Élicia s’inquiétait. Elle avait accompagné Lumah le matin même au toilettes, juste avant les cours, et depuis, sa meilleure amie l’ignorait et l’évitait. La rouquine avait peur d’avoir fait quelques chose de mal, quelques chose qui aurait blessé Amé. Pourtant, en cherchant bien, elle ne trouvait pas. C’est après qu’elle remarqua les blessures que portaient Lumah. Pourtant, quand Élicia l’avait laissé dans les toilettes, la blondinette n’avait pas tant de marque.

De plus en plus inquiète du comportement de Amé, Élicia préféra attendre le soir, pour pouvoir attraper sa meilleure amie et la questionner. Après une longue journée de cours, dont elle ne voyait pas la fin, et fini par aller prendre son repas dans la Grande Salle. Elle y vit Lumah, à l’écart de tout le monde. La rouquine préféra ne pas la déranger, pas pour le moment en tout cas. Néanmoins, elle la surveillais en mangeant, au cas où l’envie de sortir de la Salle prenait son amie.

Élicia pu finir son dessert, jusqu’à se que la blondinette passe derrière elle discrètement. La rouquine la suivie jusque dans le Hall d’entrée, et lui attrapa le poignet doucement, pour la forcer à s’arrêter. Elle évita de regarder les blessures, et entraîna sa meilleure amie à l’abri de regard indiscret, pour que les murs n’écoutent pas leur conversation à venir.

Dans le parc, la nuit n’était pas encore tombé, et l’air était légèrement fraîche. Boucle d’Or se retourna vers sa meilleure amie, avec un regard très sérieux.

Amé, ça ne va pas ? Pourquoi est-ce que tu m’évites comme ça depuis ce matin ? Et ces marques...tu ne les avais pas ce matin !

Depuis ce matin, Lumah était un fantôme. Elle n'avait assisté à aucun cours.
Et il valait mieux.
Elle aurait été si honteuse, autrement.

La fillette avait dû prendre trois douches avant de se sentir propre. Mais encore, une sorte de mal la hantait. Elle avait envie de se faire vomir pour que ce mal la quitte enfin. Il la suivait depuis ce matin, mais elle n'en voulait pas. Il lui rappelait ce qu'il s'était passé.
Et vomir lui rappelait ce qu'elle lui avait fait aussi.

Lumah n'avait pas mangé.

Pire, elle avait évité ses amies toute la journée, mal à l'aise à chaque regard. Elle ne voulait rien leur dire. Ça ne les concernait pas. Non, elle en aurait honte.
Elle avait peur, encore, toujours. 

Elle voulait pleurer, hurler, se frotter jusqu'au sang pour lui dire de partir, dire à cette sensation inconnue de s'éloigner au plus, de s'effacer. Ce sentiment lui reparlait quelque chose de plus profond. D'enfoui.

Mais il ne l'était plus désormais, un trou béant s'était ouvert à la place du coeur de la fille, laissant apparaître tout ce qu'elle avait juré d'éradiquer de son esprit.

Mais ça ne se passa nullement comme elle le voulait. D'une part, cette sensation n'était pas partie, mais d'autre part, une main familière lui avait saisi le poignet, et l'avait guidée jusqu'au parc.

A l'abri des regards. Lumah savait qu'elle ne pouvait cacher ce qu'elle avait fait aujourd'hui, mais elle le voulait. Encore un peu.
Son mal-être augmenta. 
Mais le sourire, figé sur son visage, était toujours aussi immobile.

Enfin, elle parla.

« Amé, ça ne va pas ? Pourquoi est-ce que tu m’évites comme ça depuis ce matin ? Et ces marques...tu ne les avais pas ce matin ! »




« Je t'ai évitée ? Désolée, je ne pensais pas. Et ne t'en fait pas, tu sais bien que je me blesse souvent. » La pouffy évita inconsciemment de préciser son état. Elle ne pouvait mentir là dessus.

« Ne t'inquiète spas pour rien, en tout cas. » Dit Lumah avec un sourire, se débarrassant de la pression de la main de sa meilleure amie sur son bras.

Même si sa meilleure amie souriait, Élicia voyait bien que ça n’allait pas. Elle connaissait Amé par cœur, et le sourire figé sur son visage ne trompait pas la rouquine : c’était un sourire forcé et sans émotions.

Je t'ai évitée ? Désolée, je ne pensais pas. Et ne t'en fait pas, tu sais bien que je me blesse souvent.

Élicia préféra se taire sur la première partie de la parole de son amie. Elle avait beau dire qu’elle n’avait pas fait exprès de l’éviter, c’était quand même extrêmement rare que les deux jeunes filles passent toute une journée sans se parler et traîner un peu ensemble.
En revanche, Boucle d’Or savait que Lumah était maladroite et se blessait souvent...mais à ce point là ! La blondinette avait le visage plein de bleus...

Lumah, tu as beau te blesser souvent, là ça fait vraiment beaucoup...qu’est se que tu t’es fait ?

Lumah lui cachait des choses, c’était évident. Mais quoi ?

Ne t'inquiète pas pour rien, en tout cas.

La blondinette venait d’enlever la main d’Élicia qui tenait son avant-bras. Ce geste ne fit qu’amplifier l’inquiétude de la rouquine, malgré le sourire que sa meilleure amie affichait

Mais c’est normal que je m’inquiète pour toi ! C’est le rôle d’une meilleure amie. Dis moi pourquoi tu es comme ça, je t’en prie...j’ai envie de t’aider Lumah.

Sourire. Souris. SOURIS ! Reste souriante, reste derrière ce masque. Encore un peu..., s'il te plaît. De l'extérieur, Lumah avait une expression heureuse, mais on devinait certainement que, semblable aux poupées de cires, c'était un faux sourire, un sourire parfait, trop. Pas naturel. Lumah avait un visage de cire, un masque.

Ne sens pas les bleus, non. Tu t'es douchée, ne te sens pas sale. Reste, ce serait louche. Reste. Dans son esprit, tout était embrouillé, elle avait peur. Très. Il ne fallait pas qu'elle fasse la moindre erreur ; auquel cas son amie le saurait, et tout serait ruiné. Tous ces efforts, pour rien ; or, elle les faisait pour la bonne raison de ne pas infliger à Élicia d'autre soucis. Alors elle devait rester cire et le tour serait jouée. Comme si elle n'avait rien, personne ne serait emmené là dedans. Elle n'avait pas envie de voir le visage de sa meilleure amie déconfit. C'est pourquoi elle ne voulait pas le voir. Il était difficile de cacher ses blessures, surtout si elles étaient si évidentes.

Ne pleure pas, non.

Ventre, ne gargouille pas, ne trahit pas ta faim..., s'il te plaît.

« Amé, ça ne va pas ? Pourquoi est-ce que tu m’évites comme ça depuis ce matin ? Et ces marques...tu ne les avais pas ce matin ! » constata Élicia.

La vérité dans la face. C'est la vérité qui blesse, hein ? Lumah ne voulait pas l'éviter... Absolument pas. mais dans ces conditions, si.

« J-... Je euh... »


Lumah ne savait que dire. Sa voix s'était bloquée, enfouie dans sa gorge, perdue. Que devait-elle dire ? Là, ça fait vraiment beaucoup... Oui, en effet. Je ne te le fais pas dire. Je me sens mal, si mal. Un sanglot. Et la peur. Non ! Ne pleure pas..., s'il te plaît.

« Mais c’est normal que je m’inquiète pour toi ! C’est le rôle d’une meilleure amie. Dis moi pourquoi tu es comme ça, je t’en prie...j’ai envie de t’aider Lumah. »


Lumah fit un bruit horrible. Un hoquet, un début de hurlement, de pleurs, qu'elle avait tenté de retenir brusquement. Elle hoqueta, perturbée par ce qui venait de se passer, mais les larmes lui venaient déjà. Les larmes coulaient. Elle les essuya comme elle aurait essuyé une poussière insignifiante et dit précipitamment :

« J-j-je suis désolée ! J-je dois y aller ! »

Sur ces mots, sans donner une information de plus à son amie, elle partit, loin. Elle s'était sûrement perdue dans le château, mais qu'importe. Et elle pleurait, en se cachant dans son écharpe.

J-... Je euh...

C’était certain, il y avait un problème. Élicia compris qu’elle ne devait pas insister, mais elle espérait que Lumah se livrerait à elle quand elle se sentira prête. En attendant, la rouquine se fera plus présente pour sa meilleure amie, pour lui faire comprendre qu’elle restera là pour elle à n’importe quel moment.

Le bruit que venait de faire Lumah brisa le cœur de Boucle d’Or. C’était comme si ce que gardait la blondinette à l’intérieur d’elle l’avait fait exploser. Des larmes coulaient sur ses joues pleines de bleus. Élicia aurait voulu prendre Amé dans ses bras, chasser ses larmes...mais les derniers mots que lui adressa son amie l’en empêcha.

J-j-je suis désolée ! J-je dois y aller !

Lumah partit. Elle était partie comme ça, sans rien dire d’autre. Et Élicia resta plantée là, dans le parc du château, à regarder sa meilleure amie partir. Et même après, elle fixait la porte derrière laquelle la blondinette était partie.

Une larme coula sur la joue d’Élicia. La jeune fille détestait voir ses proches aussi mal, et voir Lumah dans cette état là...c’était insupportable pour elle.

Elle s’assit dans l’herbe, repensant à cette "discussion". Que pouvait donc bien arriver à Lumah, cette fille si douce et adorable ? Elle ne ferait de mal à personne ! Il s’était forcément passé quelques chose. Et ce quelques chose c’était dans les toilettes des filles ce matin, là où Élicia l’avait laissé pour pas arriver en retard en cours.

Se sentant soudain coupable, se disant qu’elle aurait dû rester avec Amé, Boucle d’Or senti une nouvelle larme couler sur son autre joue. Elle se leva, et pris la direction de son dortoir. Elle y verrait sûrement plus clair demain pour aider au mieux sa meilleure amie.