21 Mai 2044. 

  Herschel n'avait jamais oublié son anniversaire. Il ne l'avait jamais fait, pas une fois. C'était le genre de garçon qui énervait tout le monde deux mois avant à toujours répéter que son anniversaire était bientôt. Ou, en milieu d'année, a toujours se rajouter une demie année pour paraître plus grand. J'ai onze ans et demi ! Trois quarts même ! Il n'avait jamais oublié son anniversaire, c'était la chose qu'il préférait dans l'année après Noël. Comme chaque année, il se ferait réveiller par ses frères et sœurs et irait ensuite préparer une tarte avec ses parents. Ce serait parfait. Il aimait toujours faire des cadeaux aux autres. Plaisir d'offrir. Il aimait rendre heureux les autres. De toute façon, chaque petit truc qu'on aurait pu lui donner lui aurait fait plaisir. Même un bisou.

  Il n'avait jamais oublié son anniversaire, sauf aujourd'hui. Il s'était réveillé comme tous les jours, avec son réveil pour ensuite secouer Blaze et Eliott. Rien n'avait semblé différent des autres jours au moins jusqu'à ce qu'un hibou lâche un gros paquet qu'il peina à rattraper avant qu'il ne s'écrase dans son assiette pleine de gâteaux. Il eut un mouvement de recul. Pourquoi ses parents lui auraient-ils envoyés un si gros paquet pour aucune raison particulière ? Ça n'avait aucun sens. Il jeta un œil à son poignet. Un petit bracelet de tissu portant le nom de son amie se perdait juste au dessus de sa gourmette. Herschel Sherringford 21 Mai 2032. Le vingt-et-un. Son anniversaire. Comment avant il pu oublier ce jour si spécial à ses yeux ? Il baissa les yeux sur le colis. Il n'aurait pas ses tartes ni ses frères et sœurs aujourd'hui. Sa sœur était à Poudlard au moins, réalisa-t-il quand il senti une main passer dans ses cheveux. Elle lui glissa un mot à l'oreille et l'encouragea à profiter de son colis avec quelques amis. Il savait parfaitement avec qui il voulait passer cette journée.

  Il glissa sur le banc jusqu'à se retrouver assit à côté de Panthéa. Il ne prit pas la peine de discuter et lui prit la main, la faisant se lever et la tirant presque derrière lui alors qu'il sortait de la salle.

  -Allez viens viens viens viens, c'est hyper méga hyper génialissimement trop bien, tu vas voir !

  Bien évidemment, il avait pour projet de l'emmener vers leur coin favori, sous le grand chêne.

Elle s'était réveillée une petite demi-heure avant toutes les autres filles du dortoir et avait pris toutes les précautions du monde pour ne pas les réveiller tandis qu'elle s'habillait et fouillait sous son lit. Ce n'était pas du tout habituel chez la jeune fille que ses camarades avaient appris à surnommer "la marmotte" tant le matin ne lui réussissait pas : somnolente, elle émergeait progressivement jusqu'aux environ de 10h où elle était, enfin, parfaitement réveillée. Mais ce matin là n'était pas un matin comme les autres.
Non, car ce jour-là, c'était l'anniversaire d'Herschel ! Et cela faisait quelques temps qu'elle préparait sa surprise dans le secret absolu. Rien ne devait filtrer. Avec l'aide de ses parents, qui lui avaient envoyé tout le matériel dont elle avait besoin - en insistant au passage pour savoir de quoi il s'agissait, les pauvres n'obtinrent, hélas, jamais la réponse - elle avait finalement pu tout préparer en l'honneur de celui qu'elle considérait comme son meilleur ami.

Une fois coiffée avec soin et bien habillée, elle descendit en silence les marches qui menaient à la salle commune et acheva les préparations de dernière minute.
Une fois les vérifications faites, elle se rendit, accompagnée de ses amies, à la grande salle pour prendre son petit déjeuner, sans rien laisser paraître de ce qu'elle avait prévu. La surprise dans sa poche et le sourire aux lèvres, elle n'avait de cesse de scruter le moindre recoin du château pour tenter d'apercevoir son ami, mais il n'était pas encore là. Impatiente, elle décida néanmoins de prendre le temps de grignoter quelque chose avant qu'il ne descende à son tour.

Elle était occupée à se demander s'il préfèrerait fêter ce jour avec ses deux amis lorsqu'une bourrasque atterrit à ses côtés et lui prit la main sans plus de manière. Stupéfaite, elle se retourna pour tomber sur les grands yeux verts pétillants de son ami :

"Allez viens viens viens viens, c'est hyper méga hyper génialissimement trop bien, tu vas voir !", lui dit-il à toute vitesse en la tirant avec lui, le tout sans se départir de son éternel sourire.

Alors, ravie, le rose aux joues, Panthéa n'eut d'autre choix que de le suivre en essayant de courir à la même vitesse que lui, plaquant une main contre sa poche pour s'assurer que sa petite surprise reste en bien en place !

  Ils eurent bien vite fait d'arriver au niveau de leur chêne -parce que oui, maintenant c'était leur chêne à eux et à personne d'autre, leur petit coin. Un peu plus de distance à parcourir aurait peut-être eut raison du pauvre bras de Panthéa qu'il tirait depuis voilà environ cinq petites minutes. D'ailleurs, il s'excusa rapidement avant de la tirer au sol avec lui. Il n'avait pas prit le temps de passer chercher leur habituelle couverture ou encore de prendre des fruits, là c'était important. Enfin, assez important pour qu'ils n'aient pas le temps de passer aux dortoirs avant que Herschel explose de bonheur. Il regarda avec de gros yeux pétillants Panthéa avant d'ouvrir le carton. Un gros sourire barra son visage quand il vit le contenu du colis. Un petit sachet de poudre dorée parce qu'il aimait en utiliser pour ses badges, une boite de maquette de bateau à construire -pas trop difficile tout de même- et pour finir, un jeu de société. Il était passé assez rapidement sur les feutres, les crayons, les feuilles et les badges vierges parce que ce n'était pas le plus important dans la boite, même si en recevoir lui faisait très plaisir. Il faillit taper dans ses mains de joie quand il aperçu la petite peluche cachée dans le fond du paquet. Il s'en saisit tout délicatement. 

  C'était simplement une -ou plutôt deux- peluche qui avait les mains avec du scratch, ce qui permettait de les entourer autour d'une cheville, d'un poignet ou encore autour d'une couette dans les cheveux. Il y en avait deux, deux petits lapins et il les sépara pour en donner une à Panthéa. Il avait bien dit qu'il voulait quelque chose qu'il pourrait partager avec ses amis. Avec Panthéa, se serait la peluche, parce qu'il savait bien que jamais Eliott ou Blaze ne se seraient baladés avec ça au poignet ou dans les cheveux. Avec ses amis, c'était simplement des petites chaînes en argent avec bijou aimanté qui tombait dans le col. Une fois les trois mis ensembles, on obtenait -non pas un cœur comme sur les colliers un peu fleur-bleues- mais simplement une étoile. Après-tout, ils s'étaient rencontrés durant la nuit, pas vrai ? Il ne savait pas trop si cela leur plairait, mais la chaîne était discrète et masculine et le petit pendentif était presque invisible au premier coup d’œil. Il avait décrété qu'un de ses cadeaux devrait être quelque chose qu'il pourrait partager avec les personnes qui avaient fait de cette année une année si spéciale qu'il ne pourrait pas l'oublier. Il avait demandé à ses parents tout ça il y a quelques mois, si bien qu'il avait presque oublié. 

  -Regarde, dit-il en lui prenant le poignet et en y accrochant la petite peluche, tu peux le mettre à ton poignet ou à ta cheville, ou même dans tes cheveux. On vraiment si jamais, sur ton sac ou le laisser dans ton dortoir, comme tu veux. Mais vu que tu m'as offert un hyper chouette bracelet, c'est la moindre des choses, nan ? J'ai même un truc pour Eliott et Blaze et des trucs de pirates ! 

Ils couraient depuis 5 bonnes minutes - à toute vitesse, autant dire que Panthéa était à bout de souffle quand ils ralentirent enfin - lorsqu'il s'assit d'un bond au pied du grand chêne en l'amenant à côté de lui. Cela faisait quelques temps qu'ils avaient fait du pied de cet arbre un parfait petit refuge, il n'y avait certes pas de cabane ni de panneau indicateur, mais un oeil aiguisé aurait pu apercevoir les traces de leurs anciennes occupations un peu partout, notamment à cause de quelques trognons de pommes oubliés sur place. Même s'ils avaient à coeur de toujours nettoyer la place après leur passage, ils restaient des enfants, et ne faisaient pas toujours attention à tout.

Il ouvrit le colis avec précipitation et poussa des cris de joie en déballant ses cadeaux un par un. Panthéa affichait elle aussi un grand sourire et applaudissait à chaque nouvel objet, ravie de voir son ami aussi heureux !
Quand il lui tendit la petite peluche et l'accrocha à son poignet, son coeur se remit à battre comme si elle était encore en pleine course, et le rouge lui monta immédiatement aux joues. Elle admira le petit lapin qui semblait câliner son avant-bras et fut très émue et touchée des paroles d'Herschel. C'était son anniversaire, et pourtant, il tenait à partager ce moment jusque dans les cadeaux qu'il recevait. Aux yeux de Panthéa, il était évident qu'il n'existait pas de plus belle âme dans le monde que celle de son ami, et elle fut soudain très fière d'être à ses côtés à ce moment-là.

"M-Mais Herschel, tu n'aurais pas dû ... Oh il est TROP mignon !", s'écria-t-elle en serrant le petit lapin contre sa joue. "Je le porterai tous les jours. Tous les jours !"
Elle lui adressa un immense sourire avant d'ajouter : "Joyeux anniversaire, Herschel. J'espère que tu seras heureux toute ta vie !"

Elle porta la main à sa poche et en retira un petit paquet. Il faisait pâle figure à côté de la taille du colis qu'il venait d'ouvrir, mais elle savait pertinemment que cela n'affecterait en rien ce qu'il pourrait penser de son cadeau. Avec Herschel, tout ce qui venait du coeur était un présent en soi.

"Et ça, c'est de ma part.", lui dit-elle timidement en lui tendant le petit paquet.
La jeune fille avait passé quelques semaines sur la confection d'une paire de mitaines bleu, sur lesquelles elle avait cousu, en s'appliquant, un vivet qui portait un tout petit cache-oeil et un chapeau de pirate. Même si la couture était maladroite et que le vivet ressemblait à un citron, on reconnaissait bien l'oiseau, et on identifiait assez bien son déguisement. Les mitaines semblaient un peu grandes, mais elles seraient sans doute parfaitement à la bonne taille pour l'hiver suivant.
Elle avait aussi accroché une petite barrette à l'une des mitaines, au cas où son premier cadeau n'était pas assez convaincant. Elle était de couleur rouge et rehaussée d'un petit poisson orange.

  Il avait de quoi être heureux toute sa vie. Vraiment, qu'aurait-il pu se passer contre ça ? Même les choses qui se passaient sûrement dehors n'auraient pas pu détruire le parfait bonheur qu'il ressentait en ce moment. Il avait de la chance d'être là, d'avoir des amis, d'avoir sa famille ou encore tout simplement d'avoir la magie qui coulait aussi sûrement dans ses veines que ne le faisait son sang. Il avait de la chance, certains n'en avait pas autant que lui, certains n'avaient rien. Et pourtant il ne pouvait pas s'empêcher de savourer sa chance sans la donner aux autres. Elle était à lui, jolie joie, joli bonheur. Tout était parfait, totalement et irrémédiablement parfait et il ne pouvait pas être plus heureux qu'à se moment là. C'était fou, Panthéa s'était souvenue de quelque chose qu'il n'avait jamais mentionné plus d'une fois, sauf quand il lui avait montré son poignet où était attachée sa gourmette. C'était tout bonnement incroyable qu'elle se soit souvenue de ça... Lui ne savait même pas quand était son anniversaire, ils n'en avaient jamais parlé, pas une fois. Ils parlaient de beaucoup de choses à côté, par exemple, il savait son animal préféré, sa couleur préférée, son endroit préféré, en fait, à peu près beaucoup trop de choses qui ne lui serviraient pas avant longtemps. Mais pas son anniversaire. Quel mauvais ami il faisait à ce moment là. 

  -C'est... c'est.. Whoa, tu t'en es souvenue ? J-je, merci beaucoup, c'est génial ! Dit-il après avoir ouvert le paquet.

  Il regarda ce qu'il avait sur les genoux avec des étoiles dans les yeux. Ce n'était pas parfait, mais à ses yeux, ça valait tout l'or du monde. Et en plus, elle l'avait fait spécialement pour lui, pour lui et pour personne d'autre. Il prit la barrette entre ses mains, sans y avoir mis les mitaines parce qu'il faisait chaud, mais il les garderait bien précieusement. Il accrocha le petit bijoux dans ses cheveux. Il aimait les poissons. Il sauta presque sur Panthéa et lui posa un bisous sonore sur la joue.

  -Merci beaucoup Panthéa. 

La barrette lui allait si bien ! Panthéa était absolument ravie de voir le petit poisson orner avec tant de délicatesse la chevelure de son ami. Quelques semaines plus tôt, le surnom de "poisson roux" avait été donné à Herschel par d'autres élèves de Serdaigle, elle avait trouvé ce surnom très drôle et mignon et s'était alors rappelé d'une petite boutique qui vendait beaucoup de barrettes dans sa ville natale. La boutique ne vendait pas que ça, la tenancière fabriquait aussi des coussins, des couvertures, des miroirs et plein d'autres objets de décoration et d'accessoires sur le thème de la mer. Cela n'était pas étonnant quand on connaissait Aberdeen. Panthéa avait alors écrit à sa mère pour qu'elle se rende sur place et achète, pour elle, une petite barrette avec - elle l'avait bien précisé - un poisson orange. Il fallait qu'il soit orange !

Sa mère ayant exaucé tous ses souhaits en trouvant une barrette qui remplissait tous les critères, la jeune fille était franchement heureuse de son cadeau. Les mitaines étaient plus personnelles, bien sûr, et Herschel semblait les apprécier tout autant, si bien qu'il vint lui déposer une grosse bise sur la joue en la remerciant chaleureusement.

"Ah, je suis très très contente si elles te plaisent ! Je sais qu'il fait trop chaud pour les mettre, mais j'avais pensé que, peut-être l'année prochaine ...", expliqua-t-elle tandis que le rouge lui montait progressivement aux joues. Elle appréciait beaucoup Herschel, et sa bise fit battre son coeur légèrement plus fort dans sa poitrine. Elle n'était pas encore tout à fait habituée aux élans d'affection de son ami.

"Alors, tu vas jouer avec tout ça aujourd'hui ? Tu as reçu plein de choses ! C'est trop cool !"
Peut-être Herschel voudrait-il partager la joie d'avoir de nouveaux cadeaux avec sa petite bande d'amis, peut-être même qu'elle serait invitée à venir jouer avec eux ! Cette journée s'annonçait parfaite malgré le climat qui régnait dans l'école.

    -Je vais jouer, je pense oui, tu jouerais avec moi ? 

    Il se rappelait vaguement de la conversation qu'il avait eu avec Blaze il y a quelques semaines, peut-être deux, quand il était rentré un soir au dortoir en déclarant fièrement qu'il avait embrassé une fille, même s'il était resté assez vague sur ce qui s'était passé après. Alors qu'ils s’apprêtaient tous à aller se coucher, à l'heure habituelle, avec leur pyjama habituels, dans leur lit habituel, Herschel s'était jeté sur son ami et l'avait regardé droit dans les yeux avant de lui lâcher la bombe. Je crois que j'aime bien Panthéa. Blaze n'avait pas réellement été surprit, il avait même fait le genre de tête qui semblait dire "Bah, je le savais déjà ça.". Herschel lui avait bien répété qu'il n'était pas amoureux, mais qu'il l'aimait beaucoup beaucoup. Blaze ne semblait pas voir la différence, mais pour lui, il y en avait. C'était une amie très très spéciale, mais il n'avait pas envie de lui faire des bisous comme Angélique avec son copain. Sur la joue, oui, parce qu'il aimait la façon dont cela colorait son visage mais pas sur la bouche. Et puis de toute façon, il ne savait même pas ce que c'était être amoureux, même si Blaze avait gazouillé dix bonnes minutes sur le fait que "Ho, Sherly' est amoureux !". Il était pas amoureux. Il l'aimait bien. Par la suite, Herschel lui avait donc demandé comment il avait fait avec la capitaine de Quidditch de leur maison, même s'il doutait fortement qu'il ai le courage de faire la même chose. 

    Il mit les objets à côté de lui et baissa la tête sur ses mains qu'il triturait, mal à l'aise. 
    -Panthéa. Je voulais... Enfin, j-je veux, enfin non, je veux pas, enfin... Si ! Mais... J'aimerais !

    Il repensa aux conseils de Blaze : tu dois être toi ! demande-lui avant de lui faire un bisou ! et heu..... Je vais t'aider à écrire un poème ! Une petite heure plus tard, le résultat était le suivant : 

Panthéa, tu sens comme le chocolat.
J’écris ça pour la rime, car en vrai tu sens le raisin.
Mais même si tu sens le raisin, je t’aime bien.
Car tu es aussi gentille et jolie qu’un petit chat.

    Il ne l'avait pas gardé. Son ami était bon poète, mais il doutait sérieusement que dire ça devant Panthéa fasse naturel, simplement aussi parce qu'il n'aurait pas réussit à le faire, et aussi parce qu'il n'était pas amoureux. Et en plus, elle sentait même pas le raisin. Mais un joli mélange entre les fleurs et les arbres. On pouvait pas être amoureux quand on savait pas ce que c'était de l'être. Etre lui. En ce moment, cela semblait bien compliqué. Et puis à mieux y penser, il y avait de grandes chances pour qu'elle parte en courant, après-tout, c'était pas le garçon le plus viril de la terre. Entre-eux, on aurait juste dit deux copines qui jouaient ensembles, et pas un ami et une amie. 

    -Je.... M-merci pour les cadeaux, ils sont géniaux..... J'aimerais te dire... En fait c'est stupide, c'est rien mais... Heu.... je t'aime bien. Enfin, je t'aime beaucoup bien, et je suis con-content que tu restes avec moi parce que.... Heu... Je t'aime bien.... Enfin beaucoup... Heu....C'est tout. 

Elle hocha vivement la tête quand il lui demanda si elle voulait bien jouer avec lui. Quelle question ! Elle n'attendait que ça ! La montagne de cadeaux semblait la faire rêver autant que lui, elle n'en avait jamais vu autant !

Elle prit le lapin entre ses doigts fins et l'inspecta sous toutes les coutures. Etait-il sage de l'emmener avec elle alors qu'ils allaient sans doute chahuter, peut-être même avec le reste de la bande des garçons, Blaze et Eliott, qu'elle soupçonnait d'être particulièrement enthousiastes dans leurs jeux ? Elle ne voulait pas le perdre.
Ses pensées se perdirent pendant les quelques instant de silence qui suivirent la question de son ami. Herschel semblait lui aussi dans son monde, le nez tourné vers ses cadeaux, aussi la jeune fille ne ressentit aucune culpabilité à se laisser aller à ses rêveries.

C'était sans doute la première fois que quelqu'un lui offrait autant d'objets destinés à marquer leur amitié. Rose et elle avait bien tenté, une fois, de trouver quelque chose qui les démarquerait toutes les deux aux yeux du monde, et qui signifierait à tous qu'elles étaient les meilleures amies du monde, mais elles avaient vite abandonné l'idée. Sans doute parce que Panthéa s'était aperçue que Rose avait offert le bracelet qu'elle pensait lui être destinée à son propre frère, William. Le mystère de cette affaire demeurait, à ce jour, entier pour la jeune Serdaigle, et pourtant cela faisait déjà deux ans.

En vérité, Panthéa se réjouissait d'arborer tous les petits cadeaux qu'Herschel lui faisait, mais elle ne savait pas vraiment dire pourquoi. Ce n'était pas exactement comme avec Rose. Sans doute parce que c'était un garçon. Ou parce que c'était un sorcier. Ou parce que c'était Herschel.

Elle se demanda comment lui rendre la pareille : peut-être que ses parents accepteraient de faire une entorse à leurs habitudes en envoyant aussi un cadeau pour Herschel à son anniversaire à elle ? Mais cela voulait dire deux cadeaux, et il n'en avait jamais été question dans sa famille. Sauf lorsque son frère lui en offrait un aussi, mais d'après la dernière lettre qu'elle avait reçue de lui, cette option-là semblait à jamais perdue.
Peut-être alors qu'elle demanderait un cadeau qui se partage ? Ou qu'il aimerait lui aussi, pour qu'elle puisse le lui prêter ?

Herschel interrompit le silence en même temps que le cours de ses pensées. Elle leva les yeux sur lui et lui sourit, mais il ne semblait pas vouloir la regarder.

"Panthéa.", commença-t-il d'une voix inhabituellement solennelle. "Je voulais... Enfin, j-je veux, enfin non, je veux pas, enfin... Si ! Mais... J'aimerais !"

Elle cligna des yeux, la bouche entrouverte, perplexe. Etait-il mal à l'aise ? Que s'était-il passé pendant qu'elle était perdue dans ses pensées ?

"Je.... M-merci pour les cadeaux, ils sont géniaux..... J'aimerais te dire... En fait c'est stupide, c'est rien mais... Heu.... je t'aime bien. Enfin, je t'aime beaucoup bien, et je suis con-content que tu restes avec moi parce que.... Heu... Je t'aime bien.... Enfin beaucoup... Heu....C'est tout."

Il lui sembla soudain que même les oiseaux s'étaient tus. Le vent s'était arrêté. Son coeur avait cessé de battre.
"C'est tout."
Panthéa se doutait qu'il l'aimait bien. Et elle se doutait qu'il se doutait qu'elle l'aimait bien aussi. Sinon, rien de ce qu'ils avaient partagé jusque-là n'aurait eu de sens. Alors, pourquoi cette déclaration lui semblait étrange ? Pourquoi avait-elle le sentiment qu'il s'agissait de bien plus que ce qu'elle ne savait déjà ? Et pourquoi se sentait-elle rougir, soudainement ?

Elle se toucha la joue comme un réflexe avant de mettre sa main devant la bouche, comme si elle voulait cacher son étonnement. Non, pas son étonnement. Son émotion ? Elle était complètement déboussolée, prise au dépourvue par le sérieux de son ami.

Elle déglutit et bafouilla légèrement avant de reprendre, avec un peu plus d'aplomb, les pommettes toujours aussi roses :
"Je ... Je t'aime bien aussi. Je suis contente aussi." Elle voulut disparaître tant sa réponse lui sembla ridicule.

"J'aime bien quand tu es avec moi.", ajouta-t-elle simplement, faute de mieux. Mortifiée par son affreux manque de répartie, elle planta les yeux sur le petit lapin qu'il venait de lui offrir et resta là, figée, dans l'attente des évènements.

    Ce qu'il aimait tellement chez Panthéa, c'était qu'elle pensait comme lui, pas tout le temps mais le fait qu'elle était sur la même longueur d'ondes que lui et que qu'importe ses choix, elle serait toujours là et qu'elle ne partirait jamais si quelque chose changeait chez lui parce qu'elle était tolérante, presque plus que lui. Elle était parfaite à ses yeux, ce n'était simplement pas possible que quelqu'un soit plus parfait à ses yeux qu'elle ne l'était.

     Il aimait chaque petite chose d'elle, et simplement le fait qu'elle ait pensé à lui, qu'elle ait fait quelque chose toute seule pour lui pour ton anniversaire lui avait fait tellement plaisir. Le simple fait qu'elle lui dise bonjour le matin lui faisait plaisir. Toutes les petites choses lui faisaient plaisir, c'était criminel de faire autant plaisir à quelqu'un, parce que après, il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que les autres ne lui faisaient pas plaisir comme ça. Blaze ne pouvait pas, Eliott non plus et encore moins Angélique ou Jules, parce qu'ils n'étaient pas Panthéa. Elle avait toujours été spéciale. 

    Il avait envie de poser ses mains sur les joue de Panthéa, juste pour voir si elles chauffaient vraiment, ou simplement pour garder cette rougeur pour lui tout seul, la prendre et la donner à personne, que ce soit juste pour lui qu'elle rougit comme ça. Mais cela aurait sûrement parut très étrange s'il avait posé ses mains sur la figure de l'autre, alors il se contenta de la regarder, rougissant lui aussi. 

    -Je veux pas être ton meilleur ami, lâcha-t-il. Enfin, non, pas comme ça, mais si. Enfin, tu es ma meilleure amie, mais non en fait.... Heu, tu es plus que ça. Je voulais pas dire que je voulais plus être ami avec toi. T'es un peu plus que ma meilleure amie. Je t'aime beaucoup. 

    Il planta à nouveau un bisous sur la joue de Panthéa, en serrant contre lui à nouveau les cadeaux qu'elle lui avait fait. Il avait envie de courir loin d'ici en hurlant et d'aller pleurer dans les jambes à Blaze qu'il avait tout gâché. 

Elle n'était pas du tout certaine de bien comprendre ce qui était en train de se passer. C'était l'anniversaire d'Herschel, ils s'étaient réunis ici pour l'occasion, avait ouvert puis contemplé ses cadeaux, et d'un coup, tout était devenu bien plus sérieux pour une raison qui lui échappait encore. Réservée et facilement déstabilisée dans les situations qui lui étaient inconnues, Panthéa ne savait pas quel comportement adopter et se contentait pour le moment de regarder la petite peluche, dans l'espoir que le feu de ses joues finirait enfin par s'estomper. Cependant, ce que dit ensuite Herschel ne fit qu'accroître l'incendie.

"T'es un peu plus que ma meilleure amie. Je t'aime beaucoup.", avait-il conclu après s'être passablement emmêlé les pinceaux, trébuchant sur chacun de ses mots comme s'il avait du mal à mettre ses idées en ordre. Elle-même ne savait plus quoi penser.

Plus que sa meilleure amie ? Mais que pouvait-on être de plus que ça ? Le monde des sorciers avait-il un nom et un statut spéciaux à accorder à deux personnes qui s'entendaient aussi bien ?
Aux yeux de la jeune fille, l'amitié pouvait se hiérarchiser ainsi : inconnu, connaissance, amis, bons amis, meilleurs amis. Il s'agissait du stade utlime, du signe de l'acceptation totale de l'autre, de l'entente qui durerait toujours qu'importe les évènements. Alors, que pouvait-il y avoir d'autre au-delà de ça ?

Elle battit des cils. La réalisation la percuta avec tant de force qu'elle sentit son coeur faire un grand huit dans sa poitrine.
Panthéa lisait beaucoup. Les romans parlaient souvent d'amour, avec plus ou moins de détails, plus ou moins de force, mais c'était un sentiment qui lui semblait terriblement inconnu bien qu'il lui semblât qu'elle le ressentait tous les jours. En théorie, l'amour avait en effet toujours été présent dans sa vie : elle aimait ses parents, elle aimait sa grand-mère, elle aimait son frère, elle aimait la mer, elle aimait les glaces à la vanille ... Cela ne lui avait jamais posé de problème.

"J'aime Herschel ?", se demanda-t-elle pour tenter de peser la portée de ces mots. Ils résonnèrent en elle comme un torrent d'eau glacée. Cela pouvait être facile à dire, mais elle réalisa tout ce qu'elle mettait derrière ce mot à présent, et qui n'était pas du tout la même chose que pour tout le reste. Aimer Herschel, c'était différent. Ca sonnait différemment. C'était à la fois plus beau et plus grave, mais elle ne savait pas vraiment pourquoi cela lui donnait tant le vertige. Et surtout, elle ne comprenait pas pourquoi ces mots lui restaient coincés dans la gorge alors qu'ils semblaient provoquer en elle un enthousiasme incroyable, une joie intense, un souffle d'adrénaline comme quand elle sautait des rochers pour plonger dans l'océan.

C'était comme si les prononcer allait changer le cours de l'univers, ou au moins, celui de leur relation.
Comme si tout se jouait maintenant.
Et comme si le cosmos tout entier s'était arrêté pour l'écouter, elle, à ce moment crucial de sa toute petite vie d'enfant.

Elle déglutit avec beaucoup de difficulté et enroula une oreille du lapin autour de son index.

"Herschel ...", finit-elle par articuler malgré l'embarras et l'angoisse. "Je ... m-merci. Pour moi aussi je crois ... je crois que tu es mon meilleur ami en mieux. En plus que ça."

C'était lamentable. Mais que pouvait-elle dire d'autre ? "Amoureuse" ? Elle ne savait bien pas ce que cela impliquait, mais c'était toujours très important dans les livres. C'était parfois si important que ça rendait triste ou fou, et ce n'était pas le cas avec Herschel. Jamais.
Pourtant son coeur se mit à battre plus fort sous l'aveu qu'elle venait de lui faire. Tout prenait une importance différente à ses yeux : les cadeaux qu'il avait pu lui faire, les moments qu'ils avaient partagés, leur rêve commun de piraterie ...
Avait-elle tout gâché ? Avait-elle mal répondu ?

Que devait-elle faire maintenant ?
Panthéa se sentit mal en envisageant toutes les conséquences de sa réponse pour Herschel. Peut-être qu'il ne lui parlerait plus jamais, terriblement déçu !
Elle attendit, immobile, que le cosmos passe enfin son chemin.