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17 août 2018, 19:27
 RPG++  Le précepteur  Solo 
Sept années s’étaient passées depuis la naissance de Chioné. Elle était restée fille unique, ses parents n’ayant jamais réussi à avoir d’autre enfants. Pour autant ce ne les empêchait pas d’apprécier pleinement la lumineuse présence de leur fillette au quotidien. Ils la suivaient de près et lui avoir prodigué les fondements de son éducation, en Allemagne. Cependant elle ira certainement dans la plus grande école de sorcellerie de la région, Beauxbâtons. À cette fin elle devait être préparée, apprendre le français, et acquérir quelques connaissances d’ordre général sur le monde magique. C’est pourquoi ils avaient fait appel à un vieil ami de la famille, Aristide Dante. Azalée l’avait connu à l’école, et connaissait ses merveilleuses qualités de pédagogue, d’où sa parfaite confiance pour amener en douceur Chioné vers son entrée dans sa scolarité.

À cette occasion les trois Ajax avaient fait le déplacement jusqu’à Londres, où le magicien résidait depuis quelques années. Ils avaient prévu cette visite depuis déjà quelques semaines, devant en effet trouver un moyen de transport magique qui soit discret pour aller de l’Allemagne en Angleterre, et rapide. Les véhicules moldus n’étaient pas très fiables selon les sorciers, d’autant qu’ils étaient très gourmands en carburant assez coûteux. Il serait trop compliqué de s’en procurer, faire des changes avec leurs devises, d’autant qu’elles n’étaient pas la même en fonction des pays. En cela l’argent sorcier était bien pratique car le système des pièces à trois niveaux était universel.

Pour faire le trajet, ils avaient recherché les Portoloins à destination de l’Angleterre, il suffirait de transplaner non loin de la demeure de leur ami, qui avait protégé son espace pour vivre en sorcier sans être importuné par des voisins moldus, il avait ainsi tout un bloc dans un quartier qui lui appartenait, ce qui faisait de lui le détenteur d’une très grande propriété. Les trois magiciens arrivèrent devant le haut portail forgé dans un tourbillon enchanté.

La fillette était très jeune et il s’agissait de sa toute première expérience de voyage magique de cette ampleur. Ainsi il n’était pas impossible qu’elle souffre d’un petit vertige à l’arrivée, c’est pourquoi aussitôt ses parents la soutinrent, et lui demandèrent si elle n’avait pas de nausées. L’enfant ne parut pas avoir tant de mal à se remettre de ce trajet rapide et magique, et fit un sourire rassurant. Alles gut ! Ils se concentrèrent alors sur les portes, et la poussèrent, Aristide avait assuré qu’elles s’ouvriraient  puisqu’il était prévenu de leur visite. La petite famille accéda alors au jardin devant la propriété. Il était très élégant, et on voyait bien que l’occupant des lieux n’avait pas renié ses origines avec une organisation de jardin à la française. Sa personnalité transparaissait déjà à l’extérieur, qu’en serait-il de ses intérieurs. Certainement son goût apparaîtrait tout autant.

Un heurtoir ouvragé était suspendu sur la porte. Chioné aurait aimé le frapper, mais était beaucoup trop petite pour l’atteindre. Azalée, souhaitant lui faire plaisir, la souleva de terre pour que ses petites mains puissent atteindre son niveau et manifester leur présence. Un bruit de pas précipité qui se répercutait dans la demeure et se faisait de plus en plus proche, des cliquetis, et l’ouverture de la porte offrit à la vue des visiteurs un homme de très grande taille, au style raffiné, et élégant. Aucun pli de travers sur ses vêtements, une chevelure parfaitement coiffée, chaque mèche était à sa place. Seul son regard apportait touche différente dans le cadre, d’un bleu intense, il donnait l’impression qu’une portion d’océan coulait perpétuellement dans ses yeux, ce qui donnait du mouvement et de la vitalité dans son regard.

Un franc sourire barra son visage en retrouvant son ancienne camarade qu’il avait connue à Beauxbâtons. Martial avait aussi étudié dans cette école de sorcellerie, mais venait d’une autre génération ou d’un autre niveau, si bien qu’il n’avait pas vraiment côtoyé les deux anciens camarades lors de sa scolarité. Il serra d’une poigne assurée la main du magicien, et fit rapidement les présentations. Il s’agissait de lui proposer d’être le précepteur de Chioné durant les prochaines années pour lui enseigner les bases l’aidant à s’intégrer correctement à l’école quand le jour sera venu.

L’adulte jaugea la fillette, elle était adorable et mignonne comme tous les enfants, des cheveux fins décolorés et d’un blanc pur, avec un regard vert et de petites taches de rousseur. En levant la tête elle regardait l’inconnu, elle n’avait pas tout à fait compris ce qu’ils faisaient là mais savait qu’elle verrait plus d’une fois cet homme, qui paraissait familier à ses parents.
Dernière modification par Chioné Ajax le 21 août 2018, 00:21, modifié 1 fois.

17 août 2018, 19:30
 RPG++  Le précepteur  Solo 
Aristide invita alors ses visiteurs à entrer chez lui et leur tint la porte, avant de la refermer soigneusement, actionnant le verrou de sécurité. Le sol dans le corridor ne faisait pas de bruit, le tapis au sol absorbait les pas, mais dans les autres pièces il avait laissé le parquet, qui était brillant, pouvant porter à penser qu’il avait été tout récemment ciré. Cependant le soin de ce sorcier ne semblait pas poussé au point d’imposer le port de patins, il leur fit passer devant quelques pièces avant de stationner dans un salon, où il les invita à prendre place.

Une table basse rectangulaire de taille importante était posée au centre de la pièce, entourée de fauteuils couverts de cuir. Tout le monde s’assit, la jeune Chioné fut aidée pour atteindre la hauteur du siège. Une fois que tout le monde se fût installé, l’hôte sortit sa baguette magique et la fit tournoyer. Quelques instants se déroulèrent avant que l’effet se manifeste, un service à thé apparut alors, se mouvant avec une fluidité qui n’aurait pas été prévisible. Aucune goutte ne tombait et le niveau du liquide ne se faisait pas ballotter par le mouvement. Cette magie transpirait le contrôle, rien ne dépassait.

Quel est ce monsieur bizarre ? se demandait bien Chioné, l’enfant qui avait toujours vu des manifestations magiques plus naturelles à leur manière. Les actions n’avaient pas vocation à être parfaitement millimétrées et cadrées à son sens. C’est pourquoi cet adulte l’étonnait tout en le fascinant à la fois. Elle était très curieuse de le comprendre, ainsi que sa magie. Qu’il manifestait avec sa personnalité bien éloignée de celle des parents. De là venait certainement son charme. Tout en agissant de façon étrangère, il présentait un certain magnétisme. Au début, la rigueur présentait quelque chose de plus beau que la maladresse. Elle pouvait même être enviée. Avec le temps la perfection perdrait de sa saveur, mais alors que la fillette observait depuis quelques instants seulement, c’était la première impression qui était ancrée en elle.

Le plateau de thé se déposa en douceur sur la table basse, et les quatre tasses en argent vinrent se poser devant chacun des magiciens en présence. La théière s’éleva pour faire couler son contenu  dans un geste qui se voulait très souple, là encore la maîtrise et la technique étaient présente. Au moment où le bec se relevait, aucune goutte ne s’écrasait ailleurs qu’à la surface du liquide, c’était propre. Net. Une chose était certaine, Chioné avait confiante à sa magie. Si bien qu’elle ne prit même pas la peine de souffler sur son thé quand elle porta le liquide fumant à sa bouche, la température serait certaine parfaite boire sans risque de brûlure.

Sa mère fut la première à parler pour débuter la conversation, elle comptait amener en douceur le sujet sur le tapis.

« Aristide, comment te portes-tu depuis la dernière fois que je t’ai vu ? »

Monsieur Dante reposa sa tasse au centre de sa soucoupe et épousseta une poussière invisible sur son pantalon impeccable avant de répondre.

« Ma très chère Azalée, je me porte au mieux. Je propose mes talents de magicien aux personnes en ayant besoin, et cela me réussit plutôt bien. »

Il balaya d’un geste de la main ce qui l’entourait, pour appuyer ses propos. Il avait toujours excellé en tant qu’élève, apportant chaque sortilège à un niveau au-dessus de la maîtrise. Sa magie particulière, les autres ne voulaient pas spécialement l’avoir ou l’acquérir, mais pour certaines actions spécifiques, un sortilège jeté par le grande sorcier Dante était redoutablement efficace et présentait une force rare. Aucun accroc garanti. Un travail que l’on pourrait presque qualifier de ‘léché’.

« Et toi, ta famille ? J’ai appris des lettres que tu m’envoies régulièrement que tu avais rencontré Martial, et que vous eu l’enfant que voilà. Chioné. Tout se passe bien ? »

La sorcière répondit positivement, et évoqua leur bonheur d’avoir fondé cette petite famille. Elle commença à montrer en quoi son compagnon était en tout point charmant, mais s’arrêta lorsqu’elle vit l’homme au cheveux argentés rougir doucement. Il prit alors le relais.

« Aristide. J’imagine que je peux te tutoyer ? Azalée m’a toujours parlé en bien de toi, c’est pour cela qu’elle m’a convaincu de venir ici et d’amener notre Chioné. D’ici quelques années il est possible qu’elle intègre l’académie de Beauxbâtons. Et nous pensons que tu es la personne la mieux placée pour l’aider à maîtriser suffisamment le français, et appréhender quelques aspects du monde magique. »

La petite fille était prise entre ces entités adultes qui semblaient construire son avenir devant elle. Voulait-elle de cela ? Que cet homme se charge de sa formation ? Elle l’ignorait mais devoir le côtoyer ne la dérangeait pas tant pour une raison. Après avoir observé en lui une telle droiture et rigueur, elle souhaitait le voir faillir un jour. Trébucher. Ne voir aucun cheveu dépasser, aucun petit souci était effrayant. La jeune Ajax était certaine qu’il cachait en lui une vulnérabilité dissimulée par un masque de contrôle et perfection.

17 août 2018, 19:34
 RPG++  Le précepteur  Solo 
L’échange d’adultes se poursuivit quelques temps, et durant ce moment la fillette se sentit réellement spectatrice. Cependant, le sorcier français finit par prendre une initiative intelligente et proposa de prendre l’enfant à l’essai pour tester l’entente et l’alchimie afin de déterminer s’il pouvait la prendre pour des séances régulières. Il devait détecter un élément en Chioné qui le convainque de la suivre sur des années. Autrement il devrait poliment refuser d’accéder à la requête de ses amis pour les diriger ailleurs.

Il laissa le couple dans le salon où ils pourraient passer ensemble un moment, le sorcier Dante comptait mettre à l’épreuve cette enfant, voir qui elle était. C’était la fille d’Azalée, mais ce n’était pour autant une miniature de son amie d’enfance, elle avait certainement sa propre personnalité, sa propre magie. À un si jeune âge il était probable que sa première manifestation magique n’ait pas encore eu lieu, mais il comptait bien découvrir son style, sa personnalité magique. Son identité de magicienne en quelque sorte.

Les deux personnes s’introduisirent dans une pièce spacieuse et lumineuse. Des rayonnages couvraient toute la surface des murs et étaient chargés d’ouvrages de toute sorte. Le centre de la pièce était vide, ce qui donnait un large espace pour faire… eh bien ce que l’adulte avait préparé. N’importe qui pouvait apprendre une langue à un enfant, elle pourrait bien prendre des cours auprès de n’importe quel professeur, s’il s’avérait que ce serait lui, ce devait être justifié. De sa hauteur il dominait l’enfant qui l’observait de ses grands yeux verts lumineux avec curiosité. Il ne souhaitait pas instaurer ce rapport de force par sa taille, et posa alors un genou à terre pour se mettre au niveau de Chioné. Même dans cette position il ne perdait en rien de son aura de perfection.

« Est-ce que tu sais lire ? »

Sa voix était pleine, chaude, mais avait un ton grave qui faisait remonter des vibrations le long du corps de l’enfant. Elle ne répondit pas oralement, mais hocha lentement la tête. Ses parents lisaient à voix haute parfois des textes, et à l’instar de bien d’autres jeunes, elle avait fini par assimiler en suivant. D’autant que sa mère était écrivaine, il lui arrivait donc de lire certains passages, parfois sa fille sur ses genoux. C’était la littérature allemande qu’elle connaissait, le répertoire correspondant à son âge bien entendu. Elle ne saisissait le cheminement de son aîné, vu son âge il était normal qu’elle ne comprenne tout ce qu’il se passait dans l’esprit de monsieur Dante.

« Avec moi, rien de formel, des histoires. Comprends-tu l’intérêt des histoires ? »

Quelle idée de poser des questions aussi importantes à un minuscule enfant… Ses attentes étaient certainement beaucoup trop hautes. Lui faisait-il peur de ce qu’il avait montré de lui et de sa magie ? Ce n’était pas impossible, son mode d’expression pouvait susciter des réactions de toute sortes, mais les plus jeunes étaient beaucoup plus ouverts sur la diversité trouvable en ce monde, parfois. Il tenta de voir Azalée sur le visage de la fillette, son regard serait certainement moins dur, plus supportable.

Chioné fut surprise de l’interrogation d’Aristide. Elle l’imaginait toujours composer dans des limites parfaitement définies, et il parlait d’histoires. Qui étaient en contradiction avec ce qu’elle avait déjà vu de lui. Sa maman créait des histoires, elle savait qu’il n’y avait aucune frontière dans celles-ci. La jeune Ajax ne savait pas ce qu’elle devait répondre, ce qu’elle pouvait dire. On lui en demandait trop, elle connaissait à peine la vie, le monde. Ses paroles ne pouvaient qu’être naïves, simples.

« Les histoires ne connaissent pas de règles, elles font tout. »

Était-ce sa singularité ? Dans toute cette image lustrée, l’élément autre, protéiforme, qui apportait un grain de liberté à sa façon.

« C’est ça ta différence ? »

Une parole pure d’enfant. Elle toucha le cœur du sorcier qui ouvrit des yeux surpris. Il ne s’attendait pas à se faire déstabiliser. Il avait peut-être trop dit, dévoilé de son intimité. Une gamine s’était prêtée au jeu, avait écouté sa question et tenté d’y répondre. Au fond de lui, l’adulte avait certainement voulu partager son secret, en pensant ne pas être confondu. Il s’attendait tellement à un « C’est chouette les histoires. ». En même temps il avait affaire à la fille d’une merveilleuse plume, qu’il avait côtoyé durant sa scolarité, il avait toujours apprécié la présence d’Azalée, car ils étaient complémentaires. Il apportait l’ordre et elle ouvrait toutes les portes avec de simples mots. Leur pouvoir était immense, mais incontrôlable, en cela ils effrayaient un peu le magicien. Cependant pour une activité personnelle il s’y intéressait, et la maîtrise des mots dans plusieurs langues n’était pas anodine. Chioné avait pointé sans vraiment s’en rendre compte un point essentiel.

« Tu t’en rendras compte plus tard, mais tu n’as pas tort. »

Il n’avait pas pu résister, pour son amitié envers Azalée, il accompagnerait comme il le pourrait cette fillette, pour  la faire grandir de la plus belle façon qui soit.

19 août 2018, 23:44
 RPG++  Le précepteur  Solo 
L’homme ouvrit la porte d’un geste souple et invita Chioné à sortir devant lui de la pièce. D’un pas rapide, il rejoignit le salon où le couple Ajax attendait toujours. Leur patience n’avait certainement pas été très éprouvée, étant donné que l’échange avait été bref. Aristide avait tenté de tout concentrer sur ce qu’il percevait silencieusement et n’avait pas cherché à faire un interrogatoire long qui n’était pas adapté pour une fillette de quelques années seulement.

De sa démarche droite, il approcha les deux adultes et leur déclara d’un ton neutre qu’il serait prêt à offrir quelques séances de son enseignement à l’enfant. Elle avait en elle une sorte de petite étincelle qui valait la peine d’être entourée, avec délicatesse. Pour autant le magicien strict ne comptait pas rester à plein temps auprès de la petite famille pour faire ce suivi, ainsi il proposa quelques séances hebdomadaires, à Chioné de faire grandir en elle les germes que Dante poserait avec son pouvoir en elle. Il ne pouvait pas tout et comptait sur  une certaine autonomie de l’enfant, même si elle était extrêmement jeune.

Azalée montra un sourire ravi, ainsi qu’un soupir de soulagement quand elle entendit cette réponse positive. Elle avait tellement craint intérieurement que son ami ne croit pas en sa fille, perdu qu’il aurait pu être dans la comparaison avec sa mère. De toute façon il n’aurait pas pu espérer beaucoup d’une gamine de quelques années, même si elle avait reçu un bel accompagnement et une éducation correcte jusque-là. La jeune femme détailla son camarade d’antan. Elle sentait que les années l’avaient renfermé, comme si en partant elle avait gardé la clef de la porte de son monde, verrouillée en son absence. Ce qui le poussait à exprimer tout son côté fermé, sa rigueur, son insolente perfection comme Azalée aimait la surnommer à l’école de sorcellerie. Elle espérait qu’en le côtoyant un peu plus à présent il redeviendrait l’homme prenant des risques tentant la voie de l’inconnu, la confiance comme guide. Il avait deux facettes, et celle qu’il qualifiait avec crainte voire mépris de vulnérable montrait la beauté la plus brute. Ce n’était pas une élégance raffinée et calculée mais une expression sincère de la magie. Ce n’était pas pour rien que les deux magiciens avaient de très proches amis enfants et adolescents. Chacun entraînait, initiait l’autre à son chemin, son domaine de prédilection. Oser l’inconnu, cela faisait à présent des années qu’ils avaient été séparés par leur vie d’adulte et que l’un et l’autre avait oublié l’autre univers.

Martial fronça les sourcils en entendant l’annonce. À vrai dire il trouvait ce sorcier très étrange, décalé. Et n’était pas certain de le comprendre, par exemple en quoi s’éclipser quelques minutes avec sa fille lui permettait d’accepter ainsi une forme. Avait-il accompli une manipulation magique ? L’homme jeta un regard inquiet en direction de son épouse, mais celle-ci ne montra aucun signe de soupçon ou qui aurait alerté. Elle avait l’air de comprendre cette décision, comme si elle confirmait bien que cela allait de soi, que Chioné ne pouvait que séduire le futur précepteur. Il se tourna alors vers sa fille, tentant de sonder son visage innocent sur lequel elle ne savait pas faire apparaître de façon manifeste tout ce qu’il se passait à l’intérieur. Elle aimait bien poser sa main sur le cœur avec son regard étrange pour dire que tout était scellé en elle et qu’elle ne partagerait pas. C’était sa manière de se protéger, goûter à ses émotions, les laisser l’envahir sans pour autant en faire profiter tout le monde.

Sitôt le salon rejoint, la jeune Ajax avait grimpé sur un fauteuil et s’était mise en tailleur en regardant les adultes échanger à propos d’elle. C’était souvent comme ça. Dès qu’on n’avait pas la taille et l’âge pour s’imposer il fallait rester en retrait et laisser les autres traiter son sort. De ce qu’elle avait compris, il s’agissait de savoir si ce monsieur la prendrait sous son aile pour divulguer son savoir. Ça ne la gênait pas tant que ça, il était intéressant, et il avait prononcé le genre de paroles destinées à être comprises en grandissant. L’enfant voulait avoir l’occasion de réaliser le sens de ces mots obscurs, peut-être même grâce à ce qu’elle apprendrait à ses côtés. Plus tard. C’était exactement une durée indéfinissable. Chaque sorcier avait à sa manière sa différence, sa signature. Celle d’Aristide était séduisante, la fillette était émerveillée et souhaitait voir d’autres prouesses. Tant de raisons qui faisaient que devoir passer du temps en sa compagnie ne lui serait pas désagréable. Il n’empêchait, elle aurait toujours aimé été être consultée, au moins pour donner l’impression que son avis comptait. Cinq années ne suffisaient toujours pas à s’affirmer dans ce monde.

Quand les échanges prirent fin, l’enfant sauta d’un bond au bas de son fauteuil et salua d’un geste de main léger l’adulte avant de suivre ses parents pour retourner en Allemagne. Sa première leçon aurait lieu d’ici quelques jours, elle était diablement curieuse d’y être confrontée, de voir ce que cet homme aurait préparé.

21 août 2018, 00:19
 RPG++  Le précepteur  Solo 
Un grand homme au code vestimentaire classique se tenait devant une porte en bois massif, les bras parfaitement parallèles au corps, ses mains gantées, il patientait. Une jeune visiteuse était attendue. Son voyage se faisait par Portoloin, c’était lui qui avait insisté dans les discussions sur les modes de transport. C’était l’outil magique le plus respectueux de la ponctualité. Quelques secondes, un petit éclat, et une menue silhouette se découpa au loin, le blanc immaculé de sa chevelure la rendait reconnaissable sans aucun doute. Ce n’était pas sa première fois en ces lieux, ainsi c’est avec l’assurance que peuvent avoir les enfants en terrain pas si inconnu que la fillette trotta pour arriver au niveau de son aîné.

Sans transition, il l’emmena à le suivre au sein de la Bibliothèque qui les attendait, prête à les accueillir. Cette fois-ci, ce ne fut pas le centre qui les attira mais les extrémités. Les rayonnages collés aux  murs montaient jusqu’au plafond, des échelles permettaient une accessibilité, et des tablettes étaient disposées à intervalles réguliers pour accueillir les ouvrages une fois recueillis entre d’autres semblables. Les côtes de livres étaient toutes disparates. Certaines lisses, d’autres rugueuses, en cuir, en papier, une reluire, un titre en lettre d’or, une surface vide. De toutes les époques, de tous les styles. Il y avait un commencement à tous, et il tardait à la jeune Ajax de voir quelles pages seraient parcourues en ce jour, selon les envies de l’adulte.

Aristide pointa du doigt une tranche épaisse, d’un vert écaillé, et enjoignit Chioné à le récupérer en montant sur l’échelle et la faisant coulisser au bon niveau du rayonnage. Un léger froncement de sourcils d’incompréhension sur le visage, l’enfant obtempéra. Elle grimpa agilement et pris le grand livre. Son poids n’était pas négligeable, ce qui força la petite à redescendre barreau par barreau pour ne pas tomber. Bien qu’elle fasse confiance à sa magie pour amortir la chute, elle ne savait pas si elle s’appliquerait à ces pages qu’elle tenait fermement. Une fois retournée à terre, elle rejoignit le sorcier, les deux mains en hauteur pour présenter le livre un peu plus à sa hauteur. Ses yeux verts interrogateurs scrutaient l’homme qui la dominait par sa taille.

« Pourquoi tu ne l’as par cherché par magie ? Quand mes parents veulent un objet ils arrivent à le prendre d’un mouvement de baguette. »

La fillette avait toujours été habituée à vivre dans un microcosme, et pensait à tort que tout se passait comme elle l’avait déjà vu. Ce n’était pas le cas, et le magicien avait pour mission de lui apprendre d’importants faits sur le monde. Dans la mesure de son possible.

« Et pourtant tu es parvenue à t’en saisir sans artifices, juste avec tes petites mains. Je vais t’apprendre une première chose importante. Tout le monde ne voit pas sa vie marquée par la magie. Nous sommes sorciers et cette partie de nous impacte beaucoup et nous projette dans un certain univers. Des Moldus n’ont aucune connaissance de la magie, pensent qu’elle n’existe pas. Ne pouvant la pratiquer, il serait trop dur d’en admettre l’existence, certainement. Je viens de t’inviter à faire une action sans magie pour que tu comprennes que nous avons  tous accès aux possibles de ce qui ne requiert pas la magie. Cette dernière ajoute. »

La petite Ajax écoutait, l’air de comprendre. Ainsi certains vivaient la même vie, mais en enlevant toute la magie ? C’était vraiment étrange… Elle ne visualisait pas comment pouvait se manifester ce quotidien amputé de l’une de ses parties constitutives. Cependant Aristide avait raison. Les pouvoirs de sorciers amènent le livre à eux, mais il est tout autant possible de venir aux livres. Elle l’avait fait et ce n’était pas une action si bizarre. Pour autant une vie de ce que son aîné nommait Moldu était difficilement concevable selon cette division. Qui avait plus, qui avait moins ? Était-ce seulement comparable. Chioné ne savait pas pourquoi tout le monde n’était pas magicien. Elle avait le sentiment qu’un nouveau monde avait été inventé et était tout juste sorti du chapeau de son interlocuteur. Si elle devait l’admettre, elle devait rencontrer l’une de ces personnes ignorantes de la richesse de l’univers. Pour s’assurer que ces deux facettes étaient toutes deux présentes. Il y en avait même certainement bien d’autres.

Sans se soucier du choc et de l’étonnement de sa jeune élève, le sorcier ouvrit l’ouvrage et le posa devant l’enfant. C’était du français, et de toute évidence elle ne comprenait pas vraiment ce qui était inscrit, même si elle pouvait le lire.

« J’imagine que tu connais les contes de Grimm ? Tu trouveras ici leur frère français, Perrault. »

Les frères Grimm, Chioné connaissait sûrement, en Allemagne c’était forcément le genre d’histoires que les très jeunes entendent lors de leur enfance. Il avait eu l’intuition que pour initier au français il fallait trouver un terrain d’étude qui ne serait pas totalement inconnue pour la petite. C’est ainsi que le magicien Dante comptait sensibiliser l’enfant au pouvoir des mots et du langage. Véhiculer un effet similaire, une intention proche mais deux langues différentes pour le faire. Cette séance était un simple préambule pour donner une idée de la ligne directrice qui serait suivie pour les prochaines années. Le sorcier avait de grands projets, et comptait amener la jeune Ajax aux sommets s’il le pourrait. L’aider à tout comprendre, tout appréhender sans le doute.



Reducio
Fin du RP