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10 mars 2020, 18:41
 RPG++  Virevoltantes
avec @Ruby Everheart
Le samedi 14 janvier 2045
Après le déjeuner
Au pied de l'arbre-géant

2ème année

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Mon premier pied s'écrase dans la neige et mes yeux se perdent déjà dans l'Immensité blanche. Cela fait quelques jours que Poudlard est dans cet état, *Blanc*. Mais c'est la première fois que je m'autorise à sortir dehors, depuis qu'elle est là. Les derniers jours, éreintée, je n'avais pas d'entières après-midis comme celle-là. Les derniers jours, j'avais encore des devoirs sur les bras.

Mais me voilà Libre.

Et voilà que mon deuxième pied s'engage. Il fait craquer la neige sous son poids, en imitation du premier. Bientôt, la tranquillité qui semblait appartenir à cette Immensité blanche, est perturbée par de nombreux craquements qui se déchaînent. *Oh oh...* je pense, en jetant un coup d’œil à mes pieds. Mes billes brunes tombent avec un ravissement particulier – c'est toujours ce qu'elle me fait mais plus encore à cet instant – sur Lune. Des traces de ses pattes inondent la neige tout autour de moi, la marquant de cinq tâches ; ses coussinets. Lune s'est affairée à tourner autour de moi, une fois voire même deux. Mais elle se présente assise, la tête toute levée vers moi et les yeux brillants.

« T'as vu toute cette neige ? » je lui demande, emportée.

Bien que toute cette Blancheur pourrait me faire frissonner de froid rien qu'à sa vue, l'air est intensément Doux. En adressant un sourire amusé au chaton à mes pieds, je lève la tête. De mes mains gantées – de gants bordeaux – je serre un peu plus ma cape d'hiver autour de mes épaules, pour couvrir un peu mieux mon cou. *Bien protégé* D'ailleurs, il ne risque pas de souffrir ; je l'ai protégé en optant pour un sous-pull noir sous ma robe de sorcier – je suis une des ces sorcières qui aiment à porter leurs robes de sorcier même le week-end, ce depuis cette deuxième rentrée.

Je m'accorde un dernier instant de contemplation, autorisant mes yeux à divaguer encore un peu, leur offrant un répit mérité. *Doux*

Puis la neige se met à tomber. Les flocons commencent doucement à se déverser sur le Château. Espacés, rares, mais larges et Doux.

Finalement, mes pieds se décident à partir. Lune le sent puisqu'elle s'élance en premier. C'est sûrement cela qui me décide. Le chaton tâtonne dans la neige à travers le parc. Parc méconnaissable – même si je n'en ai pas une vaste connaissance – je pourrais aisément m'y perde. Ses pattes s'enfoncent, l'une après l'autre, quelques centimètres dans la Blancheur. Je les voit faire et j'entend les craquements qui s'en suivent. Mais bientôt, leur son est étouffé par celui de mes pieds.
Ainsi, nous nous dirigeons toutes les deux jusqu'à n'être plus qu'entourées de l'étendue Blanche. Un sourire flottant sur la face, j'ai suivi Lune *jusqu'au bout du Monde* et à travers l'Immensité. C'est encore ce que nous faisons, moi derrière elle, elle devant moi. Elle s'arrête parfois – pour m'attendre ? – et fouille la neige avec son museau. Elle lève la tête vers moi et je découvre son museau recouvert d'un petit tas de cette neige avec un rire. Cristallin, il résonne.

Il résonne et tape contre l'écorce de l'arbre devant lequel nous sommes désormais plantées.

« Salut arbre-géant. »

Mon sourire se fait chaleureux. Mais finalement, ce n'est pas pour le saluer que je me trouve là. La neige tombe toujours, aussi espacée et dense, aussi Douce et Belle. *Aussi blanche* Les milles branches nues de l'arbre-géant permettent aux larges flocons de passer. Lune, assise au pied de celui-ci, se redresse et plante toutes ses griffes sur son écorce. Alors je profite qu'elle soit occupée et je me détourne rapidement, posant les yeux sur le ciel. Il n'est bleu qu'à son bord, un nuage étrangement blanc déverse sa neige et cache le Soleil en imposant sa Lumière grisée. Mais aussi en autorisant sa neige à arriver jusque moi. Ma main droite passe de ma cape qu'elle avait attrapée à ma poche de robe. Une fois plongée dans la profondeur de celle-ci, je saisi la baguette qui s'y trouve. Une sensation grisante me parcourt, et me force même à sourire largement, laissant la Magie passer par tous mes pores.

Même si nous sommes samedi, même si je n'ai pas de devoirs à rédiger, je sais qu'il m'est particulièrement crucial de m'entraîner. Cela en deviendrait presque vital – c'est sûrement cette sensation grisante qui me provoque ce besoin d'en avoir plus.

Alors, mes doigts gantés s'accaparent toute l'énergie qu'elle veut bien me donner et en profitent pour la sortir de là.
Devant moi, ma baguette se présente fièrement.
Elle est Belle et pâle, elle se fond presque sur la Blancheur immense.

Mon cœur ne s'emballe pas, mais mes pensées s'emmêlent ; une sensation étrangement plaisante tant celles qui circulent dans ma tête sont apaisées et assurées. Lumineuses. Je me sens prise d'une légèreté que je me suis rarement vue arborer. Mes yeux se mettent alors en quête. *Oui* Ma main, levée devant moi, pointe et dessine.

« Incendio » je murmure.

Une flamme j'ai dessiné, délicatement.
Un flocon j'ai pointé, vivement.

Et sous mes yeux ébahis, le flocon que j'ai pointé se désintègre. Une flamme l'embrase de l'intérieur, et l'eau ainsi transformée tombe sur la neige sous elle.
Dernière modification par Adaline Macbeth le 07 avr. 2020, 14:02, modifié 2 fois.

Magic Always Has a Price
6ème année

21 mars 2020, 11:45
 RPG++  Virevoltantes
RUBY, 11 ans
14 janvier 2045 Midi passé
Parc, Poudlard


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•••

Bizarrement, je ressens davantage le froid qui commence à me happer, plutôt que la sensation de perdition dans cette étendue blanche. Il vient piquer mon visage, en douceur, et je le laisse faire. Je préfère fermer les yeux et me laisser envahir par cette Élégance mordante, au lieu de Contempler. D'ailleurs, l'Élégance ne m'a jamais mise mal à l'aise, donc je profite.
Je n'ai pas envie de rouvrir mes paupières, même si le paysage est Beau — aveuglant de beauté, même. Nous sommes en hiver, il reviendra demain, *n'est-ce pas ?* je demande aux nuages. Presque une supplique que je leur adresse ; j'ai peur de regretter mon choix, un peu.
Je n'ai jamais été de celles et ceux qui regardaient avant d'éprouver. J'ai toujours ressenti plus fort. Et aujourd'hui, ce que je ressens me coupe le souffle. Suspendue à ma respiration, je me laisse engourdir par mes sens.
Et la brise fraîche me porte, et guide mes pas. Eux savent où aller, je les laisse faire, et tente seulement de ne pas trop m'enfoncer dans la poudre scintillante.
À son image, je sais que ce jour sera rayonnant, et plein de légèreté ; il sera différent de mon quotidien. Une belle intuition, j'espère qu'elle ne me trompera pas. *Remplie d'espoir*, je note pour moi-même.

Vêtue comme je le suis, il se pourrait que j'attrape froid ; trop souvent, je ne me couvre pas assez. Aujourd'hui, j'espère que ma cape bordée d'argent saura me protéger. *Et sinon...*. Le feu de notre cheminée, là-haut dans la tour, me réchauffera sûrement.
Doucement, je sors ma baguette de ma poche et passe mon pouce contre les gravures ancrées dans sa base. Mes mains sont dépourvues de gants, je n'en porte presque jamais, et pour cause : ils déforment la réalité que je pourrais ressentir du bout de mes doigts. Mon toucher devient brouillé, et je déteste ça ; alors qu'un contact, réel, exprime mille et une choses à la fois. Ne me reste plus qu'à y saisir quelques bribes.
Mon pouce toujours pressé contre mon fin bâton de bois m'apaise. Enfin, il s'agit surtout du contact établi entre elle et moi. De jour en jour, j'ai l'impression de mieux la connaître, et je me sens réellement rassurée en sa compagnie. Dit comme cela, c'est un peu étrange, mais nous formons un joli duo. *M'reste tant à découvrir*, je pense avec délice.

Une tache noire accroche soudain mon regard, droit vers l'arbre-géant. Je n'ai pas à tourner la tête pour l'observer, elle se situe simplement en face de moi, si bien que mon menton levé a dirigé ma vision vers cette image détonante. *Mes pas savent bien où me guider*, je constate, un léger sourire aux lèvres.
Et tandis que je m'approche du Mirage, je distingue plus clairement le reflet d'Ébène. Une cascade de cheveux, en réalité, et une Fille qui me tourne le dos. À ses pieds, un chaton — et instantanément, je me trouve attendrie. Le chat est un des seuls animaux qui produit un tel effet sur moi, mélange de fascination, de respect et de tendresse. De dos, leur contraste clair-obscur est magnifique. Et moi, blonde et pâle que je suis, je m'invite dans leur bulle, à leur insu. Alors, pour n'effaroucher personne, je me décale doucement vers la droite, et finis par avancer. Le craquement sous mes pieds avertira la Fille — j'espère.

Elle a parlé en premier, mais pas à mon intention. Pourtant, après son Mot, je me trouve quasiment à ses côtés. J'ai cru entendre un bruissement sortir de ses lèvres, plutôt. Mais soudain, je ne peux que voir, et arrêter de ressentir un court instant. Incendio.

Le feu semble embraser le rayon de mon regard, aimanté par le geste de la Fille. Je suis éblouie, paralysée. Du feu, là, dans ce Blanc gelé. Il vient brûler un flocon, et le parallèle me frappe instantanément. *Comme moi*, une petite flamme perdue au milieu de la Neige. Un rubis dans son écrin de glace, *Merlin, que c'est Beau !*.
Cette Fille, aperçoit-elle la lueur d'admiration qui naît dans mes pupilles ? Je l'espère de tout mon cœur, intensément. Soudain, je me sens minuscule face à la Beauté puissante qu'Elle — qu'Elles — dégagent. Ai-je croisé son regard, à la Fille-d'Ébène ? Mon menton file s'abaisser en direction du sol, si bien que je contemple nos chaussures, et le chaton qui se confondrait presque dans le Blanc.

*Oh...*. Éprouverai-je chaque jour de nouvelles émotions, dans l'enceinte de ce château ? *J'suis...*. Troublée. Apaisée. Indécise. Secondaire. Autant de mots qui décrivent la multitude de sentiments, dont je suis traversée à l'instant. Comme un éclair de Lumière, une bouffée d'air pur et d'humilité.

*Pourquoi j'suis là ?*. Je crois que mes Pensées s'indignent, mais je ne les laisserai pas parler plus fort que le Silence qui règne jusqu'ici. Je vais leur démontrer, *tiens*, à mes Pensées, que je ne suis pas là par hasard. Ou alors, le hasard fait bien les choses.

Alors, doucement, je tente d'imiter la Belle. Ou plutôt, je me décide pour un sort plus difficile que ceux de mon année, que m'enseignait Papa à nos heures perdues.
Lentement, je lève ma baguette — *elle m'attendait, j'le savais !*, et la pointe un peu plus haut que l'horizon qui se dessine au loin. Et ma voix monte entre les flocons.

« Flambios. »

Ma magie est un peu trop faible, pour un sort d'un niveau supérieur, mais les flammes qui dansent au bout de ma baguette sont suffisamment belles pour me satisfaire. Je les projette dans les airs, calmement, sans briser le velours de l'atmosphère qui s'étire entre nous deu.. *'trois !*. Puis ma main droite s'active, et trace plusieurs traits devant nous.
Va-t-elle croire que je veux l'impressionner ? *Oh non, non !*, et mon esprit s'agite. Mes orbes bleues jettent un regard furtif vers l'arbre-géant, qui juge sûrement mon œuvre, de là où il m'observe. Après avoir exhalé, sans faire de bruit, tout l'air qui se trouvait dans mes poumons, je me décide à lever les yeux vers l'horizon.

Et j'y vois quatre petites lettres de feu, formant mon prénom.

these violent delights have violent ends

21 mars 2020, 19:36
 RPG++  Virevoltantes
Le flocon, si gros qu'on aurait pu en deviner les détails – à la manière dont les représentent les enfants, se désintègre en un instant. Laissant flotter dans l'air quelques instants de plus une flamme translucide. *Merci* j'ai envie de dire, car, l'espace d'un instant j'ai senti la Magie flotter et j'ai même pu le voir. Il m'est rare d'assister à de la Magie flottante – comme je l'appelle – car ce n'est bien souvent qu'un sentiment. Mon sourire se précise.

Je laisse le moment flotter encore un peu ; comme il est doux de pouvoir se le permettre. Comme il est doux d'avoir le temps de laisser flotter le Temps.

« Flambios, » dit une voix derrière moi.

Une voix qui me fait frissonner, mais qui provoque en moi une excitation douce. Les flocons qui tombent depuis le ciel perlent ma chevelure de jais de leur blancheur, avant de s'effacer en eau. La neige sous mes pieds est là depuis des jours, et crisse sous tous les pieds de ce château.

Ma tête tourne machinalement. A côté de moi, tout près. *J'l'ai... même pas entendue* s'interroge mon esprit leurré. L'avantage à me tenir au milieu de toute cette Blancheur est bien certainement le bruit qu'elle fait lorsqu'on la foule. Pourtant, mes sens légers se sont laissés leurrés. Mon esprit le sait et n'a pas l'air d'en être satisfait. *Mince* pensé-je : mais ce n'est pas le même mince que j'ai l'habitude d'articuler. Pourquoi tout a l'air si léger ? Même mes pensées ? J'ai l'impression qu'elles dansent.

Rien de désagréable.

Mes yeux alors se posent sur Elle. Celle qui se tient à côté de moi. Ses cheveux sont clairs, bien plus clair que les miens, oui, milles fois plus au moins. Elle ne me regarde pas. Mais je vois presque son visage, avant qu'elle ne le jette vers l'horizon. Je l'observe un court instant, puisque tout flotte autour de moi, et ne ressent que plus d'apaisement encore. Son visage m'apparaît, et revient à moi comme les souvenirs le font parfois. Son visage ne m'est pas tout à fait étranger. La salle commune rouge, les escaliers jusqu'aux dortoirs, la longue table des Gryffons : c'est une Gryffone. *Mais...* m'interrogé-je, alors que j'aurais presque oublié le sort qu'elle vient de lancer. C'est probablement le moment de constater son effet.

*Flambios* c'est intéressant, se dit mon esprit qui s'espère affûté. C'est un sort que l'on apprend en deuxième année. Alors, je me surprend à me demander : ne l'ai-je jamais vue en cours ? Ne serait-elle pas sensée partager pour ainsi dire tous ces cours avec moi ? Je suis sûre que non. Peut-être est-ce l'étrange légèreté du moment qui me le fait dire ; mais si j'avais un tel visage sous les yeux tous les jours, je suis sûre que je le saurais.

La surprise d'une présence de plus – de plus que la mienne et celle de Lune – envolée, je crois qu'il est temps.

Mes billes brunes glissent avec aisance du doux visage de cette Fille jusqu'à ce qu'elle a l'air de fixer à l'horizon. Mes yeux écarquillés contemplent. Je me savais d'humeur contemplative, tant j'ai contemplé depuis qu'il m'a été donné de voir cette étendue Blanche – depuis que cette journée s'est levée. Et je le suis encore, je me suis même surprise à contempler le visage de cette Fille. Bien plus que de raison. Mais le sens de ce mot s'est envolé lui aussi. Comme toute trace de son effet : raison ne coule plus dans mon corps comme abandonné à sa folie. Si léger, ainsi débarrassé du fardeau qu'est raison.

*Ruby* je lis. Sous fond de paysage glacé, de flocons perlant du ciel, de Beauté irraisonnée, les lettres de feu provoquent quelque chose en moi. Elle titille probablement cette part que raison m'a laissé. Cette part de moi qui pourrait me laisser m'envoler.

Mon cœur tape jusque dans ma tempe, mais il reste délicat. Raison lui dirait probablement de se taire, mais ce qu'elle a laissé accepte ses battements et les encourage à battre encore. Plus fort, plus fort ! Étrangement, ne pas le réprimer avec raison les adoucit. Comme si raison n'avait été jusque là qu'un fardeau et comme si, sans elle, tout était plus facile. Libre et légère. Cette impression était tellement ça, je ne saurais comment la dire autrement.

Mon sourire déjà précisé n'était pas tombé de ma face, et cette fois il se fait plus fort. *Ruby, alors ?* mes yeux ne se détachent pas des petites lettres dessinées là, suspendues comme si elles aussi avaient été débarrassées de raison. Mes yeux décident de ne pas quitter les petites lettres jusqu'à ce qu'elles disparaissent. Le temps coule comme il le fait toujours. Je ne m'y oppose pas ; raison y serait hostile mais je suis trop légère.

Je souris plus fort.

Et, finalement, les petites lettres s'effacent. D'autres instants ensuite.

« Adaline. »

Ma voix est légère, elle aussi. Lorsqu'elle s'échappe d'entre mes lèvres j'ai comme l'impression de l'entendre pour la première fois. Raison est-elle si pesante ?

Mon prénom. C'est étrange de le donner ainsi. Mais elle m'a donné le sien d'une si Belle manière, sans briser le verre délicat dont je suis faite, sans faire revenir raison. Aurait-elle réussi ? Mon prénom ainsi donné. C'est la première fois que je le cède. Si facilement. Mais je suis persuadée qu'elle plus que n'importe qui dans ce château ne mérite de le connaître. Et les battements de mon cœur que je laisse s'exprimer me hurlent de le lui donner. Plus, ils en veulent plus.

Je m'autorise enfin à la regarder à nouveau. Ses contours m'apparaissent, je les ai déjà vus. Mais les ai-je déjà regardé ? Mes sourcils sont froncés. Mais elle risque de se tourner vers moi à chaque instant, et alors, *Qu'est-ce que je ferais ?*

Lune miaule, et son passage tout près de mes jambes froisse ma robe de sorcier qui cache presque mes pieds.

Magic Always Has a Price
6ème année

26 mars 2020, 17:47
 RPG++  Virevoltantes
Elles dansent devant mon regard, ces langues de feu si flamboyantes de Lumière que j'en reste hypnotisée. Incapable de détourner mes pupilles. Pourtant, je devrais me retourner et m'adresser à cette Fille, Fille-de-Lumière elle aussi.

Ils dansent devant mon regard, ces petits points argentés portés par le Souffle du froid. Si je pouvais, j'irai tourbillonner sur moi-même un peu plus loin, pour englober de ma vision ce doux spectacle. Mais rester à ses côtés n'est pas mal non plus. Entre toutes ces Merveilles, je suis bien, c'est ce que je ressens à l'instant. Et cela me suffit.

Je range ma baguette dans ma poche, mais la laisse dépasser un peu du pli du tissu. Sait-on jamais, elle pourrait me servir à nouveau. Est-ce l'ambiance éthérée qui rend ma magie toute belle, diaphane, délicate ? Jamais je n'aurais pensé que l'hiver nous lierait autant.

Et puis je pense, à tout et à rien à la fois, comme si je laissais mes Pensées sortir à l'air libre.
Je pense d'abord au chat, de la Fille. Je crois maintenant que l'envie d'avoir un chat m'apparaît clairement. Non pas comme un caprice d'imitation : comme si ce désir était enfoui au fond de moi depuis toujours, et que le félin ainsi que sa maîtresse l'avaient fait resurgir en moi. Envie stupéfiante, mais logique *vu mon amour pour ces bêtes*. Mon regard dérive des lettres vers le chat blanc, que je contemple avec une immense tendresse. *Ils s'accordent bien, tous les deux*. J'en tremblerai de Sincérité.
Puis je pense à mon sort, encore actif sous mes prunelles relevées. Je reste davantage étonnée de l'effet que les lettres produisent sur moi, et puis je suis fière de ce Flambios. Je suis toute emplie d'un apaisement, dû sûrement à la réussite précise de mon sortilège. Jamais je ne l'ai exécuté de cette façon, et je suis heureuse de démontrer cette ‘première fois’ à la Fille. Mes entraînements n'auront pas été vains, je doute d'avoir déjà produit un tel rouge-de-beauté. Il tranche sur le Blanc enneigé d'arrière-plan. J'aime bien ça.
J'espère au moins que ce vagabondage de Pensées n'aura pas duré une éternité. Pour ne pas donner l'impression à la Fille d'être ailleurs, alors que je ne suis nulle part, sauf ici plus que tout. Simplement, je ressens tant de choses à la fois qu'il m'est difficile de faire le tri. Entre le crépitement des lettres, le bruit de toute cette neige répandue sous nos pieds, et bien sûr ! la Belle vision qui me transporte depuis que j'ai posé un pied dehors ; j'ai de quoi occuper mes sens. Il y a seulement les odeurs que je ressens mal, mais *peu importe*. À part celle de la maigre fumée qui s'échappe de mon nom écrit, ou peut-être même les senteurs fraîches de l'arbre-géant, je m'en soucie peu. J'ai appris à vivre avec.
Mes cheveux voltigent en arrière, une agréable sensation parmi tant d'autres, qui me fait doucement redescendre sur terre, *non, sur neige*. Sa chevelure à la Fille, *oh*, j'ai déjà vu ce jais se faire discret et disparaître çà et là entre les murs de notre Salle Commune. Un Jais sous fond de Rouge et Or, alors.

J'observe les dernières braises qui s'émiettent en cendres maculer de gris la neige blanche, tout comme celle qui se tient près de moi. *Cendre*. Je me mélange entre les perles claires et les perles sombres, qui brouillent l'air de leur présence. *Ash*. La Fille et moi, toutes deux fascinées par le spectacle ; c'est si plaisant d'Apprécier ensemble, en Silence, même. *Ashle...*. Et le ‘y’ flotte au bord du précipice de mes Pensées : d'un *Non.* ferme, je le retiens aisément. Aucune Noirceur ne saura ternir le moment que nous partageons à trois. *C'est la douceur qui fait ça*.


Douceur de cet inaltérable moment,
Douceur des flocons qui fondent sur mon visage,
Douceur du chat, marquant la neige de ses pattes,
Douceur des Êtres que *nous* sommes,
*Nous !*.

Douceur.
Douce heure.
Jamais, de ma vie je crois, je n'ai ressenti aussi fort un Mot.
Il nous va tellement bien.
*Nous*.

Nous,
avec pour simple public des rayons de Soleil qui nous entourent,
un peu trop curieux,
un arbre-géant hors d'âge,
un peu trop sage,
un chat blanc pour qui je fonds,
d'adoration, dessus la neige.


Le Parc accueille à peine ses premiers enfants, à l'heure qu'il est. Sauf que nous, nous sommes bien assez éloignées d'eux pour qu'ils viennent percer cette bulle de *Douceur*.

Alors qu'une nouvelle inspiration de fraîcheur éclot dans mes poumons, Fille-de-Lumière parle.
Fille-de-Lumière me donne son nom, Fille-de-Lumière s'appelle « Adaline ». Et je trouve son prénom incroyablement Doux, comme venu des Étoiles. *C'est sûrement ça !*. Sa crinière d'ébène représente la Sphère Céleste. Et les flocons que j'ai vu la consteller, de dos, seront ses Astres. C'est merveilleusement Beau.

Je penche enfin ma tête de son côté, résolue à regarder la Fille pour éprouver mon idée. *Elle me r'garde déjà !*.
Au lieu d'une réaction brusque de ma part, qui aurait dû se produire sous la surprise, mes épaules s'affaissent simplement — je crois être tendue depuis tout à l'heure — et aussitôt qu'elle se sont abaissées dans une expiration, les coins de ma bouche se lèvent à leur tour pour former un sourire, sincère. Je crois que le chaton a miaulé. Pour une fois, je suis incapable de le regarder.

Parce qu'Elle brille devant mon regard, cette Fille-aux-cheveux-sombres. Si brillante que j'hésite à détourner les yeux, comme on les cache du Soleil, ou à les garder fixés sur elle et ne pas rompre ce lien attendrissant.

Puis je sais quoi dire — ou je l'espère. J'espère que mes Mots lui plairont. Devant Elle, je ne suis rien d'autre qu'une *Autre, peut-être ?*. Je suis juste Moi, plus simple et brute d'Être que jamais.

Mes yeux finalement posés avec affection sur le chaton qui se frotte à ses pieds, je dis, doucement :

« Et qui est-ce, Adaline ? »

these violent delights have violent ends

03 avr. 2020, 11:44
 RPG++  Virevoltantes
Cela devait arriver, oui, je me suis adressée à elle. Inévitablement, elle finirait par poser ses yeux sur moi. D'un côté, cela m'effraie – j'ai sûrement peur de voir ce qu'il y a au fond des deux Miroirs de son Âme – mais de l'autre cela m'excite. J'ai hâte de la voir tourner la tête vers moi. Un coup d’œil discret et un sourire à Lune qui miaule à mes pieds, et mes yeux filent s'installer sur le visage de Ruby pour guetter sa réaction.

*Oh* je m'étonne lorsqu'elle tourne la tête vers moi. Ainsi, je peux voir ses yeux. Derrière un rideau de flocons qui tombent dispersés et infiniment lent. Par-ci et par-là, ils tombent discrètement pour aller s'ajouter à la couche blanche qui recouvre toute l'étendue du parc. Ils se dissolvent dans les Eaux qui courent tout autour du parc. En l'état, elles courent encore. Mais j'imagine que si le froid persiste ; l'Eau deviendra Glace.
Dans le bleu des yeux de Ruby, j'ai l'impression de voir la Glace. Mais une douce Glace, que j'ai hâte de voir sur l'Eau, la recouvrir comme pour la protéger, ou alors la sceller. *Beaux yeux* je pense en me lovant dans son regard. Déjà, mes yeux semblent s'arranger de cette étreinte. Elle est étrange et inconnue. Mais chaleureuse. Étonnement chaleureuse, alors qu'elle pourrait être profondément froide et faire frissonner mon corps tout entier d'un seul éclair. Peut-être que je me complais dans les regard bleus ? Bien que celui de Ruby soit formellement différent de celui de Cassiopée ou de Jane, je crois ressentir de la chaleur là où les Autres ne voient que la Glace.

Mais c'est le sourire que je crois voir naître sur ses lèvres qui me décide à le lui rendre. Mes dents se dévoilent un peu, peut-être brillent-elles ? *Comme elle* Pourtant, le soleil ne passe pas entre les nuages. Nuages dont on ne distingue ni limites ni contours. Le ciel est un nuage immense. Blanc. De son opacité, il laisse passer une lumière suffisante mais blanche. A son image spectrale.

« Et qui est-ce, Adaline ? » dit-elle alors.

Mon sourire et mes yeux se dirigent sur Lune. Sans que je ne m'en sois rendu compte – puisque le regard glacier de Ruby m'a si chaleureusement accueilli – elle s'est installée dans la neige. N'a-t-elle pas froid ? Le manteau de poils crème, parfois un peu plus foncé tendant au caramel, parfois presque blanc, qu'arbore Lune semble être suffisant. *'Faudra que j'la nettoie* pensé-je, en constatant qu'ainsi couchée sur le dos ; son manteau risque d'attraper en son sein nombreuses particules blanchâtres. Je la secouerais avant d'entrer au château.

Mes yeux caressent toujours le ventre que Lune m'offre à voir – à moi et à Ruby. Sur le dos, les pattes arrières étendues et celles de devant rassemblées sur son museau.

« C'est Lune, » dis-je dans un petit rire.

Une poignée d'instants

C'est peu habituel chez moi, que tout soit aussi léger. Habituellement, mes pensées me dictent d'autres choses, raison m'enferme, ma voix ne sort pas aussi délicate.

*Ruby* je lève les yeux sur elle, à nouveau. C'est son visage que je connais déjà qui me passionne le plus. Parce qu'il est plus intéressant que seulement ses yeux, parce qu'il contient à la fois ces derniers, son nez que je trouve brusquement harmonieux et sa bouche qui m'a l'air si tendre. Sa peau est laiteuse, Belle, immaculée. La mienne ne l'est sûrement pas, elle est tâchée de petites tâches de rousseurs d'une couleur trop étrange et pas assez marquée ; elles ressemblent à des petites tâches de saleté bien plus qu'à quelque chose de joli. *Mais elle...* Elle est très Belle.

Mais bientôt, dans un autre instant langoureux et trop silencieux, je me demande... *Comment j'fais, maintenant ?* Comment entretient-on une conversation ? *'Faut qu'j'fasse comme Chems !* Un éclair de génie. *Comment y'fait déjà ?* Ce n'est pas si évident.

Je me contente bien trop souvent de le regarder faire, de l'écouter et d'ajuster mes regards : malicieux, inquiets, amusés ou réprobateurs. Même si il y en a certains qui sont d'une autre nature... Mon esprit préfère toujours les passer sous silence, un peu de rouge aux joues. J'ai toujours le rouge aux joues lorsqu'il s'agit de ces regards particuliers, en les donnant et en y repensant, en les enfouissant discrètement dans un coin.

Pourtant, ainsi fixée sur le visage de la Belle-Ruby – divaguant dans les méandres de mon fleuve Esprit – l'envie de converser avec elle me prend. Mais que pourrais-je lui dire ? Que pourrais-je lui demander ? Et irrémédiablement je me le demande : comment font les Autres ? Comment ces Autres gèrent-ils le fleuve de leur Esprit ? Comment les Autres trouvent le moyen de converser ?

Alors, je lève la tête vers le Blanc du ciel – il est un peu moins blanc que celui de la neige à mes pieds et me semble bien plus mystérieux ; c'est un voile alors que la neige est bien plus vulgaire et bien moins profonde. J'imagine qu'il me soufflera la réponse. *Flambios !* bien sûr. *Son Flambios !* cela semble désormais évident. *Comment j'ai pu n'pas y penser ?*

Dans l'élan de la folie qui coule dans mon fleuve.

« C'était un beau Flambios, je commence, sans défaire mon regard plongé dans le blanc du ciel. T'es en deuxième année ? »

Si naturellement. Si étrangement. Si nouvellement.

Magic Always Has a Price
6ème année

26 avr. 2020, 16:16
 RPG++  Virevoltantes
Quel jour sommes-nous, aujourd'hui ? Parce que, tout à l'heure *si l'Instant prend fin*, je crois que j'irai retranscrire la Douce Heure dans mon carnet. Ce soir, sûrement, lorsque les mots justes me viendront pour tracer au mieux quelques mots sur les pages blanches. À l'instar des majuscules de mon écriture, mon cœur fait des arabesques. Je le laisse danser à sa guise. Je suis heureuse. Mon carnet attendra. Ou peut-être que je n'en aurai pas besoin ; peut-être que l'Heure sera simplement gravée dans ma mémoire à l'encre blanche et qu'il me suffira seulement d'apercevoir Adaline pour que resurgisse le souvenir. *Ce s'rait très beau*.
Je m'imagine revenir près de cet Arbre-géant, plus tard. À quoi penserai-je, ce jour là ? Viendrai-je mue par la tristesse, afin de me lover dans un doux réconfort ? Ou serai-je plutôt heureuse, pour devenir euphorique de sérénité ?
Et puis je me rends compte que je suis en train d'imaginer un départ ; or je ne veux pas partir *il est trop tôt !*. C'est évident.

Ses yeux sont sombres. Trop sombres, je n'aime pas ça. Et au moment même où cette pensée traverse mon esprit, ce n'est pas Adaline qui me déçoit, mais bien moi. Moi qui ai osé poser un jugement sur une Belle âme. *Détestable, je suis*. Pourtant, c'est plus fort que moi ; je n'arrive pas à discerner mon reflet dans ses billes noires. Elle m'est totalement impassible, je n'arrive pas à voir *au delà*. Alors qu'elle m'intrigue tant !
*Arrête de vouloir contrôler* je me réprimande, bien vite. Elle m'observe aussi. *À quoi elle pense ?*. Je me suis souvent vivement demandée ce que les Proches pouvaient avoir comme pensées, me concernant. Ce serait à la fois un peu étrange de souhaiter forcer leur intimité, et en même temps tellement exaltant. Je suis frustrée, j'ai comme une sensation de trahison envers la douce Fille-de-Lumière, qui ne mérite aucunement d'être ternie.
Je repense, à son impassibilité d'Apparence. L'Apparence est superflue, je devrais le savoir et l'avoir intégré depuis bien longtemps ; et à la place, je me surprends à déprécier. Mais voilà, il me vient une idée : pour voir *au delà* de cette Apparence, il y a la Parole. Mes idées coulent en cascade.

*Magique*, elle me sourit en retour. Ressent-elle les émotions qui m'étreignent aussi fort que je les vis ?
Mes yeux se sont perdus sur le chaton, d'un regard attendri et enveloppant. Je me demande si je regarde Adaline de la même manière. Sûrement. Je suis parfaitement confiante, sereine à ses côtés, *si elle savait comme j'aime ça !*. Et mon âme a divagué.
Voilà qu'après son nom, elle m'offre celui de son chaton. *Lune !*. Mon cœur bondit ; je suis sûre qu'après ses arabesques, il vient de se lancer dans un grand jeté. Je souris bêtement pour moi-même en constatant que ma théorie étoilée se confirme : après la Sphère Céleste, après les Astres, il ne manquait plus que Lune.

« J'aime tant les étoiles, » je commence, « mais Lune est bien plus... beau ? belle ? »

Immédiatement, les travers de la grammaire s'imposent à moi. La Lune est belle, le chaton est beau. *Choisir ?*. Me voilà perdue ; mais je suis persuadée qu'Adaline saura m'aider à dissiper mon trouble passager. Elle rit, aérienne, adorable. Nos pensées viennent nous piquer et nous empoigner ; j'ai envie de parler, de dire quelque chose *n'importe quoi !* qui me ferait entendre son rire, encore. Mais... Un rien me retient. *Dire quoi ?*. Ma lèvre inférieure me démange, et, bien que ce soit indélicat, mes incisives viennent la tirailler tout comme mon intellect se chamaille. Il a droit à une trêve lorsqu'Adaline parle — et mon cœur n'en finit plus de danser.

Un « Merci. » vient s'extraire d'entre mes lèvres étirées. *Deuxième Année ?*. Oh non, douce Lumière, non. « Juste une Première Année » je dis, en secouant légèrement la tête de gauche à droite. « Mais toi, si, j'imagine ? »
Je me perds un peu dans mes phrases. Une part de moi espère qu'elle comprendra, l'autre en est persuadée. « J'ai appris Flambios il y a quelques années... » Une brusque idée vient s'immiscer en moi, mais je préfère la garder pour plus tard — peut-être. J'aimerais tant lever le voile de l'Apparence. Les mots sont là, sur le bout de ma langue, prêts à surgir au moindre de mes ordres.
J'hésite. Brièvement pour un œil extérieur, longuement pour mon for intérieur. Mais mon avidité est plus forte ; je ne peux retenir ce que je suis.
« Parle-moi de toi » je suggère. *Ce que tu veux* j'implore mentalement ; même si la Belle ne m'entendra pas. Elle ne peut pas forcer mes Pensées.

these violent delights have violent ends

02 mai 2020, 18:52
 RPG++  Virevoltantes
Ce moment doit avoir l'air d'une valse silencieuse, d'une scène commune entre deux enfants et un chaton, du théâtre de beaux sentiments ; dans les coulisses ma tête fonctionne à plein régime. Mes idées jouent à chat avec moi alors que j'aimerais qu'elles se rangent dans leurs cases mentales. Oui mes idées m'échappent et c'est juste à cause de cette conversation que j'ai à tenir désormais. C'est pas désagréable, mais c'est pas comme avec Chems – parce que c'est différent.

Je frotte mes mains l'une dans l'autre. Mes gants en laine se froissent et piquent la peau qu'ils recouvrent. Mais ça me réchauffe, cette sensation piquante mais chaleureuse fini de me rendre mielleuse. C'est ce que je suis, debout là, les pieds dans la neiges, les mains gantées, et une autre âme à mes côtés. Je souffle. Mon cou est protégé par le sous-pull noir qui dépasse du col de ma robe de sorcier. Et mes jambes, sous le tissu que je porte toujours, sont couvertes d'un jean noir. Je suis affreusement sombre, heureusement que les revers de ma robe sont rouges. Mais j'aime ce noir que j'arbore toujours, parce qu'il me cache et qu'il m'abrite dans son ombre.
Il n'y a plus que mon visage qui subi le froid. Il est boursouflé.
De la neige tombe parfois sur le bout de mon nez tacheté. Mais mes yeux sont trop hauts dans le ciel pour les voir s'y poser. Mais je les vois tomber, par-ci par-là, de si haut que leur intervention est peut-être divine.

Perdus dans les nimbes blanches, mes yeux volent. Ils se ferment doucement.

Mes mains tombent avec mes bras, ils glissent le long de moi, tous les deux, de moi et ma cape d'hiver par-dessus ma robe de sorcier.

« Merci, elle commence. Juste une Première Année, elle ajoute. Mais toi, si, j'imagine ? »

Aussi doucement qu'elles se sont fermées, mes paupières s'ouvrent. Mais je ne tourne pas mes billes sombres vers Ruby. Je l'écoute, mes oreilles grandes ouvertes ; de fidèles auditrices j'ose l'espérer. Ses mots et sa voix sont un parfait mélange. Un mélange de quoi ? De quelque chose de léger allié à quelque chose de doux, vraiment doux. Comme une brise légère mêlée à un rayon de soleil rassure et apaise.

Je ne me rend même pas compte de l'information qui vient de loger dans le creux de mes mains, parmi d'autres flocons délicats. Un autre jour, un autre moment, une autre fille ; l'information n'aurait certainement pas virevolté jusqu'à moi sans que je m'en éloigne. *Une première année* mais qu'importe. Elle est au moins aussi grande que moi, pensé-je, fouillant dans ma mémoire les dernières images d'elle plutôt que de jeter un coup d’œil.

« J'ai appris Flambios il y a quelques années... »

C'est léger, comme tout ce qui existe autour et entre nous, c'est léger et à peine perceptible. Ce truc, foutrement léger, qui me fait poser les yeux sur elle. Je dévisse ma tête du ciel pour la tourner, en un angle peu aise, et la regarder. Comme un réflexe, un nerf s'est activé tout seul en entendant ce léger je-ne-sais-quoi caché sous sa phrase.
*Dis-moi* pensé-je à son intention.

Patatras.

« Parle-moi de toi » me frappe-t-elle.

Sur son visage je ne suis plus capable de lire ce je-ne-sais-quoi qui me cache des choses. Je ne suis plus capable que de lire ce que j'ai entendu.
*Parle-moi de toi*
L'exercice qu'elle me demande d'effectuer pour elle, parler de moi, est à mon sens difficile. Je ne l'ai jamais fait. Jamais je n'ai été confrontée aussi brusquement à une pareille question. Si difficile, si pleine et pourtant dénuée de sens. Moi ? Je ne sais pas. Non, vraiment. Je ne sais pas. Je suis incapable de me mettre un seul mot sur moi. Pourquoi c'est si difficile de le faire ? En un instant, la mine tendrement réjouie qu'arborait mon visage – parce que la légèreté est tout autour, imprégnée dans l'air et contenue dans chaque flocon – s'est évanouie. Il a disparu et ma bouche s'est affaissée. J'aimerais déplorer qu'elle me le demande – parler de moi, m'indigner dans un soupir agacé et la laisser là. Mais je n'en ai même pas envie : étrange. Et je bafouille quelques syllabes décousues, la bouche entrouverte et bégayante.

Quelques instants de silence.

J'abandonne. Le temps que s'écoulent quelques douloureuses secondes, j'abandonne. Mes mâchoires se resserrent et mes dents craquent. J'abandonne et j'imagine que je ne lui répondrais rien.

Dans le crissement de la neige, mes yeux sont attirés par terre. Ils tombent délicatement sur Lune, chaton décidément plein de ressources, qui s'avance hasardeusement vers Ruby. Ruby et son allure élancée, ses yeux glaciers et ses cheveux franchement blonds. Je m'adouci, je m'adouci parce que Lune frotte frénétiquement sa tête contre la jambe de la gamine qui me fait face, ou plutôt de celle en face de qui je me tiens. Peu importe, c'est comme si le chaton m'avait pris la main pour la mettre dans celle de Ruby ; d'ailleurs, mes mains regroupées se serrent l'une dans l'autre chaleureusement. Je me laisser aller à observer la scène encore un moment, puisqu'elle traîne depuis longtemps déjà, et mes billes sombres se promènent dans le sillage du chaton, sur les empreintes de ses pattes au fouillis de son si long pelage beige. Jusqu'à Elle.
Mon cœur se gonfle à nouveau et mes lèvres s'ouvrent ; un nuage vaporeux s'échappe d'elles.

« Tu te répondrais quoi, toi ? »

Magic Always Has a Price
6ème année

16 mai 2020, 01:39
 RPG++  Virevoltantes
Je ne l'apprécie pas particulièrement, le moyen. Celui que j'ai trouvé pour prolonger le Moment. Mais il fonctionne, c'est déjà ça. *Pourtant, ‘doit pas être bon*. Je me torture l'esprit. Étirer les secondes, le voilà mon plan stupide.
Et surtout, il est involontaire. En posant quatre petits mots devant Adaline, je ne pensais pas patienter autant. *Non !*. La pensée m'a échappé avant même que je puisse la retenir ; je ne voulais pas la considérer ainsi. Adaline fait bien. Ce n'est pas sa faute.
M'en prendre à moi-même, uniquement. À moi qui lui ai imposé une question dont elle ne voulait peut-être pas.

Aujourd'hui, j'ai décidé que le Temps me serait superficiel. Il va et vient à sa guise, ce serait absurde de m'imaginer l'enchaîner. Le contraindre à ma volonté. *Qui de nous deux est Esprit Libre ?* je questionne, au Nulle Part. Je crois qu'il ne me répondra pas, c'est la brise que j'entends me susurrer à l'oreille un Moi léger.
Alors Adaline peut prendre le Temps qu'elle veut. Ne pas me répondre, si ça lui chante. Me l'écrire, si elle le veut, et qu'on en rie, toutes les deux.
Mon regard en profite pour vagabonder, un peu partout ; sur l'arbre, le chaton. Le chaton — Lune ? *M'a pas répondu !*. Quoi qu'en disent mes pensées, je reste calme. Rien ne sert de réitérer ma question. Elle ne m'a probablement pas entendue, l'Enfant ; je dois bien avouer que ma voix s'est inhabituellement plongée dans les graves, lorsque j'ai douté de l'orthographe exacte du Mot.

L'atmosphère a changé, aussi brusquement que je le remarque à présent. Presque irréellement.

Mes battements de cils me semblent trop bruyants. Trop présents.
Le Silence est trop lent. Trop imposant.
Quelque chose ne va pas.

J'ai été plus loin que Trop-Loin ; à un endroit où Adaline ne peut même plus aller ; à une distance vertigineuse ; à couper le souffle.

Un sourire contrit se pose sur mes lèvres. Il restera là longtemps, je crois. Mon regard fuyant s'échappe vers le sol. *Qu'est-c'que j'ai fait, exactement ?*.
Je reste droite, fière. M'interdis de pincer les lèvres. *C'est moi, c'est tout*. Je ne pense même pas à regretter. Je ne peux m'empêcher d'Être. Et je suis sincèrement désolée pour Adaline. Mais je n'arrive pas à lui dire.
Il y a quelques instants, j'avais en tête l'Apparence. Voilà, je me dévoile à Adaline au delà de mon Apparence, et ma brutalité de Mots fait partie de moi, de ce que je peux lui offrir. Peut-être que cela ne lui plaît pas... *et tant pis*. J'ai imaginé, rien qu'une fracture de seconde, que cette Douce-Fille connaisse toute mon âme sur le bout des pensées. Je crois même que je l'ai espéré, et c'était merveilleusement transcendant. Mais si cet échantillon de Moi n'a pas plu, puis-je seulement espérer encore ?
Mon cœur se fendille un peu. *Par ma faute*. Je me suis attachée à ce doux moment. *‘faut pas qu'il s'en aille*. Faut pas qu'Elle parte non plus.

Elle bégaye. Elle veut me dire quelque chose, et j'aurais presque envie de lui rétorquer Laisse tomber. J'ai compris, *tu sais*. N'essaye pas, préserve-toi plutôt, douce âme. *Fais-le pour moi*. Ne t'en fais pas. Ça ira.

Et voilà qu'elle m'atteint. *Merlin, elle a compris*. Elle copie mes mots et les transpose dans sa bouche. Avec une inflexion que je n'arrive pas à analyser. Voilà que je ressens l'intrusion avec la même force — la force avec laquelle j'ai heurté Adaline.

Pourtant, mon expression faciale est incapable de signifier quelques Désolée qui devraient normalement s'adresser à la brune. *C'est pas moi, ces excuses. J'peux pas*.
Je sens une boule de poils tout contre moi. D'un coup, *oh, Lune*. J'abaisse mon regard vers le chaton, avant de jeter mes iris vers le visage de sa maîtresse. Illisible, mon esprit est trop agité pour que je puisse le calmer. Mais la présence des deux le rassure, petit à petit. Je crois que je n'ai pas fait exploser la bulle comme je l'avais cru, finalement.

Mes sourcils se haussent, comme s'ils voulaient surmonter la difficulté de la question eux-aussi. Oui, je réalise maintenant. Et j'improvise.

« Je te connais mal. »

L'affirmation est sortie d'elle-même, avec toute la douceur que j'ai pu insuffler à ma voix. Voilà enfin des mots qui sonnent presque comme des regrets. D'ailleurs, j'ai l'impression de ne plus être moi-même avec les Autres, de m'en trouver changée. Mais Adaline est loin d'être une Autre de ces Filles insupportables. Adaline est... Oh, Adaline est indescriptible. Tant de qualificatifs dont je pourrais l'habiller. Je suis pourtant incertaine sur la majorité d'entre eux, je doute d'être dans le Vrai : elle est indomptable, farouche, délicate. Toute pleine de profondeur. Elle, elle, elle.
*Elle Est, comme moi, elle Est !*.

« Moi ? » Un temps. Je réfléchis, alors que j'ai eu onze ans pour mettre au point une réponse. « Vivante, terriblement. Souvent seule. Je crois que je cherche à être amie avec le bonheur, je lui dis à mi-voix, sur le ton de la confidence. Et je crois que je suis bien, ici, maintenant. Avec toi. »

J'ai dû rendre les deux derniers mots juste assez audibles pour qu'ils soient captés par Adaline, et Lune. J'imagine que c'est à elles de décider si elles les ont entendus ou non. Mon cœur cogne à en faire trembler les murs de sa prison, à l'intérieur.
Enfin, j'ai livré mon secret. Celui qui n'osait même pas sortir de ma poitrine. Celui que je gardais tout contre moi, et qui s'est révélé pour Adaline.

Et si elle ne savait plus quoi dire ? « Pars pas, hein ? » . Je murmure, comme le vent. Et je me mets en mouvement ; lentement, je m'agenouille à côté du chaton, *tant pis pour ma robe*. Il s'approchera s'il le veut. Je pose simplement mes mains sur mes genoux. Lune. Adaline.

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20 août 2020, 15:14
 RPG++  Virevoltantes
Si j'étais affublée du poids de cette interrogation – trop lourde – il y a un instant à peine, j'ai retrouvé la légèreté que la scène m'inspire. Elle s'est à nouveau glissée en moi par tous mes pores, faufilée sous mes vêtements et entrée dans ma tête. Comme les flocons de neige qui tombent sur le coin de mon nez, légers, toujours plus éparses, puisque le ciel s’essouffle sûrement de les faire tomber si nombreux sur nos têtes.
Le plus merveilleux c’est certainement de me délecter du sentiment de fierté. Si je ne m’en rends pas encore bien compte, mon ego gonflé de ce genre de fierté est probablement ce qui me fera grandir. Grandir dans les sentiments aussi bien que dans l’âge ou les sens.
Pour l’instant, je ne suis pas bien grande. Et si je n’ai pas ressenti l’impression d’être une fourmi depuis un moment – la dernière fois date probablement de cette altercation brève mais lourde de mes contradictions avec une élève plus âgée aux toilettes des filles – je sais que je ne suis pas grand-chose. (Une Minute à peine)
Je me demande si Ruby ressent ce genre de chose, le moment de flottement caractéristique de la réflexion me laisse le temps de jeter un œil sur elle ; ses rayonnements blonds inondent mon regard et j’oublie jusqu’à mon interrogation. Peut-être ne pourrais-je jamais me pencher sur elle en pensées si je la regarde, peut-être est-elle trop hypnotisante pour cela.

« Je te connais mal. »

*Tu m’connais pas* pensé-je, comme poussée aux fesses par mon ego. Même s’il me semble être un diable malin, il devrait prendre la place centrale parce qu’il est certainement un moteur. Le moteur à bien des choses je crois

« Moi ? » Elle finit par ajouter. Mes yeux sont toujours accrochés à elle comme ma main imaginaire est accrochée à la sienne (en fait, ma propre main est dans la mienne). Ma tête penche comme le fait souvent celle de Lune. « Vivante, terriblement. Souvent seule. Je crois que je cherche à être amie avec le bonheur. Et je crois que je suis bien, ici, maintenant. Avec toi. » La dernière phrase est si basse que je me demande si je l’ai entendue. Je me demande si ce n’est pas l’un des esprits de l’hiver qui me chuchote de telles choses à l’oreille pour me rendre ridicule. *Argh* pensé-je en jetant un œil méfiant autour de moi. Si dans le vent se cache le malin du froid je crois qu’il aura compris à l’éclat de mes pupilles que je ne veux pas rire avec lui.

« Pars pas, hein ? » Elle me dit bien plus distinctement. Et je sais que ce n’est pas le malin qui a chuchoté à mon oreille. Bientôt, je la regarde bouger – ce sont ses cheveux qui se mouvent – jusqu’à s’accroupir. Et alors mon visage s’illumine. J’ai l’impression de me sentir bien plus confiante. Je connais ce sentiment, assez peu, qui m’exalte de sa grandeur. Il est assez vif chez moi, et menace de s’évaporer comme une clé de Damoclès au-dessus de ma tête. Pourtant, son essence est si intense qu’elle me fait oublier tout le reste. Elle fait couler en moi un fluide particulier (de la chance liquide croyez-vous ?) qui me permet d’être bien plus. Il ne me viendrait plus à l’esprit, dans cet état que je dépeins et dans lequel je suis aux côtés de Ruby et de mon ego (d’une réponse bien lancée), de me considérer Minute.
Pour lui répondre, je m’accroupis à côté d’elle et de Lune.
Je jette mon dévolu sur Lune en un sourire radieux – qui s’adresse aussi terriblement à la rouge et or.

« Je pars pas, » je réponds.

Lune non plus n’a pas l’air décidée à partir, tellement pas qu’elle se niche entre les genoux de Ruby. J’aimerais voir le bout de son museau entre les mains de cette fille – une inconnue qui ne l’est déjà plus tant et ce par je ne saurais dire quel tour de magie (je sais que c’est par un Flambios). Je suis sûre que Lune apprécie se tenir là, oui, autrement le chaton ne se serait pas glissé là.

Je sursaute, comme si mon cerveau reconnectait avec les mots. Comme s’ils m’atteignaient seulement. *Ce qu’elle est*

« Comment t’as su répondre ? je dis, sans la regarder (j’ai peur qu’elle m’irradie et me fasse tout oublier). Moi, j’saurais pas… »

Ce n’est pas un air penaud que j’affiche, mais c’est certainement le vent de ma réflexion qui passe sur mon visage. Douze ans ne m’ont pas suffi à apporter une réponse là où elle a pu le faire en onze seulement. J’hausse les épaules, un sourire de mon ego sur la face, parce que je ne l’envie pas. Je l’admire silencieusement.

Magic Always Has a Price
6ème année

23 déc. 2020, 00:00
 RPG++  Virevoltantes
Je me devais de l'écrire ici : retrouver tes Mots, retrouver le goût de cette Danse est un délice. Je crois que j'avais oublié l'atmosphère qui s'en dégageait. Excuse-moi pour cela, d'ailleurs, je suis tellement navrée.

Aveuglée par la blancheur de l'Instant, j'ai fermé les paupières après avoir offert une dernière œillade à Lune. Si je ne peux pas obstruer mes oreilles, je peux au moins refuser de voir la réalité en adoptant une attitude fuyante. Parce que, je la connais la réalité, et je n'ai pas envie de l'affronter : cela m'attristerait trop. Et le scénario se rapproche, encore, plus près, inéluctablement, à mesure qu'Elle ne prononce pas un mot : *Adaline va s'en aller, en silence, faisant crier la neige sous ses pieds, car ma compagnie n'est pas celle qu'elle croyait trouver*.
Eh ; n'est-ce pas évident ?

À vrai dire, je ne sais pas si cette perspective m'attriste ou bien fait naître une vive colère dans ma poitrine. Contre moi-même, bien sûr. Si je me mettais à y penser un peu trop, j'atteindrais probablement une sorte de point de non-retour au delà duquel je montrerai assurément une fausse facette de moi : braquée, hargneuse ou bien rogue. Et par Merlin, je n'ai pas du tout envie de m'exhiber ainsi face à Adaline.

À cause de cela, de *tout cela*, les palpitations de mon cœur se sont lancées dans une folle course et j'en ai tant l'habitude que ce détail ne me frappe qu'en dernier lieu. Un drôle de poids pèse sur ma poitrine, mais il ne me fait pas rire du tout. Alors je tente de l'éviter en pensée ; chemin mental déjà efficace qui, depuis plusieurs secondes, m'a occupé l'esprit en divergeant par quatre mille chemins, tous décousus et plus incohérents les uns que les autres. Mais, plaisants.

« Je pars pas. »

*Qu’e... Mais, ah ?!*.
Aussitôt que ces mots ont bel et bien pénétré mon cerveau, celui-ci se débarrasse à toute vitesse de mes élucubrations négatives, qui se fanent à la hâte. Le soulagement détend mon âme et fait se relâcher toute la tension contenue en moi.
C'est incontestablement niais d'avoir mis mon cœur dans un état semblable : défaitiste au possible. C'est terminé, n'est-ce pas ; elle ne reviendra plus jamais me voir ; même Lune s'en ira, petite chose et douceur à la fois— et je fais taire ce flot de paroles-pensées.
C'est aussi incontestablement moi, cette réaction. Aveuglée par la blancheur de l'Instant, j'ai pensé de façon bien idiote. Lentement, je respire et gonfle mes poumons pour sentir la vie m'animer encore. Cet engourdissement passager — c'en était un — a rendu l'âme, et la mienne peut maintenant soupirer de délivrance.

Beaucoup plus confiante désormais — envers Adaline, et peut-être envers moi-même — je me décide à ouvrir les yeux. C'est ainsi que j'aperçois Lune tel que je l'avais quitté, à cette différence que le chaton s'est entre temps réfugié entre mes genoux. *Argh*, cette boule de poils est beaucoup trop attendrissante. Je ne résiste pas à l'envie d'approcher ma main, sans lenteur ni brusquerie, afin de lui caresser l'arrière des oreilles dans un mouvement de va-et-vient. Je crois que les chats aiment bien cela. *Et toi, Lune ? Tu aimes ?*.

Puis, tandis que mon regard se met en quête d'Adaline, je prends conscience que la belle s'est baissée à ma hauteur, tout pendant que mes paupières se fermaient sous la honte. *Alors ça !* je pense, agréablement étonnée. Et il semble que je navigue de surprise en surprise ; forcément, l'immense sourire qu'elle m'a destiné peu avant m'a réchauffé le cœur, m'enveloppant de douceur à la façon d'un gros câlin, au milieu de ce désert de neige.

« Comment t’as su répondre ? Moi, j’saurais pas… »

Une autre question. *J'aime ça, les questions !*. Mais parfois, trouver des réponses est certes bien plus ardu.

« Je... Je m’pose plein de questions. Tout le temps. J’aime bien y réfléchir seule, par exemple. Alors forcément, au bout d'un moment j’ai la réponse, je conclus, me mordillant fébrilement la lèvre inférieure en remarquant la médiocrité de ma réponse. Mais... *Et quoi, maintenant, hein ?*. Mes Pensées ne manquent pas de se moquer de moi. Je voudrais rassurer Adaline, lui affirmer... C’est pas grave tu sais. J’veux dire, t’as toute la vie pour savoir qui tu es ! »

Le silence m'entoure un instant alors que mes yeux tombent dans le vague, et si Adaline m'a répondu, je doute avoir saisi ses mots. Une curieuse question, pour elle, me vient à l'esprit. Aussi douce que déstabilisante, pourtant je n'ose pas la repousser parce qu'elle me plaît beaucoup. *Est-c'que je serai là, à tes côtés, quand tu sauras ? Tu le penses, toi ?*.
Oh, bien sûr, je ne la lui poserai jamais. D'ailleurs, je l'ai sûrement assez ennuyée avec mes questions introspectives. D'aucuns les jugeraient vertigineuses, effrayantes, et c'est probablement ce qui a dérouté Adaline. Alors je n'insiste pas.

« Est-ce que... t’aimes le feu ? »

Ah ! N'est-ce pas une question atrocement plus simple ? Et pourtant, elle est bel est bien réfléchie, trottine dans mon esprit depuis tant de minutes déjà. La brusque idée immiscée en moi resurgit pour mon plus grand plaisir.

*Le feu, donc*. Adaline m'a tout l'air d'un tempérament d'eau. Calme en surface, probablement bouillonnante de Pensées en son for intérieur. *Ou d'air — bien sûr !*. À se faufiler ainsi dans les recoins de mon esprit, nul doute qu'Adaline se fondrait parfaitement dans la transparence du vent — lui qui nous berce tranquillement depuis un incalculable nombre de minutes, faisant transpirer son énergie entre deux êtres liés par la réciprocité. Et puis, la discrétion de la jeune brune m'évoque toute l'invisibilité de l'air. Il ne peut être vu, goûté, ou attrapé, pourtant son omniprésence nous nargue à chaque instant. Chacun connaît son existence, mais nul ne sait à quoi il ressemble vraiment. L'air, c'est la liberté, et si je connaissais un peu mieux Adaline, alors j'aurais pu dire qu'elle est l'incarnation d'un esprit aussi insaisissable que l'éther. Mais je ne peux pas encore l'affirmer en connaissance de cause parce que, tout comme l'air, Adaline est difficilement appréhendable. Et même si je la comprenais parfaitement, je n'aurais pas le droit de tout savoir.

« Parce que, tu m’as pas dit si toi, tu savais lancer Flambios. Doux Merlin, Adaline va forcément voir où je veux en venir. Bah, je ne fais que peu d'efforts pour être discrète. Mais si ça t’plaît pas, on peut rentrer ! j'ajoute précipitamment, tentant d'exposer par le verbe ce qui est structuré, clair et actuellement établi dans mon esprit. Ou, rentrer et faire ça une autre fois. Ou ne pas rentrer. Enfin... Ouais, comme tu veux. » je finis en souriant, un rien embarrassée.

*Oh*. Pour la toute première fois, j'ai employé le « On ».

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