Un élève visiblement plus âgé que les deux premières années s'interposa entre les deux adversaires. L'insigne de préfet de celui-ci n'augurait rien de bon à Hestia.. Allait-elle faire perdre des points à Gryffondor et se mettre tous ses camarades à dos ? Pire, allait-elle se prendre une retenue ?! "Reporte la faute sur l'imbécile !". Bien pensé ! Si prendre le rôle de victime était nécessaire pour s'en sortir.. Il y avait tout de même un point qui devait être soulevé : depuis combien de temps le préfet les observait-il ? C'était elle qui avait porté le premier coup.. Il verrait dans son jeu si elle disait que Braise avait commencé..

La fillette prévit donc de s'enfouir dans les larmes, excuse parfaite pour ne pas pouvoir aligner trois mots ! Elle prit alors un regard plein d'espoir, fixa un moment l'aîné pour bien montrer son nez qui saignait et se rua vers celui-ci en essayant de penser à un souvenir triste.. Il fallait ce souvenir triste pour espérer avoir quelques larmes ! Mais non, il ne voulait pas venir.. Peut-être qu'une mine effrayé suffirait ? Elle serra alors le bras de l'adolescent en prenant un air paniqué.

- I.. Il..

La petite fille resserra son étreinte, espérant que cette petite scène suffirait à faire comprendre qu'elle cherchait quelqu'un qui pourrait la protéger de la Braise. Quand son regard croisa celui de l'imbécile, par contre, sa conscience lui hurla de retenter un coup : il avait réussi à pleurer, lui ! Certes, ce n'était des grosses larmes mais quand même.. Elle se mordit la langue en entendant les propos véridiques de son ennemi. Comment riposter face à ça ?! Mordre la langue.. Un coup à avoir les larmes aux yeux avec un saignement supplémentaire ! Ses dents martyrisèrent sa langue tandis que le discours du Serdaigle continuait. La petite Gryffondor ne parvint pas à saigner mais, au moins, à faire paraître quelques larmes du coin de son œil.

- I.. Il..

Petit reniflement pour ponctuer, voix de petite fille pour aggraver. Parfait !

- On.. On jouait même pas ensemble.. P.. Pourquoi tu mens ? I.. Il arrêtait pas de m'insulter, déjà et.. Et après.. Il m'a cassé le nez !

Son intervention eut au moins une part de réussite, les deux élèves ne se donnaient plus de coup. Mais les voilà maintenant à pleurnicher pour s'attirer la défense du préfet. Une attitude digne d'enfants de maternelle qui fit lever les yeux de Léonard au ciel.

"-Non mais vous êtes sérieux? Peu importe qui a commencé, ce que j'ai vu c'est des coups et des cheveux tirés! Il y en a pas un qui vaut mieux que l'autre. Vous êtes à Poudlard maintenant, vous devez grandir et ne pas vous comporter comme des enfants de 4 ans."

Faire la morale n'était pas la tâche qu'il appréciait dans son rôle de préfet. Si les bêtises amusantes le faisait sourire et qu'il en laissait même quelques une passer, voir deux première année s'échanger des coups l'exaspérait au plus haut point.

"-Blaze tu me déçois énormément, non seulement tu frappes une fille ! Mais en plus tu fais honte à notre maison. Serdaigle renferme les erudits, les sages... Pas les bagarreurs. Quoi qu'il en soit, ça ne m'amuse pas mais je ne peux pas laisser passer ça. Je ne peux pas vous punir mais les directeurs de maison feront ce qu'il faudra. Blaze je vais en parler à Miss Holloway, et toi. Il se tourna vers la fille. Tu t'appelle comment que j'aille voir le directeur de ta maison."

Blaze garda la tête baissée alors que les remontrances du préfet s’abattaient sur eux. Enfin plus précisément, sur lui. Pourquoi était-il beaucoup plus grondé que Hestia alors que c'était surtout elle qui était en tort dans l'histoire ?  Leonard n'arrêtait pas de dire qu'il était très déçu de lui -et la fille, elle n'était pas décevante ? Il avait l'impression de tout se prendre en pleine figure. C'était absolument injuste. Ce que faisait Leonard était ignoble, vraiment, il n'avait pas d'autres mots ! Le garçon sentit des larmes -véritables cette fois-ci, couler sur ses joues. Ce sentiment d'injustice lui nouait la gorge. 

« Moi j'ai pas envie d'être sage ! D'être un érudit ! J'y peux rien si le Choixpeau magique s'est trompé sur moi, okay ? J'suis pas comme toi moi... Je suis pas comme les autres Serdaigle... je.. je me sens... » pleura le garçon, soudain assailli par de violents hoquets et la gorge nouée par les sanglots. Pitoyable, c'est ce qu'il était. Voilà qu'il pleurait pour de vrai, et devant Hestia qui plus est. Ce qui le terrifiait le plus dans cette histoire, c'était que Solal allait être au courant. Puis Amory, et Oskar. Ses aînés lui feraient la morale, le jugeraient, commenteraient son attitude en décrivant en long et en large en quoi ce qu'il avait fait était inacceptable. Il aurait aimé être fils unique, juste pour ne pas avoir à subir un regard plein de déception de sa famille. 

Une idée lui vint. Cela pourrait peut-être fonctionner. Le sauver. Sauver son honneur. Il essuya ses larmes et affronta le regard du préfet.

« Leonard, s'il te plaît, ne dis rien à personne... J'la taperai plus, vraiment c'est promis juré craché. Je...s'il te plaît, garde le silence ! Garde ça pour toi et j'suis à ton service pendant une semaine... non, deux ! Je porterai tes affaires entre les cours, je couperai ta viande dans ton assiette, j'irai chercher des livres à la bibliothèque pour toi et tout ce que tu voudras... ! réfléchis... »

Mince. Le préfet avait vu clair dans son jeu.. Et dans le jeu de Braise, aussi. En y réfléchissant, n'importe quel gamin aurait essayé de se mettre le juge dans la poche.. Peut-être fallait-il essayer une autre tactique.. Mais laquelle ? Il disait coups et cheveux tirés.. Ce qui signifiait qu'il avait vu qu'elle avait commencé.. Pourtant, il disait quand même qu'il se moquait de celui qui avait commencé.. Ce qui signifiait qu'elle pouvait prétendre que son adversaire lui avait donné un coup avant qu'elle ne lui tire sa touffe de mouton ? "Il a dit qu'il s'en fichait, c'est mort de ce côté !". Il fallait trouver une autre issue.

La petite fille fronça légèrement les sourcils en entendant la mention du nom "Blaze". Ne s'appelait-il pas Braise ? "Ta mémoire des noms ne reviendrait pas à la charge ?". Peut-être. Probablement, à vrai dire.. Oh, et puis de toutes façons, il ne méritait pas d'avoir une petite place dans le cerveau de la première année, il était beaucoup plus simple de retenir Br...

- ... non seulement tu frappes une fille...

Ah, ça, non ! Les poings de la Gryffondor se serrèrent tandis que sa conscience se battait pour qu'elle tienne sa langue.. Ou seulement ses poings. "Juste pour cette fois, ignore la remarque !". C'était tout à fait normal que le Serdaigle ait cette si mauvaise éducation : il était juste entouré de préfets incompétents et racistes des filles ! Elle se mordit la langue de plus bel tandis que ses poings se resserraient de plus en plus, retenu par la faible bonne volonté de la brunette.. Quand il lui demanda son nom. "Ne le dis pas ! Dis le nom de...".

- Moi j'ai pas envie d'être sage !

La tension de la petite fille se relâcha immédiatement. Le garçon répondait à sa place ! Parfait ! .. Elle fut cependant rattrapée par un sentiment de culpabilité en voyant le jeune homme se lamenter sur le Choixpeau.. Le Choixpeau qui l'avait d'ailleurs envoyé dans la maison la plus ennuyeuse de Poudlard.. Elle commença à se mordiller ses lèvres déjà bien abîmées en le voyant esquisser quelques larmes.. "Te laisses pas avoir par son jeu d'acteur !". Heureusement que cette conscience était là, finalement : elle avait failli se laisser amadouer !

Hestia arqua un sourcil en le voyant implorer l'adolescent de ne rien dire.. Il n'avait vraiment aucun honneur, alors ! Hors de question de se laisser faire.. Il ne pouvait pas s'en sortir sans rien alors qu'elle allait sans doute passer un mauvais moment.. Elle prit soin de prendre un air méfiant avant de marmonner suffisamment fort pour que le préfet l'entende :

- Comment il surjoue..

Rabaisser Braise, fait. Elle tourna alors lentement un visage innocent vers l'autre Serdaigle, renifla légèrement pour rappeler son pauvre petit nez puis continua d'un ton coupable :

- Je suis désolée.. C'est juste que.. J'ai horreur du racisme des filles..

"C'est du sexisme, non ?". Non, voyons.. Ce n'était pas parce qu'elle avait entendu ce mot dans un contexte semblable que ça devait être ça ! Quoi que.. Sexisme était moins lourd que racisme des filles à l'écoute.. "Il va comprendre, ça va !".

Avant même que la jeune fille ne donne son identité Blaze réagit. Cette fois il ne simulait plus. Il pleurait pour de vrai, être puni semblait le toucher bien plus que de se faire arracher les cheveux et être à Serdaigle un poids dont il ne voulait pas. Mais Leonard n'eut pas l'occasion de répondre, le garçon repartit dans un jeu de pitié et de soudoiement auquel le préfet était insensible.

"-Comment il surjoue.."

La Gryffondor était aussi clairvoyante que lui, proposer ses services contre le silence de son préfet. Le jeune Serdaigle en était réduit à ça... Leonard avait pitié de lui, mais dans le sens que Blaze aimerait.

"-Je suis désolée.. C'est juste que.. J'ai horreur du racisme des filles..
-Au moins tu t'excuses c'est déjà ça... Blaze tu crois vraiment que j'ai besoin d'un larbin? J’espère bien que tu ne la taperas plus et que tu ne taperas plus personnes même, et pas juste si je ne dis rien. Je suis désolé mais c'est comme ça. Je déteste la violence et si je ne dis rien, qu'on apprend que je vous ai vu vous battre sans rien faire, c'est moi qui aurais des problèmes. Il fallait réfléchir avant c'est tout. Vous êtes des première année, on ne va pas vous mettre aux cachots pour ça, mais une retenue vous fera sûrement comprendre certaines choses. Il se retourna vers la jeune fille.Tu ne m'as toujours pas donné ton nom..."

Injustice. INJUSTICE. Blaze sentait son cœur s'emballer, ses mains devenir moites. Sa vision se troublait, brouillée par les larmes qui affluaient en quantité. "- Comment il surjoue.." cette phrase, sortie de la bouche de cette peste, tournait en boucle dans la tête du petit Serdaigle. A chacune de ces répétitions, son cœur se serrait davantage, la colère le prenait dans sa vague destructrice, toujours plus puissante. Il bouillonnait intérieurement, serrait ses poings de toutes ses forces pour ne pas exploser. A Poudlard, il s'était promis qu'il deviendrait un grand garçon, qu'il serait plus calme. Qu'il ne serait plus la petite tornade pleine de colère qu'il était à Chipping Campden, auprès de sa famille, cette même tornade qui enchaînait crise sur crise, comme un violent brasier, emportant le calme et la patience de ses parents  et de ses frères avec lui. 

Pourtant, il était sur le point d'exploser.

Le discours moralisateur de Leonard l'acheva. Une... quoi, une retenue ? Mais, il n'avait rien fait de mal ! Hestia avait voulu piquer son arbre, il n'avait pas dit oui, ensuite il avait voulu faire la course avec elle et devenir son ami : elle avait accepté la course puis refusé son amitié. Ensuite, elle s'était emportée et avait commencé la bagarre, à laquelle il avait répondu de la façon qui lui semblait la plus correcte. Pour UNE fois, ce n'était vraiment pas de sa faute. Il n'y était pour rien ! C'était pas juste ! C’ÉTAIT PAS JUSTE ! Une retenue ? A cause de cette peste ? Pourquoi lui, pourquoi maintenant alors qu'il faisait de si grands efforts pour rester calme depuis le début ? Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Il serrait les dents, fort, tout comme ses poings qui le démangeaient. Ses pensées s'embrouillaient, revenaient à la charge, disparaissaient ; les mêmes tournaient en boucle, ce sentiment d'injustice, cette colère qui faisait rage !

Il avait besoin d'agir. Ne pas frapper Leonard, ce serait pire. Ni frapper Hestia, il avait promis qu'il ne le ferait plus. Quoi que, quelle importance... Elle avait une tête à claques ! C'était pas juste ! C’ÉTAIT PAS JUSTE ! Son regard tomba sur son sac d'école qu'il avait laissé tomber à ses pieds pendant la bagarre. Une demi-seconde plus tard, sa main s'était emparée d'un manuel de cours -le premier qui lui était tombé sous la main. Son cerveau ne cherchait plus aucune logique dans ses actes. Il agissait sans réfléchir, laissant son impulsivité et sa colère parler pour lui. Tout en hurlant un « C'EST TROP PAS JUSTE » criant de vérité, du moins SA vérité, il prit un bref et rapide élan et... l'ouvrage -était-ce celui d'histoire de la magie ? fut envoyé avec force vers la tête de la première cible humaine que ses yeux avait croisée. Pas de chance, c'était Leonard. Avant même de voir si l'ouvrage avait atteint sa cible, le garçon avait ramassé son sac et était parti en courant. Il voulait mettre le plus de distance possible entre cette fille et ce préfet qui se croyait au-dessus de tout. C'était pas juste.

Et il s'en moquait ! Hestia avait magnifiquement reporté la faute sur Braise en prenant soin de ne pas lécher les bottes du préfet.. Et il s'en moquait ! .. Et il lui redemandait son nom. La fillette attendit une demi-seconde.. L'autre première année n'était pas décidé à prendre la parole, cette fois. Elle allait se prendre une retenue ! Que dirait son père ?! Que dirait son oncle ?! Que dirait.. Sa mère ! Son tic nerveux décida d'intervenir, consistant à manger ses lèvres.. "Bon allez, t'es coincée, là !".

- Hestia.. Andrew.

Et voilà, elle allait devoir ouvrir une beuglante en colère devant toute la Grande Salle ! Et dire que sa mère lui envoyait une beuglante même quand elle avait des bonnes choses à dire.. La jeune fille se mit en tête d'intercepter l'hibou à la volière puis osa finalement un regard vers le garçon qui semblait bien silencieux depuis quelques temps..

"Oulah, il est flippant, là !". En effet : il fulminait littéralement de l'intérieur ! Allait-il exploser ? Il semblait capable de le faire au sens figuré comme au sens propre.. Vraiment flippant. La jeune Andrew esquissa tout de même un pas de recul, simple question de sécurité.. Et elle avait bien fait : un manuel de cours avait été lancé sur l'aîné.. Et envoyé par Braise en personne !

La petite Gryffondor ne trouva rien à faire.. A part le fait de regarder le terroriste s'enfuir, bouche bée, tandis que deux émotions se disputaient en son for.. L'Admiration combattait d'ailleurs avec ardeur : cette Braise avait eu le courage de lancer un livre sur un préfet.. Il avait osé combattre l'autorité, osé combattre pour sa cause, simplement osé. Il était digne d'un Gryffondor ! .. Tandis qu'elle se cachait derrière des fourberies en carton afin de s'en sortir subtilement.. Tel qu'aurait fait un Serpentard.. C'était pour cela que la Honte finit par reprendre le dessus : la honte de se laisser marcher sur les pieds, de ne pas honorer sa maison, de se dégonfler, de ne pas avoir le Courage. Elle n'avait réellement que les défauts de sa maison. "T'es qu'une idiote".

La jeune fille déclinait enfin son identité mais l'autre élève entrait dans une crise de colère. Il s'approchait de son sac, Leonard pensait que son camarade allait simplement prendre ses affaires et retourner au château comme tout élève un tant soit peu raisonnable le ferait. Mais non, il s'était saisi d'un livre et l'avait lancé tout en criant à l'injustice. Leonard vit le livre venir vers lui, dans un réflexe il se saisit rapidement de sa baguette...

"-Repulso!"

Le livre changea de direction et tomba loin d'Hestia et du préfet alors que Blaze s’enfuyait en courant.

"-Sérieusement?! Le préfet était choqué d'un tel agissement. Après quelque seconde de silence il se retourna vers Hestia. Rentre au château, ca arrive de faire des bêtises une retenue c'est pas bien grave... Lui par contre il va avoir de sérieux problèmes."

Leonard alla ramasser le livre de Blaze. Il se demandait comment ce dernier pouvait faire partie de sa maison. Un tel comportement, il n'avait jamais vu ça. On ne pouvait pas s'entendre avec tout le monde mais envoyer un livre sur un préfet... Il fallait vraiment ne pas tenir à sa place à Poudlard pour agir ainsi. Avec regret il alla vers le château pour rédiger deux lettres à l'intention du directeur de Gryffondor et la directrice de Serdaigle. Punir et réprimander ses camarades était la part de son statut de préfet qu'il aimait le moins mais Blaze l'avait bien cherché.