Février 2044, Parc de Poudlard.

  En équilibre précaire, Herschel sauta une, deux, trois fois juste pour que l'adrénaline le parcourt encore. Peur de tomber. C'était comme voler durant un infime instant mais qui semblait durer des heures dans son esprit à lui. Il se mit sur la pointe des pieds, écartant les bras, et balança sa jambe gauche devant sa droite en penchant sérieusement sur la droite. Il refit cette opération quelques fois, marche enfantine mais parfaite pour la situation dans laquelle il était. Sous l'arbre sur lequel il était grimpé se tenaient des couleuvres, des boas, des cobras, tant de serpents, de créatures qui pourraient le tuer rien qu'en plantant la pointe de leurs  crochets dans sa jolie peau laiteuse. Et il ne voulait pas mourir. Les animaux rampaient les uns sur les autres, s'enroulant, s'étouffant les uns les autres dans un spectacle macabre à souhaits. Aucun doute que s'il tombait maintenant, ils ne feraient qu'une bouchée de lui, petit homme qui n'avait vraisemblablement rien à faire dans leur territoire. L'équipage l'avait quitté quelques heures plus tôt, chercher de la nourriture et des provisions pour le bateau tandis que lui et trois de ses hommes étaient partis à la recherche des reliques qui, selon la légende, se trouvaient dans la forêt. Il avait perdu ses trois hommes plus tôt dans la journée durant un combat contre une orde de gorille et sa carte n'avait pas survécu non plus, ainsi que sa boussole et il était maintenant perdu avec pour seul repère, le soleil qui montait encore, signe qu'il n'avait pas passé le milieu de journée. Devant être rentré pour la nuit, s'il ne voulait pas se faire dévorer par les animaux nocturnes peut-être plus féroces que ceux qu'il avait déjà croisé, il s'était mis à marcher mais n'était plus sûr du sens qu'il avait emprunté, les arbres cachaient bien des choses. Il n'était pas trop inquiet, l'équipage ne mettrait pas les voiles sans le capitaine et ce n'était pas comme si c'était la première fois qu'il se retrouvait dans cette situation, en témoignaient les nombreux pin's de piraterie fabriqués et accrochés sur sa tenue à chaque fin de mission réussie avec brio. Perdu dans ses pensées, il ne vit pas le tournant que faisait la branche et mis un pied dans le vide, et tomba, tomba dans les serpents qui devenaient de plus en plus gros avec leurs sifflements colériques. Le repas était servi et ils allaient s'en régaler.

  « Ouch !

  Son coccyx frappa durement le sol sous l’arbre, provoquant une douleur qui alla même jusqu’à lui chatouiller le bout des doigts qu’il remua pour faire disparaître l’étrange sensation. Il s’allongea dans l’herbe, étendant bras et jambes autour de lui, comme une étoile de mer, et souffla longtemps et dramatiquement. Ça n’avait été qu’une de ses aventures dans sa tête. Il se demandait vraiment quand est-ce qu’il pourrait devenir un vrai pirate qui n’a peur de rien, qui vit des aventures extraordinaires et qui, tous les jours, va sur le pont de son navire bien à lui pour prendre de grandes bouffées d’oxygène et sentir la mer résonner jusque dans ses os, mélodie magnifique qui fait vivre un rêve, qui guérit tout en passant sur votre corps blessé. Il aimait la mer, c’était son rêve. Il ne l’avait jamais vu bien longtemps, n’y était jamais allé, n’en avait entendu parler que quelques fois ou ne l’avait aperçu peu souvent à travers les fenêtres de la voiture quand ils prenaient la route, mais cela n’avait fait qu’attiser son envie d’y plonger, de la voir épouser parfaitement son corps, son âme. Un besoin immense de se voir emporter par les vagues, là où tous les rêves deviennent réalité. Qu’il n’ait jamais plongé dans la mer ne faisait rien, rien de plus que de lui donner encore plus envie. On disait souvent qu’elle était dangereuse, mais il s’en fichait complètement. Rien d’autre n’importait que de voir le bleu vibrant et la sensation d’être le roi du monde. Il se l’était promis, qu’un jour il verrait la mer, et il tenait toujours ses promesses. Un jour, il voguerait sur les flots, seul ou accompagné mais il partirait loin des terres, allant là où les marins disent avoir apprit à vivre. Il aimerait bien avoir un équipage. Certes Jules était son ami, son précieux ami, presque comme son frère mais il n’avait pas son âge. Herschel Sherringford voulait quelqu’un pour l’accompagner dans ses aventures.

La température dans le parc avoisinait le zéro, mais sous les capes épaisses nous le sentions à peine.
Seul mon visage complètement exposé s'en trouvait embêté. Mais il était agréable de sentir le froid le vrai, pas le froid occasionné par le vent ou la pluie, le vrai froid, celui contre qui il est dur de lutter.

Je marchais tranquillement, depuis quelques minutes peut-être. Un tour du parc pour entretenir mon souffle et réveiller mon corps, cela m'aiderait à travailler ensuite. Du moins cela me fournissait une certaine motivation bienvenue quand dans le château régnait la léthargie, conséquence de la période hivernale qui suivait les fêtes et qui n'avait aucun attrait heureux.

Sur un arbre un enfant jouait, une scène bien étrange. Dans les élèves de poudlard rares étaient ceux qui savaient s'amuser, d'ailleurs la mentalité voulait qu'il soit mal vu de jouer maintenant que nous étions des "grands". Mais il y avait peu de monde dans le parc, personne pour se moquer de lui, et c'était bien. Sans trop le vouloir je me dirigeais vers lui, peut-être dans l'intention de lui demander si je pouvais l'accompagner. Les jeux enfantins, me manquaient. Mon frère jouait encore avec moi et pourtant il était plus grand, alors je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas jouer moi !

Soudain le jeune homme sembla flotter un court instant dans les airs. J'eus un arrêt sur image et mon cœur loupa un battement, je ne fis rien pour ralentir sa chute, car je ne sus que faire. Inquiète, je trottinais vers l'enfant chu pour veiller à ce qu'il soit encore en vie.

- Mon dieu ça va ?

Il était allongé en étoile sur le sol, accusant certainement le coup, mais à mon plus grand soulagement il était en vie. Certes il n'était pas tombé de si haut, mais les corps étaient si fragiles...

Je quittais ma salle de classe, dans le couloir je regarde dehors, le lac était calme, les arbres tanguaient légèrement avec la brise. Cela me fit penser à la mer, à chez moi...Non pas que je ressente l'envie de rentrer mais l'année a déjà bien commencé et je me sens seule. Au moins, ici, il y a plus d'animaux, c'est toujours plus simple de se lier d'amitié avec eux...
- Mais oui ! Tu n'a qu'a aller au parc ! Tu verras les différents animaux à l'orée de la forêt interdite. pensais-je.
Tu n'as pas le droit Ella, c'est dans le titre la forêt INTERDITE ! Ce n'est pas pour rien. me répondant à moi-même.
Mais, mais tu peux vivre des péripéties, braver les dangers !
Tandis que je doutais près de la grande porte, je vis plusieurs élèves passer en rigolant. Moi aussi j'aimerais pouvoir passer du temps avec des amis ! Vivre des aventures, découvrir des secrets et des merveilles !
Laisse tomber Ella, personne ne veut jouer "à vivre des aventures" qui n'existe pas...
Je m'élance dans le parc, tête baissé et dépité, au moins je pourrais peut être voir un botruc. L'air frais me transperça, je m'enveloppe un peu plus dans ma cape, cherchant un petit coin tranquille pour commencer mes recherches.

Je descendis la douce pente vers le lac, quand j'entendis un bruit sourd qui se détachait du calme son du vent. A la recherche du bruit, j'entendis une voix, c'était une jeune fille de Serpentard près d'un autre garçon, allongé au sol. Les bras et les jambes écartés, le garçon semblait légèrement blessé. Je décida de me rapprocher, peut-être que je pourrais aider, si jamais il a besoin d'être porté à l’infirmerie.

-Tout va bien ? Il est blessé ? demandais-je à la jeune fille.

  Il sentait l'herbe sous ses doigts qui tanguait sous l'effet du vent. Sa poitrine se soulevait sous sa respiration et son sang sifflait dans ses oreilles. Toute l'adrénaline accumulée semblait s'évaporer par tous les pores de sa peau à raison de kilo par seconde, laissant place à l'essoufflement et à la douleur procurée par la chute de l'arbre. Il ne s'était sûrement rien cassé, mais la douleur y était et il marquerait sûrement dans la dizaine de minutes. Les personnes avec la peau pâle avaient tendance à le faire plus rapidement, facilement et longtemps. Sûrement l'hématome resterait fiché à cet endroit durant quelques semaines, deux ou plus d'ailleurs. En le voyant à terre, deux filles s’empressèrent de se rapprocher de lui. Les gens étaient gentils, c'était la façon dont le monde se pardonnait de toutes les catastrophes, il façonnait le caractère des uns et des autres de façons à ce que certaines personnes soient simplement gentille, sans rien attendre en retour, simplement parce que leur cœur était assez grand. 

  -Je crois que j'suis mort. 

  Il fit un geste dramatique des bras, les poussant sur son front et arquant le dos dans un mime de l'agonie pure, et gémissant de fausse douleur. 

  -Nan parce que vous savez, j'suis tombé dans l'nid d'serpents et ils avaient pas l'air hyper sympa. J'parie qu'ils m'ont boulotté en moins d'deux. 

  Il n'en connaissait aucune, pas vraiment en tout cas, à part quelques croisées dans les couloirs ou coups d’œil en cours. Après-tout, ils étaient de la même année, de mémoire, et l'une était même à Serdaigle. 

Le jeune homme semblait ressentir encore la chute dans son corps. Il avait eu le brillant réflexe de ne pas trop se raidir et de laisser son corps assumer la chute ce qui lui avait évité certainement des douleurs bien plus intenses et des maux bien plus pénibles que des bleus.

Je souris en comprenant que le jeune homme jouait simplement. J'hésitais un instant à plonger dans son petit jeu ou à simplement l'ignorer. Mais si lui-même jouait c'est qu'il ne ressentait pas le besoin d'aller à l’infirmerie et qu'il ne servirait à rien de lui demander si il voulait qu'on lui accompagne.

Je réfléchis longuement à une manière de lui répondre. Assez longtemps pour jeter un œil à l'autre fille. Je compris que c'est à moi qu'elle s'adressait, mais je la laissais simplement constater en pointant le garçon d'un signe de tête. Je conclus qu'elle dut comprendre que la réaction du jeune homme indiquait qu'il n'avait rien et que tout allait pour le mieux. Réflexion faite, je pus reprendre celle qui m'importait le plus. Que répondre ? Le nid de serpent ? Fallait-il que je reprenne cet élément pour lui répondre ? Il me semblait plutôt adéquat de le faire et le serpent pouvait facilement faire référence à ma maison ce qui m'arrangeait plutôt.

" Moi-même je suis serpent, et pourtant je suis plutôt sympa et je serais d'avis de t'épargner. Tu n'es pas mort, sans quoi tu ne sentirais plus la douleur de ta chute. Relève-toi donc avant que l'on ne te désigne trop couard pour mériter de vivre !"

Ils parlent de serpents...Mon regard balance entre les deux élèves, l'air étonnée, je ne comprends pas tout de suite.
-Il jouait !
La jeune Serpentard s'est pris au jeu mais je ne sais comment répondre ! Dois-je interrompre le jeu et revenir à cette réalité peu attrayante ? Ou me mêler à eux...Après tout c'est ce que je recherchais ! Le garçon s'imaginais lutter dans un nid de serpent, sûrement pour découvrir quelque chose ! Et moi découvrir mont et merveille j'aime ça ! On pourrait vivre ces aventures tous ensembles ! Et devenir amis !
-Tu t'emballes trop...

Oui je sais, je ne devrais pas le faire alors, il vaut mieux les laisser tranquille, à s'amuser...

-Mais participe ! On ne sais jamais ! Si tu ne te lance pas tu le regretteras. pensais-je.

Mais comment intervenir ? Dois-je être un de ses compagnons ? Déjà ? Si tôt dans l'épisode ? Il ne me connaît pas, il vaut mieux inventer un personnage. Je serai une pirate alors ! J'aurai un grand sabre, une longue vue et un bandana, rouge bien sur !

-Bah voyons ...C'est étonnant ça ! Tu as quel âge ?
- Oh qu'importe mon âge ! J'aime les pirates ! Et les serpents aussi ! Et puis ça me donnera l'occasion de m'amuser.

Je jette un coup d’œil à la jeune fille, c'est un serpent mais elle épargne le jeune serdaigle. Le défendre de manière trop brusque serait une mauvaise idée, je ne veux pas vexer la jeune fille qui a pris soin de continuer son jeu. Je prends une grande inspiration
-Aller je me lance !

-Hum...hum, oh toi serpent ! Je pense que ce jeune garçon, s'il était couard, ne serai jamais monté à ton arbre. Mais il a eu le courage de braver plus cruel que toi. Heureusement pour toi, jeune matelot, je t'ai vu tombé aussi mais c'est grâce à cette jeune serpent, qui t'a sauvé des siens, que tu n'as pas été attaqué ! Prend ma main si tu le souhaite ! dis-je en tendant la main.

    Il laissa échapper un rire ravi quand il vit que les deux autres commençaient à entrer dans son jeu. C'était amusant la façon dont elles ne savaient rien de lui mais acceptaient tout de même de rester à ses côtés en entrant dans un jeu dont elle n'avait ni le contexte, ni les règles, simplement parce que, peut-être, ça les amusait. Il aimait cette partie enfantine qu'avait les gens, souvent beaucoup plus les jeunes que les plus âgés mais il arrivait parfois que son père se prenne au jeu et se transforme en pirate l'espace de quelques heures avant de redevenir son papa adoré. Il y avait peu de personnes qui gardaient leur âme d'enfant une fois adulte, parce que c'était compliqué de le faire quand tout ou presque vous poussait à grandir vite, peut-être trop. L'innocence depuis longtemps envolée, les adultes, pour la plupart, n'avait possiblement ne le temps, ni l'envie de jouer aux gamins. c'était réservé aux enfants qui n'avaient pas toute une vie à gérer et qui se demandaient simplement ce qu'ils allaient manger au soir. 

    Il espérait qu'il y aurait du gâteau à la carotte, comme l'autre jour. 

    -Je ne suis pas plus couard que vous n'êtes effrayantes, mademoiselle le serpent. Il se releva en vitesse. Vous vous appelez comment ? Moi je m'appelle Herschel. Vous voulez jouer avec moi ?

Ils jouaient le jeu ce qui avait quelque chose de merveilleux. Deux serdaigle...automatiquement la bleue vint le défendre. Solidarité inter-maison ! Tant pis, j'allais jouer la méchante si il le fallait. Ce n'était pas dérangeant, tous les rôles avaient quelque chose de drôle. Je fis un pas de plus vers le jeune bleu. "Bien sûr que je veux jouer !"
L'herbe semblait crisser sous mes pas, elle était encore humide bien sûr. En février il était très rare qu'elle soit sèche d'autant plus que l'écosse était un pays humide.

J'avais lu de nombreux livres d'aventures où les méchants finissaient par être gentils. On ne peut pas être entièrement méchants de toute manière. J'hésitait à me proposer directement comme méchante mais peut-être que nous pourrions être trois gentils ? Je choisis d'attendre que celui qui avait proposé qu'on joue réponde. Après-tout il venait de tomber, la consolation du choix du jeu l'aiderait à se remettre plus vite. Si nous étions tous gentils nous pourrions aussi imaginer des méchants bien plus impressionnants que je ne l'étais. J'avais toujours rêvé d'affronter le calmar géant..ou encore un troll ! Dans le monde de l’imaginaire tout était possible, et il fallait en profiter tant qu'on y avait accès. Plus on est grand et moins on réussit à y entrer il parait. Je trouve ça très triste parce que si je le pouvais j'y resterais pour toujours...