Cette chasse aux œufs ne commençait vraiment pas bien. Je ne cherchais pas depuis bien longtemps mais je commençais déjà à m’ennuyer. Isolé, je prenais le temps d’observer chaque recoin espérant trouver la perle rare. Au fond il n’y avait que de la chance dans ce jeu. Il suffisait d’être au bon endroit au bon moment à condition d’avoir des yeux bien-sûr; mais ça c’était le cas pour tout le monde ici. Alors je continuais ma marche solitaire. Regardant tantôt en haut, tantôt en bas. Les elfes avaient beau être tout petit ils auraient tout de même pu cacher des chocolats en haut des arbres. Il n’y avait plus de limite avec cette « magie » puisque l’on pouvait faire plein de trucs impossibles. Oh bien sûr, je haïssais l’admettre mais c’était malheureusement bel et bien le cas. Depuis que j’étais dans cette école, de nouvelles surprises que je refusais catégoriquement de voir s’offraient chaque jour à mes yeux. Après tout, la magie était un truc incroyable et je pourrais pas l’ignorer indéfiniment. Enfin, là n’était pas le sujet. Pour une fois que l’on nous proposait une activité dédiée aux humains et non aux fous je ne pouvais pas me plaindre.

Même si on s’y sentait un peu moins bien qu’avant à cause des diverses éléments extérieurs, j’aimais bien le Parc. C’était même mon endroit préféré du château puisqu’il avait le pouvoir de me rendre un soupçon de liberté et c’était là où je pouvais toujours rattraper quelques-unes de mes nombreuses heures de sommeil perdues pendant la nuit. Songeant à divers moments agréables, je n’avais pas remarqué cette silhouette devant moi jusqu’à ce qu’elle me marche sur les pieds.

« - Rooh, les gens ne savaient même pas faire attention. » marmonnai-je nerveusement avant d’entendre les excuses de la jeune fille.

Sa voix me disait vaguement quelque chose, et l’écusson cousu sur son uniforme venait confirmer mes dires : elle était bel et bien chez Serpentard. Oh son prénom ? Inutile de me le demander. Je ne faisais jamais l’effort de les retenir. Vous savez la mémoire-prénom s’abime lorsque les seuls qu’on se doit de connaître appartiennent à des gens qui nous ont fait du mal.

« - Oui oui ça va t’inquiète. » bougonnas-tu sans grande conviction. « T’as trouvé des trucs ? J’hésitais à aller dormir près de cet arbre mais bon si tu veux bien m’aider j’arriverai peut-être à trouver des chocogrenouilles. » repris-tu calmement en continuant à marcher.

Ses excuses avaient beau être sincères, je n’allais pas pour autant lui courir dans les bras. Je crois que les gens n’avaient pas bien compris : lorsqu’on fait une bêtise, ou qu’en l’occurrence on dérange quelqu’un, ce n’est pas en répétant dix-huit fois le mot « pardon » que le temps va subitement revenir en arrière pour effacer ce qui ne va pas. Ah et je vous vois venir avec votre politesse à la noix, mais j’ignore à quoi elle sert réellement alors j’ai préféré faire une croix dessus depuis tout petit. C’était bien plus simple ainsi.

« - Rooh pitié, pas la peine de t’excuser trois fois j’ai compris. » l’arrêtai-je d’un geste de la main lorsqu’elle se perdait de nouveau dans des excuses qui n’avaient aucun sens.

Je n’étais pas fâché contre elle, loin de là. Au fond les petites maladresses de ce genre faisaient partie de notre quotidien. J’étais davantage énervée contre les gens en général mais comme d’habitude je fis mine de mettre mes émotions de côté tout au fond du néant là où elles étaient toutes cachées. Pas besoin de vous faire un dessin de l’immense montagne qu’étaient mes émotions, elle se lisait parfaitement dans mon regard puisque je n’arrivais pas encore très bien à toutes les dissimuler.

J’ignorais depuis combien de temps elle était là mais lorsqu’elle m’exposa sa petite récolte, je ne pus m’empêcher de douter de moi. Je ne devais vraiment pas être doué pour avoir déniché aucun chocolat depuis le début. En réalité, notre duo s’avérait bien plus profitable pour moi que pour elle. Peut-être pourrais-je enfin trouver des chocogrenouilles ?

« - Ouais. Ce serait terriblement embêtant. Je n’aime pas le chocolat, mais j’espère pouvoir tirer quelques galions des potentielles chocogrenouilles que je pourrais trouver si tu vois ce que je veux dire. Ah et je veux bien faire des petits échanges à la fin du coup. » lui dis-je pour répondre à sa question avant de réaliser qu’elle allait réellement me prendre pour un fou.

Nerveux, je m’arrachai un cil du côté gauche de l’œil avant de poursuivre la conversation. Décidement elle ne perdait pas de temps, elle venait de trouver un autre œuf. À mon tour je levai la tête afin de vérifier si ce qu’elle disait était vrai. On n’est jamais trop méfiant avec des inconnus.

« - Oh non j’y vais, on gagnera du temps. » lui dis-je tout en la relookant d’un regard hautain.

Oh non je ne voulais pas la dénigrer mais il fallait être honnête, elle était bien moins grande que moi et je parviendrai bien plus facilement qu’elle à me hisser sur cet arbre. Depuis cette année, pour tromper l’ennui et la violence que j’essayais de rejeter, j’étais devenu - au détriment de la danse - une sorte d’acrobate. Il suffisait de bien chercher et on finissait par trouver plein d’endroits où grimper. Cette Prison était un véritable terrain de jeu. Je m’avançais alors vers l’arbre qu’elle venait de me montrer avant de remarquer qu’elle se dandinait telle un vulgaire pingouin tout en me regardant.

« - Qu’est-ce que t’as à gesticuler comme ça ? » lui fis-je remarquer avec un petit sourire moqueur. « Rooh allez viens voir avec moi. » poursuivis-je tout en lui tendant une main hésitante que je retirai aussitôt regrettant subitement mon geste.

Sérieux, j’ignorais tout d’elle alors il ne fallait pas non plus se montrer trop gentil. Bon, j’étais terriblement gêné je dois bien l’avouer et j’espérais grandement qu’elle n’avait pas prêté attention à mon petit geste. Faisant mine de tout ignorer parce que c’était plus simple, je commençai à grimper le plus vite possible à l’arbre sans me retourner une seule fois vers la fille comme si ma vie en dépendait. J’avais même oublié de prendre l’œuf, j’étais monté trop haut je crois. Tant pis, elle s’en chargera.

Hausser les épaules, hausser le sourcil puis de nouveau hausser les épaules, c’était donc ça ses mimiques favorites ? En y réfléchissant, elles n’étaient pas si terribles. Au moins elle avait le mérite d’être moins maniérée que certaines filles qui passaient leur temps à faire de grands gestes de la main tout en touchant frénétiquement leurs cheveux comme s’ils allaient s’envoler. Au fond, bien que pas très maligne, elle était même plutôt sympathique, puisqu’elle voulait bien m’échanger ses chocogrenouilles. Décidément, elle ne tirait aucun profit de notre petit duo de chasseurs mais je n’allais pas m’en plaindre.

« - Cool. Boarf on verra ça à la fin. »

Dans un second temps, je pus remarquer qu’elle semblait aussi gênée que moi face à cette situation si ce n’est davantage puisqu’elle ne parvenait même plus à le cacher. Lorsque je lui répondais, elle rougissait souvent et détournait précipitamment son regard même si je voyais bien qu’elle m’épiait discrètement du coin de l’œil. Je n’étais pas dupe mais j’avais du mal à comprendre son comportement et ce n’était pas la seule à agir comme ça. Je ne pensais pas être si intimidant que ça mais comme quoi, il fallait croire que je ne me connaissais pas bien et cela s’avérait plutôt perturbant. Elle avait d’abord bégayé – à croire qu’en quelques minutes un cheveu lui était poussé sur la langue – avant de me suivre vers l’arbre un petit sourire aux lèvres. Ensuite, je lui avais stupidement tendu la main et j’étais gêné à mon tour. Faisant tout pour qu’elle ne remarque rien, j’avais tout simplement arrêté de la regarder et j’était monté très haut, très haut dans l’arbre sans même penser à prendre le chocolat. Ainsi, je me sentis encore un peu plus stupide lorsqu’elle m’exposa fièrement son butin. Trois chocogrenouilles et un lapin, je devais bien admettre qu’elle était douée !

« - Bah non rien, j’ai fait exprès de tout te laisser tellement je suis gentil. » lui répondis-je fièrement. Elle arrivait bien mieux que moi à trouver des chocolats cela ne faisait aucun doute, mais l’admettre ne serait pas amusant.

« - Tiens, tu descends déjà ? Dommage, y’a une belle vue sur tout le parc là-haut » lui dis-je fièrement tandis que je me mettais debout sur une branche.

« - Ouh ouh par ici ! » m’exclamais-je amusé lorsque j’aperçus deux yeux verts qui semblaient chercher quelque chose au milieu des feuilles. « Attends, j’ai une idée. Je peux rester ici un peu et te dire où sont les chocolats. » rétorquais-je lorsqu’elle me proposa de continuer notre recherche.

Sincèrement, j’aurais bien aimé continuer à fouiller un peu le parc mais j’étais bien trop gêné pour redescendre maintenant. De là-haut elle ne pouvait pas vraiment me voir et je risquais moins de me ridiculiser puisqu’il n’y aura désormais plus de concurrence pour savoir qui trouve le meilleur butin.

« - Continue tout droit et derrière le buisson là-bas à côté du petit arbuste y’a un truc je crois. » poursuis-je en commençant immédiatement à prendre les directives afin qu’elle ne puisse pas se rendre compte de mon petit stratagème.

Ma coéquipière était très vive et même parfois un peu trop enthousiaste si bien que je me demandais si son comportement n’était pas surjoué. Mais au fond, je ne pouvais pas lui en vouloir d’avoir gardé son âme d’enfant et puis elle était amusante à regarder. On ne croisait pas tous les jours de gens aussi joyeux à Poudlard. Je crois même que c’est la personne la plus chaleureuse avec qui j’ai eu l’occasion de discuter depuis mon arrivée à Poudlard. Cela pouvait paraître déroutant au départ certes, mais on se laissait facilement prendre au jeu. Elle dégageait une certaine innocence ou insouciance que je ne saurais pas vraiment décrire mais sa présence avait le pouvoir étrange de me faire oublier mes autres soucis. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’une chasse aux œufs pouvait être quelque chose d’amusant.

Nouvelle surprise pour moi, elle n’a pas rouspété pas lorsque je lui ai proposé mon idée et semblait même la trouver plus que géniale. Ainsi nous étions tous les deux satisfaits. Moi, je pouvais rester tranquillement sur ma branche tandis qu’elle pouvait aller chercher du chocolat sans même avoir besoin de se salir les mains inutilement. Cela ne fait aucun doute, nous étions binôme le plus futé de ce cache-cache géant ! Concentrée et rapide comme elle était, c’était souvent moi qui peinais à trouver de nouvelles cachettes. Certes j’étais suffisamment haut pour avoir une vue d’ensemble, mais remarquer les petits détails s’avérait être une tâche bien plus compliquée que ce à quoi je m’attendais. Finalement, après deux ou trois nouvelles cachettes les poches de la Serpentard semblaient être pleines à craquer et nous fûmes résignés à nous stopper dans nos recherches. Il faut dire que, comme beaucoup d’élèves nous avions commencé à chercher les friandises depuis déjà un bon bout de temps et celles-ci avaient déjà presque toutes trouvé un heureux propriétaire. Lorsqu’elle me fit signe de venir, je descendis rapidement de mon observatoire avant d’aller la rejoindre dans l’herbe. La pauvre semblait être assez fatiguée et je m’en voulais un peu de ne l’avoir pas aidé davantage. Mais bon, elle n’avait cas me dire si ma stratégie ne lui convenait pas alors j’ai feint de ne pas remarquer ses bâillements.

Le partage du butin. Le moment que j’attendais le plus depuis le début. Toujours silencieux j’observais les papiers dorés briller au soleil avant d’enfin oser prendre la parole.

« - Oh bah faut croire qu’on est plutôt doués ! » lui répondis-je d’un ton enjoué qui me surpris moi-même. Comme quoi, sa bonne humeur était contagieuse.

« - Euh bah, tu peux prendre tous les chocolats puisque je n’aime pas ça. Après pour les chocogrenouilles tu penses que je peux revendre juste les cartes ou bien il faut le chocolat avec ? » la questionnai-je désireux de vouloir tirer le meilleur prix de ces friandises. Enfin en prenant quelques chocolats, je lui évitais surtout un passage à l’infirmerie. Si elle mangeait vraiment tout ça, elle risquerait de faire une indigestion mais après tout ce n’était pas mon problème.

« - C’est étrange dit comme ça, mais tu me fais trop rire. C’est juste que c’est agréable de croiser quelqu’un de joyeux et positif ici… C’est naturel chez toi ? Tu trouves ça vraiment cool comme école ? » lui dis-je en lui rendant son sourire avant de baisser la tête tout en arrachant nerveusement des touffes d’herbes.

Encore une fois j’avais posé ma question sans vraiment réfléchir. Je n’arrivais pas à m’en empêcher. J’avais beau ne pas être très expressif et rester neutre dans la majorité des situations, dès que quelque chose m’intriguait chez quelqu’un, j’étais obligé de le lui faire savoir directement. Mais malheureusement, c’était souvent loin d’être la meilleure chose à faire.