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03 mars 2019, 19:24
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
Pas capable ? Elle était donc sérieuse.
Le dos tourné, ses épaules droites et sa nuque tendue démontraient une certaine nervosité.

Le gris éclatant du ciel les enveloppait dans un voile intemporel comme seul le climat écossais en avait le pouvoir. Les pieds dans la boue, l’enfant frissonna tandis que quelques gouttes de pluie éparses glissaient le long de ses cheveux en bataille. Une nuée d’oiseaux survola les deux élèves et se dirigea vers le nord, laissant le ciel vide et sans vie. Gabryel eut à cet instant précis un sentiment étrange de solitude, comme durant son dernier jour à Fife, avant son départ pour Poudlard. Son coeur s’emplit de mélancolie.
Il observait Arya. Elle lui sembla à cet instant frêle et désoeuvrée.

Gabryel s’interrogea soudain, alors qu’elle lui tournait les talons, sur la raison pour laquelle cette fille tenait absolument à disparaître. Il y avait autre chose que la curiosité ou le désir de tester le première année sur ses capacités de sorcier. Ce sort n’était pas sans danger. La forte probabilité qu’il ne parvienne pas à atteindre son objectif n’était pas à exclure.
Et si cela dégénérait et qu’il la prive d’un bras, ou d’une jambe...
Arya avait forcément conscience de cela. Et pourtant, elle poussait le Rouge et Or à prouver ses capacités.

Il ne savait rien de cette fille, ni d’où elle venait, ni quel était son niveau d’études.
Elle n’était pas bavarde, les mots semblaient sortir de ses lèvres par nécessité, parce qu’il lui adressait la parole. Lui répondre semblait coûter à la brunette, chacun des sons qu’elle émettait tordait son visage dans un effort dégoutté. Sans se l’expliquer, il ne parvenait pas la laisser partir, comme si cela le vouait à une forme de rendez-vous manqué.

- Gabryel : « Pourquoi tu veux disparaître d’abord ? Je veux dire, ne plus être là... »

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

11 mars 2019, 19:19
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
Quelques pas sur le sol humide de ce chemin boueux m’éloignèrent de l’enfant. Tête baissée pour empêcher la pluie d’atteindre mes yeux, j’avais envie de disparaître — encore. Cette fois-ci, la solution serait bien plus efficace que de demander à un première année incapable d’user de sa magie ; je continuerais d’avancer sur ce chemin jusqu’à ce que la présence dans mon dos s’efface. Il me serait guère difficile d’oublier ce Fleurdelys et son visage lumineux. Un Autre sans consistance tel que lui, ça ne pouvait qu’être aisé à oublier.

Je ne m’attendais certes pas à ce qu’il parle.
Je ne m’attendais pas à entendre sa voix voler dans les airs pour venir me frapper si durement.
Elle retourna si fort mon cœur, elle l’obligea si violemment à se tordre, que je ne pus que revenir sur mon but et me retourner pour braquer mon regard charbon dans ses yeux bleus d’enfant débile. Dans la phrase qu’il me sortit, la première chose qui me sauta aux oreilles fut l’absence de bafouillage. J’aurai pu m’en gausser, le lui dire et m’en aller promptement, mais ses mots me firent tant d’effet qu’une seule réaction put me rendre la vie qu’il m’avait aspiré :

« Peut-être parce que tu m’fais chier ? » craché-je.

Grâce à ces paroles, je pus bouger. Je retrouvai la mobilité perdue à laquelle le choc de ses paroles m’avait soumise. Et aussitôt après avoir pris une grande respiration profonde la colère grandit dans mon corps. Pourquoi tu veux disparaître ? Il ne comprenait vraiment rien, maintenant j’en avais la preuve et ses petites expériences ne m’amusaient plus du tout. J’avais eu tort de le voir comme un compagnon de recherche ; tort d’imaginer qu’il avait le truc nécessaire pour s’essayer à ce qui ne s’essayait pas.

« ‘Façon, tu peux pas comprendre, dis-je, le menton haut. Ça s’voit qu’t’as rien pour. Si tu l’avais, t’aurais direct’ compris que… »

Je fermai la bouche. *Pourquoi j’lui expliquerais ?*. Hein ? Pourquoi ? C’était inscrit sur sa belle gueule que cet enfant était un enfant ; il faisait les trucs parce qu’on le lui demandait. Il voulait faire disparaître une grenouille parce qu’il voulait avoir de bonnes notes, il refusait d’Essayer car personne ne le lui avait demandé. J’aurai pu avoir pitié de lui, mais le fait est que j’étais dégoûtée. Une douleur sans nom s’installa dans mon cœur et pendant un instant, je me demandai si toutes mes recherches étaient nécessaires. Si c’était nécessaire de suer corps et âme à vouloir créer un golem de pierre. Si c’était nécessaire de passer tout mon temps libre à la bibliothèque.
Puis je croisai le regard de l’Autre et la réponse se dessina sur son visage de gamin : oui, c’était nécessaire si je voulais éviter de croiser des Autres comme lui.

Cette balade était une idiotie ; les gouttes qui tombaient sur mon visage m’agaçaient, l’odeur de la pluie me rendait nostalgique et le parc était bien trop grand pour que je sois réellement seule. Et si l’idée d’aller me perdre, seule, dans les couloirs de Poudlard me donna soudainement mal au ventre, je me dis que je pourrais oublier cette douleur en étudiant l'énorme livre qui se trouvait dans mon sac.

« J’saurais m’faire disparaître seule, » maugréai-je en fourrant mon visage dans mon écharpe.

Je m’approchai de l’Autre pour poursuivre mon chemin vers le château. Quand j’arrivai près de Fleurdelys je lui lançai un regard torve, trop étouffée pour être sincèrement en colère. Je fis un écart exagéré dans le but de le contourner. Quand je passai près de lui, je baissai la tête.

12 mars 2019, 02:05
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
Flashback : Septembre 2040
Ecole primaire de Fife - Ecosse
Cour de récréation
Alec Amilton, blond comme les blés, et Loyd Furstike, brun frisé comme un mouton, huit ans, observaient l’interminable mur de brique haut de cinq mètres qui séparait la partie ouest de la cour d’école et le terrain de football. Guère plus épaisse qu’une tartine de pain, cette séparation composait un défi idéal pour les élèves téméraires. Circuler sur tout son long sans tomber tels des funambules conférait à ceux qui y parvenaient un statut de héros durant toute l’année. Pour les autres, écopant d’une fracture ou d’une simple entorse, la réputation de casse-cou auprès des professeurs constituait une maigre consolation. L’objectif était donc de déambuler sur cette frontière de ciment jusqu’au bout.

- Alec : « Hey, le bègue, cap ou pas cap ? »

Adossé contre une porte, Gabryel était resté à l’arrière, en retrait de ses camarades. Il n’appréciait pas spécialement ces deux garnements qui n’avaient eu de cesse de lui faire la vie dure depuis la maternelle, mais un tirage au sort l’avait contraint à partager avec eux la corvée de nettoyer la cour après la classe. Son meilleur ami Grégoire avait récolté le tri des vieux livres de la bibliothèque avec un autre duo, au grand désarroi des deux inséparables compagnons qui ne se quittaient jamais.
Madame la Directrice avait eu l’idée de responsabiliser chaque mois les écoliers en leur confiant une tâche d’intérêt général. Ainsi, Gabryel venait de passer deux heures en compagnie d’Alec et Loyd, bien décidés à transformer leur corvée en défi.

- Loyd : « Bien-sûr que non « qu’il » est pas capable ! »

Piqué au vif, Gab mourrait d’envie de leur prouver sa valeur : « Evvvvvvidemmmmmmment qqqque jjjjjje ppppppeux le ffffffffaire... ».

- Alec : (l’imitant) « Ben p-p-p-p-p-prouve le ! »

Le brun et le roux éclatèrent d’un rire mauvais et moqueur.
Gabryel se dirigea vers le mur, et scruta les briques poreuses qui le composaient. A certains endroits, le temps avait créé de légères fentes. Ces aspérités laissaient suffisamment de place pour permettre à de petites mains adroites de l’escalader.
Après une première tentative échouée, Gab parvint à se hisser jusque sur la tranche, a califourchon. Il s’agissait maintenant de se relever et de trouver son équilibre. L’enfant poussa sur la paume de ses mains et finit par se relever à la force de ses bras. Une fois debout, il observa ses deux camarades avec un rictus de fierté non dissimulée.

- Loyd : « Ca, tout le monde sait le faire le bègue ! Maintenant, avance jusqu’à l’angle au fond et revient... »

Gabryel commença sa marche, les bras tendus de chaque côté, tentant de garder le bon équilibre malgré le vent qui provoquait une forte pression dans son dos. Il avançait doucement mais surement. Arrivé au bout, il entendit la voix d’Alec : « Cherche pas le bègue, t’as le vent en face pour revenir, tu vas te planter ! ».
Cette simple remarque ragaillardit le cascadeur. S’appuyant de toutes ses forces sur ses cuisses, il parvint à revenir à son point de départ. Un large sourire traversait son visage, tandis que ces deux camarades s’approchèrent au pied du mur.

- Alec : « Pas mal le bègue ! Tends tes mains, on va t’aider à descendre ! »

Le blond donna un coup de coude à Loyd. Les deux garçons saisirent les doigts que leur tendait Gab. Mais au lieu de lui servir d’appui pour se hisser jusqu’en bas, ils tirèrent sur ses bras d’un coup sec. Gabryel bascula vers l’avant et s’écrasa de tout son long sur le sol pavé de la cour. Il sentit la chair de ses genoux éclater sous le choc et son poignet se briser sous le poids de son corps.

- Loyd : « On t’avait bien dit que tu n’y arriverais pas ! Maintenant, tout le monde saura que le bègue a échoué !! »

Les garçons éclatèrent d’un rire sournois résonnant comme un couperet dans le coeur de Gabryel. Une colère noire s’empara de lui tandis que les deux tyrans s’éloignaient, le laissant se débrouiller pour se mettre debout malgré la douleur. Tout en lui n’était plus que rage face à cette injustice et ce mépris.
Les larmes aux yeux, il hurla de tout son être :

- Gabryel : « J’ai pppppas échhhhhhhoué, bbbbbbande de ssssssalops... J’AI PAS ECHOUÉ !!! »

Il voyait s’éloigner ses deux camarades qui lui tournaient le dos sans même se soucier de lui.

- Gabryel : (à lui-même) « J’ai pas échoué... »


Samedi 10 octobre 2043
13h45 - Parc de Poudlard

Arya avait lâché ses mots comme sonne le glas. Rien ne semblait plus pouvoir inverser le cours des choses. Elle le prenait pour un faible qui ne comprenait rien, et de surcroît le pensait bien incapable de la faire disparaitre.
Elle s’esquiva sans daigner lui offrir un dernier regard, ni même méprisant, ni même déçu...
Indifférente, elle passait à autre chose, point barre. L’affaire était classée, Gabryel ne méritait pas plus d’attention.
Le coeur du Gryffon s’emplit soudainement de colère tandis qu’il se retourna vers elle. Elle se dirigeait vers la porte de l’école sans se retourner, d’un pas décidé.

Pour qui se prenait-elle cette fille ? Elle avait d’abord mis à sac son travail d’apprivoiser la grenouille, puis lui avait lancé le défi de la faire disparaître, et quand le jeune apprenti-sorcier voulut en connaitre la raison, elle l’avait jugé stupide et incapable d’aller jusqu’au bout.
Des phrases résonnaient dans sa tête embrumée de déception : « T’es nul le bègue », « On n’a pas envie de trainer avec toi », « Dégage le débile, apprends à parler »...
Toute son enfance avait été bercée par ces cruelles comptines. On l’avait ignoré, mis de côté.
Mais depuis son arrivée à Poudlard, il avait trouvé un équilibre, on le respectait et on lui faisait confiance. Et soudainement, on le traitait à nouveau comme un incapable, dénué d’intérêt, tel un poids mort abandonné sur le bas-côté, sans valeur...

Plus jamais. PLUS JAMAIS !

Gabryel courut en direction d’Arya, la dépassa et se fixa à quelques mètres, droit devant elle. Ses doigts crispés sur sa baguette, la mâchoire tremblante, il la fixa droit dans les yeux :

- Gabryel : « Tu veux disparaître, c’est bien ça ? C’est bien ça hein ? Tu ne ssssais même pas où tu irais, mais c’est ce que tu veux ? Tu as parfaitement conscience que je n’ai jamais pratiqué ce sort et qu’il fffonctionne sur les objets, ne me prends pas pour une bille... »

Un sombre nuage gris survola les deux enfants.
L’Écossais reprit sa respiration. Sa voix était chevrotante, enervée. S’efforçant de reprendre le contrôle de lui-même, ancré dans le sol, solide sur ses jambes, il écarta légèrement les pieds et leva sa baguette en direction de la jeune fille.

- Gabryel : « Ok, si c’est ce que tu veux... »

Il effectua une ondulation horizontale de la main en la rapprochant vers lui, puis son poignet se rompit pour effectuer un geste vif vers le haut.
Il prononça d’une voix claire et distincte :

Evanesco

Un filet de lumière éclaira l’extrémité de sa baguette, tandis que ses yeux se posèrent sur la chaussure d’Arya.

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

16 mars 2019, 11:59
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
Bien que le bruit de la cavalcade m’agaça, je n’eu le temps de soupirer ; le garçon me dépassa et se planta devant moi. Le regard qu’il me lança fut la seule chose qui m’empêcha d’avancer et de le laisser fulminer dans son coin. Il y avait une lueur si profonde dans ces yeux-là qu’elle me cloua sur place ; ce n’était pas une colère fade, un agacement d’enfant, un caprice. Non, cette colère avait parfaitement lieu d’être, bien que je ne puisse pas en connaître la raison. Bien que la raison m’importe peu. Je jetai un regard à ses poings serrés et à sa gueule tremblante ; quand il parla je me reculais.
Un pas, parce qu’un sorcier en colère n’était jamais une chose rassurante.
Mais la distance ne m’empêcha pas d’entendre le moindre de ses mots et en réponse mes sourcils se fronçèrent. Ce garçon, ce Fleurdelys, pourtant, n’en avait que peu faire de moi ; il parlait, parlait. J’avais envie de lui crier de se taire, de lui dire que je me foutais de ses raisons, que je voulais chercher, comprendre, vivre. Et que lui en était incapable. Je voulais qu’il cesse de se servir de son incompétence pour cacher sa peur ! Mais ce que je voulais plus que tout au monde c’était disparaître car si je haïssais que les Autres empiètent sur ma vie, j’aimais moins encore être la cible de leurs cris. Ils avaient tendance à me mettre hors de moi et aujourd’hui je n’avais absolument pas la force de l’être.

Ses paroles eurent pourtant un effet. Mes poings à moi aussi se serrèrent, prêt à en découdre. Moi aussi j’affichai une gueule colérique et une posture de défense. Mais quand celle du garçon changea, mon souffle se coupa. Bêtement, le coeur battant et l’âme hurlante, je le regardai perdre sa gueule de sale gosse. Il écarta les pieds, leva la baguette. *Non !*. Les yeux écarquillés sur le bout de son arme, j’eu un moment de flottement avant de plonger ma main dans ma poche.
Il allait attaquer.
Le con.
Il parla, mais aucun son ne parvint à mes oreilles. Le son de mon excitation prit toute la place, mon corps s’échauffa ; j’attrapai ma baguette.
Trop tard.
Un rayon s’échappa de la baguette de Fleurdelys ; je me jetai sur la droite.

J'atterris brutalement dans l’herbe. Le nez dans la boue, je rampai sur quelques mètres, le corps rempli d’effroi. Puis tout à coup je me retournai et pointai ma baguette sur l’Autre. Je peinai à respirer, mon coeur s’agitait dans ma poitrine et je n’avais qu’une idée en tête : l’arrêter. Pourtant, quand je l’avisai derrière le bout de ma baguette, je fus incapable de faire quoi que ce soit. J’avais pourtant des sortilèges sur le bout des lèvres. *Incendio, immobilus, repulso*. J’étais certaine de les réussir, si je parvenais à faire taire ma propre voix qui hurlait dans ma tête.
Mais j’avisai Fleurdelys, sa gueule de gamin, et je me rendis compte que j’en étais incapable.
*J’suis trop bête*
Ce constat me fit mal ; d’une douleur violente qui me tordit le visage.
*J’suis nulle !*
J’eu l’envie de hurler. Ou, au choix, d’envoyer se faire foutre tout ce joli monde et de détruire cet Autre à coup d’Incendio pour voir sa troncher brûler ; pour le voir à terre, à mes pieds.
*J’peux pas*
Bien sûre que non. Je ne pouvais pas. J’en étais incapable.

Ma main trembla ; au bout, ma baguette flancha. Pourtant, je ne baissai pas le bras. Je visai la gueule de Fleurdelys. Je me redressai lentement essayant de retrouver consistance, d’éloigner la douleur et l’Interdit qui flottaient autour de moi.
*J’la déteste*, pensai-je en me relevant, une haine flamboyante dans le ventre.
*J’la…*
Mon pied s’enfonça dans la boue. « Eh ! » laissai-je m’échapper en prenant appuie sur ma jambe droite. Je baissai la tête, ma haine envers Loewy remisée au second plan. Là, tout au bout de mon corps, ma chaussette grise était recouverte de boue *non…* ; le vent caressa mon pied et un frisson involontaire me secoua. Éberluée, je regardai Fleurdelys : « T’as fait disparaître ma bottine ! ».

Pendant un instant je regardai mon pied quasiment nu, l’esprit ailleurs. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’il réussisse son sortilège. Puis, une seconde plus tard, j’avais relevé mon bras qui s’était abaissé et je tenais le garçon en joug. Ma colère me revint tout à coup :

« J’peux t’faire pire ! » braillai-je pour qu’il croit que j’en étais réellement capable.

Nerveuse, j’essayai de ne pas me détourner.
Le château régnait si haut, les fenêtres étaient si nombreuses.
*Et si elle me voyait ?*
Les battements de mon coeur s’affirmèrent.
Si Loewy me voyait, j’étais morte.
Merlin, ce que je pouvais la détester de m’Interdir. L’an dernier, je n’aurai pas hésité. J’aurai lancé un sortilège à Fleurdelys, puis je serais partie. J’aurai gagné. Là, j’avais la sensation d’échouer. J’étais devenue faible.
Le souvenir impitoyable de ma rencontre avec cette Serpentard dans la volière me revint en pleine face et une vague de honte me secoua. Je n’avais été capable de rien, comme aujourd’hui.

« Tu f’rais mieux d’partir, » dis-je à l’Autre, la voix pleine de rancoeur.

01 avr. 2019, 00:31
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
Un genou à terre... Le second...
Puis les mains.

L’enfant semblait avoir perdu toute forme d’énergie. La tête baissée, les bourrasques de vent bourdonnaient à ses oreilles, tout vacillant autour de lui. Le bout de ses doigts le brûlait, son corps tremblait un peu et son coeur battait la chamade. La moindre de ses forces paraissait s’être échappée avec l’étincelle projetée par sa baguette. Il ressentait une grande lassitude, l’envie de s’allonger et de laisser son esprit partir au gré du temps. La gorge serrée, il avala sa salive avec difficulté. Un gout de sang coulait dans sa bouche. Il s’était mordu la langue au moment de lancer son sort.

Après avoir repris sa respiration, le garçon releva le menton pour observer Araya.
La fille le pointait de sa baguette, le regard furibond, le gris du ciel en arrière-plan. Il eut le sentiment qu’elle se débattait intèrieurement.
Dans ses yeux, le Gryffon lisait à la fois de la stupeur, de la rage, du mépris mais aussi une forme de peine. Si elle le voulait, elle pouvait aisément le pulvériser, se disait-il tandis qu’il était vide de toute force suffisante pour riposter. Après tout, ce ne serait que justice. Le rouge et or l’avait attaquée, il en subirait en toute logique les conséquences.
Pourtant, Araya ne bougea point. Après un instant qui parut à l’Écossais une éternité, la fillette tenta de se relever. Son pied s’enfonça dans la boue, comme happé par des sables mouvants.

- Araya : « Eh ! T’as fait disparaître ma bottine ! »

La surprise se lisait sur son visage. Il était évident qu’elle n’avait pas envisagé cette situation une seule seconde.
Relevant à nouveau sa baguette en direction du garçon, les pupilles noires de colère, elle l’invectiva, les mots s’extirpant de ses lèvres comme des crachats :

- Araya : « J’peux t’faire pire ! »

Cette fois-ci, Gabryel aurait dû penser que sa dernière heure avait sonnée. Il s’était frotté à plus fort qui lui, un petit première année dont la seule expérience de lancé de sortilège avait un jour eu pour effet de transformer sans le vouloir la chaussure de son copain Jules Circinus en coffre-fort, et une après-midi entière avait été nécessaire pour l’en libérer.
La première phrase de la fille résonnait dans sa tête. Il avait réussi... Il avait fait disparaitre la botte de sa camarade... Pourtant, il n’en ressentit aucune gloire ni fierté. Il venait simplement de réaliser ce qu’il avait provoqué, et son coeur se serra.

- Araya : « Tu f’rais mieux d’partir... »

Elle apparaissait maintenant fragile et démunie. Les épaules basses, la voix presque éteinte, la lassitude et le ressentiment l’avaient envahie.
Gabryel se releva, et spontanément se dirigea vers la jeune sorcière tandis qu’elle le tenait toujours en joug de sa baguette. Il se pencha vers elle, le bout de l’ustensile presque sous sa gorge, et lui tendit la main, plongeant dans le sien son regard bleu mouillé par le vent cinglant.

- Gabryel : « Je n’ai rien gagné et j’suis désolé pour ta bottine... »

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

09 avr. 2019, 06:49
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
A genoux dans la boue, un pied enfoncé dans la fange, l’humidité traversant ma robe, je me sentais minable. Je ne faisais pas que le sentir ; je l’étais. Entièrement, complètement, totalement. Minable d’être incapable de me défendre, minable de m’être laissé attaqué par un première année, minable de stagner dans mon apprentissage de la magie des golems ; minable. Malgré ma baguette levée, ce sentiment ne pouvait me quitter. Il glissait dans mes veines, me brûlait les yeux et faisait mourir mon coeur dans ma poitrine.
Et la gueule de ce garçon me donnait envie de crier. Pas pour le faire fuir, mais pour lui faire peur. Parce que sur sa tête s’inscrivaient les mêmes pensées que mes traits affichaient : cette fille-là est une incapable.

Il s’approcha de moi. *Il va en r’mettre une couche ?* me demandai-je, méfiante. J’affirmai ma prise sur mon arme, mais cela ne l’arrêta pas. Il n’avait pas peur, il avait parfaitement compris que je ne pouvais pas lui envoyer le moindre sortilège. Est-ce qu’il savait ce qui régnait sur ma tête ? Est-ce qu’il était au courant, comme tous les Autres, qu’il serait aussi facile pour Loewy de me dégager du château qu’il avait été difficile pour moi d’y revenir ?
Non, pour lui je m’appelai Arya. Il ne savait rien de moi.
Rien, si ce n’est le fait que j’étais lamentable.

Il s’approcha encore et je ne baissai pas ma baguette ; quand il se pencha, je tremblai et mon visage se tordit en une grimace de colère. Je n’essayai même pas de me relever. Coincée dans la boue comme je l’étais, je risquais seulement de me ramasser la tronche par terre. Je préférais encore prendre le risque de lancer l’incendio qui me chatouillait les lèvres.
Il s’arrêta à quelques centimètres de moi, le bout de mon arme frôlant sa gorge. Je louchai sur cette dernière puis tournai les yeux vers Fleurdelys. *’L’est fou !*. Il fallait être naïf pour prendre un tel risque — ou complètement idiot. Pour lui, c’était sans conteste les deux, décidai-je.

Avec un temps de retard, j’avisai la main qu’il me tendait.
*Quoi ?*

« Je n’ai rien gagné et j’suis désolé pour ta bottine…, » me dit-il.

Quand je réussis à détourner les yeux de sa main, je tombai dans son regard d’eau. Pourquoi faisait-il cela ? Il venait de me jeter un sortilège. Il avait gagné. J’étais incapable de riposter ; pourquoi ne s’en allait-il pas ?
*Il regrette ?*
Gorge nouée, de longues secondes passèrent durant lesquelles je ne pus rien faire d’autre qu’observer son regard. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire, mais il y avait une chose que je savais : il avait gagné. Il avait tort. Et j’avais raison. Et surtout, surtout, il était absolument hors de question que j’accepte son aide. Qu’il s’en aille exercer ses sortilèges sur une autre victime.

Du bout de ma baguette, j’écartai sa main. Même si j’étais plus bouleversée qu’autre chose, même si mon coeur était davantage déçu de moi-même — encore — que réellement en colère contre cet abruti, mon visage afficha une mine dégoûtée que j’étais loin de ressentir pour ce garçon. Non, c’était à moi qu’elle était dédiée.

« J’m’en fous qu’tu sois désolé, » grognai-je.

Et je n’allais certainement pas lui dire qu’il avait tort et que j’avais effectivement perdu. Qu’il croit le contraire, c’était bien mieux ainsi.
Je le toisai, la rancoeur se dessinant sur mon visage. Je rangeai ma baguette dans ma poche et me laissai tomber en arrière, le cul dans la boue. Prendre une pose nonchalante me permettait de ne pas avoir l’impression que le garçon, debout devant moi, me dominait. Je ne pouvais de toute manière pas me relever sans, au choix, tomber à ses pieds ou le bousculer. Et si ce dernier point ne me dérangeait pas, je n’avais aucune envie de m’approcher de lui.

« Dégage ! crachai-je en levant le nez vers lui. Y’a sûr’ment plein d’autres grenouilles dans l’coin, t’es certainement pas obligé d’rester prés d’moi. »

Je n’avais désormais plus qu’une envie : rentrer au château et m’enfermer dans un livre. Je lançai un dernier regard noir à Fleurdelys avant de tourner les yeux vers le lac :

« J’peux m’défendre même sans baguette, » lui soufflai-je.

C’était faux.
Actuellement, je n’étais capable de rien. Une lassitude sans nom se déposa sur mon esprit et je ressentis tout à coup la morsure de la honte : elle m’enveloppa toute entière, me faisant presque suffoquer.

11 avr. 2019, 08:41
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
La nature humaine s’accommode avec une aisance déroutante de toutes sortes de contradictions.
Quand un de vos semblables semble vous rejeter, et qu’il exprime ce souhait avec colère, la logique vous pousse à le laisser sur le bord du chemin, à poursuivre votre route vers un horizon plus clément.
Gabryel connaissait bien ce sentiment d’exclusion : Son bégaiement, trainé comme le lourd cartable d’un enfant chétif, rappelait depuis trop longtemps sa différence au reste du monde.
Pourtant, le Gryffon avait inconsciemment développé une force de caractère qui le rendait dans certaines situations presque intouchable, une forme de distance spontanée sur les évènements, malgré son jeune âge.
Parfois, un trop plein d’émotions, séquelles de douleurs passées, le faisait exploser, tel sa réaction face à Arya, mais bien vite sa naturelle joie de vivre reprenait le dessus, et désarmait autant qu’elle déstabilisait.

Les pieds dans la boue, le sombre gris des nuages comme ciel de lit, l’Écossais observait en silence la jeune sorcière, la ressentant se débattre avec son âme, le suppliant avec lassitude de décamper loin d’elle, et de la laisser dans sa frustration et son dégoût. Assise sur un coussin de gadoue, les rares mots évacués par ses lèvres semblaient exprimer un combat avec elle-même :

- Arya : « Dégage ! Y’a sûr’ment plein d’autres grenouilles dans l’coin, t’es certainement pas obligé d’rester prés d’moi »

La grenouille devait être bien loin maintenant. Elle avait rejoint ses congénères au milieu des flaques, sans se soucier un seul instant d’avoir provoqué la rencontre improbable de ces deux enfants.

- Arya : « J’peux m’défendre même sans baguette »

Cette fille...

Le Rouge et Or avait l’impression de la connaître depuis toujours, il ne se l’expliquait pas. Étrangement, plus elle le repoussait, et davantage se développait en lui l’envie de rester, comme si ce qu’elle exprimait voulait dire le contraire. Il percevait cela comme une évidence, sans se poser plus de questions.

Gabryel décida instinctivement quelle était sa place à ce moment précis. Dans un grand bruit d’éclaboussures, il se laissa choir à droite de son ainée, la boue offrant une assise à ses fesses.

- Gabryel : « T’aurais ccccarrément pu me brûler vif avec ta baguette... Ca s’voit que tu es plus experte et plus sage que moi ! »

Il se gratta le genou et sourit en repensant à cette folle histoire de sort. Tournant à son tour son regard en direction du lac, son coeur s’emplit de sérénité face à cette beauté. L’eau avait maintenant revêtu une couleur verte pâle. Des lames de fond contrariaient ci et là sa surface de formes mystérieuses.

Quelques secondes passèrent lorsqu’une question le tarauda.

- Gabryel : « J’me demande bien où est ppppassée ta bottine quand même... »

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

18 avr. 2019, 09:04
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
J’ai toujours pensé que la déception était un sentiment malléable ; ce n’était ni la tristesse qui s’installait pour un temps indéterminée, ni la joie qui pouvait soulever des montagnes. La déception était un sentiment de moindre importance, l’un de ceux que je n’avais jamais forcément connu ; je l’avais davantage vu dans le regard des Autres. Pour moi il avait toujours été aisé d’ignorer ce sentiment, de le remiser au fond de mon coeur, de ne pas y songer, de ne pas le ressentir. Mais aujourd’hui, face à ce Fleurdelys, j’avais la sensation que le haut devenait le bas ; il foutait tout en l’air alors qu’il n’avait rien de bien particulier.
Tout à coup, le cul mouillé par la boue, je pris conscience que non, la déception n’était pas plus malléable que ne l’était la tristesse : elle s’installait de force dans le coeur et, en plus de me plonger dans les abîmes de la perdition, elle me faisait me sentir pitoyable.

Face au silence du garçon, elle prit des proportions énorme. Mes précédents mots qui flottaient entre nous n’avaient pas le moindre poids et j’avais l’impression que le Gryffondor me jaugeait. Je me demandais ce qu’il pensait. L’instant d’après, je décidai que cela n’avait pas la moindre importance.

Alors que je m’étais résolu à ne pas le regarder, à garder mon regard bien au loin sur la surface du lac, je fus incapable de ne pas tourner la tête lorsqu’il s’assit près de moi. Ce simple petit geste me coupa le souffle et annihila, pendant un instant au moins, toute déception : malgré tout ce qu’il venait de se passait, l’enfant restait.
*Putain, il fout quoi ?*
J’eu beau le regarder de bas en haut, me plonger dans ses prunelles, fouiller son visage, je ne pus former la moindre hypothèse pour répondre à cette fichue question.

Il n’était pas censé rester là ! Je devais rester pitoyable toute seule, il devait se moquer de moi ou, au mieux, ne rien dire du tout et s’en aller. Alors j’aurais pu songer à mes sales pensées avec moi-même et j’aurai pu oublier sa face d’abruti. Mais non, il restait. Et Merlin, ne pas comprendre me donnait plus envie encore de le dégager à coups de pied.

« T’aurais ccccarrément pu me brûler vif avec ta baguette… Ça s’voit que tu es plus experte et plus sage que moi ! »

Evidemment, me semblait une réponse correcte.
Pas difficile de faire mieux qu’toi, me plaisait davantage, mais mon pied nu me rappela que je n’avais pas les moyens de jouer la fière.
Résolument, je pris la décision que je ne lui offrirai plus un seul regard. Mâchoire serrée, sourcils froncés, je tournai la tête vers l’extrémité du lac ; le garçon disparu totalement de ma vison. Cela ne m’empêcha pas de le sentir de toutes les fibres de mon être.

« J’me demande bien où est ppppassée ta bottine quand même… »

« Tu bafouilles encore, » maugréai-je d’une voix lasse.

*Merde !*
J’étais si surprise de ma propre voix que je me tordis le cou pour jeter un regard noir d’effroi à mon compagnon.
*Merlin !*, m’invectiai-je pour la seconde fois, *le r’garde pas !*.

Un grognement m’échappa et, les joues en feu, je braquai mon regard devant moi. Le regret se distilla en moi et évinça la moindre pensée que j’avais formulée jusque là. Il me laissa le crâne vide et le coeur aussi affolé que lorsque Fleurdelys m’avait attaqué. Je fermai les yeux une demi-seconde avant de les rouvrir.
Mon envie de jouer la muette avait disparu je ne sais où et cela ne me plaisait pas. Parler revenait à dire à cet idiot : t’as gagné et je l’accepte. Mais c’est faux ! Je n’accepte rien, je ne veux rien et moins encore discuter avec toi des mystères de la magie !
Mais les mystères de la magie me plaisent bien trop pour que je puisse m’empêcher de faire ce que j’ai envie de faire.

« Où qu’elle soit, si elle y est allée, elle doit pouvoir rev’nir. » Pour la forme, je pris la voix de l’enfant agacée. « Rien peut vraiment disparaître… Puis surtout, la magie permet tout. »

Frissonnant, je ramenai mon pied nu contre moi pour le protéger des aléas du vent. En me sondant, je fus surprise de constater que je n’en voulais pas à l’Autre d’avoir fait disparaître ma bottine — le fait de ne pas avoir de paire de rechange aurait pourtant dû forcer ce sentiment. J’étais davantage rancunière qu’il me fasse me sentir aussi mal et ce constat me fit regretter d’avoir pris la parole — encore.

30 mai 2019, 13:34
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
« La magie permet tout... »

La phrase retentit en Gabryel comme le plaisir que procure un cadeau que l’on déballe. C’était à la fois une évidence et une prise de conscience.

Depuis quelques années, alors qu’il avait compris être animé de pouvoirs particuliers, son quotidien était bercé par la magie. Sa maman Flora, férue d’herbologie, concoctait des potions capables de faire pousser les salades en une heure, ou de cicatriser une plaie en quelques secondes. Par ailleurs, sa maîtrise de la légilimancie faisait intracèquement partie de sa personnalité, plus rien à ce propos ne surprenait plus l’enfant. Son père né-sorcier, ne quittait jamais sa baguette et l’utilisait pour se faciliter la vie dans tous les actes du quotidien.
Élevé parmi les moldus dans son village natal, Gabryel avait toujours su se faire discret sur le sujet auprès de ses camarades. Cela faisait partie de l’ordinaire, il ne s’était jamais vraiment questionné sur les avantages de la magie.
Depuis son arrivée au château, son apprentissage avait mis en exergue qu’il fallait être consciencieux et régulier pour en maîtriser tous les aspects. Si elle permettait tout, encore fallait-il la contrôler. C’était une discipline exigeante.

Une ou deux minutes s’écoulèrent tandis que les deux enfants, installés l’un près de l’autre, semblaient plongés dans leurs pensées respectives.

- Gabryel : « Faire disparaitre des tttrucs, c’est bien, mais moi je rêverai de donner vvvvie à des créatures, ou dans le genre tu vois... Ça doit être dingue ! »

Le jeune Gryffon s’imagina une marionnette de bois se mettre debout et le saluer, où un oiseau de papier prendre son envol comme une libellule, et sourit.
Soudain, il sentit la jeune fille frissonner près de lui. Tout naturellement, sans même s’en rendre compte, Gabryel dénoua sa cape et la posa sur les épaules d’Arya avant de replonger dans sa rêverie.

Un nuage gris assombrit le parc, signe que la pluie reprendrait sous peu.

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »

13 juin 2019, 10:18
La fête à la grenouille  PV : Aelle Bristyle 
J’accentuai la moue qui me déformait la bouche. C’était davantage un moyen de forcer mon agacement qu’une façon de lui montrer un mécontentement que je ne ressentais plus. Mais j’aurais préféré être agacée plutôt que déçue, l’Autre n’aurait pas eu l’impression qu’il était autorisé à tout. Et le fait qu’il s’assoie près de moi était justement une preuve qu’il pensait déjà être autorisé à tout. Je détestais cela, par Merlin ! A quel moment dans la conversation avait-il cru comprendre que je l’invitais à rester ? Quand je le tenais en joug avec ma baguette ou quand je lui avais dis de dégager ? J’allais finir par croire qu’il était vraiment idiot.
Un coup d’oeil vers lui me fit prendre conscience que malgré tout son comportement débile et absolument incohérent, j’étais bien loin de le prendre pour un abruti. A mon grand désarroi.

Je soupirai, serrai mes bras autour de mes jambes repliées. Je fronçai les sourcils pour la forme, parce que je n’arrivais pas à m’ôter de la tête mes nombreux échecs de la journée. Lui à côté de moi avait l’air d’un putain de rocher qui ne ressentait rien ; comme si la seule chose qui était vraiment capable de le secouer était ce rire qui lui avait déjà éclairé le visage. Mais ce n’était pas normal, n’est-ce pas ? Il ne pouvait pas être doté seulement du rire . C’était idiot de rire en permanence.
*P’t-être parce que tu sais pas rire*. La voix, dans ma tête, était étrangement semblable à celle de Zakary et je la refourguai aussi loin de moi que possible, l’enfouissant sous un tas d’autres pensées inutiles.

L’Autre avait l’air d’avoir décidé de se taire et je me surpris à ne pas vouloir m’en aller. Finalement, je pouvais peut-être rester ici, s’il ne parlait pas. Ce n’était pas désagréable de songer sans but en regardant le lac. De toute façon, que je sois ici ou ailleurs, mon échec serait le même alors autant rester là où je savais à qui j’avais à faire ; ailleurs, je risquais de rencontrer un Autre moins agréable encore que ce Fleurdelys — ce n’était pas un risque que je pouvais prendre dans ma condition.

Alors que je commençais enfin à apprécier l’instant, la voix désagréablement bafouillante de Fleurdelys s’éleva.

« Faire disparaître des tttrucs, c’est bien, » dit-il. Je tournai vers lui un regard rempli de flegme, incapable de me décider si j’étais agacée ou non de l’entendre encore. Il continua : « Mais moi je rêverai de donner vvvvie à des créatures, ou dans le genre tu vois... Ça doit être dingue ! »

Sans que je ne puisse l’en empêcher un sourire vient s’installer sur mon visage. Ce n’était pas un sourire d’accord ou même une grimace destinée à lui dire que je partageais son avis ; non, c’était un peu comme si je disais à Maman que je voulais apprendre à soigner un mourant et qu’elle me lançait son regard qui disait c’est bien de le vouloir, mais arrête un peu de vouloir et fais. Tu es capable de tout. Même si je ne pensais pas que Fleurdelys était capable de tout.

« J’vois pas pourquoi c’est un rêve, dis-je en gardant ma voix boudeuse pour la forme, tu peux d’jà l’faire… »

Dérangée par le mouvement de l’Autre, je me tus, bouche ouverte, et je tournai la tête vers lui. Il ôta sa cape. *Qu’est-c’qu’il fout ?*. Quelle idée saugrenue que d’enlever sa cape alors même que le froid étant glaçant ; j’aurai voulu me détourner et continuer sur ma lancée pour lui expliquer combien il était aisé de donner la vie, mais quelque chose dans son comportement me força à le regarder. Quand il déposa sa cape sur mes épaules je me crispai, plus dérangée par le geste que réellement gênée. *Le con !*, l’insultai-je dans ma tête.

La chaleur commençait tout juste à m’envelopper que l’injustice me frappa. Et l’Autre retourna à ses pensées comme si rien ne venait de se passer. D’un geste d’épaule, je fis tomber sa cape et me relevai pour me poster face à lui. L’agacement venait de se réveiller en force dans mon corps ; croyait-il vraiment que j’avais besoin de lui ? de son aide ? de sa cape ? de ses attentions ? de sa moquerie ? Oh oui, parce que ce geste n’était rien d’autre qu’une façon de me hurler — encore une fois — combien il m’avait dépassé en tout point avec la réussite de son sortilège minable. Un moyen de dire qu’il était si exceptionnel qu’il pouvait se permettre ce qui ne se permettrait pas.

Sourcils froncés, je lui jetai un regard noir.

« C’est bon t’as réussi un tout p’tit sortilège d’gamin alors la ramène pas ! » J’attrapai ma baguette. « J’ai pas b’soin d’toi ! » Je la brandis devant moi ; on aurait pu croire que je visais Fleurdelys, mais l’idée ne m’effleura même pas l’esprit. « Si t’étais pas aussi rêveur (et le qualificatif n’était certainement pas un compliment dans ma bouche), tu saurais qu’tu peux faire tout c’que tu veux avec la magie ! »

Je pris une grande respiration, quittai le garçon du regard et entrepris d’éloigner ma colère — qui étonnamment n’eu pas de mal à s’en aller — pour me concentrer. Du bout de ma baguette, je dessinai le signe de l’infini et j’articulai « Avifors » en visant la cape de l’idiot.

Je sus dans l’instant que j’avais réussi mon sortilège. Aussitôt, la cape se transforma en une nuée de petits oiseaux au plumage sombre qui s’éparpilla en piaillant autour de Fleurdelys. Je les regardais s’envoler sans cacher mon sourire auréolé de fierté. Quand je baissai le regard sur le garçon, mon sourire se transforma en un air narquois.