Trinity sortit du chateau en courant. Les larmes coulaient à flots de ses yeux rougis par le manque de sommeil.

Elle traversa la plaine vide et trébucha contre la racine d'un grand arbre. Ses affaires s'éparpillèrent. Elle se releva vite, voyant quelqu'un au loin courant vers elle. Elle ramassa vite quelques affaires, oublia deux, trois bouts de papier et une lettre :

Ma petite Tri,

Navré d'avoir à te l'apprendre aussi brutalement, mais ta meilleure amie est décédée. Nul ne sait comment ça c'est passé, et la police moldue comme magique pense à un meurtre, même si les premiers n'ont pas d'informations. Elle a vraisemblablement été assassinée magiquement, c'est pourquoi je te demande de faire très attention à toi et Dorian. Dis lui de faire très attention à son projet, de rester discret par rapport à une éventuelle rébellion, et que nous sommes tous surveillés. Je prie le Survivant pour que Futfut ne soit pas intercepté.

Je t'aime, Steve.

Elle s'engouffra dans un petit bosquet, effondrée. Au bout de quelques minutes, elle jeta son sac et hurla.
De colère.
De tristesse.
De rage.

Puis, toutes ces émotions firent face à un immense vide.

Elle entendit une voix appeler, pas très loin. Ne voulant que rester seule, elle grimpa dans l'arbre et s'assit sur une branche assez haute. Trop haute. Le vertige commençait lui faire perdre la tête lorsque quelqu'un arriva devant l'arbre. Il ne la vit pas, mais reçut une goutte sur sa tête. Une larme.

Trinity le regardait, et se balançait d'avant en arrière, inconsciente du danger qu'elle courait.

Le froid s'était incrusté sous sa peau glaciale, ses bras nus étaient recouverts par la chair de poule.

Encore une fois malade, victime d'un rhume, Noah marchait lentement. Emmitouflé dans son manteau, une écharpe autour du cou, l'ai frais s'infiltrant tout de même, il se promenait, prenant son temps, au bord du lac. Il était sorti à une heure très matinale, où le ciel était encore sombre. Assis, les heures avaient défilé, avant que le jeune garçon n'aperçoive les premiers rayons de soleil. Rester confiner toute la nuit, lui qui ne dormait pas, le rendait malade. Il savait qu'il devait en parler avec quelqu'un. Ses insomnies étaient devenues presque impossible à supporter, et les nuits qu'il passaient le rendaient irritable au plus haut point.

Un cri interrompit ses pensée, et arrêta sa marche vers le château. Il ne perçut qu'une chevelure noire s'engouffrer dans un bosquet, avant d'être mené sans réfléchir à suivre cette dernière, courant derrière. Il l'appela, héla, avant de s'arrêter en pleine lancée au pied d'un arbre. Plus aucune trace ne transparaissait, et tout laissait à croire que cette scène n'était que le produit de son imagination. Baissant la tête en se traitant d'idiot, un feuille menée par le vent s'écrasa sur sa chaussure. La ramassant, il l'a survola du regard, curieux. Avant qu'une étrange compassion ne fit surface dans son esprit. Une tristesse le submergea et il eut de la peine pour celui à qui appartenait cette lettre. Sûrement à cette jeune fille qu'il avait aperçu.

Tournant la tête dans tout les sens, il tenta de l'apercevoir ou même d'entendre son souffle ou ses sanglots dans le calme matinal de l'aube. Noah sentit une goutte d'eau tomber sur son nez. Surpris il la laissa glisser jusqu'à ses lèvres où il sentit son goût salé. Une larme. Ouvrant grand les yeux, il leva la tête, et vit la jeune fille se balancer d'avant en arrière assise sur une branche assez haute. Ses yeux étaient vide, son visage baigné de larmes. Ses traits étaient cachés par les feuilles des branches. Il essaya de lui parler mais la fille ne semblait pas l'écouter.

"Hé ! Descend de là, tu vas tomber !"

Conscient du danger qu'elle encourait, Noah se débarrassa de son manteau et monta rapidement à l'arbre, escaladant les branches de plus en plus vite, sans regarder plus bas. Il avait prit des cours d'escalade, à l'école moldue, et il était toujours assez doué, plus que les autres. Arrivant à sa hauteur, Noah reconnu le visage de Trinity, et trembla d'effroi. Essayant d'attraper la branche où elle était assise, il s'assit à ses côtés et la prit dans ses bras, la berçant lentement. Sa peau était froide, contrairement à celle de Noah, qui lui, murmurait des paroles apaisantes. Il essayait de la calmer du mieux qu'il pouvait.

"Calme toi, Trinity.. Viens, je vais te porter sur mon dos, et on descend d'ici. C'est dangereux. Tu m'expliqueras en bas."

Noah attendit impatiemment son autorisation, ne voulant en aucun cas la brusquer.

Le balancement était de plus en plus intense, et provoquait chez Trinity une vague d'émotions, toutes plus puissantes les unes que les autres.

La Tristesse d'avoir perdu Suzie. La Colère contre Dorian, d'être si imprudent. L'Amour pour son père Steve, si prévenant. Le Ressentiment contre sa mère, qui ne lui avait rien dit et devait être au courant bien avant Steve puisqu'elle était amie avec la mère de Suzie.

La Haine envers elle-même. La Haine d'être si Faible, si peu digne de toute la Confiance que l'on plaçait en elle depuis sa naissance. L'Espoir qu'un jour elle accomplirait des exploits, aurait de superbes notes, se ferait un tas d'amis.

Toutes ces émotion si Puissantes et Dévastatrices ravageaient le coeur de Trinity. Un coeur de cristal, mais de cristal noir, attiré par les choses les plus sombres, les motifs les plus sordides.

Monstrueuse. Elle était Monstrueuse. Et à cause de cela, on avait tué sa meilleure amie. Suzie. Qu'elle s'était juré de protéger jusqu'à la mort.

Une larme coula de nouveau, laissant une traînée de feu sur son passage.

Le mouvement de balancier se faisait de plus en plus grand, et elle sentait la branche bouger. Le garçon en bas n'était plus là. Cela ne la choqua pas, elle n'eut aucune réaction.

N'était-ce pas ce qu'elle avait cherché, en se perchant ainsi ? La Solitude ? Pouvoir se concentrer, et réfléchir si sa vie était utile à quelque chose ?

Elle allait Tomber. Chuter vers le sol. Probablement Mourir. Cela ne l'effrayait pas.

Pourtant, elle ne tomba pas. Le Vide tant attendu ne venait pas. Le Froid de la mort non plus. À la place, la Chaleur de deux bras, qui venaient doucement ralentir, atténuer le mouvement de balancier qui menaçait de la jeter sur le sol. Deux bras Chauds, Amicaux contre une peau Froide, abandonnée à ce qu'elle croyait être son Destin.

Feu contre Glace. Espoir contre Renoncement.

Le feu de ces bras la firent revenir a la réalité. Elle entendit Sa voix.

Noah. Son Ami. Son ami, qui avait escaladé l'arbre pour... quoi, exactement ? La Retenir.

La Tristesse remplaça un instant la Haine, et elle posa sa tête sur l'épaule de Celui qui l'avait Retenue. Son ami.

Elle se raccrochait à cette idée. Celle qu'elle n'avait pas tout raté. Celle qu'au moins un ami était toujoirs présent.

Elle avait besoin de parler. De s'exprimer sur ses Joies, de pleurer pour sa Tristesse, de hurler pour la Colère, la Haine qu'elle avait envers elle.

Sauf qu'elle ne pouvait pas le faire ainsi, perchée sur un arbre avec un ami cher à ses yeux. Elle risquait de l'entraîner dans sa Chute. Alors, elle inspira, et murmura d'une voix rendue rauque par son hurlement :

- Je me déteste. Je me déteste et on me déteste. Suzie ne méritait pas ça. Dorian ne mérite pas ça. Je ne mérite que du vide. Ma mère me déteste, mon père est déçu de moi. Mon frère est plus occupé à me consoler qu'à vivre sa vie. Suzie aussi. Personne ne mérite ce que je lui fait endurer. Pas toi, Noah. Tu ne peux pas me suivre. Plus maintenant.

Elle releva la tête, ayant clairement l'intention de lui faire croire que tout allait bien pour finir ce qu'elle croyait devoir faire.

Elle s'obligea à sourire, et à dire d'une voix un peu plus enjouée :

- Enfin, je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma tête, pourquoi je suis montée. Vas-y, descends, je te rejoins !

Les réactions qui défilèrent sur le visage de Trinity mettaient Noah dans tous ses états, rendant ses lèvres tremblantes. Son amie semblait hors du temps, dans son propre univers, une douleur sans pareille au fond de son regard. Un regard, qui, pour la première fois, était insondable pour lui. La branche sur laquelle ils étaient assis bouger dans tous les sens, à mesure que la jeune fille se balançait comme prise de démence. Pourtant, le jeune garçon serrait Trinity de toutes ses forces, ne craignant rien d'autre que la voir chuter. Il avait peur pour elle, bien plus que pour lui, comme autrefois. Et ne comptait pas descendre sans l'emmener avec lui, quitte à rester là toute la journée. Son regard devint sombre, ses lèvres pincées, une expressions douloureuse mais déterminée prit place dans son visage, lorsqu'il comprit qu'essayer de la raisonner était impossible. Son empathie le laissait ressentir presque ce que Trinity ressentait. Mais il savait que ce n'était rien comparé à sa douleur. Il avait appris au fil du temps, qu'un cœur souffrant et brisé ne pouvait parfois être consolé, et que même le temps ne parvenait jamais à guérir les blessures. Un papier froissé, ne peut redevenir parfait. Ce qu'il pouvait et allait faire en revanche, était de lui monter son soutient un maximum. Aussi longtemps qu'il le faudrait. Une promesse silencieuse raisonna dans sa tête.

Trinity sembla se calmer après quelques temps. Son visage était tourmenté, comme si elle était victime d'un combat intérieur. Noah devinait déjà les deux issues de ce combat. Et ne voulait pas imaginer son amie le perdre. L'imaginant à terre, comme une poupée de chiffon dans les bras froid de la faucheuse, il se surprit à frissone éé d'effroi. Se battre contre sa conscience est difficile, Noah le savait bien. Un instant après, Trinity laissa tomber sa tête sur l'épaule de Noah, son visage baigné de larmes. Une autre personne aurait sûrement relâché sa prise mais Noah lui la raffermit encore plus. Il refusait de la lâcher. Il pouvait sembler calme mais son esprit bouillonnait de colère. Comment pouvait-on être aussi idiot, aussi bête, aussi insensible et aussi monstrueux pour oser annoncer la mort de quelqu'un de cher à une personne que l'on savait déjà brisée. Noah se raidit sous l'effet de ses pensées haineuses. Ce "Je t'aime" qui figurait à la fin de la lettre laissa comme une marque brûlante dans son esprit. On ne pouvait aimer quelqu'un et être si désintéressé envers lui. Le murmure de Trinity raviva encore plus sa colère. Pas contre elle, mais plutôt contre le fait qu'elle croyait qu'il allait l'abandonner après l'avoir vu ainsi. Un grondement sourd sortit de sa gorge, et ses bras se contractèrent.

"Non."

Il la garda dans ses bras, toujours silencieux, désireux de la laisser se calmer, mais encore plus de lui montrer que l'abandonner était proscrit. Sa voix enjouée ne le trompait pas. Ce faux air, cette souffrance cachée, il l'avait déjà vu à bien des égards, aussi bien souvent qu'il avait vu un mensonge maquillé sous de belles paroles. Sa détermination était sans failles. Il baissa ses yeux, qui pendant tout ce temps était fixés sur un point quelconque, pour planter ses pupilles, où dansait toujours cette flamme de colère, dans celle de son amie. Sa voix se fit ferme, et ne trembla pas.

"Soit l'on descend ensemble, soit on reste là tout les deux. Point. N'essaye plus de me mentir."

Trinity avait attendu. Comme elle avait attendu tout sa vie. La Paix et la Tranquilité. Le Bonheur.

Mais ce n'était pas venu. Noah ne l'avait pas lachée. Pas Abandonnée.

Au fond, elle en était soulagée. Ç'aurait été une bien piètre preuve d'amitié que de la laisser seule sur une branche. Elle en était cependant un peu triste, pour une raison indéfinissable.

Les pupilles de Trinity étaient fixées dans celles de Noah. Celles ci réflétaient la Détermination et la Colère. Tant de Colère...

Trinity frémit. Il était furieux, mais se maîtrisait avec un tel calme... ses bras la réchauffaient doucement, délicatement. Mais son corps seulement. Son esprit était Glace. Les yeux de Noah étaient Feu.

Elle détourna les yeux, de nouveau en larmes. Elle ne voulait pas qu'il tombe avec elle. Elle était furieuse contre lui.

- Pourquoi, pourquoi ! Comment ça se fait que personne ne me laisse faire ce que je veux ! Enfin...

Ses poings fragiles martelaient le torse de son ami, mais le peu de muscles qu'elle avait ne pouvait faire grand mal à son ami, qui ne bougea pas d'un centimètre. Il la tenait fermement, et les coups cessèrent. À la place, elle s'effondra dans ses bras, sanglotant frénétiquement.

Il la Tenait toujours.
Déterminé.

Elle s'en voulait. Se maudissait. Se demandait si elle lui avait fait mal. Voulait descendre, et rester là en même temps. Elle n'avait pas regardé le sol. La distance. Ce qu'elle fit. Grave erreur.

Elle se cramponna à Lui, apeurée. Terrifiée.

Le Sol, lointain pour elle, à quelques mètres tout au plus.

Le Vide, énorme et fatal.

Elle regarda Noah, fit un mouvement de tête pour signifier qu'elle acceptait de descendre et ferma les yeux.

S'Abandonna complètement.

Dévastée.

Colère.
Haine.
Désespoir.

Le Vertige qui engloutissait Tout.

Ses poings qui martelaient son torse ne lui faisait pas mal, au contraire. Voir Trinity frustrée, le réjouissait un tout petit peu. Il se surprit à aborder un rictus victorieux. Car oui, c'était une victoire qu'il venait de décrocher en la faisant réagir, elle qui était dans un autre univers, hors du temps, les yeux dans le vide. Dans une autre dimension, qui lui était impénétrable, à lui. Elle semblait enfin se rendre compte de la réalité. Elle voyait finalement le fossé, le vide, et l'altitude immenses qui les séparaient du sol. S'arrêtant de frapper, terrifiée, elle s'accrocha au jeune garçon. Noah, quand à lui, ne baissait pas les yeux pour regarder vers le sol. Il craignait d'abandonner et d'avoir peur aussi, bien qu'il savait au fond de lui que l'adrénaline qui courait dans son corps et la détermination qui trônait dans ses pensées et sur son visage, l'empêcherait d'être apeuré.

Les sanglots de Trinity doublèrent, mais elle semblait s'apaiser petit à petit. Et pas dans le bon sens. La jeune fille semblait vide. Vide de toute émotions, autre que sa colère et son désespoir. Noah le voyait dans ses prunelles sombres, larmoyantes. C'est pour ça qu'il l'encercla de ses bras encore plus fort qu'avant, lui montrant tout le soutien dont il pouvait faire preuve. Il parla, toujours d'une voix ferme, qui lui venait on ne sait d'où, mais pourtant apaisante, le ton doucereux.

"Je ne te laisse et je ne te laisserais pas faire ce que tu veux, dans cette situation, car tes décisions seront sûrement stupides. Et tes actions tellement irréversibles, que nous allons tout les deux beaucoup le regretter après."

L'esprit du jeune garçon se concentra sur le problème principal. La descente. Cet arbre était haut, et Noah ne trouvait d'autres moyen que de porter Trinity sur son dos. Mais il ne pouvait être sûr qu'elle allait accepter. Après tout, elle pourrait bien être mal à l'aise. Pourtant, ainsi fragile, bien qu'elle ait accepté de descendre, résignée, Noah craignait de la laisser toute seule. Il ne pouvait avoir la certitude que la jeune fille n'allait pas se laisser tomber et chuter dans le vide, sa conscience l'emportant, sans que Noah ne puisse rien faire, lui qui aurait besoin de ses deux bras pour amorcer sa descente. Pouvait-il lui faire confiance ? Il ne le savait pas. Ce dont il était sûr en revanche, c'était qu'il ne parviendrait jamais à être totalement rassuré. Il ne voulait pas la laisser seule une seule seconde, et n'était pas obligé de le faire. Prenant une décision et des initiatives, Noah la regarda dans les yeux, essayant de lui montrer à quel point il était déterminé.

"Je vais te porter sur mon dos, accroche toi bien. Fais le moins de gestes possibles. J'irais doucement, et si tu aura besoin d'une pause, on s'arrêtera et tu pourras t'asseoir sur une des branches. S'il te plaît, fais un effort."

Il était presque suppliant. Relâchant sa prise doucement, lentement, comme s'il craignait de la voir tomber et d'avoir à la rattraper, il resta aux aguets. Toujours ses bras tendus, il se retourna le plus doucement possible, pour éviter de faire trop bouger la branche, ou de trop secouer la jeune fille. Bien positionné, le jeune homme prit par son dos les mains de Trinity, les mettant sur ses épaules, tandis les jambes de cette dernière s'enroulaient naturellement autour de sa taille. Son amie se cramponnait très fortement à lui, et cela le soulageait. Au moins, elle n'essayerait pas de se détacher. Il souffla de stress, peut-être même d'un peu de peur, avant d'amorcer délicatement la descente, essayant de protéger une maximum la jeune fille des branches.

Ses jambes lui faisaient mal, et ses bras encore plus. Pourtant, mené par l'énergie stupéfiante de l'adrénaline et par la détermination qui trônait dans sa tête et sur son visage, Noah descendait toujours de plus en plus rapidement. Il était impatient de sentir la terre rassurante, le sol dur sous ses pieds. Trinity toujours à son dos, il se promis d'y arriver. Et c'est ce qu'il fit. Une fois au sol, il déposa Trinity à terre avant de s'avachir à ses côtés en soufflant de soulagement. Il était en sueur, et ses doigts étaient tous écorchés, mais pourtant il ramassa son manteau ainsi que son écharpe, qui siégeaient à terre, pour les donner à Trinity, se rendant compte à quel point elle était glacée. Lui n'en avait pas besoin, il était brûlant. Son regard brillait d'une énergie nouvelle, l'adrénaline du début retombée. Mais il ne sourirait pas, et ses yeux était encore durs.

"Trinity.. Et si tu m'expliquais maintenant ce qui a bien pu te passer par la tête au juste ?"

Les yeux fermés, Trinity se laissait faire.

Elle savait qu'Il ne la laisserait pas tomber. Lui, il ne l'Abandonnerait pas.

Collée à lui, elle se risqua à regarder vers le bas. Il avait descendu au moins la moitié de l'arbre, et allait désormais de plus en plus vite. De plus en plus rassurée, elle ne resserra pas sa prise et fut soulagée lorsqu'il la déposa sur le sol. Elle avait eu peur pour lui, peur qu'il glisse, et que ce soit de sa faute.

Car Tout était sa faute. Elle était la Cause de l'accident qui par miracle ne s'était pas produit. La Cause de Tout.

Elle observa Noah qui lui donnait son manteau, remarqua son souffle court, ses doigts écorchés. Elle s'envoulut encore. Elle prit sa main, étudia chaque écorchure, chaque petite plaie.

Toutes ces échardes, autant de pieux plantés dans le cristal de son Coeur. Autant de fissures, qui en zébraient de plus en plus la surface. Le souffle coupé, elle lâcha brutalement sa main, se détourna et se recroquevilla sur le sol. Maintenant que la sensation de Danger avait disparu, toutes les Émotions revenaient.

Elle sentait Son regard. Froid et Accusateur. Mais elle ne voulait pas y penser. Elle ne voulait plus y penser.

Son genou lui faisait Mal. Une douleur Corporelle, Superficielle. Son Coeur lui faisait Mal. Une douleur plus Profonde, plus Intense aussi.

Il l'avait Sauvée. Et il attendait une Réponse. Mais il y en avait trop.

Tant d'explications, rationnelles, enfantines, puériles et compréhensibles, tant de petits bout de phrases qui s'entrechoquaient dans sa tête. Dans son Esprit.

Elle jeta un coup d'oeil à son genou.

Une plaie, peu profonde, qui saignait encore. Voyant que Noah pouvait la voir, elle posa sa main en coupe sur son genou, précipitemment.

Le Désir de Solitude. L'Envie d'être Aimée. La Tristesse de la Mort. La Colère de l'Échec. La Culpabilité.

Tant de raisons pouvant expliquer sa montée à l'arbre. Toutes impossibles à formuler. Toutes Accusatrices, qui pointaient Trinity du doigt, Juges Suprêmes de son état.

Une larme coula sur le sol. Eau et Terre.

Feu sur sa joue.

Glace dans son Coeur.

Trinity se recroquevilla sur le sol, après avoir lâché brutalement la main de Noah. Elle semblait encore plus renfermée qu'avant, et il se maudit d'avoir ainsi parlé sans réfléchir. Il voulait s'excuser, hésitait à le faire, mais il savait que cela ne servait à rien. La culpabilité transparente dans le regard de la jeune fille, n'en serait qu'encore plus ravivée. Il préféra en revanche s'assoir près d'elle, lui laissant le temps nécessaire pour se remettre de ses émotions. Elle avait été au pas de la mort après tout, toquant presque à sa porte, désireuse d'être emmenée au fond de sa demeure. À cette pensée Noah frissona. Pas de froid, mais d'effroi. Maintenant qu'il était en bas, il revoyait toute la scène dans sa tête, comme un film macabre. Il regarda Trinity qui semblait ne rien fixer en réalité, et pinça ses lèvres. Peut-être avait-il été trop dur avec elle. Ce qu'elle avait vécu n'était pas facile, et ses mots tranchant combiné à son air ferme avaient sûrement l'air de paroles accusatrices. Ce qu'elles n'étaient absolument pas. Il n'était pas vexé contre le fait qu'elle ai fait tout cela, rien à part monter dans un arbre en soi, mais voulait juste savoir pourquoi. Il savait ce qu'il en tenait qu'en surface, le fond, il l'ignorait. Et c'était bien ça qu'il cherchait à comprendre. Son expressions s'adoucit, et il ébouriffa les cheveux de son amie.

"Ne fais pas comme ça, je ne t'en veux aucunement Trinou. Je voulais comprendre un peu ce qui se passait dans ta petite tête, mais je ne voulais pas te brusquer. Je te demande pardon, si tu l'as mal pris."

Alors qu'il faisait mine de s'allonger auprès d'elle, il remarqua sa main posée sur son genou. Du sang en coulait, et la jeune fille semblait vouloir l'arrêter. Ce qui n'était pas possible après tout. Enlevant délicatement sa main, Noah vit une vilaine blessure, quoique un peu superficielle, qui saignait toujours. Bien que cela ne soit rien comparé à ce qui est arrivé, et pire encore à ce qui allait arriver, il sentit son cœur se serrer. Se prenant pour coupable, il lui dit gentiment, un air triste sur son visage.

"Tu veux aller à l'infirmerie après, si ça saigne encore ?"

Il savait d'avance qu'elle allait refuser mais demandait tout de même. Les réactions de son amie étaient tellement imprévisibles, qu'il ne pouvait les deviner et en être à cent pour cent certain. Le jeune garçon remarqua les larmes coulant toujours sur les joues de Trinity. Il ne savait plus comment s'y prendre. Si la fermeté et la dureté du ton semblait ne pas marcher - pas du tout même - la gentillesse elle, était difficile à gérer dans cette situation. Être gentil dans de telles circonstances, sans crier, sans déverser sa colère retenue, qui n'était même pas dirigée vers elle, demandait à Noah de grands efforts. D'énormes efforts. Pour la première fois, où il était obligé, être calme semblait tel un calvaire. Mais il le supportait tout de même, préférant encore l'entendre parler plutôt que la voir pleurer. Cette fois-ci, il s'allongea donc bel et bien à ses côtés, sur le dos, et observa le ciel qui était à cet instant baigné de la lumière orangée de son astre. Un beau paradoxe compte tenu les circonstances. Noah tourna la tête vers Trinity, et prononça les mêmes paroles qu'avant, car il n'y avait que les mots et le ton qui changeaient selon lui. Le fond était le même et l'intention aussi. Il eut même un petit sourire.

"Me fais-tu assez confiance Trinity, après tout ça ?"

Trinity se sentait mal. Vraiment, vraiment très mal. Elle se rendait compte que son ami aurait pu tomber par sa faute. Mourir par sa faute.

Elle l'entendit s'allonger à côté d'elle.

Que ressentait-il en ce moment ?

La Tristesse d'avoir failli perdre une amie ? La Culpabilité, comme souvent dans ce genre de situation, alors que ce n'était pas de sa faute ? La Colère, contre elle qui avait été franchement stupide d'un point de vue externe ?

Trinity l'ignorait. Elle ignorait comment il vivait ce moment.

Et Elle ? Comment le vivait-elle, au fond ? Que ressentait-elle ?

Le Vide. Une totale absence de pensées, de sentiments. Ce qui lui était... souvent arrivé, au fond.

Elle n'était pas heureuse, ni malheureuse. Juste choquée de ce qui venait de se passer. D'avoir laisser une Larme couler.

La Larme, seule source qui avait pu le conduire à monter. À la Sauver.

Une simple Larme, goutte d'eau salée avait pu conduire les deux enfants à un tel état. Une goutte d'eau... qui venait de Trinity.

Culpabilité.

Souffrance.

Encore.

Plus d'une fois, elle s'en était voulue pour des motifs divers et variés.

Plus d'une fois, elle s'était sentie vraiment Mal.

Mais jamais de cette manière là.

La Souffrance venait lentement griffer son Coeur, la Culpabilité lui tordait les entrailles. La Douleur, enfin, et l'Amertume.

Noah était toujours silencieux, ce qui inquiétait de plus en plus Trinity.

Soudain, il Parla. Avec son Coeur.

Des Paroles justes, sincères.

Une Question. À laquelle elle devait Réfléchir.

Confiance... lui faisait-elle confiance ?

Elle était Glace. Il était Feu.

Elle l'avait laissé la Sauver. Elle s'était Accrochée à lui. Lui avait donné le total Contrôle de sa Vie et de sa Mort, durant un bref instant.

Lui avait fait Confiance.

- Je pense que tu es la seule personne en qui j'ai Confiance.

La Majuscule se sentait dans sa voix. L'intensité et l'importance de ce Mot.

- Mais et toi donc Noah.
Me fais tu Confiance ? Le peux tu seulement, après avoir vu de quoi j'étais capable ? Le veux tu seulement, c'est tout de même de ma faute si tu as risqué la Mort...

Sa voix était Douce. Ses prunelles d'Acier.

Glace contre Feu.

Trinity devant Noah.

Elle le fixait, imperturbable.

Son Corps immobile. Son Esprit en ébullition.

Le Vide total.