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22 oct. 2020, 13:41
Petits cailloux  OS 
OS de construction familiale
Reducio
PNJ validé
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Nils Bennet
Cousin d'Adaline
Première année à Poufsouffle

Le jeudi 4 mai 2045
Après les cours
Exactement sous le lapacho



Le vent souffle dans les branches du lapacho qui commencent à se couvrir de ses fleurs caractéristiques : des cloches roses. S'il est facile de faire frémir ses feuilles avec deux petits mots, le vent silencieux le fait très bien. C'est autant cela que l'arbre lui-même qui confèrent à l'endroit tout son charme. Un timide soleil se glisse entre les feuilles pour toucher le visage de celui qui est assis là. Une robe de sorcier aux discrètes touches de jaune sur le dos, il est assis juste au pied de l'arbre – qui renaît en cette période, les jambes étendues et sur celles-ci un chat.

Il y a de ça quelques instants, ce chat était aux pieds de sa maîtresse qui s'avance présentement près du garçon. Sur le visage de l'enfant, on peut lire son indécision.

L'animal au pelage blanc a grimpé sur les jambes du garçon et se fait les griffes sur la robe noire qui recouvre jusqu'à ses chevilles. Dans ses mains, le livre que celui-ci tenait au niveau de son visage est posé par terre, appuyé à une racine du lapacho en laissant donc sa couverture briller sous la faible lumière. Ce même soleil passe aussi sur le poil du chat qui porte le nom de son opposé.

Le garçon est un jeune sorcier fort doué, qui ne prête que peu d'attention aux autres et c'est sur tout son corps qu'on peut le lire. Lorsqu'il n'est pas assis en cours, le dos droit et le visage ouvert, son attitude est toute en nonchalance. Ses mains, si elles ne soutiennent pas un livre, sont pendues le long de ses bras ballants. Ses expressions sont lasses la plupart du temps. Pourtant, en laissant son regard glisser sur le chaton : un sourire illumine son visage. C'est sûrement le calme de l'animal qui plaît au garçon. Et puis, c'est un chat qu'il connaît : il a partagé son hameau pendant un été au moins. Durant lequel on a souvent pu le voir en sa compagnie, le chat ronronnant lové sur ses jambes. D'ailleurs, alors qu'il se met à peine à caresser l'animal, celui-ci se ronronne instantanément.

Quant à la fille, elle fait les quelques pas qui la rapprochent de ce garçon avant de s'arrêter devant lui. Son regard est fuyant et quasi dissimulé sous les deux parties de sa mèche négligemment passées derrière ses oreilles. Il est sombre, ce regard, pourtant rien d'autre n'indique son hostilité. Ses cheveux jais, rassemblés en une queue de cheveux basse, subissent le vent.

Sans lever les yeux sur elle,

« Salut, » brise le silence.

Et ces mots poussent le regard de l'enfant à se poser sur le visage de son cousin, inhabituellement animé d'une sorte de joie. Le moment est aérien.

Les deux enfants ont rarement échangé, si bien qu'ils se connaissent à peine. Ils se reconnaissent dans les couloirs ou à la bibliothèque, sans rien se dire. Pourtant, chez la fillette est récemment née l'envie de parler avec ce garçon. Alors petit à petit, et surtout depuis ces vacances d'avril au château, les regards se sont croisés et plusieurs fois le même échange :

« Ça va ?
Je vais bien. Et toi ?
Ça va. »

Ce sont exactement les mots qui sont prononcés maintenant, sous les fleurs roses du lapacho qui apparaissent progressivement. Certaines naissent en ce moment même, et décorent les branches de l'arbre toujours secoué par le vent.

Si c'est un échange ô combien simple, qui n'a l'air de rien vouloir dire de plus, c'est quelque chose d'autre pour ces deux-là. Eux qui n'ont pas communiqué depuis des années malgré tout ce qu'ils partagent : la même éducation, le même hameau jusqu'à cet hiver, le même entourage et des racines fort communes.
Ce sont peu de mots, mais ce sont depuis un mois des petits cailloux semés que la fillette laisse derrière elle.
Et progressivement, ce simple échange – qui était extraordinaire – devient normal.

Personne n'aurait pu imaginer que cet enfant finisse par montrer l'envie de connecter avec son cousin, parce qu'en elle reposait une animosité induite par leur enfance. Il ne s'est rien passé qui le justifie réellement et c'est justement ce qui a fait naître ce genre de sentiment chez cette fillette. La peur de l'inconnu – elle ne l'avouera jamais mais c'est de cela qu'il s'agit – crée parfois l'hostilité.

Contrairement aux autres fois, l'enfant aux cheveux noirs ne fait pas demi-tour. Elle s'assied contre le tronc du lapacho, aux côtés du garçon à la tignasse désordonnée mais à l'apparence naturellement soignée, et se tourne vers lui. Elle le détaille un instant, il faut dire qu'elle ne l'a pas vu de si près depuis un moment. Son regard sombre s'éclaircit peu à peu, et ce sont probablement les ronronnements du chat, qui reçoit toujours des caresses, qui aident.

Et si ce chat ne connaissait pas le garçon, et n'avait pas ce rayonnement apaisant ?

« C'est comment à la Citadelle ? elle demande sans faire plus de détours.
Je ne sais pas ce que tu imagines, même si c'est un endroit différent de chez nous... C'est correct. »

Le ton du garçon est comme il l'est souvent et son vocabulaire est étoffé. Ses nombreuses lectures lui ont donné progressivement cet air sage. Bien qu'il ne soit qu'un enfant, son ton est étonnement soutenu.

La conversation continue quand la fillette demande « Comment va Owen ? » et qu'un éclair de curiosité s'allume dans ses yeux.
Si elle ne l'avait pas fait, la conversation se serait probablement terminée là et le silence aurait duré jusqu'à ce que l'un ou l'autre décide de s'en aller. C'est comme ça que les conversations vont avec ce garçon : il ne demande pas parce qu'il ne s'intéresse pas assez. Pourtant, et c'est à peine détectable, le garçon a l'air d'apprécier de parler avec sa cousine et donne à sa réponse un certain entrain. Il se met à parler de son jeune frère et si on peut imaginer que ces termes ne sont pas élogieux : il s'avère qu'il se montre très attaché à ce dernier. Elle, elle ne l'aurait pas soupçonné : elle ne les a vu que s'engueuler.

Sur les lèvres de l'un comme de l'autre, le sourire prend place de plus en plus confortablement à mesure que la conversation évolue. Même les ronronnements du chat qui se sont tu ne parviennent pas à l'arrêter.

Le vent siffle et emporte leurs mots avec lui.

Ils parlent longtemps, tellement que le chat s'endort.

Ce sont les rires qui s'élèvent qui réveillent l'animal en faisant frémir ses oreilles. Les babines du chat s'étendent comme pour sourire alors qu'il se redresse doucement. D'un petit bond, il retourne sur le sol et s'étire. Bientôt, la conversation ne l'intéresse plus et son nez se met à renifler autour de lui.

« Je vais aller manger. »

Déclare la fillette en se redressant à son tour pour se remettre debout. Elle s'étire un peu à la manière du chat et la conversation comme les sourires s'évaporent – mais ils restent dans les cœurs.

« D'accord, à plus tard. »

Et cela s'arrête là pour aujourd'hui.

Mais il ne fait aucun doute que la relation de ces deux-là ne fait que commencer à s'épanouir.

Fin.

Magic Always Has a Price
6ème année