Malgré le froid et le vent parfois glacial qui s'insinuait dans ses vêtements, Sigmund se promenait dans le parc de Poudlard. C'était un samedi, et il n'avait pas grand chose à faire de plus que réfléchir à la future naissance de son petit-enfant. Il avait erré un peu sans but dans les couloirs de l'école. En passant devant l'entrée de la salle commune de Poufsouffle, une vague de nostalgie avait déferlé sur lui, tandis que de lointains souvenirs remontaient à la surface. C'était sa maison, celle qui l'avait accueillie pendant ses sept années d'études. Il était par ailleurs très fier que son filleul fut dans cette maison. Le tempérament d'Elian, souvent, se rapprochait plus de celui de son parrain que de son propre père. Et après sa longue balade dans les couloirs, le voilà désormais dans le parc. Il avait commencé par se rapprocher, inconsciemment, des serres de botanique où enseignait Solar. S'y trouvait-elle actuellement ? 

Puis lentement, ses pas l'avaient guidé jusqu'au saule cogneur. Plus de trente ans plus tôt, l'idée de s'approcher de cet arbre -et pourquoi pas, d'essayer de l'escalader avait effleuré son esprit, avant d'être rapidement balayée par sa peur et son manque de courage -mais il préférait dire qu'il ne s'agissait que de raison et de maturité. Prudemment, il s'assit à plusieurs mètres de l'arbre, bien à l'abri de ses branches destructrices. Emmitouflé dans sa cape, et protégé par une veste queue de pie et plusieurs couches d'écharpes tricotées à la main, le froid ne traversait que peu ses vêtements.

Tout en songeant à sa lointaine enfance, Sigmund sortit de son sac banane chacune de ses trouvailles de la matinée et les étala sur le sol. Puisqu'il allait bientôt être grand-père, en plus de tricoter plusieurs vêtements pour le nourrisson, il réfléchissait d'ores et déjà aux futurs jouets de l'enfant, même s'il était bien tôt pour cela. Il aimait beaucoup les jouets moldus et avait très envie de jouer aux petites voitures et avec des figurines de super-héros avec l'enfant. Ce qui tombait bien, c'était qu'il en avait une impressionnante collection, tant dans son bureau que dans ses appartements. Mais ceux-ci étaient parfois très petits, avec des morceaux détachables, ce qui était inapproprié pour de trop jeunes enfants. Fort heureusement, il avait fini par retrouver les anciens jouets de Beth, qu'il avait ensuite confié à Elian, avant de les récupérer quelques années plus tard. C'étaient de gros jouets, solides, sans petites pièces détachables. Il aligna Captain America, Hulk, Wonder woman et Superman sur le sol puis les observa. Un peu plus loin, il posa plusieurs petites voitures de couleurs différentes.

« Alors, Hulk, pourquoi t’es tout vert ? T’as mangé trop de légumes ? » fit Sigmund en prenant une voix aiguë. Il saisit Hulk et le fit s'agiter, comme s'il était mécontent. « Tais-toi, Wonder woman ! Ce n'est plus l'heure de bavarder. Il faut sauver le monde ! » s'exclama-t-il cette fois-ci avec une voix plus grave, qui ressemblait davantage à la sienne. Discrètement, il sortit sa baguette magique et  lança un sortilège de lévitation. La figurine de Superman volait désormais dans les airs, prenant différentes directions, comme à la recherche d'un danger. « Un problème ? Superman est là ! Où est le danger ?  ». Le bras en bois de Hulk sembla désigner le saule cogneur. « Dans cet arbre démoniaque ! Des civils ! Va les sauver, brave Superman ! » Guidée par le sortilège de lévitation du professeur, la figurine s'envole vers l'arbre, qui commençait à s'agiter. Et c'est ainsi que Sigmund Charleston, quarante-sept ans, se retrouva à jouer comme un enfant dans le parc de Poudlard. 

Depuis sa première tentative, Chems n’avait jamais perdu sa motivation de pouvoir un jour se hisser sur l’arbre le plus fascinant sur lequel il avait été amené à poser ses yeux. 

Le saule cogneur de Poudlard était un challenge récalcitrant que l’irlandais n’avait toujours pas réussit à surmonter à raison de 1 ans et demi de tentatives infructueuses. Et aujourd'hui était justement une de ces journées où Chems avait trouvé son chemin jusqu'à ce défi, pour l'heure, insurmontable. Le Poufsouffle avait pourtant vraiment essayer de comprendre, d'observer, de savoir si il y avait ... un truc. N'importe quoi! Une distance précise avant que le saule gigantesque ne se mette à bouger, un moment particulier de la journée où il n'était pas "actif", mais tout ses noeuds au cerveau n'avaient pour l'instant servit à rien. L'idée de demander à sa professeur de botanique avait bien effleurer son esprit une ou deux fois, mais il s'était vite débarrassé de la pensée. Il n'était pas censé s'approcher de l'arbre après tout. Depuis ce qu’il s’était passé avec Lucy, le garçon était plus vigilant lors de ses visites, veillant à bien se mettre du côté de l'arbre qui n'était pas à la vue de tout le parc quand il décidait de s'en approcher.  Si, dieu savait comment, l'arbre pouvait l'entendre, le garçon avait alors décidé de se débarrasser de ses chaussures pour prévenir les craquages de brindilles avant de s'aventurer à faire quelques pas perdus près de l'arbre, les mains dans les poches de son sweat-shirt. Ses yeux olives se perdaient sur les crevasses du tronc enroulé sur lui-même, cherchant presque à voir au travers le coeur battant du spécimen fantastique. Où un regard sombre suivre ses mouvements et attendre le moment opportun pour frapper. Un sourire nerveux accueillit sa réflexion. Levant la tête vers les longues branches couvrant à moitié le ciel de là ou il était, l'irlandais capta juste à temps un mouvement suspect juste au dessus de celles-ci. Le poufsouffle fronça les sourcils, retirant ses mains de leur abris, soudainement attentif aux bruits environnants. Et comme prévu, la minute suivant le passage de l'ombre, le grincement du bois de l'arbre au réveil retentit. 

Chems piqua instantanément un sprint jusqu'à être hors de la zone d'atteinte du cogneur, chopant ses godasses au passage. Le bruit sourd de l'impact d'un des poings de l'arbre fit hérisser les poils de sa nuque alors qu'il sentait le courant d'air induit par la branche juste dans son dos. Pfiouf... Se laissant tomber sur son derrière, ramenant sa jambe droite pour y poser son coude, Chems put constater de l'impact laisser par l'arbre capricieux à quelques centimètres de lui et sourit brillamment de voir l'arbre se résigner à ramasser son terrible bras. En vérité, tout son temps à scruter le saule n'avait pas réellement servit rien. Le poufsouffle savait presque avec exactitude jusqu'où les branches pouvait frapper à force d'avoir à les éviter. Mais même avec ce semblant d'avantage, Chems décida de ne pas se risquer à retenter l'expérience aujourd'hui. Ça faisait suffisamment d'adrénaline que de passer à deux centimètres de finir à l'état de crêpe. Ramassant ses chaussures et ses espoirs écrasés, il se redressa, prenant le détour pour rejoindre le centre du parc. Il ne pensa certainement pas à tomber sur la figure surprotégé d’un adulte dans sa progression. Un prof ? Chems déglutit. Une chance qu’il n’ait pas remit ses chaussures, il pourrait peut être passer derrière lui sans faire de bruit et s’éviter des problèmes.  

Mais alors, tandis qu'il était tout juste à trois pas de pouvoir filer à l’anglaise, le garçon capta les noms des plus célèbres des superhéros moldus sortir de la bouche de l'homme. Ses yeux s'arrondirent d'étonnement, et il osa poser son regard sur le potentiel professeur. Incapable de tourner le dos à ce souvenir qui le renvoyait chez lui, Chems se rapprocha à pas de loup jusqu’à pouvoir voir les figurines à l’effigie des justiciers par dessus l’épaule de l’adulte. Mauvais trait qu’était sa curiosité et qui l’empêchait de penser rationnellement, au lieu de partir, le garçon se retrouva à s'accroupir un peu en arrière du drôle de personnage pour observer son jeu, les yeux brillants d'intérêt, et sans s'en rendre compte, au milieu d'une scène surjouer par l'adulte, pointa le Hulk du doigt, cassant sans vergogne le mono-dialogue dès que l'occasion se présenta : « Mon frère avait Thor »

Grâce à un sortilège de lévitation, le professeur d'étude des moldus s'amusait à faire voler Superman dans tous les sens, le faisant parfois virer brutalement vers le sol, avant de virer à nouveau vers le haut, à quelques centimètres de l'herbe. Tout en agitant ses figurines, il faisait des bruitages avec sa bouche alors qu'ils combattaient ou volaient dans les airs. Il n'entendit pas le jeune garçon arriver, et sursauta quand une petite voix s'exclama :  « Mon frère avait Thor ». Il se retourna avec lenteur, jusqu'à apercevoir dans son champ de vision un garçon aux cheveux châtains ébouriffés, qui regardait avec intérêt ses figurines et pointait Hulk du doigt. Sa gêne passagère d'être ainsi surpris, au beau milieu d'une séance de jeu telle qu'il n'en avait pas connu depuis bien des années se volatilisa rapidement alors qu'il pensait au héros évoqué par son interlocuteur. 

« Vraiment ? » répondit-il, intrigué. « J'aime beaucoup Thor. J'ai une grande figurine de lui. Très belle, très réaliste. Je ne compte pas le nombre de fois où Elian l'a fait tomber, plus petit, et a cassé son précieux marteau. Heureusement que cela se répare bien avec un sortilège de réparation » songea-t-il, distrait. Il plissa des yeux tout en analysant le visage du garçon. « Mais je vous ai déjà vu avec Elian ! Vous êtes l'un de ses copains ? » demanda-t-il. 

Doucement, à l'aide sa baguette, il fit atterrir Superman à côté de ses acolytes. A l'aide d'un sortilège d'attraction -car il était guère aisé de retrouver quelque chose dans son sac sans ce sortilège, il sortit d'autres figurines qu'il plaça sur le sol. D'ordinaire, il ne mettait pas ses précieuses petites statues -souvent bien fragiles, dans son sac où les objets s'entassaient et s'entrechoquaient, mais il s'agissait-là de jouets particulièrement solides. Il attrapa une figurine de Thor et la tendit au garçon, tout sourire. 

« Comme celle-ci ? » s'enquit-il en lui tendant l'objet, comme une invitation à le prendre. Le professeur fronça les sourcils en réalisant que le jeune garçon ne portait pas de chaussures. Il les tenait dans sa main. Ses pieds, eux, étaient plutôt sales, signe qu'il s'était vraiment promené sans ses souliers. Étrange, en plein mois de janvier. « Vous n'avez pas froid aux pieds ? » demanda-t-il, intrigué. Puis à nouveau, il se tourna vers ses figurines et en quelques mouvements de baguette, Superman volait dans les airs.

Chems reconnu immédiatement l'homme comme étant l'un des professeurs à siéger aux côtés des autres dans la grande salle. Mais sa manière de parler d'Elian était quand même étrange, en laissant entendre qu'il le connaissait depuis bien plus longtemps juste comme ça. Le poufsouffle avait l'impression de louper quelques chose, comme les jours où il oubliait de ramener un devoir à rendre dans une matière mais qu'il ne s'en rendait compte qu'arrivé devant la classe. « Ah oui, on partage la même chambre, sourit-il distraitement.  Elian m'avait pas dit qu'il avait déjà cassé Mjolnir. Aidan a jamais réussit lui, et pourtant il a essayé! » ricana-t-il doucement en se souvenant de son grand frère et son caprice de vouloir impérativement remplacer le marteau par Stormbreaker. Il apparut bien rapidement que l'adulte avait plus de jouet en réserve. Beaucoup plus pour un si petit sac! Naïvement, Chems songea que les figurines ait pu appartenir à son camarade de chambrée cité et adressa un regard suspicieux au professeur, mais ne put se résoudre à faire autre chose que de hocher positivement la tête devant le visage souriant de celui-ci, et attrapa la réplique de Thor en s’asseyant en tailleur à côté de lui. Il paraissait sympathique...

« Vous n'avez pas froid aux pieds ? » Le garçon sentit ses épaules tressauté contre son gré mais s’efforça de faire comme si de rien n'était, retournant la figurine entre ses doigts et priant pour que la question n’aille pas plus loin, il répondit en marmonnant, sans même lever les yeux du jouet : « Si j'avais froid, j'aurais mis mes chaussures » Paye ton excuse bidon Chems. Même en paraissant cool, un professeur restait un professeur. Et un professeur, ça punit quand on respecte pas le règlement. Le garçon avait maintenant examiné sous toutes les coutures la figurine, s’était confirmé vingts fois qu’il s’agissait d’une réplique quasi-parfaite de celle de son frère (à deux/trois éraflures absentes près), mais ses interrogations grossissaient toujours. Il était dans une position où bien peu de chose lui paraissait clair alors qu’il regardait sans voir le superman s’élever sous les directives de la baguette de l’homme. Puis il tourna son regard vers les jouets encore à terre pour finir par le visage du professeur.

« Excusez moi, osa-t-il prudemment en reposant Thor devant l’adulte. Comment ça se fait que vous ayez les jouets d’Elian ? Il s’est passé quelques chose ?» Ça lui faisait drôle d'envisager que son camarade ait pu se faire confisquer quoi que ce soit, mais admettons... Peut être qu’il pourrait les lui récupérer. 

Le jeune garçon saisit la figurine de Thor et s'assit à côté du professeur. Sigmund ne s'attendait pas à avoir de la compagnie alors qu'il redécouvrait ses figurines favorites et triaient les jouets pour le bébé -enfin, tout cela pour ne pas dire qu'il jouait. Si cela l'avait un peu gêné dans un premier temps -il n'était jamais agréable d'être surpris au beau milieu d'une activité jugée destinée aux enfants, il ne tarda pas à voir en ce garçon un potentiel camarade de jeu -et personne avec qui parler moldus. L'explication du jeune sorcier pour l'absence de chaussures était un peu étrange. Les voyait-il comme un accessoire dispensable, utile uniquement lorsque les températures étaient trop basses ou le sol, irrégulier ? Le professeur ne s'en formalisa pas et distrait, il se contenta de hausser les épaules.

Il haussa un sourcil lorsque le garçon lui demanda pourquoi il avait les jouets d'Elian. Elian ? Que venait faire le petit blondinet dans cette histoire ? Il était évident que ces figurines n'appartenaient pas au Poufsouffle. Celui-ci préférait de loin les figurines de créatures magiques, ou ces affreux tubes magiques en forme de but de Quidditch qui faisaient des bulles multicolores. Non, définitivement, ce n'était pas à Elian. Pourquoi son jeune camarade de chambre croyait que c'était le cas ; Sigmund n'aurait pas su répondre à cette question. Peut-être que le Poufsouffle le considérait comme trop vieux pour jouer ainsi ? Il grimaça.

« Je ne pense pas qu'il s'en souvienne, cela remonte à bien des années. Il était haut comme trois pommes. Sinon, non, ce ne sont pas les jouets d'Elian. En fait, ces objets m'appartiennent. Enfin, pour l'instant. Je comptais en faire cadeau à mon petit-enfant, quand il sera en âge de jouer  » expliqua-t-il. Et dire que le -ou la ! petit-e n'était pas encore né(e). Il allait falloir patienter encore un petit peu moins de deux mois. « Excusez-moi, vous êtes monsieur... ? » demanda-t-il distraitement, ne connaissant pas le nom du garçon. 

D'un délicat mouvement de poignet, Sigmund abaissa sa baguette et Superman se posa en douceur sur le sol, juste en face du garçon. Alors, le professeur se tourna vers le Poufsouffle avec un sourire enjoué et le regard plein de malice. «  Vous êtes en deuxième année, non ... ? Et si vous me montriez votre maîtrise du sortilège de lévitation ? » l'invita-t-il avec un air de défi. C'était un sortilège très simple, enseigné dès la première année. Il espérait que le garçon relèverait le défi. En quelques coups de baguette, la réplique de Bizarro, un super-vilain ennemi de Superman, s'éleva dans les airs. Dans une imitation grotesque de la voix du méchant, Sigmund s'exclama : « Alors, Superman, et si on passait aux choses sérieuses ? »

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La joueuse qui ne comprend rien aux Super-héros remercie Christopher Martin pour son aide. 

Le poufsouffle pouvait dire que sa moustache n’était définitivement pas ce qui avait de plus original chez ce professeur. Autrement dit, Chems trouvait ça plutôt cool que ce grand monsieur s'intéresse à autre chose que ses copies, son café où la gazette du sorcier. En sa qualité d’adulte ET de professeur, le garçon s’attendait à ce que l’homme soit barbant au possible, suspicieux -comme souvent les adultes l’étaient en le croisant- et que cette rencontre résulterait juste en un énième rappel avec l’ordre, le respect et les règles. Lui même n’était pas très à l’aise autours d’eux d’ailleurs, à l’exception près de son père. Il leur faisait pas confiance. Appelez-le immature et c'était la même. Mais maintenant que ses suspicions s’étaient confirmés infondées, pour l'heure, Chems se sentait au moins plus détendu en face de cet adulte. « Daley professeur »

«  Vous êtes en deuxième année, non ... ? Et si vous me montriez votre maîtrise du sortilège de lévitation ? » Le poufsouffle tiqua. C’était bien une phrase de prof ça, si ce n'est pour l’air de défi qui barrait le visage de cet  homme bizarre. Mais un bon bizarre pour le coup. Intéressant ça. En entendant l'adulte véritablement rentré dans ce jeu, Chems perdit finalement sa modeste retenu et y plongea lui-même à pied joint, attiré par le challenge. « OK ! Alors on dit que le premier à mettre l’autre à terre gagne ! » Se redressant d'un bond, la baguette sortit et paré à lancer un Wingardium leviosa comme jamais personne l’avait lancé, il proclama effrontément: « Tu va perdre ! »

Le garçon ne savait plus s’il parlait au professeur où à son personnage incarné mais en tout cas, c'était partit ! Il ne l'avait pas dit, mais aux antipodes avec son frère, Chems avait toujours tendance à jouer le méchant, préférant de loin les magouilles fourrées de Loki aux discours gracieux d'un Captain America où d'un Superman, mais il ne rechigna pas à faire s'élever le héros à son tours. C'était pas tout les jours qu'il avait la chance de se mesurer à un sorcier de loin plus avertit que lui. C'était même une chance en or ! Mais qu'on se le dise, il n'allait pas se restreindre et étouffer ses mauvaises habitudes lors d'un affrontement sous prétexte qu'il incarnait le bon modèle du superhéros parfait. Et ce, même avec monsieur-le-professeur-à-la-moustache en face. « Et si je gagne, je dirais à vos petits enfants que leur papi a déjà perdu un duel contre un deuxième année ! ». 

D'un mouvement, peut être un peu trop sec, de la baguette, la figurine fusa sur celle de son ennemi le temps de ce jeu, reflet de l'impatience du garçon. L’aprem s'annonçait plus marrante que ce qui était prévu.

Sigmund ne s’y attendait pas, mais le jeune Poufsouffle se prêta bien volontiers au jeu ; il semblait même plutôt enthousiasmé par cette idée de défi. Après s’être relevé en un bond, il avait donné les conditions de victoire, juste avant de balancer un « Tu vas perdre » à un professeur surpris par ce tutoiement soudain. Estimant que le jeune garçon s’adressait probablement au personnage qu’il incarnait ; soit le super-vilain Bizarro, il ne s’en formalisa pas. La figurine contrôlée par Sigmund se figea dans les airs, alors que sa main était crispée sur sa baguette magique, lorsque le jeune Daley affirma qu’en cas de victoire, il s’en vanterait aux petits-enfants du professeur. Ce n’était pas vraiment l’éventualité de perdre contre un jeune élève de deuxième année qui provoquait une telle réaction ; ainsi que le visage sombre qu’arborait désormais Sigmund. C’était l’évocation de ses petits-enfants, alors qu’il n’en avait pas. Pas encore.

« Je ne suis pas grand-père. rétorqua-t-il d’une voix glacée. Je suis…je suis juste père. L’enfant n’est pas né ! » Ce qui, à deux mois près, ne changeait pas grand-chose mais il fallait avouer que le sorcier n’avait pas encore tout à fait accepté l’idée que sa fille devienne mère. « Enfin, dire que je suis un papi… cela se voit pourtant que je suis encore jeune » murmura-t-il cette fois-ci pour lui-même.

Il avisa un instant la figurine du Super-héros qui fonçait vers la sienne et d’un élégant mouvement de baguette, il esquiva ce Superman enthousiaste. Amusé, il fit tournoyer son Bizarro autour du superhéros, comme pour le narguer. « Il va falloir revoir tes réflexes, Superman ! » s’exclama Sigmund, passant lui aussi au tutoiement pour faire parler son personnage. Bizarro s’éleva dans les airs, haut, très haut, puis fondit à toute vitesse en direction de Superman.

Chems était parti vite, mais les paroles du professeur ne lui échappèrent pas pour autant. Déstabilisé, le garçon vit la figurine empruntée vacillé sous le coup de sa propre surprise. « O-oui mais il finira bien par naître un jour... ? » Non ? C’était tabou de se faire appeler grand-père ? Le poufsouffle avait envie de tourner les yeux vers l’adulte maintenant. La déclaration donnait presque l’impression d’une excuse. Délicat et compréhensif comme il l’était toujours*, Chems chuchota par dessus les marmonnement incompréhensible du professeur comme pour lui dire un secret : « J’ai pas dis que vous étiez vieux hein… » Même si la moustache faisait un travail assez remarquable pour en donner l’impression.

Au final, sa tentative de touche était un coup dans l’eau. Captiver de voir jusqu’à où la figurine du prof s’élevait, le garçon n’eut qu’une seconde pour réagir entre l’instant ou celle-ci n’était plus qu’un point dans le ciel et celui ou elle s’apprêtait à entrer en collision avec Superman. Encore une fois, Chems dû donner un à-coup de baguette pour essayer d’éviter la trajectoire. La figurine échappa de justesse au missile, mais le garçon n’était pas satisfait. Quelques chose le démangeait affreusement : cette latence entre son geste et celui de l'objet qu'il manipulait. Il n’y avait qu’une courte différence, mais celle-ci commençait à insupporter le poufsouffle. « Mais pourquoi il suit pas tout de suite mon mouvement !? » rouspeta l’enfant en tapant du pied. D’exacerbation, le garçon attrapa le manche de sa baguette des deux mains, comme si c’était la solution miracle, mais ne se décrispa pas pour autant. « Je t’arrêterais quoi qu’il arrive » siffla-t-il entre ses dents à l’attention de la figurine ennemi. Derrière les deux jouets, le saule agitait toujours ses branches, de plus en plus vigoureusement, et ça commençait à être difficile pour lui de ne pas se laisser déconcentrer. Au moment de foncer une nouvelle fois, une idée lui traversa l’esprit. 

Une diversion ! Il avait besoin d’une diversion ! « Monsieur vous… réfléchis Chems, réfléchis... Vous êtes… vous-... Réfléc-... * !!* 

« Vous êtes prof de quoi !? »  Ça ressemblait plus à un cri d'illumination qu'à une question, mais sur un malentendu, ça pourrait faire l'affaire. 

Superman esquiva au dernier moment Bizarro, qui décéléra après avoir raté sa cible, pour remonter juste avant de toucher le sol. « Jolie esquive ! » commenta Sigmund, impressionné. Les gestes du jeune Daley étaient encore un peu hésitants, et les figurines avaient failli entrer en collision, mais il avait tout de même réussi à l'esquiver avec succès. Seulement le Poufsouffle ne parut pas totalement satisfait de son esquive, puisqu'il tapa du pied en marmonnant quelques plaintes. Cela fit sourire Sigmund, amusé que le garçon prenne ce jeu autant au sérieux. Enfin, lui aussi prenait cela très au sérieux ; il quittait à peine sa propre figurine des yeux et s'efforçait de rester parfaitement concentré sur ses mouvements.

Il fronça les sourcils lorsque son interlocuteur lui demanda quelle matière il enseignait.

« Je suis professeur d'étude des moldus. Pourquoi ? » répondit-il tout en ne lâchant pas sa figurine des yeux, totalement imperturbable et concentré sur le jeu. Bizarro volait avec aisance, décrivant des courbes, des descentes, des remontées dans des mouvements fluides. Il tenait sa baguette du bout des doigts, ce qu'il faisait souvent et ce qui était plus simple pour lui, qui avait de très grandes mains et une baguette ridiculement courte. Daley ne semblait pas éprouver autant de facilités avec sa propre figurine, et ainsi Sigmund finit par se tourner vers lui pour voir si quelque chose clochait. Le gamin semblait crispé sur sa baguette, qu'il tenait à deux mains.

« Vous êtes trop tendu. Commencez par vous décrispez. Et c'est une baguette que vous tenez, pas une batte ! Tenez-la à une seule main, vos gestes seront déjà plus précis. Ensuite, gardez votre concentration, et en même temps que vous bougez votre baguette, visualisez-bien la figurine se déplacer dans les airs à chacun de vos mouvements. Avec ça, tout devrait fonctionner comme sur des roulettes ! » assura-t-il avec un sourire. 

Son plan était froissé. La réponse du professeur avait réussi à plus le perturber lui que sa question n’avait eu d’impact sur le principal intéressé. « Je savais pas que ça existait ici ça ! » nota-t-il de trois octaves trois hauts sous le coup de la surprise sans vraiment répondre au "pourquoi" du professeur. « Vous donnez des cours de maths et ce genre de tru- choses ? » Mâchant son dernier mot, il bafouilla une rectification maladroite pour parler des matières moldus qu’il avait eu l’occasion d’étudier une fois. De toutes, il n’y avait que l’histoire qui était à peu près similaire à Poudlard. Mais étude des moldus ne pouvait être que ça... Quoi d’autre sinon ? Dans ce train d'idée, Chems enchaîna, avec une moue un peu perplexe: « Vous êtes un sorcier et vous donnez des cours moldus c’est… »  Il plissa le nez d’incompréhension, là ou il ne trouvait pas d’explication, il ne trouva pas de mot pour d’écrire sa réflexion non plus. « ...Bizarre » acheva-t-il franchement.

Le garçon se résigna finalement à suivre les conseils du professeur, se retenant de faire une réflexion capricieuse sur des consignes qu’il se souvenait avoir déjà reçu en première année et compara minutieusement le vol saccadé de sa figurine avec celui de l’adulte. À part pour soulever simplement deux, trois objets du sol, en comptant ceux fournis pour le cours, le garçon n'avait jamais eu le plaisir de faire virevolté quoi que ce soit aussi librement et aussi longtemps. Si il pouvait prendre le coup de main maintenant, c'était bon à prendre! “Visualisez-bien la figurine se déplacer”. Encore une fois, ses yeux atterrirent inconsciemment sur la figurine ennemi, si fluide et impressionnante, et sa propre main commença à décrire la trajectoire du jouet contrôlé par l’adulte au lieu de chercher à la toucher.