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08 févr. 2014, 22:12
 05/2039  La nuit des étincelles
Une douleur aigüe, lancinante, irritante... Erin, les yeux fermés durant quelques courtes secondes, tenta de se remémorer ce qu'il venait de se passer. Elle avait vu, dans les yeux d'Harald, qu'il reprenait ses esprits et avait agi instinctivement en lançant son sort. Mais si elle s'était attendue à le voir chuter d'un étage, elle ne s'était pas attendue à subir le même sort. Elle leva les yeux au dessus d'elle et vit les dégâts qu'elle venait de faire. Un trou béant, à la place du plafond, laissait entrevoir le peu qu'il restait du bureau du Directeur. Elle se redressa et vit les débris tout autour d'elle avant de réaliser qu'elle n'avait plus sa baguette. L'instant de panique qui s'ensuivit lui fit perdre un moment le sens des réalités, le temps qu'elle se ressaisisse et prenne toute la mesure de la situation. Elle inspira, s'exhorta au calme et se releva. Elle avait l'épaule déboitée, ce qui expliquait la douleur entêtante qu'elle sentait mais elle n'avait guère le loisir, en cette seconde, de s’appesantir dessus. Elle devait agir avec méthode : d'abord repérer son adversaire et son état. Ensuite, s'inquiéter de son supérieur et enfin voir si elle pouvait remettre la main sur sa baguette. Elle pourrait alors aviser !

La poussière des gravats n'aidait pas et Erin toussota, asphyxiée. Les yeux la picotant, elle finit par voir, sur sa droite, l'Auror étendu et visiblement mal en point. Il respirait cependant mais il était difficile de savoir s'il était encore en état de nuire. La jeune femme allait s'approcher précautionneusement de lui lorsqu'elle entendit un grognement devant elle. Horrifiée, elle découvrit alors Arseni, en piteux état. Dans un élan d'angoisse, elle chercha frénétiquement sa baguette et, ne la trouvant pas, s'agenouilla à côté de son supérieur. Dans un faible murmure, elle prononça alors à son oreille :


"Arseni, je suis sincèrement désolée. Ne bougez pas, je vais vous sortir de là !"


Il était illusoire d'espérer déplacer seule la dalle qui aplatissait le bras du Directeur. Démunie sans sa baguette, Erin ressentit, pour la première fois depuis le début du combat, la peur. Elle n'était pas encore paralysante mais elle la sentait évoluer dans ses tripes. Aussi, en désespoir de cause, elle appela au secours l'elfe de maison qui s'occupait régulièrement de son bureau.

"Grimley, j'ai besoin de toi et de dictame !"

Espérant que son appel serait entendu, la potionniste resta au chevet de son supérieur, guettant du coin de l'oeil le moindre mouvement que pourrait faire leur adversaire.

Décédée
14 févr. 2014, 12:19
 05/2039  La nuit des étincelles
Reducio


ARSENI STOYANOV


La douleur imprimait chaque centimètre de son corps ; lui étrécissait la vue, lui révulsait l'estomac, jusqu'à comprimer violemment sa cervelle déjà trop pleine. Que n'eut-il gagné à mourir ici et maintenant, sans gloire et sans larmes, au lieu de crépiter de l'intérieur, lentement, trop lentement à son goût, rongé par un mal si profond qu'il vous en faisait détester la moindre parcelle de votre propre peau. Au moins aurait-il gagné sa liberté. Une liberté éternelle.

Au lieu de quoi, il devenait chaque instant un peu plus prisonnier de ce corps étendu sur les ruines de son bureau. Un corps devenu trop lourd à porter. Un corps brisé par une magie qu'il avait embrassé par amour des siens. Longtemps, Arseni avait espéré mourir le premier, laissant à sa fratrie le soin de le pleurer, mais il comprenait maintenant que la vie lui avait réservé une toute autre destinée. Un frère et une soeur lui avaient déjà été arrachés d'une bien cruelle manière, et par deux fois coupable Arseni leur avait survécu. Un bien triste sort qu'il n'avait jamais eu le courage d'écourter de sa propre main.

La magie noire possédait cet attrait terrible qui contraignait ses utilisateurs à devoir payer leur dette avant de s'entretenir avec la mort.

Arseni grogna en tentant de bouger. Tout un poids le retenait d'espérer meilleure fortune. Une masse colossale, digne d'une enclume de géant, lui clouait la totalité du flanc gauche contre les débris si peu confortables de son ancienne forteresse. Désespéré par cette faiblesse qui lui sied si peu au teint, il se débattit avec hargne et non moins de colère en serrant les dents si fort qu'il en oublia momentanément le goût acre de son propre sang, pourtant si persistant en bouche : en vain ; n'eut été la volonté d'y laisser les dernières gouttes de vitalité qui pouvaient lui rester.

Immobilisé par sa propre impuissance, Arseni ne ferma les yeux que pour mieux les rouvrir lorsque la voix d'Erin Grayce lui parvint aussi limpide et claire, aussi anxieuse et chaleureuse, que le soir où il avait consenti à lui révéler une partie de son histoire. Il en éprouva un grand soulagement, satisfait de l'imaginer en meilleur état que lui-même.

Le claquement sourd qui précéda l'apparition de l'elfe Grimley le laissa de marbre, en cela étouffé par les pulsations tonitruantes de son coeur. L'oeil humide, Arseni se contenta de soutenir tant bien que mal le regard noisetté de la sous-directrice sans réellement saisir la teneur de ses propos. Son esprit vagabond n'accordait plus d'importance qu'à la lueur qu'il croyait percevoir dans ces yeux. Eprouvait-elle de la tristesse à son égard ? de le peine ? ou pire encore de la pitié ? Il ne sut trancher cette question à temps.

Une partie de lui surpassa la douleur pour prendre conscience du poids de la baguette magique qu'il tenait encore dans sa main droite. Soudain, son champ de vision s’élargit comme soumis à l'effet d'un redoutable antidote. Son esprit s'illumina devant l'évidence... Son regard accrocha le bras ensanglanté de l'Auror au coeur du rideau de poussière et plus encore la baguette magique qu'il était vraisemblablement parvenu à pointer dans sa direction.

Le coeur d'Arseni cessa de battre. Le temps se suspendit à ses lèvres.


« Impero, s'entendit-il murmurer. »

La magie noire triompherait éternellement des imbéciles dans son genre.




HARALD McGEE


Après l'irrépressible douleur, un bonheur absolu, inconditionnel, s'empara de lui. Harald sourit, le coeur léger, libéré de toutes contraintes. De sa vie, il n'avait connu pareille joie, pareille sensation de liberté. Il oublia tout de ses mutilations, tout de ses plans machiavéliques, absolument tout, jusqu'à son nom propre. Une seule pensée s'imposa à lui, un seul souhait, clair comme de l'eau de roche, celui de profiter du bon air en volant de ses propres ailes, comme un oiseau.

Sachant déjà quoi faire, il rampa avec une joie non-dissimulée sur l'enchevêtrement de débris et ne s'arrêta que pour pointer sa baguette vers le mur incurvé et y ouvrir une belle brèche.

Le vent frais qui s'engouffra suite à l'explosion l'emplit d'amour pour le ciel étoilé qui se dessina ouvertement devant lui et pour le vide qui l'en séparait encore. Alors Harald rampa encore en riant gaiement. Il ne faisait plus aucun doute en son for intérieur qu'il allait réaliser son plus grand rêve : voler, voler de ses propres ailes.

Arrivé au rebord du monde matériel, Harald eut un dernier regard pour cet homme et cette femme, côte à côte, dans ce qui lui semblait être un bien malheureux instant. Harald eut un sourire compatissant pour eux, puis il se glissa dans le vide et vola... il vola pour la première et la dernière fois de son existence.
22 févr. 2014, 19:32
 05/2039  La nuit des étincelles
Crac, un bruit que jamais Erin n'aurait cru autant apprécié. Non plus que la vue de l'elfe de maison qu'elle côtoyait si souvent dans ses appartements. Elle se sentait tellement reconnaissante qu'il ait entendu son appel qu'en des circonstances moins angoissantes, elle l'aurait sûrement pris dans ses bras. A cela près qu'en d'autres circonstances, elle ne se serait pas sentie si redevable envers Grimley. Il tenait à sa main un flacon de dictame, pour le plus grand bonheur de la jeune femme. Elle tendit la main vers lui pour s'en emparer mais la suite des évènements ne se déroula pas comme elle l'entendait. Elle avait sur-estimé la criticité de l'état d'Harald. Ou plutôt, sous-estimé sa rage d'obtenir ce qu'il était venu chercher ! Et quand elle s'aperçut qu'il dirigeait sa baguette vers le directeur et elle-même, il était déjà bien trop tard. Et qu'aurait-elle pu faire alors qu'elle n'avait même pas sa baguette dans la main ? Elle pensa juste un instant qu'elle en avait plus que tout besoin et elle sentit sa fidèle camarade retrouver le chemin de sa main. Trop tard, bien trop tard ! Arseni, sentant le danger et malgré son état de très grande faiblesse, avait réagi au quart de tour.

"NOOOOOONNNNN !" - réussit-elle à hurler lorsqu'elle comprit ce qui se passait - le sortilège impardonnable, Harald poussé à se jeter du haut de la tour - alors qu'elle sentait une larme couler le long de sa joue. Tout ça était entièrement de sa faute et uniquement de la sienne. Si elle n'avait pas été si sûre d'elle, si elle avait réfléchi un peu plus avant de lancer son dernier sort, jamais tout cela ne serait advenu. Non pas qu'elle regrettait la mort de l'Auror mais bien la façon dont elle avait eu lieu. Arseni avait fait appel à un sortilège impardonnable et nul doute que le ministère en serait rapidement informé. Par sa faute, il était dans une très fâcheuse posture. Elle n'osait même plus le regarder dans les yeux tant elle sentait le poids de la culpabilité sur ses épaules. Il venait de lui sauver la vie en se sacrifiant. Comment pourrait-elle jamais rembourser une telle dette ?

"Arseni, je n'aurais jamais dû.... ". La boule qui lui oppressait la gorge l'empêcha de terminer sa phrase. Elle respira à fond et reprit : "Il nous faut trouver quoi dire au ministère."

Oui voilà, c'était ça ! Elle aurait tout le temps de lui présenter convenablement ses excuses et de trouver comment s'amender quand elle aurait trouvé le moyen de le sortir de ce mauvais pas. Voilà sur quoi elle devait se concentrer... tout était mieux que de sombrer dans la rongeante culpabilité qui lui serrait les entrailles. Déterminée, elle ouvrit donc le flacon de dictame et se mit en charge de recouvrir les plaies d'Arseni afin, déjà, qu'il se sente un peu mieux. Consciente de ne pas être au fait de ses réactions, elle trouva plus raisonnable de ne pas utiliser de suite sa baguette et se tourna alors vers Grimley :


"Merci pour tout, Grimley. Pourrais-tu m'aider encore une fois en dégageant le bras de notre directeur de cette lourde dalle ?"

Décédée
23 févr. 2014, 10:58
 05/2039  La nuit des étincelles
Les grands yeux noisette d'Arseni se couvrirent d'une fine pellicule de larmes luisantes à la disparition d'Harald McGee. Sa main droite se mit doucement à trembler en se crispant violemment sur sa baguette magique. L’extrémité de ses doigts vira au blanc sous la pression exercée ; ses ongles pratiquement plantés dans le bois. Son visage d'un habituel inexpressif se métamorphosa doucement, d'abord d'un creux au centre du front, de quelques plis au coin des yeux, puis de renflements au-dessus des courbures de la mâchoire. Toute sa crispation intérieure transparut sur son visage blanc ; blanc comme le visage d'un homme depuis longtemps anéanti par la maladie et le chagrin.

Soudain, son front s'affaissa pour l'aider à clore ses yeux. De petites perles d'eau salée glissèrent le long de ses cils noirs puis se perdirent dans les dunes blanches qui lui servaient de pommettes. Arseni relâcha aussitôt sa baguette et ne se soucia plus de son sort, préférant porter sa main grande ouverte sur son visage comme pour le cacher pudiquement.

Le fil dessiné par ses lèvres roses comprimées l'une contre l'autre demeura longtemps d'une immobilité quasi parfaite. Ce n'est qu'aux premiers gestes de secours d'Erin que sa bouche s'entrouvrit pour laisser s'échapper un filet de souffle chaud.

Visiblement incapable de parler au risque de trahir une émotion qu'il souhaitait conserver pour lui seul, Arseni saisit Erin par le bras. Les yeux toujours clos, son visage figé dans une expression de profonde tristesse, il lui communiqua par ce simple geste qu'elle ne devait pas se poser en grande coupable et rendre plus délicate encore la situation.

Mais manquant de vitalité, Arseni n'eut d'autre choix que celui de relâcher le bras de la sous-directrice. Il amena alors maladroitement sa main à fouiller sous sa chemise tâchée de son propre sang.


« Tenez... concéda-t-il enfin d'une voix étonnement calme et plus grave que celle que tout le monde lui connaissait. »

Il rouvrit ses yeux rapetissés et rougis et les dirigea vers la petite enveloppe cachetée qu'il trouva la force de plaquer contre le ventre d'Erin.

« Ne l'ouvrez pas tout de suite... attendez le bon moment... »

Comme si ces quelques mots lui avaient coûté un effort inhumain, Arseni referma ses yeux en soupirant faiblement. Laissant l'elfe de maison s'activer, il tourna son visage vers son épaule comme pour s'endormir après une journée difficile et particulièrement éreintante.

« Vous saurez... murmura-t-il faiblement. »

« Vous avez toujours su. »
04 mars 2014, 23:28
 05/2039  La nuit des étincelles
Tout à son désespoir de venir au plus vite en aide à son supérieur, Erin ne percevait que très peu de leur environnement. Et d'ailleurs, quelle importance maintenant que la menace d'Harald avait disparu ? Le temps semblait suspendu dans le silence oppressant de la tour. La jeune femme s'activait, appliquant généreusement les doses de dictame sur chacune des plaies apparentes. Certes, cela ne suffirait pas mais au moins, Arseni serait-il transportable et elle savait que Poppy était la reine des guérisons, même lorsqu'elles paraissaient impossibles. Pourtant, elle avait le cœur lourd d'une personne ayant perdu l'espoir, elle était rongée par l'inquiétude. Et c'est seulement quand elle sentit des doigts glacés enserrés son avant-bras qu'elle cessa de se torturer l'espace de quelques secondes. Un répit salutaire qui lui permit de reprendre son souffle et ainsi que le sens des réalités.

Elle posa son regard sur son "patient" : il avait posé l'une de ses mains sur son visage aussi ne pouvait-elle qu'imaginer la crispation de ses traits sous l'effet de la douleur. Il ne dit pas un mot et Erin dût se mordre la joue pour ne pas éclater en sanglots. Elle tremblait, elle s'en rendait compte de plus en plus. Elle, habituellement si maîtresse d'elle-même, avait perdu tout contrôle de ses réactions. Et voilà qu'elle avait à présent une enveloppe cachetée dans sa main gauche, qu'elle avait machinalement serrée quand Arseni l'avait posé contre elle. Comment pouvait-elle savoir le moment pour l'ouvrir ? Elle avait beau fouillé dans ses souvenirs et se remémorer les conversations qu'elle avait eu avec son supérieur, rien ne lui venait en tête. Pire que ça, la phrase sonnait un peu comme un glas, un peu comme si le mystérieux bulgare avait cédé à une coutume moldue en rédigeant son testament. Et ça, c'était simplement inacceptable.

Le salut vint une nouvelle fois de Grimley. L'elfe, ne se préoccupant guère de la scène qui se déroulait devant lui, avait fait appel à toute sa magie pour soulever la lourde dalle qui emprisonnait le bras de son employeur. Et non content de s'être acquitté de sa tâche, il avait fabriqué un brancard de fortune avec les débris éparpillés sur le sol. Le Directeur semblait inconscient et, quoiqu'il en soit extrêmement faible. Erin puisa dans toutes ses forces pour le glisser sur le brancard et, prenant sa baguette, elle le souleva d'un wingardium leviosa. Sans un regard, la jeune femme laissa le désastre qu'elle avait créé derrière elle et sortit à pas résolus. L'état d'Arseni nécessitait les soins de Ludmila Pomfresh et Erin était déterminée à ce qu'il les reçoivent au plus vite !


[FIN]

Décédée
05 mars 2014, 08:48
 05/2039  La nuit des étincelles
© MAGICLAND