Son ventre claque. Sa tête gronde. Sa respiration est rouge.

Edna Gringot a peur. Edna Gringot n'a pas souvent peur, mais aujourd'hui elle aimerait être ensevelie ou être dans son lit bien à l’abri. A l'abri d'elle. De cette fille, de cette Jenny Poirrefresh. Pourvu qu'elle vienne vite. Qu'elle soit débarrassée.

Elle est en avance. Leur rendez-vous doit avoir lieu sous le plus grand sycomore du parc de l'école. Comme elle espère la voir arriver, elle se tient un peu plus loin. Elle guette l'horizon. Son cœur bat à tout rompre, et elle ne sait pas comment cette rencontre allait se passer.

Sans trop savoir pourquoi, Edna avait pris avec elle toutes les lettres qu'elle avait reçu par le petit hibou boiteux. Toutes pliées et contre elle, elle les tient fermement avec sa main. Elle espère avoir du courage, et croire en toutes les belles choses que Jenny avait pu lui dire sur le parchemin. Ces mots n'étaient pas pour elle, elle le savait très bien. Donc, de cette rencontre elle espérait surtout en sortir indemne. Physiquement bien sur, mais aussi psychologiquement. Elles ne se connaissent pas, et vu la passion dans ses lettres, Edna ne peut pas imaginer comment est la jeune fille quand elle est emportée par la colère.

Elle lève les yeux au ciel, et prend une inspiration profonde. Les arbres meurent, les feuilles tombent. Bientôt, le sol serait recouvert de toutes ces couleurs chatoyantes. La mort tapisserait le sol et ce serait beau. Pour se rappeler qu'elle est en vie, Edna s'allonge. Elle observe le haut du sycomore à quelques mètres d'elle. C'est calme. Le soleil réchauffe un peu l'air. Si elle n'avait pas les mains gelées par l'angoisse, le bien être l'envahirait.

Et voilà, j'avais tenu ma parole. J'étais au pied du sycomore ,en avance comme toujours. Pas question d'arriver la deuxième surtout pour la première impression. Quoi que ce n'était pas tout a fait notre premier rendez vous mais ce serait peut être le premier où elle viendrait si elle décidait finalement de le faire.

Dire que je suis stressée serait un euphémisme. Je sens que si mon cœur accélère encore ne serait-ce que d'un battement par minute il risque l'arrête complet. Je respire a fond. L'idée de respirer lentement alors que mon souffle est tremblant me rappelle les rendez vous chez le médecin. Quand il demande d'inspirer profondément et que pile a ce moment il nous est impossible de prendre une respiration ordinaire. L'air ne veux pas atteindre le fond de mes poumons et ma respiration est partielle. Après tout ce n'est pas n'importe qui que je rencontre , c'est Elle. Celle qui avait violé peut être plus que des mots ,mon intimité. Oui la première chose qu'elle avait vu de moi était une chose qu'elle n'aurait jamais vu si nous étions simplement devenues amies. Rien ne c'était passé normalement et ça a cause d'un hibou trop maladroit pour envoyer mes lettres a leur véritable destinataire.

Mais au fond avec le temps je crois que c'était devenu elle, la véritable destinataire. Et l'autre...l'autre j'avais complètement oublié son existence car seule comptait désormais la personne qui m'avais lu et porté attention. J'attendais donc patiemment son arrivée , et si elle ne venait pas peut être pourrais-je me décider a renoncer.

Oh mince alors, elle est là. Elle est en avance. Moins qu'Edna, mais quand même en avance. Incroyable. Malgré le fait qu'elle se soit retrouvée seule pour leur première rencontre, elle avait tout de même fait un effort pour essayer d'être sous le sycomore avant Edna. Ce qui, en soit, était réussi puisque notre jeune amie n'était pas tout à fait sous le grand arbre. Elle était trop angoissée par le rendez-vous pour s'en approcher plus près. Mais maintenant que Jenny n'était plus qu'à quelques mètres de l'arbre, il était temps qu'elle prenne une initiative. Elle ne peut pas la laisser seule plus longtemps. Pas une nouvelle fois.

Alors elle se lève. Sa tension avec. Elle tente de calmer sa respiration et de canaliser ses émotions. Ce n'est pas chose simple. Quoiqu'il en soit, alors qu'elle se concentre sur l'intérieur de son corps, elle avance. Ses pieds avancent sans elle, par habitude. L'herbe est mouillée, les feuilles mortes ne craquent pas encore sous son poids.
Elle espère que ses pas semblent assez assurés vu de l'extérieur. Jenny ne l'a toujours pas vu, Edna tente de ne pas faire trop de bruit. Elle se rapproche, arrive silencieusement dans son dos. Jenny n'est plus qu'à quelques pas. Si elle tend un bras, elle peut la toucher. Edna commence alors à sentir son odeur : un doux parfum se dégage de la jeune fille. Peut-être son shampoing.

Tout à coup, elle se fige. Ses pieds ne se décollent plus du sol. Edna sent presque sa chaleur maintenant. Elle ne sait pas tout de suite comment l'interpeller. Elle ne veut pas lui faire peur mais elle aimerait quand même bien qu'elle puisse la voir sans trop la surprendre. Pourvu qu'elle ne soit pas trop choquée, pas trop déçue, pas trop triste...

Elle se racle la gorge et tente de sortir un mot, juste un seul suffira pour l'instant.

- Jenny ?

Alors ? Elle ne venais pas ? Je m’inquiétait pour rien, notre rendez vous n'était que dans quelques minutes , elle serait là. Soudain je sursautait...ok bon finalement elle était là. Mon prénom...ah c'est vrai qu'elle était venue pour moi... Mon sang palpita un instant et je me relevais. Le décor devint flou en un instant comme si la destinée elle même ne voulait pas que je la vois... oh mes lunettes étaient simplement restées au sol lorsque je m'était levée. Je les ramassais puis les enfilaient pour faire face a la jeune fille.

-Aaah.. Salut ! Je crois que je ne connais pas ton prénom...

Oh mais pourquoi j'ai dis ça ! ça ne va pas du tout ,c'est nul... Et pourquoi ma voix a déraillé ? Si même elle n'est plus d'accord avec ce que je dis je vais pas aller loin...

Elle est de serpentard sans aucun doute. Peut être même que je l'ai déjà croisée mais pourtant il me semble la voir pour la première fois. Je rougie, c'était donc elle qui en quelque sorte était rentré dans mes écrits sans mon autorisation... Elle est belle, je me sens presque de trop a ses côtés. Elle doit être plus grande que moi de quelques centimètres car elle me parait si grande.

Elle était parfois froide dans ses écrits ,je les avaient tous relus et réanalysés avant de venir ici. Elle paraissait distante, en réalité peut être lui inspirais-je le dégoût ? Je n'aurais pas du chercher a la rencontrer. Elle ne doit pas vouloir être là. Si elle est venue c'est simplement par politesse, pour s'excuser certainement. Et la seule chose qu'il me reste a faire désormais c'est de regarder bêtement mes pieds en attendant qu'elle me réponde.

Quelle déstabilisation ce ne fût pas quand Jenny ouvra la bouche pour s'adresser à elle pour la toute première fois. Comment avait-elle pu penser une seule seconde qu'elle connaîtrait son identité et son prénom. Quelle prétentieuse elle pouvait faire parfois. Sans même s'en rendre compte. Et c'était peut-être ça le pire.

Edna. Son étiquette identitaire était Edna. La première chose que l'on présente aux autres de soi. Un prénom. Un mot qui n'a pas réellement de sens mais qui nous suivra jusqu'au bout. Un mot qui nous colle à la peau. Pot de colle. Edna.

Jenny doit être déçue certainement. Elle devait s'être imaginé quelqu'un d'autre, avoir fantasmé sur un être qu'elle n'était pas. C'était bien normal. Les joues de la jeune fille Poirrefresh virent au rouge. Elle regarde le sol un moment. Le temps qu'Edna retrouve sa répartie sans doute.

- Edna. Je m'appelle Edna. C'est Moi.

Elle joue l'assurance. Elle joue, comme depuis le début, à la fille distante. A la fille qui n'est pas touchée par la situation. Elle joue.

Le vent permet un dialogue parallèle entre les arbres. Elles ne sont pas réellement seules. Le Silence n'est pas assourdissant. Alors, Edna pose son regard brun sur Jenny. Elle attend patiemment que celle-ci le soutienne. Peut-être ne le fera-t-elle pas. Mais elle jugeait bon de ne pas briser cet instant de flottement. Le suspens est doux. Son cœur bat vite, mais elle aime l'entendre dans sa poitrine. Comment était celui de Jenny ? Gronde-t-il ou au contraire était-il étouffé ?

Sa voix me sembla suave. Rien de nasillard, le son était agréable. Elle se présenta comme étant elle même. Je souris.

-Tu connais déjà mon prénom alors....tu voudrais aller marcher ?


Le malaise était palpable entre nous mais je ne laissais rien paraître. Je ne savais que faire de mes mains de mes jambes de mon regard alors qu'elle, elle semblait plutôt sûre d'elle, Confiante.
Je serrais fort mon sac contre moi et détournais le regard.

Peut être était-je finalement heureuse de cette rencontre fortuite. Elle était plus qu'un passe temps. J'était désormais reconnaissante envers le hibou croisé dans la volière. Je n'avais aucune idée de sa race d'ailleurs, il pouvait aussi bien être un hibou grand duc qu'une chouette harfang. Quoi qu'il en soit le volatile et ses hululements désespérés avaient eu raison de moi. Je me promis de lui trouver un véritable nom un jour. Autre que "le hibou boiteux".

Alors que je me perdais dans mes pensées le vent vint mordre mes yeux pour écraser une larme sur ma joue. Je me frottais l’œil pour retirer la poussière, je détestait de tout mon cœur pleurer. A chaque fois que je pleure je me remémore tout les moments où j'ai pleuré c'est machinale, et reviennent en tête la mort de Mamie Hedwige , les disputes avec mon frère et tout ce qui a pu me toucher.

Je secouais rapidement la tête et fixait de nouveau mon attention sur Edna, je pouvais désormais user de son prénom. Je n'aurais plus besoin de parler d'"elle".

- Très bien, oui, faisons un tour. Elle accepte sa proposition. Ça leur donnerait du contenant et ce serait peut-être plus simple d'entamer une discussion plus ou moins normale. Sans savoir vers où se diriger exactement, elles entament la marche. Edna sent Jenny un peu en retrait. Alors elle donne une direction à suivre : le parc du château est grand, elle trouverait bien un tour à faire sans trop tourner en rond. Elle salue le sycomore et avance droit.

Jenny lui semble mal à l'aise. Peut-être espérait-elle que leur rencontre soit brève. Et Edna sent qu'elle doit entamer la première une discussion. Comment commencer sans être brusque ? Opération impossible à négocier pour la Gringot moins fine qu'un mammouth quand il est question d'aborder un sujet sensible. Elle ne sait pas être délicate. Il faudrait qu'elle apprenne à avoir du tact. Mais ce ne sera pas pour aujourd'hui malheureusement...

- Bon, euh... Je crois que je devrais m'excuser pour avoir répondu à tes hiboux alors qu'ils ne m'étaient pas adressés. Tu as dû être si heureuse d'avoir une réponse et ensuite si triste de voir que ça ne venait pas de la personne que tu espérais... C'était méchant. Tu as pu tout de même parler avec elle ? La première destinatrice ? Ou tu as renoncé totalement ? Finalement ça prouve que même ici, le courrier peut se perdre hahaha.

Un temps. Elle continue d'avancer tout droit.

Enfin, heu... Ou alors ça peut servir de leçon : aller parler aux gens en vrai, tu es sûre de ne pas te tromper !

Quelle angoisse. Voilà qu'elle se mettait à sortir ce que l'on pourrait comparer à des slogans publicitaires pour la communication. Comment mettre quelqu'un encore plus mal à l'aise ? Cherche un peu Edna, tu vas trouver c'est sûr !

Après avoir accepté ma proposition Edna commença à marcher quittant le sycomore sous lequel nous avions rendez vous. Avec hésitation je commençait a la suivre, je ne savais trop si je devais guider la marche ou non. Mais finalement elle le fit et je me contentais de la suivre machinalement sans trop réfléchir a l'endroit ou cela nous mènerait. Le silence ce fit roi et a mon plus grand désarroi aucun sujet de conversation ne me vint a l'esprit. D'habitude je n'avais pas de difficultés a parler mais aujourd'hui je bloquait , chaque sujet qui me venait en tête me semblait aussitôt mauvais ou dérisoire.Lui dire que ces lettres m'avaient plu ? Cela la mettrait mal a l'aise... Parler du temps ? Ennuyeux, je ne voulais pas donner une mauvaise image de moi. Et ainsi les questions s’enchaînaient sans que je n'aperçoive ne serait-ce que l'ombre d'un sujet convenable quand soudain ce fût elle qui brisa le silence. Mentalement je la remerciait avant d'écouter ce qu'elle avait a dire.

Que pouvais-je répondre a cela ? Il était évident qu'elle s'excuserait a un moment ou un autre mais j'aurais peut être préféré que ce moment ne vienne plus tard... Et puis une,deux ,trois questions... Il allait donc falloir y répondre. J'inspirais lentement et laisser peser quelques secondes le temps de savoir quoi dire.

-Je ne lui ai pas parlé finalement ,enfin je l'ai croisée a vrai dire mais...je crois que je me berçais d'illusion a son propos je ne l'aimais pas comme je ...

Je ravalais ma gaffe en déglutissant bruyamment. A trop parler je finirais par me condamner .

-... Enfin j'ai renoncé oui... Mais ce n'était pas méchant ,c'était humain. Et euh je dois dire que pour ma part je n'ai pas trouvé notre échange épistolaire désagréable. J'ai même apprécié t'écrire. Et si j'avais été la voir en vrai je ne t'aurais pas rencontré,ce n'est donc pas si négatif tu ne trouve pas ? Mais je me demande juste, pourquoi ? Pourquoi m'avoir répondu ?

Jenny avait eu l'air assez décontenancée par toutes ses questions. Peut-être Edna aurait-elle dû y aller plus en douceur ? Néanmoins toutes ces interrogations lui brûlaient les lèvres et il fallait bien qu'elle les lui pose à un moment. Y aurait-il eu un bon moment ? Il fallait provoquer le destin une bonne fois pour toute.

Elles marchaient toujours, mais quand Jenny avait ouvert la bouche, la vitesse avait considérablement ralentie. Si elles continuaient comme ça, elles allaient s'arrêter. C'était trop tôt pour se regarder en face dans les yeux. Edna reprend un rythme plus soutenu. Elle n'avait pas fini toutes ses phrases, et c'était assez difficile de tout entendre tellement cela lui semblait difficile de s'exprimer. Mais la Gringot avait compris le message. Et elle n'avait pas l'air en colère contre elle. Quelle chance. Quelle miracle même ! Bien sûr qu'elle était contente de cette mésaventure, qu'elle avait été toute remuée par cette histoire et qu'elle n'en avait même pas dîné une fois à cause du tourment que cela lui procurait. Mais ça, elle le garderait pour elle. Il n'était pas question que Jenny sache tout. Il fallait qu'elle pense qu'elle était quelqu'un de posé et de peu angoissé. Même si de dedans ça bouillait.

- Je comprends. Oui, moi aussi je suis super contente au final que ce fichu hibou se soit trompé. T'imagines, si faut c'est un coup fait exprès et nous on pense que c'est le hasard ? Ce serait trop drôle, lui répond Edna en basculant sa tête en arrière tout en riant.

Alors qu'elle rie quelques instant, elle reprend son souffle, se penche au sol pour attraper une brindille qu'elle fait glisser dans ses mains, comme pour se donner un peu de contenance.

- Au début, je t'ai répondu sans réfléchir, juste parce que je trouvais ça drôle. Puis j'ai eu ensuite la sensation d'avoir fait quelque chose de vraiment mal, et je m'en suis vraiment voulu. J'avais honte. Je ne voulais même plus te répondre. Mais c'était trop tard... Et en même temps il y a une partie de moi qui attendait avec impatience tes hiboux aussi. Enfin c'était vraiment bizarre comme sensation. J'aimais bien aussi pouvoir être tout le monde et n'importe qui... Et j'avais l'impression de vivre une aventure particulière. Bref, pardon, je m'étale un peu...

Elle continue de jouer avec la brindille qu'elle tord dans tous les sens, qu'elle craque, casse et recraque.

Un coup fait exprès ? Ah ah j'en doute fortement, ce hibou est bien trop peu intelligent pour réfléchir et avoir ce genre d'aspirations. La jeune fille a mes côtés accéléras la cadence de ses pas et je la suivis en essayant d'adopter son rythme. Elle avait rit et c'était penché pour se saisir d'un morceau de bois au sol. *quel joli rire...*

La sensation de faire quelque chose de mal...lui avait-je causé tant de tracas ? J’espérais bien que non... Il était insupportable d'agir en sachant que ce que nous faisions était mal. La honte aussi était un sentiment terrible. Heureusement qu'elle m'avait répondu ,je pense qu'une absence de hiboux de sa part aurait été ce qui m'aurait réellement attristée.

-J'aime bien quand tu t'étale... C'était chouette de pouvoir échanger de manière anonyme, même si pas prévu. Tu as pu voir une facette de moi qui n'est pas celle que je t'aurais montré en première si nous nous étions connues autrement. J'ai toujours l'impression de vivre une aventure particulière...

Je rigolait doucement avant de jeter un regard en coin à Edna. Celle-ci semblait toujours obnubilée par sa brindille. A y réfléchir elle était plus jolie que je ne l'imaginais, son teint halé lui donnait un regard doré qui me paraissait rassurant a croiser. Avant qu'elle ne remarque que je la fixait je détournait le regard et me concentrait sur l'herbe devant nous.