Monotone. Cette journée était monotone. Exactement comme ce mot. Mo. No. Tone. Plat, vide, creux. Agaçant. Si le mot monotone avait été une personne, elle lui en aurait collé une. Deux si elle se sentait d'âme généreuse. Elle s'ennuyait ferme. Un peu d'action, là, maintenant, tout de suite ! Elle attendit
deux
quatre
six secondes sans que rien ne se passe. Rien. Juste... juste le paysage d'Écosse devant ses yeux. Et c'est tout. Pas de dragon, de chimère, de Basilic ou quoi que ce soit d'autre d'un temps soit peu intéressant. Même un Botruc lui aurait convenu. Une Mandragore. Un Boursoufflet. Quelque chose. Un truc, quoi. Mais pas de truc à l'horizon. Des élèves, oui. Mais aller voir un groupe de Poufsouffle en train de manger ne lui disait rien. Pas plus qu'une horde de Serdaigle surement en train de réviser pleins de trucs chiants. Elle n'avait même pas faim. Son dernier casse-croûte en date remontait à une demie heure et elle n'avait toujours pas faim. Un scandale. Elle aurait bien voulu porter plainte contre son estomac. Contre le château entier.

-VOUS ÊTES TOUS CHIANTS ! hurla-t-elle à personne en particulier.

Elle vit plusieurs personnes se retourner vers elle, interloqués, mais les ignora pour s'éloigner d'un pas rageur vers la Forêt Interdite. Ses yeux s'éclairèrent tandis qu'une idée subite lui venait. Voilà une belle occupation ! Ravie, elle s'avança jusqu'à l'orée avant de se figer. Elle n'avait pas peur. Elle n'avait jamais peur. Mais ça ne l'empêchait pas de se sentir mal à l'aise. Elle déglutit avec difficulté. Entendit un bruissement. Pâlit. D'un coup l'idée merveilleuse et génialissime d'explorer la Forêt Interdite lui semblait... une peu moins merveilleuse et génialissime. Un peu. Petit petit peu. Prenant son courage à deux mains elle avança tout doucement.

Crac !

Sursautant violemment, la jeune faillit tomber à la renverse avant de se rendre compte qu'elle avait simplement marché sur une brindille. Elle partit d'un petit rire nerveux. Quelle idiote elle faisait, il n'y avait rien de bien dangereux là-dedans. Secouant la tête en souriant, elle fit un pas.
Un autre bruissement.
Elle poussa un cri de terreur et s'enfuit de toute la vitesse de ses petites jambes. Même après s'être éloignée suffisamment, elle continua, continua, continua. Même quasiment à bout de souffle, elle continua. Parce que ça lui faisait du bien. Ça la rendait joyeuse. Oubliée, sa frayeur. Oublié, son ennui. Elle s'arrêta soudainement et tourna sur elle même, virevolta, sauta. Se remit à foncer. Soudainement, dans son esprit, elle était devenue une panthère. Rapide, agile, dangereuse, sauvage. Une proie imaginaire, un lapin, se dessina devant ses yeux. Elle imita un feulement. Découvrit les dents. Bondit.

-Je suis la plus rapide du monde ! Rapide comme le vent, rapide comme l'éclair, la fusée de Gryffondor entre dans la place ! cria-t-elle en atterrissant à quatre pattes dans l'herbe, juste sur sa proie fictive.

Elle fit mine de mordre dans son lapin.

@Arya Nightshade

Comme à son habitude, Arya se rendit dans le parc une fois qu'elle eût finit ses devoirs. C'était devenu son endroit préféré à Poudlard. Certains considéraient le château comme une deuxième maison, pour elle c'était le parc. Non pas qu'elle détestait être à l'intérieur, dans sa salle commune ou son dortoir, seulement elle trouvait qu'il y avait trop de gens. Elle n'aimait pas lorsque la salle commune était trop remplie, et sortait donc prendre l'air pendant quelques heures.

Avant, elle avait coutume de faire ça dans son jardin, à Dover, qui était déjà suffisamment grand pour qu'elle puisse s'y balader et en faire le tour sans avoir l'impression de tourner en rond. Le parc de Poudlard, lui, était bien plus grand, plus vaste. Un vrai terrain de jeu pour quelqu'un comme Arya. Elle marchait d'un pas étrangement tranquille qui ne lui ressemblait pas. Elle observait le paysage écossais qu'elle appréciait tant. Même si elle avait déménagé tôt dans sa vie à Dover, l’Écosse était encore bien encrée en elle et elle accordait beaucoup d'importance à ses racines de là-bas. Elle aurait aimé y retourner, voir la maison qu'elle avait quitté il y a quelques années, mais Poudlard la réconfortait déjà. Elle s'en contentait donc, heureuse de pouvoir profiter de son Écosse natale.

Elle redescendit sur terre lorsqu'elle entendit quelqu'un crier. Ce n'était pas rare, les élèves criaient souvent dans le parc de temps à autre. Mais celle-ci avait un comportement bizarre. Elle suivit l'élève des yeux, interloquée. Elle semblait avoir son âge, et courrait comme si quelque chose la poursuivait. Son comportement était d'autant plus étrange. On aurait dit une amazone en plein mouvement. Elle n'avait pas l'air de faire attention aux regards qu'on lui jetait aux alentours, et profitait de sa course effrénée.

Prise d'une curiosité immorale, elle approcha un peu de la fille. Il arrivait aussi que la Gryffondor ait un comportement étrange aux yeux des autres, mais Arya avait presque la sensation que l'élève jouait un rôle au plein cœur d'une pièce de théâtre.

C'est alors qu'elle l'entendit hurler à pleins poumons. La plus rapide Gryffondor ? Ce cri de fierté résonnait comme un défi à ses oreilles, et elle s'approcha encore, un sourire espiègle flottant sur ses lèvres. Quand elle fut enfin arrivée à sa hauteur, elle lança :

- La plus rapide, hein ? Tu veux vérifier ?

Arya était d'humeur à lancer des défis, et elle avait justement envie de se dégourdir les jambes.

L'interpellation la fit sursauter. Le lapin imaginaire en tomba de sa bouche. Et sa mâchoire failli le rejoindre quand elle vit la taille de la fille face à elle. Même en étant à quatre-pattes, la jeune fille savait quelle dépassait l'autre d'à peu près vingt centimètres. Presque trente. Elle se redressa de toute sa hauteur. Entre vingt-deux et vingt-cinq centimètres. Pour une fois, elle se sentait vraiment géante.
Son cerveau mit quelques secondes à assimiler ce que la fille venait de lui dire. Quand elle comprit, elle ne pu s'empêcher de ricaner.

-Sérieux ? Tu me mets au défi ?

Ne l'avait-elle donc pas vue courir ? Pensait-elle vraiment la battre si facilement ? Même pas en rêve. Pourtant, la lilliputienne avait l'air tout à fait sérieuse. La petite Bailey croisa les bras et haussa un sourcil. Vraiment ?
Et puis pourquoi pas ? Ça pouvait être marrant. Un peu facile, mais ça lui changerait les idées. La voilà, sa distraction tant attendue. Pas aussi bien que d'explorer la Forêt Interdite, mais bon. Elle pouvait aussi y aller après. Ce n'était pas comme si elle avait peur. Elle avait juste été un peu surprise, pas la peine d'en faire un fromage. Quand elle voulait, qu'elle irait se balader dans la Forêt ! Et toute seule ! Peut-être même la nuit. Na !

-Mmm... Pourquoi pas. C'est d'accord. Laisse-moi juste deux minutes pour reprendre mon souffle et après je te bats à plat de couture, fanfaronna-t-elle.

Elle passa brièvement la main dans ses très longs cheveux. Ils allaient peut-être la gêner. Non pas que ça l'empêcherait de gagner, mais mieux valait éviter de s'aveugler inutilement. Elle commença à chercher dans ses poches, à la recherche d'un élastique. Elle n'en troua point. Juste un ruban bleu. Ça, ce n'était certainement pas à elle. Peut-être l'avait-elle oublié quand elle avait rangé ces derniers larcins dans sa cachette sous son lit. Pas l'idéal, mais ça suffirait. Elle attacha sa tignasse avec en une sorte de queue de cheval approximative. Il n'y avait pas assez de longueur de ruban pour qu'elle se fasse un chignon. Peut-être une tresse.
Ayant un peu la flemme, elle décida de laisser sa coiffure comme ça. Ce n'était pas un concours de beauté. Juste une course.

-Tu t'appelles comment ?

En général, ce genre de choses ne l'intéressait pas, mais de un, elle s'était juré de changer et de deux, la lilliputienne avait... quelque chose. Un côté baroudeur. Elle aimait bien ça. C'était cool.

Vraiment désolée pour cet horrible retard !

La fille était bien plus grande qu'elle. Arya y était habituée, rares étaient les personnes plus petites à Poudlard. Elle faisait certainement parti des nains des premières années, ceux qu'on ne remarque pas lorsqu'ils passent discrètement dans les couloirs. Ceux que les grands aiment regarder, afin de ressentir ce sentiment de supériorité. Ayant toujours été ainsi, Arya ne s'en offusquait plus depuis longtemps, même si elle ne dirait pas non à quelques centimètres en plus. Mais il fallait se rendre à l'évidence : elle était condamnée à regarder le monde d'en bas, en levant la tête. Même si une soudaine poussée de croissance pouvait intervenir, elle ne pourrait jamais rattraper entièrement son retard.

C'est donc ce que fit Arya. Lever la tête, alors que son interlocutrice ricanait. La fillette ne réagit pas, et bougea d'un poil et continua de la fixer.

- Tout à fait. Ça te fait peur ?

La fillette savait qu'elle la jugeait à sa taille, à ses jambes courtes. Déjà, le défi semblait perdu pour elle. Pourtant, Arya avait confiance. Elle avait confiance en ses capacités, peut-être invisibles, mais bien présentes. Elle avait toujours aimé courir, un sport qui n'avait besoin d'aucun matériel spécifique pour être pratiqué. Petite, elle courrait autour de leur grand jardin à Dover, qui lui semblait déjà immense. C'était une activité qui permettait de remettre les pensées en place, de s'épuiser rapidement lorsqu'on ne recherchait que cela. Et la jeune Gryffondor le cherchait souvent.

La fille accepta de relever le défi. Un sourire espiègle flottant toujours sur ses lèvres alors qu'elle remuait un peu ses chevilles en attendant. Elle se fichait de gagner ou non ce genre de chose habituellement, mais ce jour-là, pour une fois, elle avait vraiment envie de montrer ce qu'un nain comme elle pouvait faire. Son maître d'arme la faisait toujours courir avant ses cours d'escrime pour l'échauffer, et son dernier cours datait de Noël dernier. Cependant, elle se sentait capable de produire une même performance. Sa volonté de fer inébranlable pouvait la porter haut, elle en était convaincue.

Elle observa la fille nouer ses cheveux avec ce qu'elle avait sous la main. Arya se félicita intérieurement d'avoir attaché ses cheveux, ce matin-là. Elle n'aimait pas la sensation de ces derniers collés contre sa nuque. D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle les avait toujours voulu courts, très courts, mais jamais sa mère n'avait accepté de l'emmener chez le coiffeur. La fillette se contentait donc de se faire de tresses très serrées chaque matin. N'étant pas une pro de la coiffure, cela ne donnait jamais quelque chose de joli, plutôt de très disgracieux, mais elle s'en fichait.

Quand enfin la fille s'arrêta de s'occuper de ses cheveux, elle lui demanda son nom. Évidemment, Arya n'aurait jamais pensé à demander cela la première. C'était habituellement la première chose que se disaient les gens entre eux lorsqu'ils se rencontraient, mais la fillette n'y pensait jamais. Pour elle, un nom n'était pas indispensable, mais elle répondit tout de même :

- Arya. Et toi ?

Elle dit quelques soubresauts, histoire de chauffer un peu ses jambes. Elle ne voulait pas se blesser en risquant un faux mouvement, ce serait vraiment bête.

- T'es prête ? s'enquit-elle enfin.

Elle trépignait d'impatience.

Elle pencha la tête sur le côté en l'entendant lui demander si elle avait peur. Haussa un sourcil sincèrement surpris. Elle, peur ? Jamais de la vie ! Et surtout pas d'une personne aussi petite. Surtout parce qu'elle était contente d'être enfin plus grande que quelqu'un. La plupart des personnes qu'elle connaissait la dépassait de plusieurs centimètres. Il n'y avait qu'à Oxford où elle était plus grande que les enfants de son âge. Peut-être les sorciers avaient-ils un gêne de grandeur que les moldus ne possédaient pas ? Pourtant, cette fille était une sorcière. *Il y a toujours des exceptions. Peut-être que c'en est une.*

-Tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu'à la clavicule si tu penses que j'ai peur de toi.

Elle la fusilla du regard, avant de faire craquer ses doigts. D'habitude, ce son insupportait, mais elle voulait impressionner. Elle retint une grimace. Quel bruit horrible. Si il fallait qu'elle fasse ça pour avoir l'air dur à cuire, autant trouver autre chose parce qu'elle n'allait pas faire ça tous les jours.
Elle vérifia une dernière fois que ses cheveux étaient bien en place, et exécuta une flexion tout à fait inutile, vu qu'elle venait de courir. Mais il fallait bien qu'elle fasse quelque chose.Elle n'allait pas rester plantée là comme une abrutie, les bras ballants. Elle n'aimait pas avoir l'air bête.

La fille lui donna son prénom. Arya. Joli. Et moins commun que Katherine. Elle failli se mettre à grogner de mécontentement.
Devait-elle donner son deuxième prénom, Akemi, histoire d'avoir l'air classe ? Non, ça faisait trop fille, Akemi. Katherine aussi. Mais elle risquait moins de se ridiculiser si elle disait son vrai prénom. Parce que si quelqu'un l'appelait Katherine devant Arya, alors que cette dernière était persuadée qu'elle s'appelait Akemi, on la verrait comme une grosse menteuse.

-Katherine. Ou Kat. Comme ça te chante.

Décontracté. Dédaigneux. Bien. Faire comme si on s'en moquait du prénom de l'autre. Avoir l'air sûre de soi. Ne pas se laisser déconcentrer. Sereine. Calme. Elle allait gagner de toute manière. Peut-être qu'Arya serait tellement impressionnée qu'elle l'adulerait et dirait à tout le monde à quel point elle était géniale. Un bon point pour se faire des amis, ça. Tout le monde viendrait lui parler. Elle aurait des tas d'amis. Deviendrait hyper gentille. La capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor l'engagerait tout de suite dans l'équipe. Elle deviendrait la meilleure batteuse du monde. Jouerais pour l'équipe d'Angleterre. Ou pour celle du Japon, selon l'offre.

-Bien sûr que je suis prête ! s'exclama-t-elle en entendant Arya lui poser cette question.

Elle leva les yeux aux ciel, avant de se rapprocher de sa camarade. Elle observa un peu les alentours, à la recherche d'un point d'arrivée ni trop loin ni trop près. Un arbre ou quelque chose d'autre d'assez visible. Elle trouve enfin ce qu'elle cherchait, à environ cinquante mètres, peut-être un peu plus. Ce serait suffisant.

-Bon, on commence d'ici et on va jusqu'à la branche tordue qui est par terre ? Celle à côté Saule Cogneur. Normalement, on pourrait s'approcher sans se faire taper dessus. Je crois.

Elle n'attendit pas la réponse et traça une ligne de deux mètres juste devant elles deux avec son talon. Celui-ci se retrouva couvert de terre et elle enleva le tout avec sa main. De la terre mouillé sur sa semelle représentait un poids non négligeable. Elle n'allait pas se saboter elle-même ses chances. Ce serait plutôt bête.

Arya ne se laissa pas impressionner et ne quitta pas son sourire espiègle. Elle levé imperceptiblement les sourcils d'un air de défi et lança :

- À toi de me le prouver alors.

Cette fille n'avait clairement pas envie de se laisser faire, mais ça tombait bien, Arya non plus. Elle était confiante, et voulait profiter de ce regain d'assurance. Les beaux parleurs n'étaient pas toujours les meilleurs. Cependant, elle ne la sous-estimait pas non plus. Elle l'avait tout de même vu courir à l'instant, ce n'était pas rien. Elle avait déjà l'avantage, avec ses grandes jambes. La fillette devrait se montrer plus vivace si elle voulait avoir une chance de l'emporter.

Elle lui donna son nom, et Arya hocha la tête. La dénommée Katherine semblait sereine, et tout aussi sûre qu'elle. Si elles n'avaient pas été dans une situation comme celle-ci, Arya aurait pointé du doigt leur ressemblances. Non pas physique, bien sûr, inutile de souligner une fois de plus sa petite taille, mais plutôt leur façon de se tenir et de se mouvoir, presque même de parler.

Une fois qu'elle lui annonça qu'elle était prête, Arya cala ses pieds au sol, répartissant le poids de son corps sur ses pieds de manière à pouvoir piquer un sprint correctement. Elle souffla longuement en silence et ressentit chacun de ses membres qui n'attendaient que le signal de départ.

Katherine lui désigna une branche qui leur servirait de point d'arriver et la jeune Gryffondor approuva. Elle ne quitta pas la branche des yeux pendant un petit moment, le temps de s'imprégner de la distance qui les séparait.

Elle attendit un peu le temps de vérifier que Katherine était bien prête à partir, puis annonça :

- On part à trois. Un... deux... trois !

Son pied franchit la ligne de départ préalablement tracée par son adversaire, et elle s'envola.

L'autre eut l'air d'observer la distance à parcourir. Elle fit de même. Ralentis sa respiration. Ferma les yeux. Le calme l'envahit. Bien. Ne pas gaspiller de l'énergie trop vite. Bien respirer. C'était la clé. Elle devait faire attention. Ne pas tomber. Elle était agile, mais même les plus agiles peuvent se casser la figure comme des idiots. Rester vigilante. Fixer l'objectif. Ne pas s'en détourner. Ne pas stresser parce qu'elle se sentait rattrapée. Continuer à courir, quoiqu'il se passe.

*Tu ne vas pas y arriver. Tu te crois plus forte que tu n'es.* La Voix. Elle était revenue. L'Horrible Voix. Elle disait des mensonges, il ne fallait pas l'écouter. *Voile-toi la face. Quand elle gagnera, tu comprendras que je dis vrai.* Arya ne pouvait pas gagner. Elle était surement douée, mais pas autant qu'elle. Elle courait comme le vent. Elle était inarrêtable. Elle était une panthère. Personne ne pouvait la battre une fois qu'elle était lancée. *Tu me fais doucement rigoler.* Eh bien que la Voix rigole. Elle allait lui montrer. *Tu ne vas rien me montrer du tout. Toi-même, tu sais que j'ai raison. Tu commences à douter.* Même pas vrai. Elle ne doutait pas, elle ne doutait jamais. Elle ne pouvait pas. Sinon, elle perdrait. *Tu vas perdre de toute manière.*

Elle essaya, tant qu'elle put. Mais elle ne réussit pas. Elle douta. Elle se mordit la lèvre. Joua avec se doigts. Elle rouvrit les yeux. Elle voyait flou. Sa vision mit quelques secondes à revenir à la normale. Ça la perturba. Elle réussit à n'en rien laisser paraître sur son visage, mais à l'intérieur, elle flippait. Pas seulement de perdre. La Voix aussi lui faisait peur. Elle avait cru qu'elle était partie. Définitivement. Mais non. Elle restait tapie dans sa tête, à attendre le moment propice où frapper. Faire mal. *Je ne peux pas partir. Je suis dans ta tête, bécasse ! Dans ton cerveau. Et je n'ai pas envie de partir. La place est bonne, je pense que je vais rester au chaud encore quelques temps.* Il fallait que la Voix parte. Tout de suite. Ou elle allait se faire laminer dans cette course. Elle devait se calmer. Ne pas faire attention à l'Horrible Voix. L'oublier. *Même. Pas. En rêve.* dit la voix, pile en rythme avec le compte à rebours d'Arya. Elle mit une demi-seconde de trop à partir et cette demi-seconde lui coûta. Arya était une vraie fusée. Merde.

Elle réussit à ne pas se laisser distancer, mais ne réussit pas à prendre de l'avance. Ses jambes bougeaient à une vitesse folle, l'adrénaline lui fit aller encore plus vite que tout à l'heure. De toute façon, ce n'était pas ses jambes qu'elle craignait le plus. C'était sa tête, sa motivation. Et ses poumons. Elle n'arrivait pas à respirer comme il le fallait. Trop vite, beaucoup trop vite. Merde. Pas de point de côté, pria-t-elle. Pas de point de côté, je vous en supplie... Elle n'allait pas y arriver. Saleté d'Arya qui lui avait proposé cette course ! C'était à cause de ça que la Voix était revenue ! Elle l'a détesta pour ça. Une haine profonde l'envahit. Elle n'aimait pas la Voix et elle n'aimait pas perdre. Pas du tout. Vraiment pas.
Elle avait du mal à respirer. Beaucoup de mal. C'était fini. Elle n'allait pas y arriver. Merde.

Arya ne sentait plus ses jambes. Mais ce n'était pas désagréable, au contraire. Elle se laissait conduire par son élan, les cheveux au vent. Elle ne se souciait pas de respirer ou de faire attention à où elle mettait les pieds. Elle courrait, simplement, les tresses de ses cheveux au vent. Des mèches s'échappèrent et dansèrent sur son visage épanoui. Elle avait la sensation de respirer un nouvel air.

Quand enfin, elle se rendit compte qu'elle avait dépassé la ligne d'arrivée, elle se retourna, un grand sourire sur les lèvres. Elle n'avait pas fait attention à ce qui se passait autour d'elle durant la course, et ignorait si elle avait perdu, mais peu lui importait. Même si elle était vaincue, courir lui aura fait un bien fou.

C'est en se retournant qu'elle aperçut Katherine non loin d'elle. Elle semblait avoir du mal à respirer et sa respiration sifflante n'augurait rien de bon. Zut, était-elle asthmatique ? Arya se souvint d'avoir eu un cas comme celui-ci dans sa classe moldue quelques années auparavant. Mais le garçon avait toujours un objet en plastique bleu sur lui pour parer des crises. Comment faisaient les sorciers pour contrer ce genre de chose ? La fillette ne connaissait aucun sort qui aurait pu être utile dans cette situation.

Elle rejoignit sa camarade en quelques pas, encore elle-même essoufflée. Elle posa une main qu'elle espérait calme sur son épaule après quelques secondes d'hésitation. Fallait-elle qu'elle lui donne des tapes dans le dos pour qu'elle reprenne sa respiration ? Elle se maudit de ne s'être jamais vraiment intéressée aux gestes de premier secours. Si elle faisait un malaise, tout de suite, elle ne saurait comment réagir.

- Hé, Katherine, murmura-t-elle dans un souffle saccadé. Respire, hein. T'as... t'as besoin d'aller à l'infirmerie ?

Elle jeta un regard autour d'elle pour voir si d'autres élèves qui passeraient par-là pourraient l'aider.

- Assis-toi, ce sera peut-être mieux... tenta-t-elle maladroitement.

Elle lui pressa doucement l'épaule pour l'obliger à se poser à terre, et s'accroupit à son tour. Décidément, elle ne savait vraiment pas d'y prendre dans ce genre de situation. Quel comportement adopter ? En même temps, jamais elle n'aurait pensé devoir apaiser une camarade en manque d'air après un défi stupide dans le parc de Poudlard. Est-ce que ce souci de respiration était tout nouveau pour elle aussi ? Ou bien en avait-elle déjà conscience en acceptant le défi ? Elle observait Katherine avec de grands yeux, ne sachant quel geste adopter.

C'était fini, l'autre l'avait battue. Vraiment battue. Seulement d'un mètre ou deux. Mais c'était quand même une défaite. Une grosse défaite parce qu'elle aurait vraiment pu gagner. Elle était si proche... Si elle avait fait un meilleur départ, peut-être qu'elle aurait réussi. C'était même certain. Arya avait lancé trop tôt le départ. C'était sa faute. Bien sûr, elle avait regardé si elle était prête ou non avant de lancer le compte à rebours, mais elle aurait dû mieux observer. Elle, à sa place, elle l'aurait fait. *Ça, c'est même pas vrai. Parce que t'es qu'une sale égoïste.* Pas du tout. Elle avait beaucoup d'empathie. Et puis elle avait décidé de changer. Elle allait devenir quelqu'un de bien à présent. *Et ton passage du bon côté, il durera quoi ? une semaine ? Un mois grand max. T'es pas faite pour être gentille. Tu pourras pas changer, ma vieille.* Faux. Mais ça ne valait pas la peine de s'attarder là-dessus. Parce que là, ce n'était pas elle qui était en faute. *Si tu le dis. Tiens, elle vient vers toi. Voyons ce que tu vas lui dire... Et arrête de respirer comme ça. T'as juste l'air débile à souffler comme un bœuf.* Elle ne soufflait pas comme un bœuf. C'était la respiration normale de quelqu'un qui a couru. *Mouais...*

La Voix avait raison, Arya la rejoignait. Elle allait lui dire sa façon de penser face à cette infâme tricherie, mais elle avait encore le souffle coupé. Sa camarade lui demanda si elle avait besoin d'aller à l'Infirmerie. Pour quoi faire ?
Elle n'eut pas le temps de répondre qu'Arya lui avait déjà proposé de s'asseoir, avant de la forcer à le faire. Elle vit rouge. L'autre n'allait pas l'avoir avec son air innocent, même si elle faisait semblant de l'aider. C'était une sale tricheuse ! Le fait qu'elle ait fait revenir la Voix ne la gênait plus. C'était qu'un détail. Le pire, c'était qu'Arya avait gagné. Et personne ne pourrait prouver le contraire. C'était elle qui aurait dû remporter cette maudite course, elle, Katherine Akemi Bailey ! Pas Arya !

-Lâche-moi ! Laisse-moi tranquille, je vais très bien ! lui cria-t-elle en se relevant d'un bond, l'air furax. Mais j'irais encore mieux si tu n'avais pas triché !

Son ruban se détacha et ses longs, trop longs cheveux se déployèrent dans son dos comme une traine. Elle s'en moquait et souffla sur les mèches éparses qui lui tombèrent devant les yeux. Elle fixa Arya avec haine, prête à en découdre. Si elle pouvait lui sauter dessus pour lui taper dessus... *Une idée très alléchante. Pourquoi tu ne la mettrais pas en pratique ?* Non, si quelqu'un la surprenait, elle allait se faire punir. *Mais t'en as envie.* Oui. Très envie. Elle ne pensait qu'à ça. Taper. Faire mal. Arya ne tricherait plus. *Eh bien vas-y.* Non ! Elle recula d'un pas et serra les poings. Ce n'était pas bien. Elle en avait envie, mais il ne fallait pas. Pas tout de suite. *Comme tu veux.*

Je m'excuse sincèrement pour cet horrible retard !

Arya sursauta lorsqu'elle entendit les paroles de Katherine. Le ton qu'elle avait pris lui rappela immédiatement celui que sa sœur Madison empruntait chaque fois qu'elle lui adressait la parole. Instinctivement, la jeune Gryffondor se mit à considérer sa camarade d'un œil nouveau. Elle ne s'inquiéta plus du tout de sa santé, et ses lèvres se tordirent en un rictus de colère. Elle s'éloigna un peu d'elle, écœurée de lui avoir proposé de l'aide.

Elle resta silencieuse un instant, les sentiments déferlant dans tout son être. Elle avait l'habitude qu'on lui reproche n'importe quoi quand elle était à la maison, mais pas à Poudlard. C'était un lieu de sécurité, où elle savait qu'elle pouvait se sentir en confiance. Hors de question que cette Katherine sortie de nulle part lui retire cette atmosphère de sérénité. Elle n'allait pas se laisser crier dessus sans rien dire, ça n'avait jamais été son genre. D'autant plus qu'elle ne comprenait pas très bien d'où venait la colère de la jeune fille. Peut-être était-elle déçue de ne pas avoir pu terminer leur course ? Si ce n'était que cela, elle n'aurait eu qu'à le lui dire et elles auraient recommencé.

La fillette était trop jeune pour répondre de manière calme et censée. Elle serra les poings, cherchant à mettre des mots sur ce qu'elle désirait exprimer, puis se lança :

- Tu te fiches de moi ? Tu sais très bien que j'ai pas triché ! D'où tu t'énerves comme ça ?

La fillette parlait vite et fort. Elle se fichait que des gens dans le parc l'entendent et qu'elles attirent l'attention. Sa fierté la poussait à se défendre, à faire comprendre au monde entier qu'elle ne se laissera pas marcher sur les pieds aussi facilement. Elle ne s'y prenait certainement pas de la bonne manière, mais elle s'en fichait.

Cette situation lui rappela sensiblement plusieurs scènes dans lesquelles elle avait joué un rôle lorsqu'elle était en école moldue. Elle se bagarrait souvent avec ses camarades sans vraiment en connaître la raison principale. Sa mère lui disait qu'elle n'était qu'une sauvage lorsqu'elle rentrait à la maison avec les genoux pleins de terre et les coudes écorchés, ce qui lui a valu le surnom de sauvageonne, uniquement utilisé par son père. À cet instant, elle était prête à montrer son côté soi-disant "sauvage", peut-être simplement pour montrer qu'une petite créature comme elle qui paraissait si innocente avait une autre face cachée.

La tension dans l'air avait un goût amer et salé.

- J'suis sûre que tu t'es arrêtée juste parce que tu savais que t'allais pas me battre ! continua-t-elle, le rouge montant aux joues. C'est toi la tricheuse !

Les mots dépassaient sa pensée, elle ne cherchait même pas à dire quoi que ce soit de vrai. Elle voulait simplement contre-attaquer, montrer qu'elle aussi pouvait monter sur ses grands chevaux et hurler tout le malheur du monde.