@Deryn O'Connors

Edmund était devant les marches menant du hall d'entrée à l'extérieur, un livre à la main, regardant le parc qui s'étendait devant ses yeux à perte de vue. On pouvait distinguer le terrain de Quidditch plus loin, à une certaine distance de marche, au milieu d'une étendue verte par moments dérangée par des formes de relief légères. Malgré le mois de novembre, les plantes gardaient un aspect plutôt verdoyant, héritage du réchauffement climatique qui avait lieu depuis de nombreuses années. On pouvait aussi apercevoir de nombreux arbres qui parsemaient l'étendue plate, égayant la simplicité du tableau avec quelques courbes aux couleurs brunes ou blanches, parachevées de toitures jaunissantes.

La journée était tout de même un peu fraîche, raison pour laquelle le garçon hésitait à sortir en dépit de son désir de lire au-dehors, ce qui le changerait certainement du trop plein de monde qu'il y avait à l'intérieur du château durant ce deuxième week-end du mois. C'était bien sûr là une excuse. Depuis le bal d'Halloween, Edmund se sentait constamment tendu, était constamment en alerte. Sa méfiance concernant la magie, qu'il avait réussi à apprivoiser quelque peu, était revenue à la charge, plus forte que jamais. La vérité, c'était qu'Edmund ne fuyait pas le château ou les gens. S'il évitait la salle de balle où il n'était même pas lors du 31 octobre ce n'était pas parce qu'il avait peur de ce qu'il y était arrivé. Ou en tout cas pas seulement pour ça.
Si Edmund se fermait ainsi, aux autres comme à lui-même, c'était parce qu'il fuyait une part de lui-même. Une part qui l'effrayait plus que presque tout le reste. C'était sa baguette qu'il fuyait. Cette baguette si violente. Si sauvage.

Il enferma ses pensées derrière un voile opaque, les ignorant comme il parvenait à ignorer le reste du monde et descendit une à une les marches de l'escalier. En bas, il avança dans l'étendue verte qui menait vers le terrain de Quidditch. Il n'irait bien évidemment pas lire là-bas — le dimanche était un des rares jours où personne n'avait cours, ce qui en faisait d'office un jour d'entraînement pour toutes les équipes de Quidditch — mais il souhaitait s'éloigner un peu du château pour réduire les risques d'être importuné par des élèves sortant en trombe pour aller se défouler bruyamment dans le parc.

Après avoir avancé sur quelques centaines de mètres, suffisamment loin de l'enceinte de l'école mais aussi du terrain sportif, Edmund choisit au hasard un grand noyer au tronc noueux et à l'écorce rêche contre lequel il s'assit. Positionné là, il mit quelques instant à trouver une position confortable. Il en prit encore quelques uns pour observer les branches feuillues de l'arbre, derrière lesquelles se laissait entrevoir le ciel encore clair de début d'après-midi. Après ces secondes de contemplation, il ouvrit enfin son livre. Heureux de retrouver deux de ses plus vieux amis, la lecture et le calme, il laissa un agréable frisson de bien-être, le premier depuis longtemps, lui parcourir la colonne vertébrale. Puis il se plongea dans son ouvrage.

Deryn passa la porte du château et offrit avec plaisir son visage au soleil de ce dimanche d'automne. Après le temps gris des derniers jours, elle se réjouissait d'avance d'aller prendre un peu l'air. Elle avait enfilé sa cape d'hiver et enroulé une écharpe aux couleurs de la maison Poufsouffle autour de son cou pour se protéger de la petite brise fraîche qui rappelait à tous que l'été était bien terminé.

Elle prit une grande respiration avant de se diriger vers le parc. Elle tenait un livre serré dans ses bras. Un petit livre de contes moldus qu'elle avait trouvé à la bibliothèque. C'était une lecture simple et distrayante pour oublier un peu les cours et l'ambiance morose qui imprégnait le château depuis le début du mois. Elle marcha quelques instants au hasard, laissant ses pieds la guidée où bon leur semblait. Elle observait rêveuse les nuages dans le ciel, petits moutons blancs qui cavalait dans une prairie immense.

Elle arriva sans vraiment s'en rendre compte parmi des arbres et se mit à écouter le chant des oiseaux. Elle marchait la tête vers le ciel, pour essayer de repérer qui chantait ici et qui répondait là. Parfois, pour mieux observer elle posait une main sur les écorces noueuses des troncs et se hissait sur la pointe des pieds. Alors qu'elle tentait de repérer un volatile dont le chant lui était inconnu, marchant à reculons sur la pointe des pieds, le cou tordu pour apercevoir les premières branches du gros arbre, elle trébucha sur une racine et bascula en arrière.

"Waaa…." Elle se rattrapa d'une seule main, tentant de garder son livre en lieu sur et atterrit sur le derrière dans l'herbe humide. Elle découvrit alors que la racine était en fait le pied d'un élève.

"Excuse moi. Je ne t'es pas fait mal ? Je regardais là-haut, il y avait un oiseau et... je ne t'ai pas vu. Je sui désolée."

Elle se redressa frottant la terre qui s'était collée sur son pantalon et décida de rendre au plus vite sa tranquillité à ce garçon qui ne s'était probablement pas mis à l'écart pour rien. Elle sentait ses joues bien plus chaudes que quelques minutes avant. Elle avait vraiment un don pour se mettre dans des situations embarrassantes. Elle fit quelques pas en boitillant légèrement et réalisa que le lieu était vraiment parfait pour se mettre à lire elle aussi. Elle ne le gênerait surement pas en étant assise ici. Elle se dirigea donc vers un arbre avec des branches basses, se hissa sur la première d'entre elles et s'adossa au tronc. Elle se massa un peu la cheville avant de commencer à lire.

Malgré son grand enthousiasme à se remettre à la lecture, Edmund eut du mal à se mettre dans le livre. Il n'arrivait pas à s'immiscer dans le rythme des phrase et les situations semblaient lui échapper. Il comprenait ce qu'il lisait, mais il n'arrivait pas à vivre l'histoire, à capter ce que dégageaient les mots. Cela le frustrait d'autant plus qu'il avait justement choisi cet ouvrage pour se remettre à la lecture car il s'agissait du deuxième tome d'une saga dont il avait adoré le premier volet et le style de l'auteur.

L'après-midi avait seulement débuté et pourtant il avait le sentiment d'avoir été là à se battre contre lui-même depuis plusieurs heures. Ce combat interne pour se plonger dans le livre était en train de le fatiguer et de ruiner son humeur. Se disant qu'il s'agissait peut-être de sa position, il décida d'étirer les jambes et de s'allonger un peu contre le tronc pour se détendre.

Ça ne changea rien.

Sa frustration commença à se muer en morosité puis en tristesse quand il se dit qu'il n'était peut-être pas encore prêt à lire à nouveau. Il s'était résigné à abandonner quand un choc à la jambe droite le sortit de ses pensées.

Énervé par son échec à lire comme il l'aurait voulu, il s'apprêtait à invectiver le responsable de ce désagrément quand il vit une jeune fille complètement déboussolée qui avait l'air parfaitement confuse de le voir là. Sa stupéfaction pure figea Edmund dans son action, l'arrêtant alors qu'il avait commencé à se relever pour signaler son mécontentement. La jeune fille s'excusa immédiatement pour l'ennui causé, stipulant qu'elle regardait là-haut parce qu'il y avait un oiseau et qu'elle ne l'avait pas vu. Sur cela, elle se releva rapidement et partit avant même que le garçon eût le temps de dire quoi que ce fût, grimpa agilement aux branches d'un arbre proche et se mit à lire. L'action avait à peine duré quelques secondes et le calme était complètement revenu.

Edmund était encore étonné de ce qu'il venait de vivre et apprécia cette fille qui avait un grand respect de l'espace des autres et du calme du lieu. Il aurait pu dénombrer quantité de personnes qui à sa place auraient tenté de débuter une conversation ennuyeuse à souhaits en parlant beaucoup trop fort et qui se seraient ensuite indignées si Edmund leur avait demandé de partir ailleurs. Les adolescents qui comprenaient et respectaient le silence étaient rares, comme il avait pu s'en rendre compte.

S'oubliant quelques instants — et oubliant les règles élémentaires de bienséance — le jeune garçon se mit à observer plus en détail la jeune fille qui était confortablement installée sur une branche basse à quelques mètres de lui. Il ne s'arrêta pas sur son apparence, ce genre de chose l'intéressait peu, mais ne put s'empêcher de dénoter la satisfaction qu'elle semblait éprouver à lire, ainsi perchée en hauteur dans un équilibre pourtant si instable. Son regard était absorbé dans son livre et seuls ses yeux paraissaient réagir aux mots qu'elle avalait. C'était comme si tout son corps excepté ses yeux avait été quitté par son esprit pour que celui-ci puisse se jeter dans les pages qu'elle tournait à un rythme lent. Le fait est qu'il s'agissait peut-être là de l'illusion d'un enfant qui, ne parvenant plus à se fondre dans son histoire, voyait chez son voisin ce qu'il aurait voulu voir chez lui.

Que cet amour de la lecture fût seulement imaginé par Edmund ou non avait finalement très peu d'importance. Voir chez quelqu'un un tel dévouement pour son récit, un tel calme, une telle tranquillité, détendit le jeune sorcier. Encouragé par la paix qui émanait de cette fille dont il ne connaissait même pas le nom, Edmund reprit son livre et recommença l'histoire depuis le début. Il ne s'en sortait pas mieux, les personnages lui semblaient toujours aussi obscurs et les événements toujours aussi inconnus. Mais fil des pages, des esquisses des trames qui se tissaient entre les lettres lui apparaissaient. Il perçut l'enchâssement d'une phrase avec un mot, la couleur d'un rythme entre deux respiration, la douceur suave d'une succincte allitération.

Le garçon commença à sourire.

Deryn plongea comme à son habitude dans son livre. Elle aimait cette sensation. Ce moment où elle oubliait tout pour être quelqu'un d'autre. Pour vivre autre chose, ailleurs, sans plus penser aux questions qui lui tournaient parfois dans la tête. Ce livre n'était pas vraiment un recueil de contes comme elle le pensait (elle l'avait piocher au rayon "contes moldus" après tout) mais plutôt un roman, l'histoire d'un jeune garçon que la première année aimait déjà. Ses yeux glissaient sur les mots et elle s'imprégnait avec plaisir de ce récit.

Puis, très lentement, le visage éclairé par un large et merveilleux sourire, grand papa Joe leva la tête et regarda Charlie droit dans les yeux. Ses joues retrouvèrent leurs couleurs, ses yeux grands ouverts brillaient de bonheur, et au milieu de chaque œil, juste au milieu, au noir de la pupille dansait une petite étincelle d'enthousiasme. Puis, le vieil homme respira profondément, et soudain, de façon tout à fait imprévue, quelque chose semblait exploser au fond de lui. Il jeta les bras en l'air et cria : "Youpiiiiiiiii !"

Deryn avait comme ce brave grand-père un sourire jusqu'aux oreilles. Un petit courant d'air la fit s'arrêter un instant. Elle replaça sa cape de façon à empêcher le vent de passer et en profita pour jeter un œil sur son voisin de lecture. Elle n'avait même pas pris le temps de voir de qui il s'agissait tout à l'heure tellement elle était embêtée de l'avoir déranger d'une façon aussi bête.

Le garçon ne lui était pas totalement inconnu. Elle l'avait déjà aperçu en salle commune et en cours à plusieurs reprises depuis le début de l'année. Un prénom ? Deryn n'en avait aucune idée. Elle ne connaissait probablement pas la moitié des élèves de sa classe. Il était visiblement lui aussi plongé dans son livre et un sourire apparut sur son visage. Deryn se demanda ce qu'il pouvait bien lire, un conte, un manuel, un roman d'aventure... Peut être qu'elle le lui demanderai plus tard en partant. Pour le moment elle le laissait tranquille à son rêve éveillé.

Elle remonta légèrement son écharpe autour de son cou. Passa derrière son oreilles quelques mèches folles qui comme d'habitude ne tenaient pas dans sa tresse et se reprit sa lecture là où elle l'avait laissée.

L'après-midi avançait tranquillement. Le soleil continuait sa lente course vers l'horizon tandis qu'Edmund lisait. Bien que sa lecture ne fût pas de la qualité de ce qu'il avait pu expérimenter quand il était encore chez lui à Loughborough, assis entre deux rayon de la librairie de son père, il s'agissait tout de même d'un moment de bien-être bienvenu. Le personnage qu'il suivait dans ses aventures était intelligent, borné, pénible, sensible, orgueilleux et extrêmement attachant et ce qu'il vivait était stimulant, riche, injuste, drôle et épique. Edmund ressentait tout cela en lui au fil des pages et il pouvait en oublier ses soucis quotidiens et ses peurs.

Le sorcier était en plein milieu d'un moment clé de l'histoire — tous les moments de cette histoire l'étaient pour ainsi dire — quand la luminosité diminua soudain — à moins que ça n'eût déjà été le cas pendant plusieurs minutes et qu'il ne le remarquait qu'à ce moment ? Le garçon crut au passage d'un nuage et attendit quelques secondes qu'il s'en allât, relevant le regard vers la verdure environnante. Ce fut seulement quand il vit plusieurs gouttes s'écraser sur le sol qu'il leva les yeux vers le ciel pour apercevoir qu'il s'agissait non pas d'une nuage solitaire mais de quantités de nuages gris.

Craignant pour son livre il le rangea immédiatement dans une poche intérieure de sa robe tout en se levant et commença à se courir en direction du château. Il espérait pouvoir profiter de toute une journée de soleil pour palier au temps couvert des jours — des semaines — précédents, mais une demie-après-midi était déjà mieux que rien.

Edmund se remémora brusquement la présence de la lectrice perchée sur sa branche et s'arrêta dans sa course. Il semblait peu probable qu'elle n'eût pas remarqué le changement de luminosité, mais si elle était aussi absorbée par ses livres qu'il pouvait l'être parfois, cela n'était pas impossible. Il serait dommage qu'elle finît trempée et son livre imbibé d'eau simplement par qu'il n'avait pas voulu vérifier si elle était encore là. De plus, la pluie commençait à peine à tomber donc il avait encore de de faire demi-tour avant qu'il ne devînt impérieux de rentrer.

Le garçon s'en retourna sur ses pas et posa les yeux sur la branche où il avait vu l'élève s'installer quelques heures auparavant. Elle était toujours là, absorbée dans sa lecture, ne s'étant vraisemblablement même pas rendu compte que le ciel s'était obscurci. Bien qu'il trouvât dommage de devoir tirer de sa lecture quelqu'un qui semblait à ce point en communion avec son texte, les gouttes qui tombaient de plus en plus fréquemment ne lui laissaient pas vraiment le choix.

« Euh... Hey toi ! Dans l'arbre ! »

Bravo Edmund, quel talent tu as pour faire comprendre à qui tu t'adresses. À sa décharge, il ne connaissait pas le nom de la sorcière. Voyant qu'elle portait une écharpe aux couleurs jaunes et noires — comment pouvait-il ne le remarquer que maintenant ? — il tenta un appel plus distinctif :

« Hey, la Poufsouffle dans l'arbre ! Il va pleuvoir, tu devrais rentrer à l'intérieur ! »

« Euh... Hey toi ! Dans l'arbre ! »

Deryn entendit son camarade de lecture se mettre à parler. Elle sourit en continuant sa lecture. Peut être qu'il lisait les fables de La Fontaine. Elle récita intérieurement en continuant sa lecture : Maître Corbeau sur un arbre perché tenait en son bec un…

« Hey, la Poufsouffle dans l'arbre ! Il va pleuvoir, tu devrais rentrer à l'intérieur ! »

Deryn fronça les sourcils, c'était quoi cette version, une version spéciale sorcier ? Elle tourna la tête et découvrit le premier année à quelques mètres. C'était à elle qu'il parlait. Elle était à priori le corbeau de la fable. Elle avait l'impression d'avoir été réveillée en plein sommeil et posa sur le garçon qui s'approchait de son perchoir des yeux étonnés. Enfin elle analysa ce qu'il venait de lui dire. La pluie arrivait. Elle tenta de voir le ciel à travers les branchages. Il était désormais bien sombre et des nuages chargés de pluie le traversaient lentement. Il avait raison. Il allait pleuvoir si ce n'était pas déjà le cas.

La petite brune ramassa son livre dans la poche intérieure de sa cape pour ne pas prendre le risque de le mouiller puis sauta de son perchoir. Les gouttes commençaient à percer le feuillage protecteur. Elle rentra le cou et passa sa capuche par sur sa tête.

"Merci de m'avoir prévenu. On devrait filer avant d'être tremper. Puis elle ajouta en lui faisant un clin d'œil. Le premier arrivé ?"

Sans vraiment attendre de réponse face à la pluie qui commençait à réellement tomber, elle s'élança vers le château en supposant que son camarade ferait de même. A quelques mètres du bosquet, elle jeta cependant un coup d'œil en arrière. Il était venu la chercher, elle se devait quand même de s'assurer qu'il arriverait au sec.

Bien que le premier appel laissa la sorcière indifférente, le second la sortit de sa lecture. Elle le regarda, étonnée, avant de lever les yeux vers le ciel gris. Semblant comprendre les raisons de son dérangement, elle rangea son livre de façon similaire à ce qu'il avait fait un peu plus tôt et sauta dans l'herbe. Après avoir abrité son visage de sa capuche, elle remercia Edmund avant de lui lancer un « Le premier arrivé ? » et de courir en direction du château.

Le garçon fut surpris et, devant le manque de fair play de la fille, hésita à relever le défi qui semblait perdu d'avance. Une grosse goutte s'écrasa alors sur son front, lui rappelant que défi ou non, courir restait une idée somme toute recevable.

Il se mit alors en route à une petite distance de la Poufsouffle, talonné par la pluie qui avait la gentillesse de venir depuis derrière eux. La course qui devait initialement se jouer entre la sorcière et lui se mua peu à peu dans son esprit comme une course-poursuite entre la pluie et eux. L'imagination stimulée par sa lecture, Edmund se figura qu'ils fuyaient la mort-pluie et que seul le premier des deux qui arriverait au château se verrait attribuer une place dans son enceinte protectrice. À cette pensée, tout son être se tendit et se projeta toujours plus avant pour fuir la menace aqueuse qui le poursuivait tandis qu'il cherchait à rattraper la concurrente qui filait devant lui à quelques mètres.

La sorcière se retourna alors pour voir où il en était. Quelle action sympathique ! Elle lui offrait l'occasion rêvée de lui passer devant ! — pris dans son scénario imaginaire et souhaitant se venger du départ sans sommation de la Poufsouffle, il ne pensait plus qu'à la coiffer au poteau. Il regarda alors légèrement en avant de la fille, prit une mine catastrophée, et pointa du doigt devant elle en disant :

« Attention au trou ! »

Sa mine n'était honnêtement pas très convaincante — il n'avait jamais été un très bon acteur — mais le rideau de pluie qui commençait à se former et la précipitation de l'action seraient probablement suffisante pour alarmer l'autre élève, qui ne manquerait pas de ralentir sa course. Peut-être que c'était fourbe, peut-être que c'était petit, mais c'était elle qui avait lancé la compétition.

Au moment où elle ralentit pour être sure que le garçon n'était pas resté coincé sous les arbres, celui-ci en profita pour la dépasser à toute vitesse. Deryn sourit en grimaçant… C'était une bonne revanche pour son départ en trombe. La petite brune serra les poings et se concentra pour le rattraper.

« Attention au trou ! »

Avec la pluie qui commençait à tomber drue et l'élan déjà prit, elle n'avait aucune chance de s'arrêter. Autant tenter le tout pour le tout. Il avait réussi à passer donc un bon saut pourrait peut être faire l'affaire. Deryn se propulsa le plus loin possible et atterrit sur l'herbe sans avoir rien vu. Le sourire qu'elle aperçut un peu tard sur le visage de celui qu'elle poursuivait lui donnait à croire qu'il avait tenter un coup de bluff. Il était joueur celui-là !

Elle accéléra encore légèrement l'allure arrivant probablement au maximum de ces capacités, prenant soin de tenir d'une main son livre à travers sa poche. La porte du château était en vue et les deux enfants entrèrent en trombe au coude à coude après avoir gravit les marches quatre à quatre. La petite brune s'arrêta à bout de souffle. Elle était trempée avec les joues en feu. Elle se plia en deux, posant les mais sur ses cuisses pour récupérer.

"Je ne sais pas qui de nous deux à passer la porte en premier mais je dois te féliciter pour ta relance et ta technique de sioux. Elle se redressa et sourit à son camarade. Je m'appelle Deryn.

Se souvenant soudain de la question qu'elle voulait lui poser en début d'après-midi, elle reprit.

"Qu'est ce que tu lisais si ce n'est pas indiscret ?"

La Poufsouffle eut une réaction que le garçon n'avait pas du tout anticipé : avec tout l'élan qu'elle avait, elle sauta au-dessus du point qu'Edmund montrait du doigt, continuant ainsi sa courses presque sans ralentir. Mince, j'avais pas pris en compte qu'elle pourrait pas s'arrêter à temps avec la pluie et l'élan se dit-il. Malgré tout, il était parvenu à se hisser à sa hauteur et ils couraient maintenant épaule contre épaule.

Cependant, maintenant qu'ils étaient côte à côte, Edmund ne parvenait plus à gagner de terrain. À chaque fois qu'il réussissait à s'avancer un peu par rapport à elle, la sorcière accélérait pour se maintenir à sa hauteur, et inversement. Si cela continuait ainsi, ils finiraient certainement ex æquo. Mais alors est-ce que ça signifierait que les deux devraient rester dehors et succomber à la pluie ?
L'entrée du château approchait aussi Edmund puisa dans ses dernières forces pour se projeter en avant, montant les marches de l'escalier aussi vite qu'il le pouvait dans le but de survivre au fléau qui allait s'abattre sur Poudlard.

Et pourtant, malgré ses plus grands efforts, la fille était désespérément restée à la même hauteur que lui, passant le seuil de la porte en même temps que lui.

Ils s'effondrèrent tous deux, le souffle court et les joues en feu. Le garçon s'allongea à même le sol, sentant l'air brûler sa gorge à chaque respiration et le cœur battant si fort qu'il aurait pu l'entendre si la pluie n'avait pas fait autant de bruit en chutant sur le toit de la bâtisse.

« Je ne sais pas qui de nous deux a passé la porte en premier mais je dois te féliciter pour ta relance et ta technique de sioux. »

Edmund tourna le regard vers la brune aux cheveux trempés — pas que les siens fussent en meilleur état — et la vit encore debout, les mains simplement posées sur les cuisses. Il se sentit soudainement ridicule, allongé qu'il était alors qu'elle semblait seulement avoir le souffle un peu court.

« Je m'appelle Deryn, reprit-elle avant d'ajouter rapidement Qu'est-ce que tu lisais si ce n'est pas indiscret ?

Edmund leva l'index et l'avant-bras gauche dans un geste signifiant Attends juste une seconde, prit encore quelques instants pour stabiliser un peu son souffle et sa voix, puis lui répondit :

« Edmund, et après un petit instant, The Name of the Wind. »

Il respira quelques secondes de façon un peu chaotique avant de demander à son tour :

« Et toi ? Tu avais l'air... huff... captivée. Titre ? »

Deryn commençait à retrouver son souffle après sa course folle. Visiblement son adversaire n'avait pas plus d'air qu'elle disponible dans les poumons. Toujours pliée en deux elle souffla un grand coup quand Edmund, c'était son nom, lui donna le titre de son livre. Elle ne connaissait pas mais ça donnait l'impression d'être quelque chose de très intéressant mais aussi bien plus complexe que ce qu'elle était elle-même en train de lire.

"Je ne connais pas mais le titre me plaît bien. Ca parle de quoi ?"

Elle fit une petite pause, souffla un coup et se redressa un peu.

"Moi je lis un vieux roman moldu emprunté à la bibliothèque, ça s'appelle "Charlie et la chocolaterie". Je dois avouer que je n'ai pas du tout regarder le résumé en le prenant dans le rayonnage. J'ai pioché au hasard et en grande gourmande, le mot chocolat m'a attiré l'œil. Elle se mit à rire doucement d'elle même. Je pensais que c'était un recueil de contes, mais pas du tout. Mais c'est assez agréable et facile à lire et même plutôt amusant. Il m'a probablement fait autant de bien au moral que cette course effrénée. "

Elle sentait toujours son cœur battre la chamade mais avait visiblement plus ou moins retrouvé son souffle. Elle se dit qu'il devait trouver absolument ridicule son livre mais tant pis. Elle n'allait pas renier le plaisir qu'elle éprouvait à lire de temps à autres des livres simples et juste divertissants. Elle fit un pas en avant et, en souriant, tendit la main à Edmund pour l'aider à se relever.