La bonne humeur était encore une fois de mise en cette belle journée printanière. Comme à son habitude, Elowen sortit du chateau emmitouflée dans toutes les écharpes qu'elle avait pu trouver et piquer au sein de son dortoir. La fillette était du genre frileuse et attrapait facilement un gros rhume. Or, elle savait que l'infirmier avait d'autres chats à fouetter en ce moment, notamment avec l'accident de Matthew Maguire, qui serait d'ailleurs bientôt renvoyé chez lui. Il avait beau être très sympathique et ne jamais l'envoyer promener, elle avait compris le message qu'il tentait de lui faire passer, c'est pourquoi elle se protégeait, pour l'épargner un peu.

Elle avait eu la joie de découvrir des oeufs sur les tables de la Grande Salle ce matin là, et, gloutonne au possible, elle en avait rempli ses poches pour les déguster dans la journée. Elle se retrouvait à présent planquée derrière un gros rocher au beau milieu du parc vide à se goinfrer de délices chocolatés. Vu son habilité et sa propreté légendaire, elle s'en était mis plein les babines et riait de bon coeur en constatant le désastre.

Un peu plus loin, elle entendit un peu de bruit, comme une respiration forte, et fronça les sourcils. Elle était persuadée d'être seule, qui osait donc venir troubler sa tranquillité ? Qu'à cela ne tienne, tout sourire, une idée germa dans sa tête.

Elle courait, comme d'habitude. Encore. Toujours.
Elle n'en pouvait plus, ça se voyait à ses joues rouges et sa respiration haletante. Mais elle continuait. Elle n'abandonnait pas, jamais.
Elle avait vu les œufs en chocolat le matin-même dans la Grande Salle, mais n'y avait pas touché. Elle en avait déduit que Pâques arrivait à grands pas, mais l'envie de chocolat n'était pas là pour une fois. Elle n'avait presque rien mangé, avait le ventre vide, mais elle ignorait les supplices de son estomac.
Bien qu'on était au mois d'Avril, la chaleur arrivait petit à petit, et Eileen mettait beaucoup moins de temps à avoir des gouttes de transpiration sur le visage qu'avant. Mais elle avait l'habitude. Ca avait toujours était comme ça, à Londres. Avant...
Elle chassa cette pensée de son esprit. Ne pas penser à sa vie d'avant, elle s'était promis de ne plus le faire, et elle comptait bien tenir cette petite promesse intérieure.
Elle s'arrêta et s'appuya contre un arbre puis ferma les yeux, laissant l'obscurité l'envahir. Elle ne savait pas si elle était toute seule, mais elle ne chercha pas à savoir. Et même si son envie d'être seule, loin de tout, la submergeait, elle ne pesta pas contre les élèves qui passaient près d'elle. Ils avaient le droit à après tout, elle n'avait pas à leur interdire cela.

@Elowen Livingstone

@Eileen Jones

Oui, une personne était bien en train de s'essouffler à courir non loin d'elle. Avant de mettre son plan à exécution, Elowen releva sa tête rousse pour la faire dépasser très légèrement du haut du rocher derrière lequel elle était cachée. Elle voulait vérifier l'identité de la personne pour ne pas se faire trop réprimander si les choses venaient à tourner mal.

Elle aperçut à moins de deux mètres d'elle une de ses meilleures copines, quelle chance ! Eileen était collée à un arbre, et Elo crut la voir pleurer. elle savait très bien comment fonctionnait son amie, et imaginait qu'elle avait besoin de rester seule en ce moment compliqué de sa vie, mais la petite, bien trop stupide et immature, chassa ce détail de son esprit pour se vouer à son activité préférée : le jeu. Elle faisait des farces en permanence, oubliant trop vite la sensibilité personnelle des gens, et elle faisait toujours cela sans la moindre trace de tact.

Elle fixa la rouquine quelques secondes, et après ce petit temps de réflexion, tout s'enchaina très vite. Elle s'élança hors de sa cachette en rugissant tel une lionne, mit sa main potelée dans sa poche, attrapa la première douceur au chocolat et la lança droit dans l'oreille d'Eileen. Tout sourire, elle en attrapa une deuxième qu'elle croqua un peu avant de la lancer sur le bas de la robe de sorcière de son amie, y laissant une grosse trace marron pas réellement élégante.

Les yeux toujours clos, elle entendit un rugissement près d'elle. Elle rouvrit immédiatement les yeux et regarda autours d'elle, affolée, avant de se recevoir du chocolat sur la joue. Elle fronça les sourcils, plissa les yeux en essuyant avec sa manche le chocolat qui s'était étalé sur sa joue. Qui osait troubler son envie d'être seule ? Qui avait l'audace de faire cela ?
Elle se concentra sur la forme qui bougeait à quelques mètres, avant de reconnaitre Elowen, une fille de Serdaigle qu'elle aimait bien. Un sourire se dessina sur ses lèvres et elle se baissa pour prendre de la terre dans sa main et la jeter sur la rousse. A défaut d'avoir du chocolat, on faisait avec ce qui était à notre portée.
Elle se remit à courir, mais plus relâchée cette fois-ci, et se dirigeant vers la rousse.

- Elowen !

Elle arriva en trombe sur la fille, et encourant, avait étalé le chocolat qui s'était épanoui sur sa joue dans sa main. Elle se jeta sur la fille en étalant du chocolat sur la joue de l'autre. Elle était toujours autant à bout de souffle, mais n'avait pas envie de sombrer, de déprimer à nouveau, de pleure encore et encore, comme elle le faisait si souvent. Elle avait envie de s'amuser pour une fois. Et puis comme on disait : après l'effort, le réconfort ! Et le réconfort d'Eileen, c'était de s'amuser avec son amie, de ne pas chialer pour des trucs idiots.
Elle étala encore plus en riant le chocolat sur la joue de son amie.

@Eileen Jones

Ni une, ni deux, Elowen se retrouva à courir comme une folle possédée en riant d'un rire très peu gracieux au milieu du parc. La petite passait un moment fort agréable, entourée de son amie qui lui courait après et de l'odeur des fleurs de début de printemps. Très sensible à la nature, ces odeurs avaient manqué à la rousse.

Eileen la rattrapa bien vite. Il faut avouer qu'elle était bien plus sportive qu'Elo, qui passait ses journées à se prélasser telle une larve. Cette dernière se retrouva d'ailleurs bien vite avec une grosse trace de chocolat au milieu du visage ce qui la fit exploser de rire. Sans plus pouvoir se contenir, Elowen s'effondra dans l'herbe encore recouverte de rosée matinale et laissa éclater ses gloussements disgracieux.

-Tu devrais voir ta tête - parvint-elle à articuler entre deux hoquets de rire.

Et c'était reparti. La situation n'avait pourtant rien de si comique, mais, très tendue, Elowen avait craqué bien facilement et avait décidé de ne plus se contrôler, d'entièrement se laisser aller. Le visage barbouillé de chocolat, elle commença à se lécher les babines, remerciant en silence les elfes des cuisines et leur travail exceptionnel. Cependant, cela ne la sustenta pas assez à son goût, c'est pourquoi elle sortit de sa poche les cinq oeufs à moitié fondus qu'il lui restait.

-Attrape !

Elle en lança un en direction de sa camarade, mais, ne sachant pas viser, le petit oeuf atterrit à deux mètres d'elle, dans un terrier abandonné de lapin.

Elowen se laissa tomber par terre, Eileen fit de même. Elle se laissa retomber mollement au sol, riant aux éclats. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas autant rit, et ça lui faisait du bien. Même si elle était épuisée et essoufflé, cela faisait du bien de décompresser, de se laisser vivre.
Entre deux éclats de rire, l'autre se moqua gentiment d'elle. Eileen rit de plus belle. Non, elle ne pouvait pas voir sa tête, mais elle pouvait très bien voir celle d'Elowen ! Et toutes les deux devaient être aussi sales l'une que l'autre.
L'autre se calma, mais Eileen non. Elle se laissa tomber en arrière, se retrouvant allongée sur le dos, sur l'herbe encore humide.

- T'as... T'as qu'à voir la tienne aussi !

Elle éclata de nouveau de rire, se repliant sur elle-même en se tenant le ventre à deux mains. Elle entendit l'autre lui lancer quelque chose qui atterrit un peu plus loin, mais elle était trop occupée à calmer son fou rire pur y prêter attention.
Elle se força à inspirer longuement, en fermant les yeux pour ne plus voir ce qui l'entourait. Il suffisait qu'elle regarde l'autre Serdaigle pour qu'elle se remette à éclater de rire, mais elle avait déjà trop mal pour ça.
Une fois calmée, elle se replaça sur le dos et regarda l'autre fille, qui mangeait du chocolat. Bizarrement, elle n'en avait pas envie, elle n'avait pas envie de manger ça.

@Eileen Jones

Elowen était calmée et avait commencé à manger ses quelques oeufs en chocolat restants. Eileen, de son côté, était toujours aussi hilare. Une fois apaisée, elle s'était allongée sur le dos, et Elowen avait plongé ses yeux dans les siens, dans ses beaux yeux verts émeraude.

-On est folles...

Elle avait murmuré ces mots très doucement, avec un petit sourire, avant de détourner les yeux et de contempler l'étendue verte qui s'étalait jusqu'à perte de vue autour d'elles.

Un ange passa.

-Tu veux un chocolat ?

Elle en avait encore plein la bouche, et son visage était toujours autant barbouillé. Elle comptait rester comme cela encore un petit moment, les moments de joie se faisaient rares de son côté. Depuis Will. Non, il ne fallait pas qu'elle y songe maintenant. Il fallait qu'elle reste positive, qu'elle regarde de l'avant. Et toutes ces émotions qui l'assaillaient en permanence. Sombrer, relever la tête, voir l'obscurité. Replonger. Ce cycle infini, continu, perpétuel... Eileen n'allait pas bien non plus en ce moment, et cela faisait un petit moment que les deux fillettes n'avaient pas partagé de moments de complicité comme celui-ci. Il était d'autant plus apprécié par Elo. Il faudrait qu'elle songe à le noter pour s'en souvenir en cas de coup dur. Cette étrange habitude, elle la tenait depuis... Will. Encore lui. Deirdre, sa soeur ainée, toujours si sage, lui avait conseillé d'annoter les petites joies du quotidien, et de les relire quand elle était au plus bas.

Déprimer, à nouveau.

-Je dois... Je dois partir Eileen, ça m'a fait chaud au coeur, merci crevette.

Elle se releva précipitamment et partit en courant, tout en criant au vent ces derniers mots, quant un sentiment de culpabilité l'assaillit. Elle était une amie indigne. Une personne indigne. Elle se retourna.

-Et Joyeuses Pâques ! Si t'as faim t'as toujours l'oeuf tombé dans le terrier ?

Elowen méritait d'être seule.

Elowen partit en courant, laissant Eileen seule recroquevillée sur l'herbe. Eileen ne comprenait pas. Pourquoi la laissait-elle seule ? Après avoir passé un si bon moment... Elle avait changé les idées de la première année, elle l'avait fait rire aux éclats, alors pourquoi partir comme ça ?
Une colère sombre monta en elle. Comment Elowen avait pu lui faire ça ? Comme avait-elle pu l'abandonner alors qu'elle commençait tout juste à aller mieux ? Grace à elle...
*J'la déteste*
Elle l'avait abandonnée, délaissée. Elle avait laissé Eileen seule, allongée sur l'herber, recroquevillée sur elle-même. *Pourquoi ?*

Eileen se leva, fixant la silhouette d'Elowen d'un œil noir. Comment osait-elle lui faire ça ? Qu'elle amie ferait ça ? Qu'elle amie était-elle, au final, Elowen ?
Eileen se dirigea vers l'école. Une parler argentée coula sur sa joue. Une larme de colère. Une larme de Fureur. Elle sera les poings, créant des croissants de lune sur ses paumes avec ses ongles. Elle se mordit la lèvre, jusqu'à en saigner.
Elle remonta le parc, gravit les marches, arpenta les couloirs jusqu'à son dortoir. Si Elowen y était, ça n'allait pas être calme. Eileen était bien décidée à lui faire comprendre que ça la blessait. Pourquoi l'avait-elle laissé seule, en partant comme une voleuse avec une œuf en chocolat dans un terrier à lapins ?
Son visage se contracta. Ca n'allait pas se passer comme ça, Elowen l'avait trop blessée pour qu'elle reste sans rien faire.