Le soleil pointait le bout de son nez, signifiant que l'hiver allait bientôt se finir et laissait sa place au printemps. Jennifer avait hâte que cette nouvelle saison arrive pour pouvoir repasser tout son temps dehors, c'était son endroit préféré ; pas de mur, un ciel, de la faune et de la flore à perte de vue. Il n'y avait rien de mieux que le vent frais soufflant, les rayons du soleil perçant les nuages et les chants des oiseaux annonçant la saison des amours.

Après son cours de vol, qui s'était, dans la globalité, plutôt bien passé, elle décida de prendre du temps pour elle et donc d'aller lire la suite de son livre ; Celle qui faisait tomber la neige d'Amaëlle Nelly. Son livre toujours dans sa sacoche, elle n'eut pas à retourner au dortoir et pouvait donc s'installer directement à la sortie de son cours de vol. Le chemin n'était pas très long, sachant que cette dernière matière s'effectuait dans le parc.

Elle s'était rapprochée de l'école sans non plus être trop près, pour ne pas entendre les bousculades et les cris des camarades passant par là. Enfin, elle trouva l'arbre idéal, des branches très basses qui montaient jusqu'en haut de celui-ci, un tronc imposant permettant de s'installer confortablement dessus. Les feuilles, pour la plupart, étaient tombées. Elle pouvait donc profiter des quelques rayons de soleil qui se posaient sur son visage et la réchauffaient légèrement, car les températures d'hiver étaient encore présentes.

Elle prit le temps de sortir de sa sacoche un vieux châle en laine, que sa mère lui avait tricoté pour ses sorties en nature. Il était sale ; recouvert d'un mélange de terre séchée et de feuilles écrasées. En effet, Jennifer ne se promenait jamais sans, elle était toujours prête à s'installer et profiter du paysage et des animaux qui l'entouraient. Elle le positionna soigneusement au sol et s'y assit avec hâte. Elle ouvrit ensuite son livre et se plongea dedans, à présent plus rien ne pouvait l'interpeller ou bien encore la déconcentrer.

Si tôt il avait vu quelques rayons de chaleur percé la nappe de nuage d'hiver, Chems s'était précipité dehors. Il n'allait pas s'enfermé au retour si attendu du bon soleil!  Le bois de l'arbre qu'il avait choisit d'escalader aujourd'hui était encore humide sous sa paume, et des bouts d'écorces restaient dans ses main lors de son ascension. Qui regarde le sol y va. Resserrant les doigts de sa main gauche, l'irlandais lâcha la prise précédente de sa droite et jeta son bras à une autre ramification plus haute, transférant son poids du corps dans l'élan. Il tangue un peu sur la branche le temps de retrouver un semblant de stabilité, attrapant des deux mains le bois, souffle profondément, puis se hisse complètement en réinspirant, balançant une jambe par dessus la branche pour se retrouver à cheval sur celle-ci. Hop, et un nouvel étage de gagné! Et le voila à mi-arbre de parcours.

Chems s'autorisa là un temps de pause, scrutant le reste du parc, l'esprit errant sur l'immensité au tronc entortillé et son compère tapageur un peu plus loin dont il entendait les coup sur le sol comme ceux d'un mortier. Un jour, il trouverait un motif au saule cogneur. Un jour, il atteindrait le sommet d'Etash et Ojayit. Un jour... Seulement maintenant, d'un bruissement de page discret, Chems remarqua la présence qui s'était posé au pied de son arbre. Il ne voyait rien d'elle si ce n'est la courbure de son nez, la pâleur de sa peau et sa tignasse rousse. Mais en dépit de son point de vue limité, ces boucles... ces boucles le renvoyait à cours de vol lointain. Un temps plus radieux. Un Poudlard plus tolérant. Il ne les avait plus revu depuis trois ans. C'est peut être... Chems ramena ses jambes, se redressant sans lâcher la présence des yeux et s'approcha du tronc, repérant rapidement une autre branche pour se réfugier. 

Il siffla ensuite. Imita au mieux la mélodie d'un petit oiseau si seulement il y en avait eu un pour chanter par ce temps hivernal. 

La présence remua à peine que Chems sauta sur l'autre branche, se dérobant du regard de l'élève avant qu'il n'atteigne le ciel.

Jennifer était plongée dans son livre, celui-ci la passionnait à un point qu'elle s'y perdait totalement, elle rêvait même d'en être l’héroïne lors de ces nuits. La lecture était, pour notre rouquine, très importante dans sa vie ; en effet, à la mort de sa mère, étant très jeune, c'est grâce aux bouquins qu'elle put faire son deuil, en se retrouvant dans les récits qu'elle lisait.

Après la lecture d'une dizaine de chapitre, elle décida de faire une légère pause pour profiter de la vue que le Parc lui offrait. Elle entendait au loin les doux clapotis du Lac Noir et se laissait bercer par ceux-ci. Fermant les yeux, elle se concentrait sur les sons qu'elle percevait ainsi que sur le vent soufflant une fine brise dans sa tignasse de feu. Soudain, elle entendit le sifflotement d'un oiseau juste au-dessus de sa tête. Chouette, ce petit être annonce l'arrivée du printemps ! s'exclama intérieurement notre sorcière. Néanmoins, elle était très surprise de l'apparition très précoce des volatiles, c'était d'ailleurs, le premier qu'elle entendait depuis son arrivée dans le Parc.

Intriguée de savoir quelle race d'oiseau pouvait déjà pointer le bout de son nez, par ses températures encore hivernales, Jennifer leva la tête pour essayer de l'apercevoir. Elle prit une grande précaution dans ses mouvements, afin qu'ils ne soient pas trop brusques et que la petite bête ne soit effrayée. Cependant, une fois les yeux rivés vers l'arbre depuis lequel elle avait entendu le bruit, un néant s'y présentait ; aucune présence de bête à plume, rien !

Elle pensait donc avoir halluciné, étant pressée de revoir ces si petits animaux qu'elle aimait tant. À la fois déçue et perturbée, elle décida de retourner dans son livre et d'oublier qu'elle était en train de perdre l'esprit.

Ce n'était donc pas elle. Ce n'était pas Erin...

Les épaules de Chems tombèrent un peu de déception. Le château était bien trop grand. Il ne comptait plus ceux qu'il avait perdu de vue dans la foule, au détours d'un couloir, à l'issu d'un cours de vol ou du confinement du château... L'irlandais étudia le visage qui le cherchait sans le savoir, notant toutes les différences qui le différenciait de celui d'Erin; le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'y en avait pas beaucoup... Hormis la délicatesse des traits, il n'y avait que les grande boucles rousse et les tâches de rousseur dans la tête du garçon. L'image de cette inconnu se superposait presque à l'identique à celle de sa camarade de jeu pendant son premier cours de vol.

Sentant la nostalgie grappillé ses pensées, lui envoyant de brèves images de ceux à qui il ne parlait plus, Chems secoua la tête, s'asseyant sur son autre branche en laissant ses jambes pendre dans le vide. Il avait cette idée saugrenue de ne pas faire de distinction entre la lectrice et la lointaine Erin. Faire comme ci la rousse au pied de l'arbre était celle sur le balais avec qui il s'était amusé jadis. Et pourquoi pas au fond? La voyant replonger son nez dans son bouquin, il se décida, tentant de récupérer l'attention de la jeune fille non pas avec un sifflement, mais avec un : « C'est pas gentil de m'ignorer ».

Comme on parlait à une vieille connaissance. C'était le jeu. Il allait faire comme ci l'inconnue n'en était pas une. Pour l'instant, elle était la seule à ne pas le savoir. 

« Tu me parles plus ? » 

Jennifer était retournée entre les pages de son livre, pour s'y perdre une seconde fois. Cependant, elle fut vite ressortie de celui-ci par une voix venant de l'arbre qu'elle avait précédemment étudié, à la recherche de petit oisillon. Cette voix lui disait que ce n'était pas gentil de l'ignorer. Pleine de confusion, elle reposa son livre sur le gens et releva la tête. Aveuglée par le soleil, elle ne vit rien au premier regard. Elle pensait réellement être devenue folle, et entendre des voix, faisait partie de sa folie naissante.

Une fois ses yeux habitués à la luminosité du soleil, elle découvrit une ombre perchée sur une branche. C'était donc ça le volatile qu'elle cherchait depuis le début ? Remplis d'inquiétude et de surprise, elle se leva pour voir plus facilement la présence pendue comme un singe dans l'arbre sur lequel elle avait décidé de s'appuyer. Elle put apercevoir qu'il s'agissait d'un élève de l'école, mais avant de pouvoir voir, plus clairement, les traits de son visage, celui-ci repris en questionnant notre rouquine.

« Tu me parles plus ? »

C'était à n'y rien comprendre ! Jennifer après ces paroles, pu enfin découvrir le jeune homme qui se cachait dans l'arbre. Il était assez grand, du moins, plus grand qu'elle, avec des cheveux châtains allant dans tous les sens. Sa couleur de peau, bronzée de nature, faisait ressortir ses yeux verts bien qu'ils étaient presque recouverts par les cheveux du garçon.

Après avoir put découvrir son interlocuteur, elle repensa à sa dernière phrase. Pourquoi ne lui parlerait-elle plus ? Elle ne le connaissait pas ; d'ailleurs, elle ne l'avait même jamais croisé dans les couloirs de l'école. C'était une situation vraiment étrange. Pleine de confusion, elle s'empressa de répondre à cet inconnu.

« Euh... Salut ! On se connaît ? C'est toi qui imites les chants des oiseaux ? »

Elle est aussi réceptive, et avant tout autre chose, très aimable! Tout le monde ne réagissait pas aussi bien après s'être fait interrompre ou interpeller dans un moment de calme. « Salut » rattrape-t-il tant qu'il peut l'entrée en matière qu'il a dénigré en levant la main. Il n'aurait pas à improvisé par dessus un "tu me déranges, vas ailleurs", cool cool.

« J'imite personne, de quoi tu parles ? Et puis bien sur qu'on se connait »

La difficulté n'avait jamais été de surmonter un caractère rigide de toute manière, toute la subtilité de l'exercice résidait dans la sainte improvisation. Improvisé devant les profs pour justifier un retard, improvisé devant maman pour justifier pourquoi il était dans la cuisine à 3h du matin, et surtout dans l'immédiat, improvisé devant une fille qu'il ne connaissait pas parce trois seconde plus tôt, faire le malin avait paru être une idée charmante. Mais allons, Chems n'allait pas lever le drapeau blanc si tôt. « Tu es sûr que ça va? » Ce corbeau ci ne laisserait pas tomber de fromage, mais plutôt un baratin que sa tête avait intérêt à vite façonner. Très vite. La seconde de trop qui n'attendait que de se glisser dans son texte risquait d'éveiller des suspicions chez la fillette. Et justement, la roue libre en relation avec sa langue trop pendue venait de se solidariser avec un engrenage d'idée intéressant. « Malheur ! Je crois que je sais c'que t'as... » s'en écarquillèrent ses yeux pour de faux.

Avec un peu de regret, Chems glissa sur les efforts que lui avait couté son ascension en moins de temps qu'il n'en aurait fallu pour dire nox, atterrissant lourdement sur l'herbe et les feuilles mortes. Il aurait cru entendre ses genoux le maudire sur vingt ans, heureusement, ce n'était que le craquèlement de quelques branches sous ses semelles. Se redressant face à la jeune fille, grâce à cette proximité gagnée, ses différences avec Erin deviennent un peu plus clair si c'est possible et le poufsouffle ne peut s'empêcher de tracer du regard les traits tranchants qui se trouvent à la place des joues pleines de sa véritable connaissance. En dépit de cette preuve -sans appel désormais- le jeu était déjà lancé de toute façon et Chems ne donnait pas son dos à une partie engagée. Ses yeux s'en allèrent donc scruter la couverture céruléenne de l'ouvrage délaissé sur la pièce de tissu étendu par terre, et si le flocon illustré ne disait absolument rien à Chems, pour le bien de son jeu d'acteur, il prétendra la connaître.

« Tu m'as dis que tu avais finis ce livre depuis un bail. Tu m'as même raconté la fin » assura-t-il en pointant le coupable de ses suppositions de l'index, puis poursuivit en se massant le menton : « Y'a pas de doute maintenant, c'est forcément ça... » Avec un sérieux qui aurait pu laisser croire qu'il était en pleine réflexion -si il jouait bien son bluff.

« Tu te souviens de ce que tu as mangé ce midi ? »