Depuis le début, Maisie sentait qu'elle n'avait pas sa place à Poudlard. La nouvelle était arrivée si vite, qu'aujourd'hui encore, elle ne réalisait pas qu'elle était une sorcière. Toute sa vie était alors chamboulée. Elle avait dû quitter sa maison, son école et même ses amis. C'était plus que difficile pour elle de tout quitter pour aller dans un endroit aussi insolite que celui-ci. Elle se demandait même comment ses parents avaient pu la laisser partir, sans avoir la certitude que tout ça était vrai.

Enfin, heureusement pour elle, tout ça était vrai.

Les cours à Poudlard étaient un calvaire sans nom. Elle n'arrivait pas à assimiler les choses, et le peu de magie qu'elle avait dû pratiquer s'était conclu en néant. Malgré tous ses efforts, rien n'y faisait, aucune once de magie ne sortait de sa baguette.

C'est alors qu'elle se demandait si elle était vraiment une sorcière.

Pour en être sûre, elle s'armait de sa baguette. Elle avait confiance en elle et était très sereine. Les oiseaux qui chantaient dans le parc de Poudlard l'apaisaient, elle était en somme, dans de très bonnes conditions pour réussir.

Elle tenait ainsi sa baguette fermement, la pointant vers un vulgaire caillou. Après quelques secondes de concentration, elle prononça distinctement :

- Wingardium Leviosa.

Rien ne se produisit.

Maisie entrait alors dans une forte colère. Elle était si énervée qu'elle balança sa baguette violemment à plusieurs mètres d'elle. Elle ne voulait plus voir cet objet qui commençait peu à peu à la dégoûter.

Assise au pied d'un arbre, elle réfléchissait aux événements qui s'étaient déroulés dans sa vie. Pourquoi avait elle reçu cette fichue lettre ? Pourquoi ses parents l'avaient-ils envoyée ici ? Elle qui était habituellement une bonne élève, était aujourd'hui la risée de sa classe. D'ailleurs, certains ne s'étaient pas gênés pour le lui dire.

Toutes les remarques qu'elle entendait, sa nullité en matière de magie, mais surtout son mal-être constant, ne lui donnaient pas envie de rester ici.

- Je veux rentrer à la maison...

Son coeur s'emballait, elle ne se sentait pas bien. Doucement, elle se levait. Elle avait eu l'idée d'écrire à ses parents pour leur faire part de ses émotions. Ensuite, elle irait voir la directrice et lui demanderait de la renvoyer chez elle, tout en espérant qu'elle accepterait.

Elle ne pensait même plus à sa baguette. De toute façon, elle n'en voulait plus. Elle ne lui servait à rien.

 Le faible vent faisait danser les branches des arbres et Daisy se surprit à savourer la faible chaleur que projetait le soleil contre sa peau. Décidément, l'Écosse l'avait bien changée. La jeune sorcière avait profité de cette journée agréable pour passer un peu de temps avec son nouvel ami, son petit oiseau des neiges. Petit n'était en vérité par un mot qui correspondrait à cet animal, encore moins lorsque celui-ci planait dans les airs écartant ses larges ailes blanches mouchetées de noir. Rien, dans un moment pareil, n'aurait pu venir perturber son bien-être. La voilà de retour à Poudlard, une école dans un autre pays, dans un autre monde. Une vie qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. Elle jeta un rapide coup d’œil derrière elle pour contempler les murs du château refermant des siècles entiers d'histoires magiques, toutes plus étranges et merveilleuses que les autres. Aujourd'hui, son histoire à elle s'écrivait aussi en ces murs. Doucement, les lignes de sa vie se remplissaient. Elle ignorait où finirait son histoire à elle, à quel chapitre, à quel événement, à quelle rencontre. Elle ignorait tout de ce chemin et pourtant elle continuait de l'emprunter. Ne dit-on pas parfois qu'il faut savoir se laisser porter par le vent ?

À l'image des quelques feuilles d'arbres qui commençaient à s'envoler, Daisy elle aussi avait commencé à le faire. C'était une sorcière maintenant.

La jeune fille s'était mis à se promener dans le parc et redécouvrait quelques-uns de ces endroits qu'elle avait fréquenté l'an précédent. De temps à autre, elle s'arrêtait et regardait l'ombre de son oiseau dans le ciel. Elle aurait volontiers continué sa petite escapade solitaire si un mouvement n'avait pas attiré son attention. Une branche qui était tombée bizarrement dans son champ de vision latéral. Intriguée, la brune tourna la tête. Il n'y avait rien de particulier, juste une fille qui filait dans une autre direction. Peut-être était-ce un écureuil ? Daisy s'approcha des arbres mais ne perçut aucune créature. Pas même un oiseau. Curieux. Haussant des épaules, elle voulut faire demi-tour et se figea de justesse. De justesse, oui, heureusement. Sinon la baguette sous son pied aurait rejoint un monde meilleur. Incrédule, elle prit le bout de bois en main et regarda autour d'elle. Qui pouvait bien laisser sa baguette ici ?! C'est à ce moment-là qu'elle se souvint de la fille pensant alors qu'elle avait dû la faire tomber. Ce genre d'accident lui était arrivé bien trop souvent à son goût, si souvent que cela était devenu une crainte pour la sorcière. Perdre sa baguette. Elle se mit alors à courir après cette fille en agitant dans les airs sa trouvaille.

- Eh ta baguette ! Ta baguette ! Lorsqu'elle fut à quelques mètres d'elle, elle reprit un ton plus calme et tendit l'objet. Je l'ai trouvée là-bas, c'est à toi ?
 

Maisie marchait d’un pas décidé vers Poudlard. Elle était plus que déterminée à rentrer chez elle et avait hâte de se rendre à la volière pour donner la lettre qu’elle allait écrire à ses parents. Plus vite elle irait, et plus vite elle pourrait retrouver sa mère, son père, sa maison et son école normale.

Sur le chemin, elle s’imaginait de nouveau dans le Poudlard Express, attendant impatiemment son arrivée à Londres. Elle s’imaginait retrouver ses parents qui lui manquaient tant, ses quelques amies et les cours de mathématiques qu’elle appréciait bien plus que ceux de Potions ou de Sortilèges.

Le changement était bien trop brut et radical, et tout ça ne lui plaisait pas. Sans doute aurait-elle apprécié tout ça dans d’autres circonstances. Si elle s’était rendu compte de ses dons en magie avant, si elle avait pu expérimenter ça un peu avant d’entrer dans une école spécialisée. Cela lui aurait peut-être permis d’aimer la magie. Aujourd’hui, en la subissant, en étant forcée à l’étudier, elle en était dégoûtée.

Ses plans furent malheureusement troublés par une élève qu’elle n’avait j’avais vue. Cette dernière tenait entre ses mains la baguette de la jeune fille, souhaitant la lui rende. Maisie arquait les sourcils à cette vision. Pourquoi voudrait-elle récupérer un objet qui ne lui était guère utile ? Qui plus est, un objet ayant été abandonné délibérément ?

N’ayant pas l’habitude d’être accostée et étant de nature timide, Maisie ne fit cependant pas la maligne. Elle ne décrocha pas un seul mot, fixant son interlocutrice dans les yeux, figée et probablement les joues rouges. Si seulement les autres ne la voyaient pas, elle se porterait beaucoup mieux, et serait sans doute moins stressée.

Après une bonne minute de silence, la bouche de Maisie s’ouvrait enfin. Un simple « heu… » c’était fait entendre, ne sachant quoi répondre. Son ventre lui faisait mal, elle ne voulait plus que partir et qu’on lui fiche la paix.

- Tu peux la garder si tu veux. Je n'en veux plus. Elle ne me sert à rien.

Sans un mot de plus, elle prenait de nouveau la route vers le château, où elle avait mieux à faire. Réfléchissant au chemin pour se rendre à la volière, elle se rendit compte qu’elle ne la connaissait pas. Elle allait forcément se perdre, si elle tentait de s’y rendre par ses propres moyens.

Ce n’était pas dans ses habitudes, mais elle n’avait pas le choix. Elle devait prendre son courage à deux mains et demander son chemin. Sa timidité la bloquait un peu, mais elle se forçait. C’était une étape indispensable si elle souhaitait rentrer chez elle.

Elle souffla alors un bon coup, et se dirigea vers la fille.

- Saurais-tu me donner la route pour la volière, s’il-te-plait ?

Elle espérait que tout ça aille vite, elle avait envie d’être seule.

 L'incrédulité frappa la jeune Anglaise en plein visage. Jamais, ô grand jamais elle n'avait pu entendre une chose pareille. Prise de court, Daisy n'eut même pas eu le temps d'articuler une réponse que l'autre fille prenait déjà la fuite et la laissait plantée là dans le parc avec le bout de bois magique dans sa main. La réponse qu'elle avait obtenue circula à plusieurs reprises dans sa tête sans qu'elle ne puisse savoir si elle avait bien entendu ou si son imagination venait de lui jouer un tour. Sa mèche de cheveux collée au visage lui décocha un mouvement pour la dégager - oui, elle avait bien entendu. Une des premières choses qu'elle avait pu remarquer ici était d'abord l'austérité que pouvaient avoir certaines personnes vis-à-vis du monde non magique, rapidement couplée au ridicule du mal-être que pouvaient avoir ces personnes une fois qu'on leur retirait leur baguette des mains. Et voilà que quelqu'un se débarrassait de la sienne. Un sorcier sans baguette. 
La jeune fille finit par revenir vers elle et Daisy retendit sa main par un simple réflexe, croyant alors à un changement d'avis mais il n'en était rien. Elle voulait connaître un chemin. La Deuxième Année ne sut dire la quelle des deux étaient la plus maladroite à ce moment-précis, l'une semblait profondément gênée et l'autre toujours prise de court était vraisemblablement déstabilisée. 

- Euh, oui, bien sûr, si tu veux. Mais d'abord tiens, prends-là. J'en ai pas besoin, j'ai déjà la mienne, avait-elle dit en montrant sa baguette qui sortait de sa grande poche. T'arriveras jamais à rien ici si tu n'as pas ta baguette, tu dois la garder. 
Daisy craignait d'être mal comprise. Cette chose, cette information... tout le monde la savait non ? Cela lui paraissait être d'une logique infaillible. Même avant de découvrir sa nouvelle identité, elle avait toujours rapprocher les sorciers, la magie,.. aux vieux chaudrons bouillants, aux citrouilles et balais, aux baguettes magiques. C'était de cette façon que les moldus se représentaient la chose en tout cas. Pendant un instant, elle se demanda si c'était un simple caprice car sa baguette ne lui plaisait pas. Mais la fille en face d'elle avait évoqué son non-utilité et ça, elle ne le comprenait pas. Elle avait décidément encore beaucoup à apprendre sur ce monde mais chaque interrogation ou mystère qu'elle rencontrait était une nouvelle bûche qu'on jetait à son petit feu de curiosité. Elle hésita un peu à poser la question  qui lui mordait la langue par peur de se ridiculiser mais se jeta à l'eau malgré tout. Elle était à Poudlard, tout ici lui semblait possible.
 
- T'arrives à faire de la magie sans baguette ?! 

Elle y était parvenue, mais ce qu'elle espérait était certainement vain : elle ne serait pas seule avant un moment. La volière attendrait sûrement longtemps son arrivée, et il fallait dire que Maisie regrettait un peu d'avoir demandé son chemin. Si elle l'avait demandé à une autre personne, peut-être que celle-ci n'aurait pas entamé une discussion.

Piégée, ne pouvant pas faire machine arrière, elle écoutait sa camarade, prenant un peu son temps pour lui répondre.

- T'arrives à faire de la magie sans baguette ?!

La fille en face d'elle ne semblait pas avoir compris pourquoi elle n'en voulait plus. Etait-ce si affreux de ne pas savoir faire de la magie pour penser qu'elle était capable d'accomplir de telles prouesses ? En tout cas, la remarque lui était presque fatale ; il n'était presque plus possible pour elle de revenir sur sa décision. Ne pas savoir user de la magie était sûrement un sacrilège. Une chose honteuse.

- Non, pas vraiment, en fait.

Maisie se sentait plus gênée encore. Elle se sentait nulle et bonne à rien. Pourquoi fallait-il que tout ça tombe sur elle ? Son école pour les enfants dénués de pouvoirs magiques lui convenait très bien. Venir à Poudlard était une sacrée erreur.

- Elle ne me sert à rien puisque je n'ai pas de pouvoirs magiques. Je ne suis pas une sorcière, je ne sais même pas pourquoi je suis ici. Ils ont dû se tromper de personne.

En prononçant ces mots, Maisie était finalement un peu triste. Même si elle ne se sentait pas à sa place entre ces murs, Poudlard était quand même un endroit merveilleux. Elle aurait beaucoup de peine à partir, même si elle s'en réjouirait vite, en retrouvant ses parents et son école.

- Il faut que j'envoie une lettre à mes parents, je dois rentrer chez moi. Je n'ai rien à faire ici. Tu comprends ?

La baguette de la jeune Gryffonne était toujours dans les mains de sa camarade. Elle hésitait, mais finalement, elle l'a reprit. Même si elle ne lui servait pas à grand chose, ça lui ferait un souvenir de ces quelques semaines passées au château. Et puis peut-être qu'un jour, il se passerait quelque chose. Même si elle en doutait, elle était peut-être un peu spéciale. Il fallait sûrement attendre quelques années.