L'atmosphère commence à se détendre, l'air est plus léger et le cœur d'Edna moins lourd. Sa respiration et son rythme cardiaque peuvent enfin ralentir. Tout allait bien. Jenny semblait quelqu'un de gentil et de compréhensif. Pour Edna la situation n'était pas encore tout à fait claire, mais la tournure des événements ne présageaient rien de mauvais. Tout du moins, c'est ce qui lui semblait à ce moment précis. Elle se laisse baisser la garde doucement.

- C'est vrai que c'était chouette.

Elle continue de jouer un moment avec son petit morceau de bois et finit par le jeter à terre. Leurs pas ralentissent, Edna ralentit avec. Elle qui avait du mal à regarder Jenny dans les yeux depuis le début s'y tente enfin. Tout en continuant de marcher lentement, elle plante son regard dans celui de sa nouvelle rencontre. Elle attend qu'elle lui rendre son regard. Edna aimerait lui poser encore des centaines de questions quant à cet échange de lettres enflammé mais elle ne savait pas ce qui était acceptable ou pas. Peut-être que ce serait trop gênant. Pour les deux. Peut-être qu'elle ne pouvait pas poser toutes les questions qui lui passaient par la tête. Que diraient ses parents ? Oh, et puis mince ! Il fallait qu'elle sache !

- Jenny... Je peux te poser une question ?

Sans réellement attendre l'approbation de son interlocutrice, elle s'arrête et regarde quelques secondes le sol avant de replonger son regard dans celui de Jenny.

- Qu'est-ce que ça voulait dire tout ce que tu écrivais ? De quoi il était question ? Qu'est-ce que tu attendais... ?

Elle ne tient pas plus longtemps. Impossible de soutenir le regard plus. Elle venait de poser trois questions. Trois questions qui pourraient avoir l'air d'un interrogatoire pour la jeune fille. Trois horribles questions si elle était mal à l'aise ou si elle était timide, ou encore pudique quant à ses sentiments. Edna était vraiment la reine des andouilles qui mettent les pieds dans le plat. Quel chic.

Alors que nos pas se faisaient plus lents et nos respirations plus calmes Edna m'acheva. Elle croisa mon regard, puis resta ancré dans celui ci. Nous nous sommes arrêtées ,je l'ai regardé avec interrogation. Ma tête se pencha d'elle même légèrement sur le côté. Elle me demanda qui elle pouvait me poser une question, j'hésitait a répondre que c'était la question la plus bête qui puisse être posée et écoutait ce qu'elle avait vraiment à me dire.

Trois questions pour une réponse . Rien de compliqué.... Et pourtant , en me posant ces questions elle fis naître des interrogations en moi aussi. Que pouvais-je répondre à ça ? Quand j'ai commencé a écrire ces lettres j'avait une intention concrète, prendre contact avec cette fille... l'autre.Je peut l’appeler par son prénom ; Cassiopée. Eh bien oui j'avais voulu prendre contact avec elle mais ce n'était plus d'actualité. Je lui avais parlé, et j'avais compris que la beauté n'était pas toujours représentative du point auquel une personne pouvait nous plaire sur le plan intellectuel. Quoi qu'il en soit je ne pouvais parler de sentiments surtout passés a voix haute alors pour me faire comprendre tout en restant franche j'expliquerais simplement les choses comme elles sont sans mentionner de constellation.

-Ben c'est juste que...

Mes mots se perdirent en chemin et je rougis malgré moi. Ce qui me paraissait simple me demandait soudainement un effort surhumain.

- J'aime bien , charmer on va dire... Mais la fille a qui j'écrivais n'est plus d'actualité enfin je pense qu'on me reverras pas de si tôt a poster des lettres anonyme de cette manière.

Jenny met du temps à répondre. Un temps qui semble infini à Edna. Elle avait pu ressentir chaque secondes passées à la regarder et voir chaque pigment de sa peau virer au rouge. Lentement. Sans qu'aucune des deux ne puissent rien y faire. Edna la regarde, l'observe même. Elle qui n'avait depuis le début pas vraiment osé plonger son regard, poser ses yeux sur chaque grain de sa peau. C'est la première fois qu'elle la voit. Jenny est jolie. Ses cheveux sont longs et fins. Elle se demande l'odeur qu'ils ont. Edna s'arrête ensuite quelques instant sur son menton. Elle le trouve droit, précis et bien dessiné. Jamais elle ne s'était attardé si longtemps sur un menton. Elle pense que si Jenny savait tout ça, elle la mettrait mal à l'aise. Elle revient donc à ses yeux. Encerclés, encadrés par ses verres. Elle les protège. Elle se cache derrière. Elle vit derrière son écran. Ses lunettes avaient vu avant Jenny ses lettres. Ses mots. Quelle vision étrange. Si ses lunettes avaient mal lu ?

Jenny répond enfin. Elle tire Edna de ses pensées. Bonne idée. Ok, elle aimait bien «charmer». Et la personne à qui elle croyait parler et à qui elle envoyait ses lettres enflammées n'était «plus d'actualité». Triste sort pour l'autre fille. Le game over avant même d'avoir pu jouer. La pauvre. Edna ne savait pas si elle avait réellement sa place dans cette situation. Elle était perdue.

- J'espère bien que la prochaine fois que tu enverras du courrier ce sera à la bonne personne oui. Peut-être me sera-t-il cette fois vraiment adressé ? On sait jamais...

Je réfléchis au sens des paroles d'Edna... Quel pouvait-il être en réalité ? J'avais tourné tout les sens possibles et imaginables dans ma tête et au final ça pouvait être à double-sens, même à triple-sens, à multi-sens, à contre-sens. J'hésitait , cherchais mes mots pour répondre juste. Je ne pense pas que je m'aventurerais à nouveau à envoyer des lettres de ce genre à qui que ce soit. J'écrirais certainement pour moi, trop peureuse pour m'aventurer à nouveau à partager mes mots avec d'autres.

Je fis un sourire sûr de moi à ma camarade. " Un jour peut être... Je ne penses plus écrire avant un moment après cette mésaventure. Pas que je considère notre rencontre comme une mauvaise chose mais je suis très mal à l'aise de ce que tu as pu lire."

Je marchais plus lentement, hésitant quand à la suite des événements. Allais-t-on devoir partir chacune de notre côté désormais ? J'était perdue, je ne savais plus quoi faire. J'était comme coincée désormais, embourbée dans des ennuis que je m'était attirée seule. Cette fille qui était là a discuter avec moi je ne pouvait même pas avoir la moindre idée de ce qu'elle pensait. Aucune idée non plus de ce quoi elle pensait en me faisant part de son envie que je lui écrive encore... Elle devait vouloir que je lui envoie des lettres amicales certainement...ce devait être ça oui.

Tout à coup, Edna a froid. Elle se met à avoir la chair de poule, tous les poils de son corps se hérissent. La température a-t-elle baissé ? Ou est-ce juste un courant d'air un peu trop frais entre elles ? Le froid lui brûle les entrailles. Jenny s'était éloignée d'elle en moins d'une seconde. Elle semblait désormais à des kilomètres d'Edna. Devenue un glaçon, presque instantanément. Pourquoi lui répondait-elle si sèchement ?

Elles étaient plantées là, les pieds bien ancrés dans l'herbe humide.
Alors que son angoisse commençait à diminuer et que la pression semblait retomber, celle-ci revint immédiatement. "Mal à l'aise" de ce qu'elle avait pu lire ? Certes. Ce n'était pas pour elle. Mais Jenny avait tenu à la rencontrer, à la voir en chair et en os. Et pourquoi ? Pour maintenant lui dire en face qu'elle était "mal à l'aise" quant à ses propos ? Et enfin, "cette mésaventure". Quelle condescendance. Jenny osait lui envoyer ça à la figure après tous leurs échanges ? Ses pieds sont gelés, l'herbe est trop froide. Tout est trop froid. Mais Edna voit rouge. Vert aussi. Elle a envie de vomir.

Respire.

- Ouais. Trop dommage que tu refasses cette erreur ouais.

Respire. Respire. Edna ouvre le bal. Elle tire la première balle. Mais il faut qu'elle se reprenne. Vite. Avant que ça ne dégénère.

- Mais je comprends pas, pourquoi t'as écrit toutes ces choses si maintenant tu as honte à l'idée que je puisse les lire ? C'est parce que tu es déçue que ce soit moi c'est ça ? Tu attendais quelqu'un d'autre ? Tu aurais pu l'afficher immédiatement sur ton visage tu sais ! Et je serais partie tout de suite. Au lieu de ça, on parle, on est là, dans le froid le plus total et tu m'envoies en pleine figure que tu regrettes ? Que plus jamais tu ne feras cette erreur ? Ben pas de problèmes, je vais te rendre toutes tes lettres. Au moins je ne pourrai plus les lire comme ça ! Tu n'auras plus honte de rien ! On fait ça ? Tiens !

Edna sort de l'une de ses poches toutes les lettres de Jenny, qu'elle gardait au chaud jusqu'alors. Elle les prend avec précipitation, les regarde une dernière fois, et, alors que des larmes lui montent aux yeux, elle les jette au visage de Jenny.

- Tiens, les voilà. Toutes. Tu peux les compter. Tes fichues lettres anonymes. Tu peux les relire, ou les envoyer à quelqu'un que tu aimeras mieux !

Respire. Edna s'arrête. Elle ne sent plus le froid. Elle ne sent plus le chaud. Elle ne sent plus rien.

Je vis son attitude changer du tout au tout. J'eu un mauvais pressentiment en la voyant perdre toute trace de bienveillance sur son visage. Avais-je dit quelques chose qui lui avait déplu ? Oui. Oui et je le sût après quelques secondes quand une vague de mots se mit à me fouetter avec violence. Comme plongée dans l'eau je ressentit soudainement un grand froid en moi. Un pincement au cœur, ma gorge qui se serre. J'eu du mal à les subir ces paroles. Sa vague salée qui visiblement ne demandait qu'a sortir.

Que pouvais-je répondre à ça ? Elle avait raison certainement, son ton fâché m'avait perdu. Il me fallut plusieurs secondes pour interpréter ses paroles. Elle me tendait mes lettres désormais. Je les fixait avec frayeur. Ma gorge se serra de plus belle et mes yeux me piquèrent. Elle avait déversé sa vague je laissais couler mon torrent. La sienne était de paroles le miens était de larmes. Tout de même j'essayais de ma voix brisée de lui parle.

- Mais... non je...voulais pas dire ça... j'Veut pas les reprendre...

Je reniflais bruyamment puis me tournait pour lui faire dos. Je ne pouvais pas assumer plus longtemps les larmes qui mouillaient mon visage. Je plongeais dans le creux de mon bras et m'y cachait fermant les yeux comme si le noir que je voyais me cachait du regard de l'autre.

A la seconde où elle voit Jenny recevoir tout son courrier au visage, Edna comprend qu'elle va trop loin. Qu'elle n'a pas le droit d'agir comme ça avec elle, qu'elle ne la connaît pas, qu'elle se laisse emporter par une colère qui n'a pas lieu d'être. Elle s'en rend compte alors que Jenny ne se défend pas, qu'elle ne se couvre pas même le visage face à toutes les lettres qui volent dans sa direction et que ses yeux commencent à s’inonder de larmes. Comment la Gringot pouvait-elle être si violente ? Elle qui était habituellement calme et loin de toute émotion forte. Mais la bête était réveillée.

Au moment où Jenny pleure, Edna la trouve très belle. Celle-ci prononce quelques balbutiements qu'Edna a de la peine à saisir. La petite brune lui tourne le dos. Elle ne la regarde plus. Elle se protège, et c'est bien compréhensible.

Toutes les lettres arrivent au sol. On n'entend plus que la respiration bruyante de Jenny. Edna commence à s'en vouloir, elle ne s'attendait pas à une reaction de la sorte. Elle pensait que Jenny s'emporterait avec elle, ou qu'elle lui prouverait le contraire, qu'elle lui montrerait un peu d'intérêt, d'attention.. Au lieu de ça, elle s'était tournée.

Edna ne dit plus rien. Elle se baisse, et ramasse toutes les lettres éparpillées. Certaines s'étaient envolées à quelques mètres d'elles. Mais elle les récupère toutes. Elle s'assoie ensuite par terre, en tailleur. Les lettres dans ses mains. Elle en prend une au hasard, la déplie et la relit. Elle laisse alors échapper une larme qui tombe directement sur l'encre de Jenny. Elle ne comprend pas comment ces mots, si doux, pouvaient venir de la fille qui lui faisait dos.

Derrière moi plus rien, silence radio. Le vent souffle sur mes cheveux et découvre mon visage, il sèche froidement mes larmes et je ne peut plus que me retourner pour faire face au monstre dont je suis la créatrice. A ma grande surprise la fille est calme, elle est assise au sol et a ramassé les lettres qu'elle venait de jeter. Je vis une larme rouler le long de sa joue et tâcher mes écrits.

Je tremblais, mon cœur se serrait d'effroi devant cette scène. Mais qu'avait-je fais ? La culpabilité de tordait la poitrine. Que pouvais-je faire à présent pour réconforter cette jeune fille à qui je ne voulais aucun mal ? Je me rapprochais d'elle doucement et m’acroupis à ses côtés.

- Ne pleure pas, je n'en vaut pas la peine. Peut-être qu'un jour qui sait je te réécrirai, des lettres exclusivement pour toi cette fois.

Pensant en avoir dit assez je me relevai et la regardais une dernière fois une boule dans la gorge. Ne sachant plus que faire je me promis de lui écrire à nouveau un jour et fit demi-tour une dernière fois me dirigeant vers le château le cœur lourd de peines et de regrets. J’espérais presque un instant qu'elle me poursuive me rattrape et me dise que ce n'était pas grave. Mais si c'était grave, je l'avais fait pleuré, j'avais brisé la barrière de ses limites émotionnelles brisant les miennes dans un même temps et rien était réparable désormais.

Perdue.
La partie était finie, et elle avait perdue.
Et elle était perdue, troublée. La situation avait si vite déparée. Comment en étaient-elles arrivées là ? Elle qui était venue chercher des réponses, elle allait repartir encore plus déboussolée. Et anéantie sans avoir rien demandé.

Jenny Poirrefresh. Un nom qui ne raisonnait pas pour elle quelques jours auparavant. Un nom qui risquait maintenant de lui hérisser le poil. Qui était cette fille ? Elle avait du bien s'amuser à la rendre folle.

Elle s'était levée, lui avait lancé que peut-être, un jour, elle s'adresserait à elle. "Exclusivement" à elle. Un coup de poignard supplémentaire. Elle avait été un pion. Échec et mat. Edna n'était pas unique. Elle ne l'avait jamais été. Elle se noyait dans un flot d'élèves surement plus belles, plus gracieuses et plus pimpantes qu'elles.

Game over Ed. Toi qui ne voulait rien, tu repars avec moins que ça. Quelle ironie du sort. Aller ma vieille, relève-toi. Sois forte. Apprend de tes erreurs passées, anticipe mieux la prochaine fois. Tu as mal jouée ton fou, et tu aurais dû te cacher derrière ton cavalier avant qu'elle ne lance sa reine te dévaster.

Elle est toujours assise, face à elle-même. Seule avec son ombre et les tas de papiers. L'autre s'en va, d'un pas mal assuré mais de plus en plus déterminée à mesure qu'elle s'éloigne. A chaque mètre, Jenny semble oublier ce qu'il vient d'arriver. Comme si de rien n'était. Elle va au devant, surement retrouver la personne à qui était adressées les lettres. L'autre. La blonde aux yeux bleus, son contraire sans doute.

Qu'allait-si se passer maintenant ?

Raise your weapon ♫