Aux origines des pépiements

Dehors, le temps était maussade, selon elle la pluie finirait par tomber, et pas qu’un peu. Mais d’ici là, elle pouvait continuer de bavarder, et cette fois pour de bon.

- Tu les as trouvés comment les cours de vol ?

De tous les cours, c’était celui-là qui avait le plus déçu Circéia. Elle s’était rendu compte que la magie n’est pas toujours très facile (sautebuisson, un jeu bien fait pour toucher très vite ses propres limites) et elle sentait que la professeure se méfiait d’elle. Circéia était comme ça, quand le premier contact se passait mal, elle avait du mal à y revenir. Et sa première note l’avait déstabilisée. Les commentaires infondés, dont certains étaient vraiment tranchants, elle ne les avait pas digérés. Et avait du coup fait, sans aucun plaisir, le deuxième devoir, comme une punition qu’il faut expédier sans en tirer le moindre enseignement. Pourtant, elle se sentait très à l’aise avec un balai, si elle avait eu un tout petit peu plus de liberté, le droit de franchir les obstacles plus rapidement, tout se serait passé au mieux. Elle faisait l’expérience, sans vraiment s’en rendre compte, du déplaisir que l’on éprouve quand les choses vont trop lentement. Circéia ne savait pas comment les choses s’étaient passées pour Mary mais elle voulait surtout savoir ce qu’elle avait pensé de la personne qui enseignait.
Elle regardait Mary avec un sourire aux lèvres, du genre à signifier : peu importe ce que tu réponds tant qu'on s'amuse ensemble.

Mary était soulagée dès le moment ou elles avait fini par quitter la bibliothèque, se rendant dans le parc. Le temps avait énormément changé, l'énorme soleil illuminant les rangées de livres avait fait place à beaucoup de nuages gris pouvant exploser à tout moment. Elle ne savait absolument pas comment redémarrer la conversation, heureusement elle n'en eu pas besoin car Circéia réorienta la discussion vers les cours de vol. Mary avait eu un très bon aperçu des cours de vols, elle ne se sentait pas très à l'aise sur un balai, mais la sensation de voler était magnifique ! Elle adressa un grand sourire en retour à celui de Circéia et répondit, enthousiaste :

-Je les trouvés vraiment bien ! La professeure a beau être assez stricte, j'ai vraiment bien aimé ses cours. Tiens et toi, comment a tu trouvé les cours de Botanique, il m'ont fasciné !

Ce qui, en soi, n'était pas totalement faux et Mary ayant toujours été bonne élève, écoutait toujours le cours mais les plantes racontées par les professeurs était vraiment moins intéressantes que ce qu'on en disait dans les grand livres de Botanique. Mary se dit qu'elle aimerait bien découvrir qu'elle était la matière préférée et détestée de sa camarade mais se dit que si on lui posait la question en retour elle n'aurait pas grand chose à répondre. Elle était émerveillée de tout ce qu'elle voyait et n'arrivait pas à déterminer un ordre de préférence tellement elle avait envie de tout apprendre ! Perdue dans ses pensée elle se dit soudain qu'elle devait faire une tête étrange devant les autres et revins rapidement sur terre...

 
- Ah la botanique….

Circéia devait reconnaître qu’à son grand étonnement, la botanique lui plaisait. Evidemment, avoir des…. Ascendances dans le domaine peut aider… et elle avait peur au départ d’être vue par le professeur de la matière comme la fille de…, le rejeton. Un rejeton, et rien de plus. Mais il n’en avait pas été ainsi. A aucun moment Circéia ne s’était retrouvée avec une pancarte dans le dos : « ceci est le fille d’Emily ALEKHIN", la sorcière passionnée de plantes insignifiantes, qui préférait écrire des milliers de mètres sur des fleurs inutiles plutôt que de remplir une réelle fonction dans le monde des sorciers. Pour couronner le tout, ses notes étaient plutôt flatteuses, sans qu’elle ait un gros effort à fournir. C’était un paradoxe, les matières qu’elle redoutait le plus, elle y excellait. D’où un certain agacement chez elle mais elle y trouvait aussi une source de motivation.

- J’aime beaucoup les cours. Je comprends tout de suite ce que l’on me demande et l’ambiance est sérieuse mais détendue… la professeure sait y faire pour être écoutée sans obtenir le silence par la peur !

Elle eut alors une idée.

- Viens voir, je vais te montrer quelque chose.

Quelques jours plus tôt, Circéia avait trouvé dans le parc une plante qu’elle connaissait par sa mère, un crocus d’automne. Il pouvait être cueilli sans danger et ses pétales prenaient l’exacte couleur de la personne qui la tenait en mains….
Deux minutes après, elle avait emmené Mary au pied d’un saule des plus normaux, qui abritait une plaque entière de crocus d’automne. Quand elle en cueillit un, il était noir comme sa chevelure, elle le tendit à Mary et lui dit.

- Prends-le et regarde bien…

Mary suivit docilement Circéia jusqu'à un saule, et regarda son amie cueillir une plante à ses pieds. Elle se releva et lui tendit une jeune pousse noire. Mary était absolument sûre et certaine de l'avoir déjà vue quelque part, dans un livre certainement... Elle pris la plante sous les conseil de sa camarade et ne put retenir un sursaut quand, soudain, la plante pris la couleur de ses cheveux, un marron foncé, carrément brillant sous le peu de soleil qui filtrait encore entre les branches de l'arbre. Elle regarda le plant avec des yeux ronds sans vraiment comprendre ce qu'il venait de se passer. Puis elle se souvint où est-ce-qu'elle avait déjà vu cette fleur.

-Oh je sais ! Je l'ai lu dans un manuel de botanique à la bibliothèque, juste après le premier cours. En revanche j'ai un total trou pour son nom... C'est, genre... Un truc d'automne non ?

Oui, l'utilisation de "truc" n'était absolument pas nécessaire, mais Mary essayait toujours de retenir un maximum de choses de ses lectures et au moment ou il se passait quelque chose d'aussi spectaculaire juste devant elle, voilà qu'elle avait oublié ! Elle se maudissait intérieurement essayant tous les nom de plantes qu'elle connaissait ou bien qu'elle avait pu, même survoler mais aucun ne collait. Elle finit donc par laisser tomber, se disant que de toute manière elle aurait la réponse dans quelques secondes à peine, lançant un regard interrogateur à Circéia.

- Un crocus d’automne oui…. Je me demande comment il fait pour se coordonner si vite à nos cheveux… et pourquoi les cheveux ? Et par quel moyen magique… C’est génial non ?

Circéia se trouvait dans une contemplation béate du moment. L’après-midi touchait à sa fin, elles iraient dans une petite heure manger et retourner dans leur maison respective mais entre-temps, elles pouvaient encore goûter ce moment suspendu dans le temps, le genre de secondes qui forgent la suite.

- Tu crois qu’une Serpentard peut être amie avec une Gryffondor ?...

Elle n’avait de son côté pas encore intégré les rivalités existant entre les quatre maisons. Pour La miss, ce genre de choses était inconcevable, même si la compétition faisait partie des échecs, un seul roi reste debout à la fin, toujours, elle ne voyait pas Poudlard comme cela. Elle pouvait craindre la réaction de quelqu’un qu’elle connaissait à peine mais sans oser, on ne découvre jamais ce qui se trouve de l’autre côté.

- Parce que moi j’aimerais bien…

Circéia marchait un peu en avant de Mary, leur permettant une porte de sortie à chacune si la réponse était négative. Elle avait appris cela en Russie ; toujours laisser à autrui une porte de sortie, ne jamais l’enfermer dans une situation qui le rende esclave de celle-ci. Elle marchait doucement, se demandant même si en tenant le crocus à deux, elles auraient une fleur avec des pétales des deux couleurs.

Les filles recommencèrent à marcher tranquillement dans le parc, Mary écoutant attentivement les explications de son amie sur le crocus d'automne. Plus elle entendait parler de cette fleur plus elle la fascinait. Soudain Circéia posa une question. LA question. Mary avait tellement aimé cet après-midi qu'elle n'y avait même pas songer une seconde. C'était vrai ça, une Serpentard amie avec une Gryffondor, ou inversement... La brusque réalité la frappa au visage, comme un coup de poing. Mais ce dont était sûre la Gryffondor c'est que pour rien au monde, et certainement pas pour une stupide "rivalité", elle ne gâcherai cette amitié naissante ni cette sensation de bien-être qu'elle avait quand elle se trouvait avec Circéia. Mary se connaissait et savait que la Serpentard était parfaitement le genre de fille avec qui elle adorait avoir des conversations, sympa, cultivée, elle s'en voudrait trop de perdre la seule personne qui lui ait vraiment montré autant de gentillesse jusqu'ici. Cette réflexion excluait bien-sûr les filles dans le même dortoir que Mary, mais cette dernière était toujours restée en retrait, par excès de timidité, pensait-elle, mais là encore c'était différent. Elle répondit alors ce qui lui paraissait le plus juste.

-Moi aussi, j'adorerais. Et puis, je pense que oui. Même malgré tout "ça". Si deux personnes veulent devenir amie et bien qu'elles le fassent si c'est ce qu'elles veulent vraiment.

Mary ne savait pas bien si elle s'était faite comprendre, mais au moins elle l'avait dit à quelqu'un et se sentant plus légère elle se rapprocha de Circéia, refermant un peu l'espace entre elles.

Circéia ne put s’empêcher de décocher un grand sourire. Ces choses-là ne se décident pas, elles arrivent. S’imposent à nous et nous donnent par courtoisie l’impression que nous avons décidé de ce qui nous arrive. Alors que c’est juste l’alchimie de la vie.
La fin de l’après-midi, finalement très courte car il n’en restait presque plus, fut un long moment en apesanteur. Et il fallut se résigner à retourner à la salle commune, le repas allait être servi et il ne fallait pas arriver en retard, c’eut été impoli. Les deux enfants avaient peu parlé, c’était une situation étrange que de vivre un silence qui ne gênait pas. Circéia en vint à penser qu’elles n’en avaient pas forcément besoin. C’est une erreur de croire que les enfants ont peur du silence, ou alors elles n’étaient déjà plus tout à fait si petites que leur taille le suggérait. Deux crocus venaient de percer la neige qui les retenait jusque-là dans le monde des petits. Ces crocus-là étaient aussi des crocus d’automne, puisqu’ils étaient apparus à cette saison. Mais ils… elles étaient davantage.
Juste avant de rentrer dans le château, Circéia fouilla fébrilement dans sa poche. Elle avait toujours sur elle une pièce de son premier jeu d’échecs, une forme de talisman. Le temps était venu de l’utiliser.

- Tiens ! Piochka n’a pas de pouvoir magique mais c’est quelque chose auquel je tiens beaucoup.

Circéia en avait quinze autres. Mais pour toute une vie. Elle estimait le temps venu de commencer à donner. Il faut bien faire confiance un jour...


Fin du RP