Pas grave, je suis certainement la pire

 Les boules de neiges des deux parties me tombèrent dessus sans que je n'aie pu répliquer cette fois, mais j'acceptais l'échec, surtout si cela me permettait de les voir s'amuser encore bien plus que ce que je ne pouvais penser. Les deux cousins s'aimaient, il n'y avait pas de doute là-dessus, toutefois, je ne pus me restreindre sur la vengeance, lançant diverses boules de neiges de tailles différentes et à vitesse réduites pour qu'aucunes ne blessent ou ne détruisent. J'en connaissais les risques et ne pouvais me permettre de telles erreurs.
M’attardant sur mon meilleur ami, je ne pus compromettre la sortie d'un rire à l'énonciation de sa phrase sur sa maladie. Il était malade, certes, mais s'il ne s'empêchait pas de jouer, rien ne l'empêchera de tomber bien plus malade qu'il ne le fut déjà, et j'avais bien raison, alors ne regardant plus Athéna, je m'élançai sur Ulysse, le faisant tomber sur le sol afin de lui faire manger neige et rhume, espérant tout de même que sa très chère cousine se rajoute à la partie se commençant sur le manteau de poudreuse, une identique situation que je recommencerais quelque semaines plus tard, mais en cet instant je ne pouvais le savoir.

— Athéna, si tu veux congeler Ulysse, c'est le moment, c'est l'instant ! Et je ne pense pas pouvoir tenir bien longtemps, si tu ne me rejoins pas, lançais-je sous les rires.

Sinon, je risque de me retrouver dans la situation inverses s'il se retourne.

Je souris en coin, cherchant à maintenir encore mon meilleur ami jusqu'à ce que soit intervenue ma meilleure alliée dans cette situation plus que rocambolesque. Mais que voguât la galère...

Mille excuse pour mon retard

Moi qui pensais être protégé des boules de neige autant par ma petite muraille de glace que par mon excuse sur ma maladie me trompais lourdement. Taylor et Athéna n'avaient aucune pitié envers moi, surement parce que j'étais le seul garçon de la partie, ou alors que je passais mon temps à les titiller et qu'elles voulaient se venger. Ou alors les deux. Quoi qu'en fut la raison, les deux filles s'allièrent contre moi avec méchanceté. Ce fut ma meilleure amie qui lança une attaque contre moi la première. Tandis que je m'étais recroquevillé comme un hérisson derrière mon rempart que je croyais solide, elle contourna l'arbre et m'attaqua par derrière en s'étalant sur moi. Je tombais à la renverse sous son poids (pas qu'elle soit lourde, bien sur) en me cognant contre ma muraille glacée. Cette dernière se détruisit sous le choc, preuve qu'elle n'était ni solide ni résistante. Et dire que je me croyais protégé derrière...

Je voulus la renverser sur le côté, mais elle tenait bon, et malgré mes nombreux coups de pieds et tentatives de fuite, je n'arrivais pas à me relever. Taylor appela alors ma cousine en secours, qui, elle, eut la bonté de ne pas se jeter sur moi. Mais elle me lança un gros tas de neige dans la figure, ce qui me cacha momentanément le ciel que je voyais depuis toute à l'heure. Arrivant à déterrer une de mes mains de la neige, je retirais celle qui s'était amassée sur mon visage en hoquetant. J'étais frigorifié, et de la neige s’immisçait dans mon cou ce qui eut effet de me faire éternuer. 

Même si la position dans laquelle j'étais était plus que douloureuse et glaciale, elle était aussi très comique. De l'extérieur, je devais ressembler à un gros bonhomme de neige vivant, à moitié ensevelit. Cette scène me rappelait les moments vécus en compagnie d'Athéna, lorsque l'on était encore petits et insouciants, alors qu'on se bagarrait dans la neige pour une raison quelconque. J'avais l'impression de revenir en arrière, dans un passé que je faisais tout pour oublier. Je criais soudain à l'adresse de mes deux geôlières :

"Les filles, c'est injuste ! J'veux pas ressembler à un bonhomme de neige moi ! J'suis tout seul et vous vous êtes deux, c'est pas équitable !"

Soudain pris d'une idée subite, je n'effectuais plus un geste et respirais très lentement. Je mimais - très mal - celui qui était mort. Voyons comment réagissaient les filles.

Les plaintes d'Ulysse ne m'atteignirent pas, pas plus que ses gesticulations pour nous éviter, Athéna et moi-même. Croyait-il vraiment que je le laisserai faire aussi facilement ? Je n'étais pas ce genre de fille. Peut-être que ma timidité paraissait en surface de mon corps, mais au fond, seule, la victoire et l'ambition était présente. Je voulais gagner, je ne voulais pas le laisser dire que la victoire était toute à lui.
Malheureusement, la génialité du moment disparut, laissant apparaître chez moi de l'inquiétude. Je sentais sa respiration faiblir, je le sentais défaillir. Il perdait même des couleurs. Était-ce parce que nous l'écrasions ? Je n'en savais rien, et la panique me prit de toutes parts. Pas seulement parce qu'il était mon meilleur ami, mais tout simplement parce que j'avais peur de le perdre. Peur de le voir mourir, comme ma meilleure amie. Peur de ne plus pouvoir me confier comme avant. Peur de me dire que je ne méritais personne dans ma vie, que je les conduisais à la mort dès que nous nous rencontrions où même dès que m'attachait à ces derniers.
Je sentis les larmes monter sur mes joues, elles étaient froides, violentes, voir même briseuses d'espoir. Je sentais même mon corps se mettre à trembler, et le secouer par la même occasion. Une crise d'angoisse, voilà tout simplement à quoi tout cela rimait.

— Ulysse ! Non.... non... Reste... Respire... Pitié !

Je pleurais bien plus que je ne pouvais retenir mes larmes. J'avais bien plus peur de cela que de me retrouver coupable d'un meurtre involontaire.

Je commençais à avoir sérieusement froid, enseveli sous à la fois Taylor et la neige lancée par Athéna, et c'était très désagréable. La neige était définitivement rentrée dans mon col, et commençais à se transformer en eau dans mon dos. Je voulais à tout prix sortir de cette galère, mais le poids de ma meilleure amie m'empêchait d'esquisser le moindre geste ou de me relever. Mais, de toute façon, si je voulais que mon plan de Fausse Mort marche, il ne fallait pas bouger d'un poils et respirer le moins possible. C'était dur et douloureux de retenir autant mon souffle que j'avais envie de libéré. Au bout d'un moment, je ne pus plus - je devais me confondre avec la neige à présent, tellement j'avais perdues des couleurs - et je laissais sortir l'air enfermé dans mes poumons. Heureusement que les nombreuses couches de vêtements que je portais empêchèrent les deux filles de voir mon ventre s'arrondir.
 
Les yeux toujours mi-clos, j'attendais une quelconque réaction de la part de Taylor et Athéna. Celle-ci vint presque tout de suite, car j'entendis quelqu'un éclater en sanglot, puis la voix de ma meilleure amie me supplier de rester. Elle se mit à trembler, ce qui eut effet de me faire bouger moi aussi car elle était toujours sur moi. J'ouvris alors mes yeux en grands, surpris et choqué. Je ne m'attendais pas à cette réaction violente et déchirante de sa part. Cette sorte de crise d'angoisse prouvait donc qu'elle était attachée à moi, qu'elle m'aimait. Cela me fit chaud au coeur, mais la voix d'Athéna me sortit de cette pensée et me fit retourner à la dure réalité : une Taylor en larme qui stressait. Comment devais-je réagir face à ça, moi ? Tout était de ma faute. Il fallait absolument que je trouve une quelconque solution.

Ma cousine eut plus de réactivité que moi car elle se leva et prit Taylor par les épaules en la regardant dans les yeux. Je serrais ma mâchoire en me relevant difficilement. Ma meilleure amie était paniquée à cause de moi, et c'était donc à moi de la calmée. Je poussais ma cousine et, sans réfléchir, prit Taylor dans mes bras. Je la serrais et lui chuchotais à l'oreille :

"Ne t'en fais pas, je suis là... Calmes-toi, c'était une blague, respire."

Le cœur battant, je ne me sentais aucunement capable de respirer, malgré les recommandations d’Athéna et de Ulysse. Je n’éprouvais plus rien, tout gisait comme mort au fond de moi. Tout apparaissait si complexe, si difficile à comprendre. Que s’était-il réellement passé ?
Je me revoyais sur Ulysse, son souffle s’arrêtant lentement alors que ses lèvres prenaient une couleur blafarde. Comment cela aurait pu être de la comédie, ce n’était guère possible ? Cela ne pouvait demeurer tangible, j’en étais dingue. Mon cœur ratait tellement de battements que je ne sus combien en réalité. Jouer avec mes sentiments ? Pourquoi, qu’avais-je fait pour mériter ce genre de punition ?
Rien, je pense.

Je lui en voulais, et ce, même si par pitié ou autre émotion de regret il me prenait contre lui. Comment pouvais-je pardonner un tel comportement ? J’avais peur. Peur de le perdre comme j’ai pu jadis égarer Roxane, je n’avais qu’eux comme amis depuis si longtemps, et jouer avec la mort n’était pas de ce que j’appréciais. Son odeur, douce, masculine, me donnait envie de le frapper, de lui faire avoir la nostalgie de son geste, et pourtant, il se trouvait bien là, vivant. Il survivait, respirait, vivait libre des crochets de la faucheuse, alors, pourquoi, sentais-je cette impression qu’il méritait une toute nouvelle punition ? Pourquoi le maudissais-je ? Je n’en savais rien.

Néanmoins, la seule chose que j’eus le droit de faire était de le pousser en larmes, le dos contre la neige, tout en pleurant comme une enfant de cinq ans.

— Tu n’as pas le droit de réaliser cela ?! Tu ne possèdes pas la liberté de faire semblant !!

Mes douleurs coulèrent avec une telle rage, je lui en voulais, pourquoi, mentait-il toujours ? Pourquoi devait-il se jouer des sentiments des autres ? Était-ce vraiment ça, le coup bas des amis ? Si cela était le cas, valait-il mieux que je m’en aille ? Que je me calme ailleurs ? Non, peut-être, oui. Alors, je remis mon écharpe autour du cou.

— Je… C’était une… chance de… te rencontrer… Athéna… Je te laisse l’achever…

J'étais honteux, extrêmement honteux. J'avais honte de mon geste, j'avais honte d'avoir fait le mort, j'avais honte de serrer à présent Taylor dans mes bras alors que je lui avais fait une peur bleue. Je n'étais qu'un imbécile, un idiot qui n'était même pas fichu de se rendre compte des points sensibles de sa meilleure amie. Et à cause de ma stupidité, celle-ci pleurait et paniquait comme une folle. Je ne comprenais pas très bien la raison de cette crise d'angoisse, mais je ne préférais pas le demander dans l'immédiat, ça aggraverait  l'état de Taylor, qui n'en avait pas besoin. Je la serrais contre moi, autant pour la consoler vainement que pour me réchauffer. Car, moi, le frileux de service, avais passé au moins 5 bonne minute à me débattre dans la neige tandis que les filles se moquaient, et à présent je grelottais de froid et de peur.

Lorsque Taylor me repoussa et continua à pleurer, je retombais violemment dans la neige glaciale et glacée. De la colère monta en moi telle une vague dans un océan de violence et de mouvements. J'en avais marre d'elle, à force. J'avais toujours été gentils avec elle et, à la première occasion, elle se moquait de moi en me rabaissant. Et là, j'avais juste fait une blague et elle se mettait à pleurer comme un bébé de trois ans, avant que je ne la console gentiment et qu'elle me repousse. J'en avais ma claque de ces filles pleurnicheuses, et j'envoyais valser un tas de neige à mes pieds en me relevant tandis qu'Athéna me traitait d'idiot en grec avant de me donner une tape sur la tête en guise de punition, comme on frappe un enfant en fautes. Pris d'une subite colère et n'écoutant pas ce que disait ma cousine, je lui renvoyais son coup bien plus fort en déclarant d'une voix furibonde :

"Vous m'énervez toutes les deux ! C'était qu'une blague, et v'la que ça part en guerre mondiale !" - je fusillais Taylor du regard en continuant - Personne n'est réellement mort, il me semble, donc pas de raison de chialer !"

J'étais devenu subitement rouge sous le coup de la colère accumulée, et le fait que j'avais froid n'y changeait rien. je comptais déballer tout ce qui me tenait à coeur, sans qu'elles ne m'interrompent. Serrant les poings pour éviter de leur enfoncer dans la figure, à ces deux prétentieuses, je continuais d'une voix dure, des larmes bleutées commençant à rouler sur mes joues rouges :

"J'en ai marre, moi ! C'est vous qui avez faillit me tuer en m'étouffant sous la neige, et après on m'accuse pour une pauvre p'tite blague ! C'est bon, t'as pas besoin de pleurer Taylor. J'en ai ras-le-bol à la fin, j'dois toujours être sympa avec toi sinon mademoiselle pleure, mais toi t'as le droit de m'étouffer sans t'excuser !"

Je repris mon souffle, lançant aux deux un regard sombre et plein d'accusations. Je tentais d'effacer les traces de larmes aussi glacées que la neige qui rentrait dans mon cou, mais n'y parvins pas. Je croisais les bras dans une posture fière malgré mon apparence de bonhomme de neige. Puis j'attendis que l'une des deux filles ne répondent.

Les paroles tranchantes et le regard mauvais qu’il nous lançait ne firent que l’inverse de ce qu’il semblait désirer. Ulysse venait de dire ce qu’il pensait de moi, sans me connaître, sans savoir pourquoi j’avais si peur. Son jugement si incorrect ne faisait qu’enfoncer ma peine, renforçant l’influence de Roxane sur mes relations et augmentant ainsi mon besoin de faire couler les larmes.

Je n’en pouvais plus de souffrir, je n’en pouvais plus de faire accuser d’un truc que je n’avais pas fait de façon volontaire. Je voulais juste m’amuser, être une enfant de mon âge quand le tourment ne l’enchaînait pas dans les ténèbres et ses comportements de retrait ;  tandis qu’il avait fait semblant de mourir de manière délibérée, pour nous créer une réaction, pour me faire paniquer. Pourrai-je lui pardonner dans l’instant ? Non, je n’en étais aucunement capable. Je subissais par sa faute, je ne pouvais répliquer autrement. Ses paroles m’aidaient à comprendre qu’il me prenait en pitié, qu’il n’était pas vraiment l’ami que j’eusse cru qu’il était. Je ne semblais rien pour lui, et j’en avais la certitude, je ne pouvais donc pas rester en sa présence.

Les larmes de rages coulant alors sur mes joues, je ne le touchai pas et m’éloignai de lui comme s’il avait paru atteint par la peste, le choléra et toutes les autres maladies existantes.

— La pitié que tu as pour moi me fait vomir. Je te croyais mon ami, lorsqu’en réalité, tu es rien qu’un pauvre type qui n’en a rien à faire des sentiments. Je trouvais que tu avais l’air d’être quelqu’un de bien, mais quand je t’entends, j’ai l’impression que tu me désignes comme un boulet que tu as à trainer. Dès lors, si je te semble pittoresque comme ce que tu prétends, autant que tu restes avec ta jolie petite Serpentard et que tu dégages de mon champ de vision ; et ne compte plus jamais sur moi pour t’aider à remonter tes notes désolantes ; le poids démissionne.

La colère pulsait encore en moi, et je ne pouvais plus mâcher le moindre de mes mots pour lui. Quelle en était l’utilité ? Après tout, il avait avoué, n’avait rien nié. La pitié était la pire chose à donner à autrui, je comprenais l’empathie, mais pas à ce point. Si je n’étais qu’une source de compassion, il valait mieux que nos chemins se séparent. Je partis donc sans un autre mot, reprenant l’entièreté de mes affaires et me dirigeant vers l’un des seuls endroits où son image ne me reviendrait pas en tête : la bibliothèque.