C'était étrange comme la vie semblait bien faite au premier abord. Tout semblait être programmé au millimètre près, à la seconde près. Comme si tout avait été calculé à l'avance et que nous n'avions pas notre mot à dire. Les grecs étaient persuadés que la Τύχη régissait leur vie entière, que les dieux avaient déjà tout écrit pour eux et qu'il ne servait à rien de tenter de combattre son destin, comme le traduit si bien la pièce de théâtre Œdipe roi de Sophocle.
Arya n'était pas croyante, elle ne pensait pas qu'un ou deux dieux pouvaient régir sa vie. Cependant, il lui arrivait de penser qu'il y avait peut-être une forme de destin dans la vie. Elle n'appréciait pas cette idée, mais qu'est-ce qui pourrait lui prouver le contraire ? Pourquoi l'expression "ce qui devait arriver arriva" existait-elle ? Pourquoi certaines chosent devaient arriver ? Est-ce que ton père devait mourir ? Est-ce que tous les Hommes n'étaient, en réalité, que de simples animaux qui suivaient leur instinct dans une vie déjà écrite du début à la fin ?



Et ces fourmis qu'Arya observait, allongée sur la terre humide du parc, étaient-elles aussi des esclaves ? Elles suivaient leur instinct, leurs besoins. Étaient-elles esclaves de leurs besoins ? Si oui, alors l'Homme ne l'était-il pas aussi ?



Les yeux verts d'Arya suivaient le cheminement des insectes qui grimpaient sur le tronc d'arbre, en file indienne. Elles semblaient à la fois calmes et pressées. La fillette observait attentivement leur vie si bien ficelée, en se demandant si, par hasard, elles pouvaient penser. Si elles la voyaient. Elle ne voulait pas connaître la réponse, préférant y croire.



La vie des fourmis semblait belle. Les préoccupations étaient toutes autres, et semblaient bien moins prenantes. Peut-être Arya aurait-elle dû naître fourmi. Comme Œdipe se sentait être né pour vivre comme roi, Arya se sentait peut-être être née pour vivre comme fourmi.

Ah, du temps libre ! Malya en avait besoin. Ses parents lui manquaient toujurs, tout la hantait toujours, mais une belle journée ne faisait jamais de mal au moral, bien au contraire. archer dans le parc, seule, au soleil… Un petit morceau de bonheur.

Oh non, l'esprit de Malya partait… Quand le reverrait-on ? Elle avait pensé au mot bonheur, à tout ce qu'il impliquait, tout ce à quoi il engageait.
Lorsqu'on était heureux, on ne pouvait rien dire. Juste se taire, et faire ce que l'on vous demandait. On ne pouvait pas refuser, juste dire oui. Ce qui avait fait jaillir la petite Antigone, au fond de l'œuvre d'Anouilh.
Oui, Malya détestait les moldus, mais pas leur littérature. Ils cherchaient à expliquer l'inexpliquable, à expliquer la magie. Leurs réflexions étaient recherchées, parfois sublimes.

Antigone… La rebelle que Malya serait, s'il le fallait, désormais. Se dresser seule face au monde. Facile, quand on avait plus rien à perdre. Pas de regret, rien à cacher. S'assumer, parce qu'on n'avait rien fait de mal, finalement. Antigone avait-elle eu tort, d'enterrer son frère ? Non. Avait-elle regretté le bonheur ? Non.
Et Créon ? Le vieux Créon, assis sur son trône ? Lui, il le voulait, son bonheur.



Cette fille, là-bas, était bien allongée par terre. Mais elle ne semblait pas en train d'attendre béatement que la vie s'écoule. Elle semblait passionnée par ce qu'elle observait. Elle contemplait le sol. Que s'y passait-il donc ?

Elle s'installa aux côtés de la Gryffondor, et fixa le sol à son tour. Des fourmis, par dizaines, par centaines.
Elle interrogea alors la personne qui venait sans le vouloir de lui faire remarquer un tel spectacle.

- C'est beau, toutes ses fourmis. Tu penses qu'elles savent où elles vont ?

Il faisait beau aujourd'hui. En sortant de sa salle commune, elle avait pris sa branche d'arbre si précieuse, celle qu'elle utilisait pour s'entraîner à l'escrime, avec en tête l'idée de s'exercer un peu dans un coin désert du parc. Seulement, avec ce beau temps, le parc n'était pas vraiment désert. Elle s'était donc arrêtée à sous un arbre, avait posé sa branche à côté d'elle, et là, les fourmis avaient attiré son attention. Depuis combien de temps était-elle là, allongée à observer ces insectes grimper sur le tronc d'arbre ? Elle l'ignorait, mais toujours étant qu'elle se rendit compte que son bras était engourdi lorsqu'elle le bougea.

Elle senti une présence près d'elle, tourna la tête. Une fille s'était installée à côté, observant à son tour les petits êtres fourmiller. Arya aurait voulu s'indigner que quelqu'un vienne perturber son instant de quiétude. Mais pas aujourd'hui. Elle n'était pas d'humeur à s'énerver. Elle la laissa donc, partageant la vision de la vie des fourmis.

Sa question perturba le calme ambiant, et Arya râla intérieurement. Évidemment, que c'était beau. Nul besoin de le faire remarquer. La Gryffondor avait presque peur que son souffle fasse fuir les fourmis. Cependant elle resta de marbre, réfléchissant tout de même à la question de l'Inconnue.

Où allaient-elles ? Elles allaient certainement chercher de la nourriture, pour la rapporter elle-ne-savait-où. Cette version de l'histoire était bien fade. Peut-être cherchaient-elles le bout du monde. Après tout, tant qu'on avait cette taille, quel moyen nous permettrait de connaître la taille du monde ? Tant que l'on n'était pas monté assez haut, on ignorait tout et était persuadé de la petitesse de ce qui nous entourait. Alors que tout était bien plus grand, tellement plus grand.

« Je sais pas. Et je veux pas savoir. Peut-être qu'elles non plus veulent pas savoir. Elles avancent à l'aveugle. »

La jeune fille que Malya avait rejointe n'avait pas l'air particulièrement emballée à l'idée d'être accompagnée dans son observation. Oups. La Serpente espéra qu'elle ne ferait pas de bêtise ; ce serait contrariant.

Elle observa ces fourmis plus attentivement. Quel drôle de spectacle elle devait offrir, aux élèves qui passaient ! Ils ne savaient pas ce qu'ils rataient. Tant pis pour eux.

Comment décrire la merveille à laquelle elles assistaient ? Bonne question. Était-ce seulement possible ? Non, on ne pouvait pas décrire une telle minutie, une telle représentation involontaire, une telle œuvre que les artistes ne sauraient imiter.

À l'aveugle ? C'était bien triste, ça, au premier regard. Elles semblaient si organisées. Ces petits êtres ne s'inquiétaient pas de leurs observatrices. Pourtant, un souffle pouvait les faire s'envoler, un pied pouvait les condamner. De cruelles gens de la connaissance de Malya n'y aurait même pas prêté attention. Ils auraient écrasé ces splendeurs sans la moindre pitié.

Malya chuchota, afin de ne pas effrayer ces minuscules êtres qui leur faisaient confiance.

- J'espère qu'elles, elles savent. Ce serait triste, d'avancer comme ça, sans aller nulle part. Moi, je tourne en rond quand je ne sais pas quoi faire. Tu aimes tourner en rond, sans but ?

Peut-être, après tout. C'était parfois agréable, de ne rien faire. À la pension, Malya n'en avait pas souvent l'occasion. Juste la nuit, enfermée dans son lit. Là, elle pouvait laisser son esprit vagabonder, à sa guise.

Arya tendit sa main gauche vers le tronc et attendit patiemment qu'une des fourmis osât s'aventurer sur sa main. L'une d'elle grimpa sur son doigt, et elle rapprocha sa main vers elle, observant de près l'être minuscule qui se promenait sur sa main. Un organisme entier tenait dans ce si petit corps. La vie de cet être était si simple, si calme, si courte.

Avait-elle conscience de tout cela ? Savait-elle de quoi était fait le monde ? Connaissait-elle toutes les horreurs qui le peuplaient ? Ou était-elle de tous ces innocents, de tous ces gens qui se contentaient du bonheur qu'on voulait bien leur offrir ?

Et dire qu'il lui suffisait de presser ses doigts pour que toute la vie qui animait ses petits membres s'évapore. Au moindre geste trop violent, la fourmi disparaîtrait, mourrait, et le monde continuerait sans elle, comme si elle n'avait jamais existé. Tout comme son père. Cela lui semblait injuste. Elle se sentait comme une privilégiée qui ne le méritait pas de vivre alors que lui était parti sans prévenir personne.

« Non je n'aime pas tourner en rond. Ça me donnerait l'impression d'être un lion en cage. Moi je suis libre. »

Elle redéposa la fourmi sur le tronc avec ses congénères, et l'observa reprendre sa vie sans se poser de question.

« Je monte aux arbres quand je ne sais plus quoi faire, ajouta-t-elle en levant des yeux rêveurs vers les branches au-dessus d'elles. »

Quel calme émanait de cette jeune fille. Une Gryffondor, pourtant. Malya ne les avait jamais vus sous cet angle, ou si peu. Peut-être qu'une maison n'était qu'une couleur, dans certaines situations.

La voir ainsi accueillir une si minuscule fourmi sur sa main était… impressionnant. Impressionnant, mot qui veut tout dire, et rien à la fois. Tout, absolument tout, laissait une impression. Sensationnel.

Un lion en cage. Oui, quand Malya tournait en rond, elle utilisait ses membres pour calmer ses pensées. Pensées qui la torturaient, toujours et tout le temps. À la pension, elle essayait de patienter, mais rien n'y faisait. La sortie de l'enfer paraissait si lointaine. Pour s'occuper, pour attendre que l'aiguille de sa montre tourne, elle tournait autour de son lit, de son bureau, d'une table. Elle marchait en tous sens, quelque soit la pièce dans laquelle elle se trouvait.
Enfin, ça, c'était quand elle ne pouvait pas écrire. Se défouler sur un morceau de papier.

- C'est bien, d'être libre. En actes, c'est facile : il suffit d'oser, d'assumer. Le plus dur, c'est d'obtenir le droit de penser.

La Serpentard venait-elle vraiment de dire ça ? Ça ne voulait absolument rien dire. Enfin si, mais… qui pourrait la comprendre ? Avec des phrases pareilles… C'était ce qu'elle pensait, en tout cas. Oui, c'était bien là le problème : Malya rêvait d'avoir le droit de penser sans être constamment jugée.

- Désolée, j'ai pensé tout haut. J'aime beaucoup ta façon de voir les choses. C'est une autre vision du monde. D'habitude, les gens se contentent d'interpréter les actions des autres pour les juger. Qui es-tu, toi qui aimes grimper aux arbres ?

Grimper aux arbres… Voilà qui aurait pu plaire à Malya, si le jour où elle s'était essayée à cette activité, on ne lui avait pas jeté une pierre dessus, à l'effrayer au point de la faire tomber de sa branche...

Les fourmis étaient petites, discrètes. Elles se fondaient dans le décor et ne faisaient qu'un avec la nature. Rare étaient ceux qui les remarquaient. Elles naissaient dans l'ombre et mourraient dans l'ombre. Elles naissaient seules et mourraient seules. Elles n'étaient pas si différentes des humains, en fait.

Peut-être devrait-elle s'inspirer des fourmis. Dans sa vie quotidienne, mais pas seulement. Elle imagina une façon de combattre, fleuret en main, à la manière d'une fourmi. Souple, silencieuse, rapide. Ce n'était pas vraiment l'insecte auquel on pensait d'emblée lorsque l'on parlait d'escrime, mais Arya était quasiment persuadée que tous les escrimeurs devaient s'allonger ainsi dans l'herbe et prendre le temps de regarder le comportement des fourmis. Son maître d'arme lui avait un jour conseillé d'observer les chats. Et mieux encore, d'essayer d'en attraper. Une occupation qui paraissait certes divertissante, mais Arya ne possédait pas de chat et n'avait par conséquent jamais eu l'occasion de s’acquitter de cet exercice.

La fille à côté d'elle parla de la liberté de penser. Arya répondit du tac-au-tac, avec instinct :

« Personne pourra me faire penser ce que je ne veux pas. Le plus dur, c'est de réussir à se libérer de soi-même, c'est tout. »

Arya se sentait souvent l'esclave de ses émotions. Trop souvent. Mais il fallait les contrôler, ou elles la contrôleraient à sa place. La liberté était une idée bien abstraite dans cette torture.

L'Inconnue s'excusa d'avoir pensé à haute voix. La fillette ne saisit pas bien ce qu'elle dit ensuite sur la façon de penser. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle était étrange si on la comparait aux autres. Mais Arya n'aimait pas les comparaisons. Tout ce qu'elle retint, c'était qu'elle lui demanda qui elle était. Une bien vaste question pour une pré-adolescente.

« Je suis une âme extra-terrestre qui s'est paumée sur Terre par mégarde. Je m'appelle Ary. »

Elle était sincère, aussi étrange cela paraisse-t-il. Qui sait, peut-être était-ce vrai ? Dans tous les cas, elle prit soin de retirer la dernière lettre de son prénom, la lettre qui la condamnerait dans la féminité qu'elle ne souhaitait pas.

Elle tourna la tête vers elle pour la première fois et la regarda, signe qu'elle attendait une présentation à son tour.

Se libérer de soi-même… Volontiers. Et quand nos démons nous poursuivaient où qu'on allasse, on faisait comment ? Malya lâcha un soupir, le plus discrètement possible.

Une âme extraterrestre ? Toutes les pensées de la jeune sorcière s'effacèrent un instant, pour méditer ce point de vue.
L'image était magnifique. Elle imagina le visage qui venait de se tourner vers elle pour la première fois, descendant du ciel nocturne, voyageant dans l'espace, provenant du fin fond de l'univers, de galaxies lointaines...
Nous étions tous différents. Heureusement. Malya n'aimait pas Monsieur Tout Le Monde. Cela pouvait paraître enfantin, sans doute ; en effet, elle l'avait décidé dans sa sixième année. Cependant, c'était clair. Monsieur tout le monde était méchant, Monsieur tout le monde ne l'aimait pas. C'était vrai et ça l'était toujours, indéniablement.
Mais avait-elle réellement face à elle une extraterrestre ? Non, certainement pas. Juste une jeune fille différente, donc comme les autres.



- Bonjour, Ary. Contente de te connaître. Tu dis posséder une âme d'extraterrestre, hein ? Qu'est-ce qui peut bien te faire dire ça ? Pour moi, tu es une fille qui aime grimper aux arbres et qui étudie attentivement les merveilles de la nature, comme ces fourmis. Ce n'est pas la première fois que tu les observes, si ? En tout cas, si ce que tu dis est vrai, j'aimerais rencontrer davantage d'extraterrestres. Ils ont l'air plus réfléchis que d'autres êtres sans cervelles qui se baladent sur Terre. Peut-être suis-je comme toi, après tout. Je m'appelle Malya.

Arya ne se détourna pas de l'Inconnue, mais fronça les sourcils en l'écoutant. Elle parlait comme si elle la connaissait, comme si elle avait réussi à la cerner en à peine deux minutes. Un sentiment désagréable emplit la fillette. Colère ? Non, pas encore. Seulement interrogation pour le moment.

Elle ne pouvait pas la connaître, pas déjà. Elle était si complexe, elle-même avait du mal à savoir où elle en était, parfois. Alors elle utilisait des métaphores, des métaphores qui lui permettaient de combler l'incompréhension qu'elle avait envers elle-même. L'Inconnue n'avait pas le droit de la résumer en une seule phrase. Elle n'avait pas le droit. Pas le droit de rendre les choses aussi simples alors qu'elles étaient si compliquées. Pas le droit de la réduire à la fille-aux-arbres-et-aux-fourmis. Elle ne voulait pas qu'on la simplifie ainsi. Cela voudrait dire que tout allait bien. Que tout allait bien dans sa tête. Alors que tout n'était pas normal. C'était Madison qui l'avait dit, entendre son père défunt dans sa tête, ce n'était pas normal.

Quoique, l'Inconnue ne la traitait pas non plus vraiment de normale. Simplement, Arya avait la sensation qu'elle n'avait pas pris ses paroles au sérieux. Certes, au sens littéral, elle n'était pas un extra-terrestre. Mais métaphoriquement parlant, elle n'avait pas le droit de ne pas la croire. Seulement la Gryffondor savait que les gens avaient tendance à vouloir tout rendre logique et concret. Elle n'aimait pas le concret. Le concret et la logique nous enfermaient entre quatre murs sans porte ni fenêtre. Sans possibilité de s'échapper.

Alors la rouge et or ouvrit de nouveau la bouche pour répondre à cette fille dont elle connaissait le nom, à présent.

« Tu peux pas dire que tu m'connais. Tu m'connais pas. Tu peux pas dire non plus que t'es comme moi. Dis-le, dis que t'es pas pareille. »

Elle ne voulait pas croiser quelqu'un d'autre qui était aussi perdue qu'elle dans sa Tête. Elle ne voulait pas rencontrer quelqu'un d'autre qui entendait Papa dans sa Tête. Elle espéra donc que cette Malya reviendrait sur ses paroles. Qu'elle avouerait que non, elles n'étaient pas pareilles. Que non, la tempête de leurs deux esprits perdus n'allaient pas créer un ouragan.

La Gryffondor semblait être passée sur la défensive ; une violente forme de défense, même. Pourquoi ? Qu'est-ce que Malya avait bien pu dire ?

Alors, analyse littéraire de propos non-littéraires. C'était sympa, ça, comme activité. Chercher à comprendre ce qu'il y avait derrière chaque mot, ce à quoi pensait la personne en le prononçant, ce que signifiait cette pensée, ce qu'elle attendait qu'on comprenne, ce qu'on comprenait et ce qu'on refusait de comprendre. Sympa, oui, mais surtout utile. Suffisamment fine, l'analyse permettait de comprendre les gens, et, par extension, de comprendre le monde.

Alors… Ary avait l'air d'insister sur le verbe connaître. Malya l'avait-elle employé ? Non, pas aux dernières nouvelles… Ah si ! "Contente de te connaître", voilà, ça, elle l'avait dit. Oui, bon, c'était une formule de politesse. Sans exagérer, qui irait interpréter une formule de politesse ? Euh… Malya, en fait. Quand elle se sentait attaquée, elle était capable d'aller interpréter le ton du bonjour, de se faire des nœuds au cerveau en se demandant si le ton était volontaire, si la personne était en forme, fatiguée, faisait semblait d'être fatiguée… et plein d'autres questions sans réponse. Mais uniquement lorsqu'elle se sentait attaquée, ou était dans une de ses phases de paranoïa.
On ne pouvait, en rencontrant quelqu'un, parier sur sa paranoïa.
Conclusion : cette élève de Gryffondor s'était sentie attaquée.

Ensuite. Le verbe connaître en lui-même, que signifiait-il ? Enfin, non. Pas connaître, connaître quelqu'un. Nuance. Dès qu'un être humain entrait dans le groupe verbal, la phrase prenait une autre tournure.
Point n°1 : qu'est-ce Malya avait dit et qu'avait-elle voulu dire ? Contente de te connaître. te, toi, ton prénom en l'occurrence. Zut. Un pronom personnel pour désigner, finalement, une identité fixe, qu'on n'avait pas choisie.
Point n°2 : qu'est-ce qu'Ary avait bien pu comprendre ? À ce niveau, la réflexion devient plus délicate. Ne s'appuyer et ne tenir pour certain qu'un élément réellement prononcé. Le reste ne constitue qu'un ensemble de supposition, jusqu'à vérification. Alors… Retour sur les paroles… Ok. Bon. C'est vrai que Malya ne connaissait Ary. Elle connaissait un prénom, une activité spontanée - regarder les fourmis - et une habitude. Était-ce ce que la jeune fille signifiait par ces paroles ? Paroles dont il faut surtout retenir qu'elles avaient été prononcées sur le ton de la défensive, pas loin de la contre-attaque. Dans la réponse, il faudrait montrer que l'intention de Malya n'était pas…
Eh ! À propos de réponse, il faudrait peut-être penser à parler, là. Parce que c'était intéressant, les analyses, mais passer pour une folle coincée dans sa tête, ce n'était pas vraiment top non plus.
Bon, on répond quoi du coup ?
Stop, pas de panique. Ça ne peut qu'envenimer - réellement cette fois - la situation.

- Non, je ne suis pas comme toi. Nous sommes chacune nous-mêmes, juste nous. Personne ne prétend être comme toi ; personne ne prétend être comme moi. Heureusement, d'ailleurs. Que serait un monde où nous sommes tous pareils ? Il ne manquerait plus que ça, tiens. Avant, il y a mille ans, je voulais être comme les autres. Quelle bêtise de ma part. Ça ne m'a attiré que davantage d'ennuis ; pourtant, Merlin sait que j'en avais déjà assez… Depuis, j'ai compris. J'ai compris que nous étions tous pareils, peut-être, comme on dit dans les livres, mais surtout tous différents. Heureusement.

Oui, heureusement.