille s'était assise à une table, et très vite le garçon qui l'accompagnait disparu, probablement pour aller chercher quelque chose à boire ou à manger.

" Ca va? Je t'ai vue en entrant t'avais pas l'air bien. "

Il y avait quelque chose qui m'attirait chez cette fille. Elle avait l'air mystérieuse. Et puis, elle avait l'âge d'aller à Poudlard, mais je ne me rappelais pas l'avoir déjà vue. Pourtant j'avais pu observer beaucoup de monde, je passais mon temps à observer les gens. Etait-elle dans une autre école? Peut-être que c'était une cracmol après tout.

Etait-ce ce besoin désespéré de nouer un lien avec des gens de mon âge? Pourquoi étais-je allée la voir? Elle était accompagnée et n'avait pas forcément envie de devoir se coltiner quelqu'un dans les pattes. Elle n'avait rien demandé. Je n'attendais pas grand chose de cette rencontre en fait, je savais qu'à sa place j'aurais remballé la personne qui était venue me parler, à savoir moi en l’occurrence. Mais aujourd'hui j'étais seule, j'étais entourée de personnes que je ne connaissais pas alors il était peut-être temps pour moi de faire des choses que je n'avais pas l'habitude de faire non?

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

02 août 2018, 11:37
Volupté  Libre 
Je t’aime de tout mon coeur.
Le bruit ambiant m’étouffa les sens. Il s’infiltra dans mes oreilles et s’agrippa à mon cerveau pour le mener voir des contrées qui n’étaient pas si éloignées que cela.
Ma main sur le pot jaunâtre et rugueux de Ricke avait un quelque chose de réconfortant qui me poussa à quitter Narym des yeux. Je laissai glisser mon regard sur les feuilles pendantes de mon figuier, sur son tronc noueux et sur la terre humide de son lit. Étendant ma main sur la table de bois, je le rapprochai de moi, tout près, jusqu’à ce que mon buste puisse sentir l’humidité de la terre. Je regardai Ricke dans ses yeux de feuilles qui, aussitôt, ma cachèrent à la frénésie de la salle principale du Chaudron Baveur.

J’aimais déjà la fierté de ses branches et l’odeur qui s’échappait de son corps noueux. Je respirai à plein poumons l’essence de cette plante ; elle avait dors et déjà l’Odeur de la Faculté de Médicomagie d’Ecosse et je ne su dire si cela était une bonne nouvelle ou non. Avais-je réellement envie de voir le lieu de vie de Natanaël habiter mon esprit dès que je regardais Ricke ? L’idée, mi plaisante mi déplaisante, tourna autour de mon cerveau atrophié par une journée riche en émotions avant de se perdre dans les Limbes de ma perdition.
*Il a aimé le câlin ?*
Suivant ma pensée, mon crâne se tourna vers le bar près duquel Narym attendait patiemment son tour. Je vrillai mes yeux sur son dos couleur ardoise et peu à peu le monde s’échappa encore aux griffes ardentes de mon attention.

Il faisait chaud dans le Chaudron Baveur. Si auparavant le vent d’avril avait fouetté nos visages de son souffle de glace, c’était à cet instant la chaleur bienveillante de l’âtre qui faisait bouillir mon sang dans mes veines. Sans quitter Narym du regard et tout en essayer de garder contact avec Ricke, j’entrepris d’ôter ma cape noire qui m’enserrait la taille ; celle-là même qui me faisait ressembler au Grand Con qu’était Zakary.
Malgré la moiteur de mes membres, je me sentais bien. Je sentais mon corps se noyer dans une ivresse qui m’était jouissante. Peut-être était-ce ce temps passé loin de la Maison ou la perspective de la nuit de liberté qui m’attendait. Ou peut-être était-ce seulement le jus de citrouille qui m’était resté sur l’estomac. Ma future boisson citrouille-chocolat et sa chaleur se rappela soudainement à moi et ma bouche s'assécha sur le champ, prête à recevoir son dû.

« Le clou du spectacle va arriver, Ricke, dis-je en me tournant vers ma plante, tu vas voir qu’on s’ra toujours b... »

Ma voix guillerette mourut dans ma bouche et s’échoua sur mes lèvres sèches : se tenait devant moi, de l’autre côté de la table en bois, une enfant qui, si on se fiait à son regard, me regardait moi et me parlait à moi.

« Ca va ? dit-elle. Je t’ai vu en entrant, t’avais pas l’air bien. »

Mon cerveau atrophié d’ivresse ne s’en réveilla pas pour autant. J’étais si bien ancrée dans ma catatonie que je ne bougeai pas d’un pouce, les épaules tournées vers Narym, les yeux vrillés à ceux de la fille et la bouche tendue vers Ricke.

Cette fille-là était particulièrement présente. Elle me dominait de sa taille et sa bouche-qui-faisait-la moue semblait avoir la même intensité que la mienne ; je baissai mes yeux pour la regarder, parfaitement consciente des secondes qui s’infiltraient entre nous depuis qu’elle avait interrompue ma tirade à Ricke.
Son regard était bouleversant. Mais j’étais bouleversé au possible et  je n’attendais aucun autre renversement de cette journée alors je ne m’attardai pas sur leur profondeur qui semblait vouloir crocheter mon coeur pour me l’arracher de la poitrine.

Je ne sais pas d’où sortait cette personne ; peut-être sortait-elle du sol ? Mon regard frivole s’échappa un instant pour frôler le sol avant de remonter tout le long du corps de l’enfant, caressant ses jambes puis son ventre, avant de retrouver sa place sur la bouche pleine de moue qui n’avait plus rien à dire.
*Est-ce qu’elle parle de la cheminée ?*. C’était donc cela.

« Les ch’minées sont prêtes à dégueuler n’importe quoi, dis-je en serrant Ricke contre moi. Elles m'le font toujours. »

J’avais parlé de ma voix plate, sans l’élever plus que nécessaire pour couvrir le bruit de la salle. Je caressai d’un dernier regard la bouche de la fille avant de me tordre le cou pour chercher Narym ; il était au bar. D’ici, il ne me restait à apercevoir qu’un faible murmure du son de sa voix qui fit chavirer mon coeur. Je me retournai en baissant la tête sur Ricke, le coeur oscillant entre la lourdeur et une légèreté puissante.

« On sera bien, c’est ça que je voulais te dire, Ricke, » murmurai-je à ma plante en laissant un regard en biais à la fille que je n’avais pas oublié.

Je la ressentais aussi sûrement que je ressentais Ricke, la table ou même la présence de ces deux vieux qui étaient attablés non loin de moi.
Je la ressentais aussi distinctement que je ressentais mon coeur battre en bienheureux dans le recoin de ma poitrine.

03 août 2018, 10:21
Volupté  Libre 
Etait-ce vraiment l'ennui et le manque de reconnaissance quant à mon existence qui m'avaient fait approcher cette étrange fille? Ou était-ce les conseils de Katy qui commençaient à porter leurs fruits? Ou encore avais-je décidé que ne parler à personne et envoyer bouler les gens qui venaient m'aborder n'avait aucun intérêt? A ce moment-là, je ne le savais pas vraiment mais bien plus tard, je sus que j'avais pris la bonne décision. Affronter les périples de la vie et vivre toutes sortes d'aventures c'est beaucoup plus intéressant avec d'autres personnes. Bien évidemment, je ne serais jamais le genre de personne à aller voir tout le monde et n'importe qui. Ou du moins, je ne retrouverais jamais mon enthousiasme d'enfant. Néanmoins, il se pourrait qu'avoir des gens sur qui compter n'était pas dénué de tout intérêt finalement.

La fille me répondit quelque chose que je ne compris pas... C'était bien ma veine de tomber sur une folle à la première personne envers qui je faisais des efforts depuis longtemps. Je me rendis ensuite compte qu'elle parlait à... Une plante. Et puis, elle avait l'air de n'attendre qu'une chose, que le garçon avec elle revienne et la délivre de cette conversation. Non seulement elle ne voulait pas parler, ce que j'étais bien placée pour comprendre, mais surtout, elle était complètement folle. C'était le mot. 

*Bon, Ebony, ne fais pas de mouvement brusque, recule lentement, excuse-toi d'avoir dérangé et va explorer le chemin de Traverse comme tu aurais fait habituellement.*

Mais quelque chose me retient dans son regard. Il y avait quelque chose qui me donnait envie de rester ici, envie de percer les secrets de cette mystérieuse fille aux cheveux châtain clair. Elle donnait l'impression d'avoir envie que je parte, mais tout en parlant à sa plante, elle me regardait en coin. Comme si elle voulait me faire fuir sachant que c'est ce qui allait finir par arriver mais qu'en même temps elle voulait que je reste parce qu'elle avait besoin de quelqu'un. Il était vraiment très étrange de retrouver chez elle un comportement que j'adoptais souvent. En réalité, cette prise de conscience me cloua sur place. Cette fille avait des reflets d'ombre me ressemblant, ou du moins c'était ainsi que je ressentais les choses.

Avait-elle vécu quelque chose de dramatique? Avait-elle perdu quelqu'un elle aussi? Qui était l'inconnu qui l'accompagnait? Parlait-elle à cette plante parce qu'elle n'avait personne d'autre à qui parler? Etait-ce simplement parce qu'elle était timide? Ou bien parce qu'elle se liait peu aux gens?

Tant de questions tournaient dans ma tête, mais aucune ne sortit de mes lèvres. J'étais bouche bée, l'observant attentivement, perdue dans mes questions sans réponse. Si à peine une minute plus tôt je prenais mon interlocutrice pour une folle, désormais je savais qu'il y avait quelque chose d'autre et je n'avais plus aucune envie de partir explorer le chemin de traverse. Les glaces de Florian Fortârome n'avaient plus de saveur face à la douceur de son visage. Les livres de Fleury et Bott me semblaient dénués d'intérêt face à tous les mystères que je pouvais apprendre chez cette fille. L'encre et la plume que je devais acheter n'avaient plus aucune utilité si je n'avais pas d'histoire à raconter. Et je sentais qu'en restant ici, un tout nouveau pan de ma vie allait s'ouvrir. J'étais avide de savoir, le côté Serdaigle que le choixpeau avait décelé chez moi ressortait à ce moment-là, mais j'étais incapable de dire quoi que ce soit pour l'épancher. 

La seule chose que je pu faire à ce moment-là c'est fixer intensément la fille et trouver dans ses yeux la force de prononcer une unique phrase.

" Je te demandais si ça allait. "

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

09 août 2018, 08:13
Volupté  Libre 
Elle était une présence au même titre que les murs qui m’entouraient. Elle semblait être là car telle était sa place et personne n’avait rien à y redire. Pas même moi, qui accusait tout le poid de sa présence sans en ressentir les effets négatifs.
Mon doigt caressait les feuilles de Ricke ; elles étaient douces sous ma peau. Mon regard était plongé quelque part entre ses branchages et la table.

Ricke ne me donna jamais de réponse et je n’en attendais pas moins de lui. La vibration de son être que j’imaginai sous la pulpe de mes doigts fut suffisante et un léger sourire s’afficha sur mes lèvres. Je ne me connaissais pas cet attrait pour les plantes, mais je sentis soudainement qu’il serait bon de s’y laisser aller. Je me redressai, accordant un regard invisible à la fille avant de tourner mes yeux vers le bar où mon coeur attendait Narym. Ce dernier y était accoudé, coincé entre une famille bruyante et une grande femme au ton basané. Je vis les lèvres de mon frère danser, s’accordant au monde pour me ramener ma boisson favorite ; mon coeur se gonfla dans ma poitrine et une étrange chaleur se répandit dans mon corps à cette pensée.

Mon ventre était brûlant. Sous ma peau, je sentai mon estomac s’occuper de tout ce que j’avais ingurgité au Cabalistique Festin des Mages. Mais cette chaleur-là, elle se promenait dans mes entrailles pour les serrer affectueusement. C’était une sensation étrange. J’aurai fermé les yeux pour la ressentir avec plus d’ardeur encore si mon esprit, lui, n’était pas attiré par la présence qui n’avait pas quitté mon champ de vision.

Hésitant entre me soumettre à une curiosité viscérale et répondre à un agacement mû par la peur de voir ce moment de liberté gâché, j’attrapai le regard de la Fille-à-la-moue pour le faire mien. Dans ces deux billes sombres devaient se refléter mon visage ; elles étaient si profondes. Elles rendaient à son visage enfantin l’intérêt que je n’y avais au préalable pas vu.

*Qu’est c’qu’elle veut ?*, songeai-je en la reluquant. Sa bouche ne faisait plus la moue, elle était ouverte et la rougeur de sa langue semblait appeler le rire qui agitait mes entrailles ; je fus la plus surprise lorsqu’à la place de mon rire, ma bouche s’ouvrit en une parfaite imitation de la gamine qui se trouvait face à moi. Je n’avais aucune raison d’agir ainsi pourtant, dans cette position, je crus pouvoir comprendre la chose qui me faisait face.

Ce phénomène dura quelques secondes durant lesquels j’oubliai Narym, ma liberté et même Natanaël. J’avais les yeux vissés à la bouche de la fille et l’attention fixé sur les mots que j’allais entendre d’ici peu - je le savais. Le Chaudron Baveur n’avait jamais été aussi agréable pour moi.

Puis l’antre à la lueur rouge, la bouche de l’enfant, se referma pour mieux faire mouvoir les lèvres sombres. La fille parla et mon sentiment de bien-être en communion avec cet Autre s’effondra sur la table en bois. Je réintégrai ma propre réalité avec un sentiment de chute perpétuelle. La voix de l’Autre tournant dans l’esprit, je baissai la tête sur Ricke pour m’assurer de sa présence. Puis tout étonnement s’en alla.

Le regard que je levai sur la fille n’était pas aussi perdu qu’il avait dû l’être au préalable. Le cul posé sur mon banc, l’attente de mon grand-frère et la frénésie de ma liberté étaient autour de moi comme s’ils avaient toujours étaient là ; comme l’enfant qui me faisait face.
Je la regardai et mon regard se fit halluciné. *Elle s’répète, cette idiote*.
J’essayai de trouver un semblant de réponse sur le visage de la fille mais rien ne me vint. La seule chose dont je pouvais être sûre c’était que si j’avais crus comprendre cette enfant, cette dernière ne s’était sûrement pas risqué à essayer de me comprendre moi.

Je serrai le pot de Ricke en me redressant sur mon banc. Le dos droit et le regard noisette, je laissai enfin le rire qui me chatouillait les entrailles se dessiner sur mon visage. Il fut bref et me secoua à peine les épaules.

« Pourquoi tu m’le répètes ? dis-je à l’enfant en observant sa bouche. J’t’ai déjà répondu. »

Je me retournai totalement. Ni vers Narym ni vers le bar ; du côté de l’entrée où non loin trônait l’immense cheminée qui m’avait dégueulée. Elle était encore là, fière et bouillante ; elle s’embrasa de son souffle vert pour éjecter un homme quelconque puis se rendormit. Si je pouvais la voir, pourquoi la fille ne le pouvait-elle pas ?

« Tu peux la voir, non ? » demandai-je en levant un doigt que je pointai sur l’âtre.

10 août 2018, 10:50
Volupté  Libre 
Elle me regardait avec une telle intensité c'était carrément troublant. J'avais l'impression d'être en communion avec elle, que tout ce qui était autour avait disparu. Oui, même les bruits environnants du chaudron baveur avaient disparu. Plus rien n'existait si ce n'est cette fille vraiment étrange, fascinante, mystérieuse. Cette fille qui semblait attendre quelque chose, qui semblait goûter à une certaine forme de liberté? Cette fille avec qui je voulais rester parce que je me sentais bien à cet instant. A cet instant précis, je me sentais comprise et j'avais l'impression d'avoir enfin trouvé une certaine forme de paix, d'avoir trouvé ma place. Mais cet instant magique se brisa. 

Son changement de regard fut brutal pour moi. En un instant je retrouvais le bruit et les odeurs de ce lieu si chaleureux mais pourtant si dérangeant actuellement. J'aurais voulu être seule avec cette fille. Sans l'homme qui l'accompagnait et sans sa plante qui accaparaient à eux deux toute son attention. Je les détestais. J'avais fait l'effort de venir lui parler, comment pouvait-elle m'ignorer ainsi? Je me détestais. Pourquoi étais-je incapable de me comporter comme d'habitude et de m'en aller?

Ses mots me firent l'effet d'une énorme vague s'abattant sur moi. Vous savez, pas les petites vagues qui nous passent au dessus de la tête pour nous rafraîchir. Non. C'était une énorme vague salée qui cherchait à me plaquer au fond de la mer et à m'étouffer. Une vague qui déferlait et qui me trempait jusqu'aux os. Cette fille semblait seulement un peu perdue au départ mais elle était en fait simplement cruelle. Et sa cruauté s'était abattue sur moi en une seconde et demi sans que je ne puisse faire quoi que ce soit pour m'échapper. J'avais été prise au piège.

Je compris enfin qu'elle avait seulement mal supporté le voyage en cheminée. Je croyais qu'elle était entrée par la porte mais ce n'était pas le cas et c'est pour cela qu'elle s'était sentie si mal. 

" Ok. Je vois. Puisque ça a l'air d'aller mieux et que visiblement ma présence t'ennuie plus qu'autre chose, il est temps pour moi de te laisser. Salut."

La vague m'avait fait sortir de ma torpeur de gentille petite fille. Si je n'avais pas été moi-même une sorcière j'aurais juré que mon interlocutrice m'avait jeté un sort et que c'était ce qui avait fait que mon comportement avait été chaleureux. Mais je savais qu'il n'y avait rien de tel. Je savais que si j'avais eu ce comportement c'était parce que cette fille était telle qu'elle était. On dit souvent que les yeux bleus sont les plus envoûtants mais je peux vous assurer que de simples yeux marrons suffisaient à vous changer.

Toujours est-il que cette vague de froid qu'elle avait amenée m'avait rendu ma froideur habituelle et je savais que cela se ressentait dans mes paroles. Je savais que mon visage avait retrouvé sa dureté habituelle et mes yeux bleus leur regard perçant et mystérieux. Mais malgré mon apparence retrouvée, quelque chose au fond de moi avait changé. Je voulais que cette fille me retienne. Je voulais être autorisée à rester avec elle.

Je me forçai à tourner les talons et à commencer à m'éloigner sans la regarder bien que j'en mourrais d'envie. Je ne voulais pas lui donner la satisfaction d'avoir gagné son petit jeu. Elle voulait rester seule avec l'homme et la plante. Très bien. Tant pis pour elle.
 

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

10 août 2018, 14:54
Volupté  Libre 
Mon doigt se tendait devant moi, long et fin comme ceux de Maman. Il semblait pointer la cheminée comme l’aurait fait une quelconque instance de la Justice ; je te condamne, disait-il. Je te condamne pour me rendre mal et pour te rendre invisible aux yeux de cette fille.

Je l’avais accroché de mes yeux. Elle qui se tenait face à moi sans que je ne souhaite sa présence. Elle qui m’imposait toute sa personne avec toute la grâce de son regard. Elle était face à moi, seule, et elle semblait n’avoir peur de rien ni de personne. Elle n’avait ni plante ni frère pour l’accompagner et pourtant la voilà face à moi, de toute sa grande taille, de tout son regard profond. Je détestais sa force et ce ressentiment jaillit dans mon corps, bouleversant ma tranquillité, renversant mon bonheur. Je crois que si je n’étais pas la Aelle-transformée-par-la-liberté je me serais levé rien que pour tenter d’écraser sa force. Je savais que l’écraser sera toujours un bonheur plus fort que tout ce que j’avais pu ressentir aujourd’hui.

La journée me tenait en tenaille entre ses griffes d’acier et je ne fis rien. Je restai le cul vissé sur mon banc et la main collé au pot de Ricke. Mon doigt tendu entama sa lente chute vers la table. Il me sembla tomber longtemps alors que moi je ne voyais que cette enfant qui ne voyait pas une simple cheminée. Sa force côtoyait-elle sa stupidité ? Peut-être.
Je me foutais de qui elle était. Je me foutais qu’elle soit là ou ailleurs. Je me foutais qu’elle s’en aille ou qu’elle reste. Je m’en foutais comme je me foutais des Autres qui m’entouraient. Elle était aussi présente que les murs, sa présence était aussi banale que l’était la table sur laquelle j’étais accoudée. Et son absence serait aussi banale. Qu’elle reste donc, je la regardai car j’attendais mon frère et que l’azur de son regard était une belle couleur qui m’arrachait le coeur.

Ma curiosité ne s’éveilla qu’à un instant. Elle s’agita au fond de mon corps emplit de torpeur et me rappela que ce que j’étais en train de vivre - ce bonheur sans explication qui coulait dans mes veines - n’étaient pas ce que je ressentais habituellement. Voilà ce qu’elle me dit avant de se détourner de moi pour se concentrer sur la Fille-à-la-moue : le visage de cette dernière avait perdu sa lente compréhension qui l’avait rapprochée de moi. Il n’était maintenant qu’une face toute sombre d’Autre et cela me surpris. Je me reculai sur mon siège, ma main quittant le pot de Ricke pour glisser contre le bois rugueux de la table.

La fille tirait une tronche de trois mètres de long et ma curiosité se demandait si cela provenait d’elle ou de moi. Je n’avais jamais échangé si long regard avec un Autre, je baissai les yeux pour me concentrer sur sa bouche molle. Elle n’était pas aussi tranchante que son regard, mais elle en disait plus que lui. Comme le reste de sa face mate dont la compréhension acquise il y a peu me disait que la colère n’allait pas tarder à éclater. Je me redressai plus encore, la peau palpitante à l’idée de comprendre que cette colère venait de moi. J’avais créé cette fille dans ce qu’elle était et Merlin, c’était si bon.
J’avais depuis peu compris que mes paroles n’étaient que peu aimées. L’Idiot des Chinois, Loewy et ses invités me l’avaient fait comprendre. Et comme cette fois-là où mon Monde s’était refermé, je compris aujourd’hui que mes paroles avaient frappé. Cela fait un drôle d’effet de savoir que l’on peut créer sans toutefois connaître la raison de cette création. Qu’avais-je donc dit pour que la moue de cette fille se transforme en cette belle colère ?

Ma création était magnifique. Et la suite le fut plus encore :

« Ok. Je vois. Puisque ça a l'air d'aller mieux et que visiblement ma présence t'ennuie plus qu'autre chose, il est temps pour moi de te laisser. Salut. »

Je retrouvai la face qui m’avait fait embrigadée il y a peu : ma bouche s’ouvrit pour que se dessine sur mon visage ma stupeur et ma béatitude. Ma main qui s’était stoppée sur la table repris son chemin, entraînée par mon épaule qui avait perdu tout contrôle sur mon bras : elle glissa et glissa pour tomber sur mes genoux.
C’était d’une telle irréalité et j’étais si bien dans mon corps et sur ce banc qu’un sourire se dessina sur mon visage blafard. Avec cette scène, Natanaël me paraissait loin ; les mots d’Aodren plus encore. Mais cette fille-là était présente et avec son existence aussi banale que les murs je me sentais dans cette journée comme le calmar dans son lac ; tout se déroulait comme les choses devaient se dérouler.

Et quand elle fit demi-tour et me cacha son visage hurlant de colère, je ne bougeai pas, les mains reposant sur mes genoux et le dos droit. Elle allait partir, comme un courant d’air qui faisait son chemin. Elle m’avait soufflé dans les oreilles, j’avais fermé les yeux pour apprécier sa douce caresse et dorénavant, elle s’enfuyait pour aller souffler sur d’autres contrées.

Je me tournai, encore, vers le bar et je cherchai du regard Narym. Je trouvai la femme au ton basané qui avait déjà un verre à la main. La famille bruyante avait disparu. Mon coeur, si calme auparavant, s’emballa dans ma poitrine et mon souffle se bloqua dans ma gorge. *Narym ?*

J’allai me lever lorsqu’une ombre s’abattit sur moi. Je levai la tête et mes yeux s’élargirent. Narym me tendait une tasse épaisse et fumante d’une main, de l’autre il agrippait un verre qui contenait, semble-t-il, de la bièraubeurre. Je ne bougeai pas plus qu’auparavant. Je voulais croiser son regard miel, me sentir exister dans sa présence, boire tout ce que ses yeux avaient à me donner ; mais lui ne me regardait pas. Je suivis des yeux son regard et, une nouvelle fois, je tombai sur la Fille-à-la-moue. Le temps était un monstre : elle n’avait pas eu le temps d’aller souffler plus loin

« Vous vous connaissez ? » dit Narym d’une voix forte pour couvrir le bruit ambiant.

Ses yeux, fixés sur la fille, se baissèrent vers moi pour me tendre ma boisson.

« Oui, » dis-je en me plongeant dans son regard, le coeur battant à tout rompre.

Bien-sûr, Grand Frère. Tu la vois comme je la vois. Elle et là et je suis là. Elle était tout près de moi comme tu l’es actuellement. Je la connais comme je connais le souffle de sa voix et l’intensité de son regard. Je la connais comme je connais cette table ou ces murs. Je la connais du regard. Hein, connaissance des yeux ?

« Tiens, insista-t-il en agitant ma tasse. Tu es avec ma soeur à Poudlard ? » lança-t-il au-delà de notre table, au-delà de Nous à la Fille que je connaissais du regard.

Narym. Narym et sa gentillesse.
Narym et son regard qu’il ne voulait pas m’offrir.
Narym et sa présence.
J’attrapai mon chocolat-citrouille. Je posai ma main contre la céramique, le regard tourné vers la fille. Ma main se réchauffa peu à peu puis la chaleur de la boisson se transforma en brûlure sur ma peau. Le regard tourné vers la fille, je n’enlevai pas ma main. La chaleur était douloureuse.

Narym et son envie de bien faire. Je ne savais que faire : regarder ma création ou regarder mon frère dont la présence s’acharnait à faire chavirer mon coeur ?
Finalement, je le regardai lui. Peu importe qu’il parle, je voulais seulement être là.

10 août 2018, 20:34
Volupté  Libre 
Malheureusement, ce que j'attendais ne vint jamais. Elle ne me rattrapa pas. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'avais laissé mes émotions prendre le dessus et j'étais déçue. J'avais besoin d'attention, j'avais besoin qu'elle me regarde, qu'elle me demande pardon et que je puisse la regarder à nouveau. Mais visiblement elle n'avait pas envie de la même chose et se fichait totalement de moi. Visiblement, ma présence l'importunait sans lui procurer quoi que ce soit. J'avais l'habitude d'être aimée quand je me dévoilais et d'être détestée lorsque je ne montrais que de la nonchalance mais pas d'être ignorée ainsi. 

Elle, elle ne me détestait ni ne m'aimait, elle voulait juste que je parte et je ne savais trop comment je prenais la chose. Etais-je triste? En colère? Blessée? Je crois que ce qui en ressortait le plus c'était la blessure qui s'était ouverte dans mon coeur. Je m'étais pourtant jurée de ne plus jamais être blessée, mais le rejet de cette fille me faisait revenir quelques années en arrière...

~Flashback

Madison était partie depuis quelques mois, je me trouvais dans le salon avec Alyssa. Elle écrivait une lettre à une de ses amies alors que moi je tenais un livre dans mes mains. Je ne lisais pas, j'étais trop occupée à réfléchir et une question me brûlait les lèvres. J'hésitais depuis une bonne dizaine de minutes à la poser mais ne tenant plus, je me lançais et scellait mon sort...

" Aly", elle va revenir quand Mad'?

 - Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme cela. Elle est partie à cause de toi, comme nos parents. Tu n'es plus ma soeur, tu ne fais plus partie de ma famille. Ma famille a été décimée à cause de toi, je ne veux plus te parler."

Sur ces mots, Alyssa était sortie de la pièce, droite comme un i et j'étais tellement étonnée que je restais quelques minutes en choc, regardant toujours la porte par laquelle ma soeur était sortie, espérant la voir revenir et me dire que ce n'était qu'une blague - de mauvais goût certes, mais une blague sans conséquence. Mais ce ne fut pas le cas, à partir de ce jour, nous devinrent ennemies. Ce ne fut plus jamais comme avant. Je l'embêtais constamment, espérant ainsi capter son attention mais cela avait seulement le don de l'énerver encore plus...

~ Fin du flashback

Ce passage de ma vie m'avait profondément blessée et m'avait fait devenir telle que j'étais désormais. Les séquelles laissées par quatre petites phrases peuvent être beaucoup plus importantes que ce que l'on peut penser au premier abord. La conversation avec la fille avait eu un impact presque aussi important que ces phrases de ma soeur. Je m'étais sentie bouleversée, happée par son mystérieux regard, par son histoire, pour me sentir rejetée au bout d'à peine quelques minutes. Pourquoi m'avait-elle rejetée? Que lui avais-je fait pour subir cela? Etais-je destinée à subir ainsi un rejet contant?

Je n'avais pas bougé d'un iota, tourmentée par le fantôme de ma discussion avec ma soeur, tourmentée par la fille et tourmentée par mes réactions. Elle ne voulait pas me retenir, mais avant que je ne reprenne mes esprits et que je ne m'en aille pour de bon, une voix d'homme me parla. Il nous demanda si nous nous connaissions. Ainsi, il y avait un "nous" malgré le fait qu'elle m'avait complètement rejetée. Elle répondit oui et c'est à ce moment-là que je me retournais. Elle ne me regardait pas, préférant regarder ce garçon dans les yeux mais je plongeais tout de même mon regard perçant dans son regard intense. Pourquoi avait-elle dit me connaître alors qu'elle ne voulait que me voir m'éloigner? Nous nous étions rencontrées il y a cinq minutes à peine et bien que nous ayons partagé de longs regards qui pouvaient supposer que notre rencontre datait d'au moins quelques heures, je ne connaissais même pas son prénom. La seule chose que je connaissais d'elle c'était sa voix et son regard.

Le garçon continua de me parler et elle le regardait buvant ses paroles, ne s'intéressant pas le moins du monde à moi. J'étais éclipsée comme depuis le début de notre rencontre. Même la plante avait plus d'importance à ses yeux que moi. Je détestais les plantes. Elles accaparaient l'attention de mon grand-père et son attention à elle. Qu'est-ce qu'elles avaient que je n'avais pas. La jalousie montait en moi.

"Je suis à Poudlard oui. Mais, nous ne nous connaissons pas vraiment. En fait, je vous ai vus entrer et elle avait pas l'air bien alors je venais demander. Mais je ne vais pas vous déranger plus longtemps, j'allais m'en aller d'ailleurs.

Mes paroles n'étaient plus froides. Pas chaleureuses non plus, seulement neutres. Comme on peut parler à des personnes que l'on ne connaît pas. En fait, je répondais au garçon sans considérer plus la fille. C'était difficile mais si elle ne voulait vraiment pas de moi, inutile de prolonger la torture. D'ici, je pouvais bien observer le garçon. Il avait l'air sincèrement gentil et avait un petit air de ressemblance avec elle, probablement qu'ils étaient de la même famille. En tout cas, il n'avait visiblement pas du tout le même caractère, lui était beaucoup plus avenant qu'elle...

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

11 août 2018, 13:55
Volupté  Libre 
Quand il me regarda à nouveau, une douce chaleur se répandit dans mon corps et je me laissai aller contre elle, m’affaissant sur mon banc. Ma paume, celle qui était contre ma tasse, était douloureuse mais peu à peu cette dernière reflua pour n’être que banalité - comme la table, comme la fille. Narym posa son verre de bièraubeurre et pris place sur le banc. Sa jambe toucha la mienne et je frémis. Si, au début de la journée, je gravissais dans ma famille comme une inconnue, il semblait que ce soir je sois prête à accepter n’importe quoi d’eux. J’en avais parfaitement conscience : accepter n’importe quoi tant que je ne retrouvais pas la Maison et son regard.

Et puisque j’étais prête à tout, je regardai la fille dont la présence sembla accaparer l’attention de mon frère. Je ne l’avais pas oublié, pas plus que je n’avais oublié le vieux monsieur et la vieille dame qui, de temps en temps, nous couvaient du regard. Elle me regardait et là également je frémis. Ses yeux bleus semblaient sortir de sa tête tant ils étaient intenses ; cela était dérangeant. Je me rappelai soudainement sa prétendue colère et en mirant sa face sombre je la vis toujours présente en elle.
Finalement, je baissai le regard sur Ricke qui était encore tout près de moi. Je posai mon nez sur l’une de ses feuilles et je respirai son odeur de plante.

« Je suis à Poudlard, oui, » dit soudainement la Fille-à-la-moue d’une voix bien différemment que précédemment.

*Poudlard ?*

Mon esprit s’agita brutalement, envoyant une décharge dans mon coeur puis dans mon corps. Je me redressai avidement, arrachant ma main de la tasse et oubliant instantanément l’odeur de Ricke. Le rythme de mon coeur s’accéléra, encore et encore, s’agitant dans ma poitrine comme un monstre avide de liberté. Mon souffle qui s’était coupé commença à me manquer et je pris une grande respiration, accrochant mon regard sur la jeune fille qui en avait fini de me voir. Elle me paraissait tout autre dorénavant. Elle avait encore cette profondeur dans les yeux et cette banalité agréable, mais il y avait ce petit quelque chose qui la grandissait et que l’attirait à moi : son Savoir. Ce n’était pas une simple enfant ; pas une simple fille. C’était une élève et elle étudiait à Poudlard. Elle et moi n’étions pas semblables. Elle était là-bas quand j’étais ici. Ce soudain rappel me jeta dans les abysses de mon désespoir. J’avais tant perdu et sans aucune raison.

*Poudlard…*

Incapable de soutenir plus longtemps le regard qui ne me regardait pas de cette enfant qui avait tout quand je n’avais rien, je baissai la tête sur ma tasse fumante. Les volutes de vapeur imprégnèrent mon nez puis mon visage ; je fermai les yeux puis, en songeant à Papa, je laissai les odeurs envahirent mes sens et mon âme. L’odeur de la citrouille et du chocolat. Elles me rappelaient des souvenirs qui n’avaient pas de noms mais qui avaient une force chavirante. L’odeur finit par se mélanger à moi et elle disparut totalement.

Autour de moi, le monde était le même. La fille regardait toujours mon frère, Ricke agitait toujours mollement ses feuilles et Narym regardait toujours la fille. Je le regardai lui, encore, les yeux palpitants et le coeur s’affaissant. Je regardai ses joues et les prémices de ses lèvres, une peine incompréhensible dans le coeur. Cette journée, si on ne comptait pas l’épisode Aodren, m’avait permis de ne pas songer à Poudlard *à Charlie* ; tout m’était revenu avec force.
Soudainement je levai ma tasse pour la porter à mes lèvres ; je devais retrouver le cours de cette journée.

« Ah ? Ca va mieux maintenant, Aelle ? »

Je relevai la tête sans avoir pu toucher le liquide de mes lèvres. Je regardai Narym et croisai son regard ; puis je regardai la fille. Je n’avais aucune idée de ce dont il pouvait parler mais cela n’avait pas d’importance. Il me fallait être la Aelle-de-cette-journée et non la Aelle-d’hier. Aujourd’hui était si bon.

« Ouais, » dis-je. Ma voix me parut anormalement grave mais mon coeur avait cessé de m’effrayer alors les choses ne pouvaient qu’aller mieux, n’est-ce pas ? Les frissons avaient quitté ma peau. Ne restait plus qu’un tiraillement dans l’arrière de mon crâne qui me rappelait que cette fille venait de Poudlard et que Poudlard était ce que j’attendai.

« Elle va mieux, je te remercie, » sourit Narym à l’enfant.

Enfant du Savoir et du regard. Mon coeur tremblait quand je la regardai et je décidai de ne pas m’en faire. Narym était le maître de mon jeu et cette fille serait son choix. Moi je n’étais que les yeux, je regardai et j'acquiesçai. C’était ainsi que la journée avait été si agréable.

« Tu ne nous dérange pas, ne t’en fait pas. Tu es seule ? Souhaites-tu rester avec nous ? »

Je ne pus m’empêcher de tourner la tête vers Narym, sans savoir ce que je devais ressentir. Il y avait mon esprit qui voulait rester seule avec la chaleur de mon frère et il y avait mon corps qui acquiesçait à ce qu’il disait, qui me répétait sans que je ne puisse le faire taire la litanie qui était la mienne depuis février : *Poudlard*.

Ah, Poudlard, je le haïssais de tout mon être et j’avais pourtant la douloureuse conscience de l’aimer plus que nécessaire. Lui et ce qu’il cachait.

« Ca te dit, Ely ? »

Les yeux miel de Narym se collèrent à ma peau et l’odeur qui s’échappait de sa peau glissa dans mon nez. Comme Papa je respirai et comme Papa je souris en sentant Narym. J’avais une journée à retrouver et c’est avec exaltation que j’agissai :

« Bah ouais, » fis-je de ma voix rauque en regardant la fille dans les yeux. « Reste. »

Elle avait sa place sur le banc face à nous. Elle avait sa place comme les murs avaient leur place autour de nous ou que la chandelle qui voletait au-dessus de notre table. Qu’elle soit là ou non, moi j’étais présente. Mais, se rappela mon esprit, si elle est là, elle amène Poudlard avec elle.

Je crois que c’était une bonne chose. Un sourire absent se dessinant sur mes traits, je plongeai ma tête dans ma tasse et je fermai les yeux lorsque le liquide épais toucha mes lèvres et coula dans ma gorge.

11 août 2018, 16:47
Volupté  Libre 
Mes paroles eurent encore un effet différent chez la fille. Je continuais de l'observer du coin de l'oeil et elle sembla s'agiter. Qu'avais-je dit pour que soudainement elle veuille bien me regarder? Ca ne pouvait être le fait de dire que je partais puisqu'elle n'avait pas semblé être pressée de me retenir quelques minutes plus tôt. Le fait que je dise que l'on ne se connaissait pas vraiment? C'était vrai non? Nous ne nous étions jamais vues avant aujourd'hui et nous avions à peine parlé cinq minutes. Et encore, j'avais parlé toute seule et elle m'avait remballée. Elle savait déjà que j'étais venue la voir parce qu'elle n'avait pas l'air bien. J'avais parlé de Poudlard mais je ne voyais pas très bien en quoi cela serait source d'une telle réaction. Si elle avait été une cracmol peut-être, mais son frère avait l'air de dire qu'elle étudiait aussi dans l'école de sorcellerie. Franchement, cette fille était très bizarre.

Toujours est-il qu'elle semblait prise... D'un profond désespoir? Mais pourquoi? Que-ce qui pouvait provoquer tant de tristesse chez elle? A l'instar de ma pulsion lorsque j'avais fait un câlin à Katy qui avait été si gentille avec moi, j'avais envie de la réconforter. Je ne comprenais pas pourquoi mes paroles l'avaient rendue si triste, mais je voulais la voir heureuse bien qu'elle était une inconnue. Une inconnue avec un regard tellement puissant et avec qui j'avais déjà partagé plus d'émotions qu'avec la plupart des gens que je connaissais. 

L'homme n'avait même pas eu l'air de se rendre compte que ma mystérieuse inconnue s'était sentie mal. Pourtant ça se voyait non? Comment avait-il pu louper cela et comment pouvait-il être encore si proche d'elle alors même qu'il n'avait pas l'air de se soucier de sa santé? Il ne méritait pas d'avoir son attention et ses regards. 

« Elle va mieux, je te remercie, » dit-il en me souriant.

Mais moi, je ne voulais pas que lui me parle, je voulais qu'elle me parle. Je voulais que ses mots soient adressés à moi. Je voulais son attention. C'était moi qui m'étais enquis de sa santé, alors pourquoi lui répondait-elle à lui. 

« Tu ne nous dérange pas, ne t’en fait pas. Tu es seule ? Souhaites-tu rester avec nous ? »

Je regardais timidement la fille cherchant son approbation du regard avant d'accepter quoi que ce soit. Je ne voulais pas m'imposer, mais en même temps j'espérais qu'elle serait d'accord. La raison première qui m'avait fait venir lui parler en dehors du fait qu'elle n'avait pas l'air bien était que je me sentais seule, j'avais vraiment besoin de compagnie, j'avais vraiment besoin de trouver des personnes qui m'accepteraient. J'avais besoin qu'on s'occupe de moi.

J'eus l'impression que son visage s'adoucissait tout d'un coup. Je ne comprenais vraiment pas. Une fois elle était intriguée par moi, puis distante, puis énervante, puis elle m'avait ignorée, avait été à nouveau distante, avait eu l'air triste et maintenant elle avait l'air d'attendre quelque chose de moi et d'être simplement amicale. C'était à n'y rien comprendre et j'avais moi-même du mal à suivre l'évolution de mes émotions. C'était comme si nous étions dans une bulle qui envoyait à chacune de nous des émotions aléatoires. Je ne savais plus si j'étais énervée, fascinée, si j'avais envie de rester ou non. Tout se mélangeait dans ma tête.

Je regardais tour à tour les deux acteurs de ma journée et finis par m'asseoir sur le banc en face d'eux. J'étais descendue pour chercher un truc à manger mais je ne ressentais plus cette faim qui me tiraillait quelques dizaines de minutes plus tôt. Tout avait changé.

" Merci, c'est gentil. Je suis toute seule, ma soeur m'a abandonnée... Comme d'habitude," ajoutai-je dans un murmure sans savoir si quiconque avait pu entendre mes paroles dans le brouhaha ambiant du Chaudron Baveur.

Je ne cherchais pas à ce qu'on me prenne en pitié. J'avais accepté depuis longtemps ma vie solitaire de petite fille. Après la discussion que j'avais eue avec Alyssa, j'avais passé mes journées à lire, attendant avec impatience ma rentrée à Poudlard. J'avais essayé de pénétrer dans le bureau de mon grand-père pour trouver des informations sur mes parents, mais je n'avais jamais réussi à l'ouvrir, sans baguette, je ne pouvais absolument rien faire et ce n'était pas Aly qui allait m'aider à percer le mystère. Elle semblait mettre toutes les fautes sur mon dos, se fichant pas mal de ce que je pouvais ressentir. Alors, quand son premier copain l'avait plaquée je m'étais moquée d'elle et nous étions depuis rentrée dans ce jeu sans pouvoir en sortir. Ce jeu toxique où elle me rabaissait et où je me moquais d'elle. A Poudlard, je ne l'avais pas rencontrée beaucoup, il faut dire que je m'attarde rarement dans les endroits bondés.

Mais ici, c'était différent, j'avais envie d'être une petite fille comme les autres. Je voulais être comme la petite fille dans la famille là-bas qui fêtait visiblement ses dix ans avec ses parents frères, soeurs grands-parents. Je voulais être comme mon inconnue qui sortait visiblement avec un frère ou un cousin. Je ne voulais plus être seule. Je voulais une famille moi aussi.

 " Je m'appelle Ebony. On est censés être ici pour passer quelques jours à Londres pour fêter mon anniversaire, mais mon grand-père avait du travail et ma soeur bah... Elle est allée retrouver des potes. "

Ma dernière phrase sonnait d'un ton amer. Même si nous ne nous entendions pas très bien j'avais secrètement espéré qu'elle voudrait bien passer un peu de temps avec moi. Je ne savais pas pourquoi je leur racontais tout cela, probablement que j'avais besoin d'évacuer, mais je ne voulais pas avoir l'air de venir seulement pour de la pitié alors je me forçais à ajouter :

 " Mais, c'est pas grave, au moins je peux choisir ce que je veux faire! "

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.