Inscription
Connexion

06 oct. 2018, 01:38
Peur de Leurre  PARTAGÉ 
[ 1 JUILLET 2043 ]
Grande Avenue de Whitechapel, Cité de Londres.

« Le silence est si fort et si faible. Le silence est si fort pour les faibles, et si faible pour les forts »

Image
Charlie Rengan, 13 ans.


Les Autres étaient si grands, et j’avais l’impression qu’ils l’étaient de plus en plus.
Dans cette énorme avenue, je devais esquiver les gros corps plus rapidement qu’avant, et ils y en avaient définitivement plus. Des corps insouciants partout, qui s’en foutaient de tout, sauf de moi. J’avais l’impression d’être leur seule attraction, leur singulière attention ; ils me fonçaient dessus sans même me regarder, sans la moindre miette de respect ; mais personne ne me touchait. *Bon Dieu !*. Pourtant, ils me frôlaient tellement ! Et je me fatiguais si vite. J’étais déjà essoufflée.
J’esquivais instinctivement, puisque mes pensées étaient totalement tournées vers la veille. Hier, hier. Je n’en pouvais plus de penser à hier. Ce foutu mot me faisait peur, alors j’essayais de le remplacer par aujourd’hui. Aujourd’hui, aujourd’hui. *Non*. C’était faux. J’allais déjà vers cet aujourd’hui, chaque pas m’y rapprochait sans que je ne puisse rien y faire. Mes jambes se jetaient en avant pour grignoter l’hier, et laisser place à l’aujourd’hui : la galerie d’art de Papa, il me restait encore quelques minutes de marche. Une explosion dans l'épaule éclata toutes mes pensées en me forcer à lever la tête. Un gars au crâne rasé agitait ses lèvres en s’excusant. Ma main monta jusqu’à mon épaule droite ; elle me faisait un peu mal, mais ce n’était pas grave.

C’est rien, soufflais-je aux Excuses tout en me jetant encore une fois dans le bordel des Autres, sans attendre la réponse de ces mêmes Excuses ; que pouvaient-elles rajouter à part d’autres excuses ? Rien.

Mon corps traçais. *’fait mal*. Je devais ralentir, mes poumons brûlaient ; j’avais l’impression qu’ils pouvaient commencer à fondre n’importe quand. Mes jambes s’alternèrent plus lentement, et les Autres me fonçaient dedans moins rapidement.
J’allais toujours trop vite, mon corps me faisait mal, et le bout de mes doigts était si lourd. Je devais me créer un maintenant, entre l'hier et l’aujourd’hui. Ouais, créer mon maintenant à moi, sans les Autres. Être seule dans ma création, et décomposer la présence de tout le monde. *M’vider*. Être invisible. C’était ça.

Je me décalais sur la gauche, sortant du couloir étouffant des Autres. En face de moi, trois larges marches serrées me regardaient calmement. *Eh...*
Je connaissais ces marches, je m’étais souvent assise dessus ; avant. Je me rappelais même qu’elles me faisaient mal aux fesses parce qu’elles étaient trop serrées ; et des marches aussi serrées étaient bizarres pour leur largeur d’au moins un mètre et demi. Juste au-dessus de la troisième marche, il y avait une porte normale, mais qui était tellement noire qu’elle aurait pu donner l'illusion d'une entrée de grotte. Entièrement noire, sans aucune autre couleur.
Essoufflée et un peu en sueur, je sentais la racine de mes cheveux qui me grattait ; heureusement qu’ils étaient attachés, sinon je n’aurais pas supporté la démangeaison. En trois pas, j’étais à la hauteur des marches. D’un unique tour du bassin, je m’assis sur la troisième ; aussi étroite que les autres, mais ayant l’avantage de pouvoir poser mon dos sur la porte.

La moitié de mes fesses se tenait dans le vide, je sentais la bordure de la marche me tordre la peau. « Ss... ». Je n’avais pas le souvenir que c’était aussi inconfortable, la marche avait peut-être dû rétrécir avec le temps ; ou je m’étais trompée d’endroit. Je tordis mon cou pour vérifier la porte noire. *C’est toi*. C’était la bonne porte, je me rappelais d’elle. Ma tête revint à sa place. *M’en fous*.
Mon regard se baladait tranquillement sur les Autres. Un soupir traversa mes lèvres. Je me rendais compte que j’avais réussi à me créer mon maintenant grâce à ces marches. Pendant un instant, mon maintenant, j’avais oublié l’hier et l’aujourd’hui ; les Autres n’existaient plus, et le seul truc qui m’avait rempli l’esprit était ces marches. « Bien… » soufflais-je en soupirant une deuxième fois. Mais les Autres finissaient toujours par revenir.

Je levais ma main vers le revers de ma robe et… Mes yeux vrillèrent. Mon cœur sursauta, avant que mon esprit comprenne.
*Ah oui…*. Je n’avais pas ma robe de sorcière, mais juste un tee-shirt blanc un peu trop serré. Pendant que je tirais sur le tissu pour essayer de l'étirer au maximum, je réfléchissais à mon carnet des Autres que j’aurais tellement aimé remplir en étant assise sur ces marches. « Tss… ». Je reviendrais avec mon Carnet, un jour.

Je relevais les yeux. Comme je ne pouvais pas écrire sur ces Autres, j’allais plutôt les regarder.
Il n’y en avait pas tant que ça. Il y a même pas cinq minutes, j’avais l’impression qu’ils étaient des centaines à me foncer dedans. Alors qu’en réalité, un Autre passait toutes les trois ou quatre secondes ; c’était même moins qu'à Poudlard. Je sentis mes lèvres se tordre en une moue d’incompréhension. Je ne comprenais pas pourquoi les Autres étaient si nombreux uniquement quand je marchais. *’fait chier*. Ce n'était pas normal.
Un grand homme dépassa mon regard avant même que je puisse le regarder de face. *J't'aurais de dos*. Il marchait en sautillant légèrement, comme un prédateur fainéant et n’étant plus si dangereux que ça. Il n’était pas intéressant, je détournais la tête.

Mon regard se posa sur une femme. Ou une fille. Elle se rapprochait. Ouais, c’était une fille qui faisait femme. Elle donnait l’impression d’être beaucoup plus âgée, mais elle ne devait pas l'être beaucoup plus que moi. Son regard était tourné vers la route, à l’opposé de moi. Et je pouvais voir ses yeux de profil, un bleu trop clair, presque flippant, bien transparent. Je regardais le reste. De longs cheveux blonds totalement lisses, artificiels. Elle marchait avec les bras croisés, ce qui était vraiment bizarre et pas pratique ; il ne faisait pas froid, pourtant. Mes yeux descendaient. Elle portait un haut bleu-sombre, comme un ciel de pleine lune ; ça faisait joli avec sa peau trop blanche. Bordel, elle avait une belle peau. Je continuais à descendre. Son jean était serré, foutrement trop serré. Mon regard remonta vers ses yeux. Elle me regardait ; et elle avançait vite. Son bleu me faisait peur, mais je ne voulais pas retirer mon regard. Une seconde, c'est elle qui se détourna du mien. Elle était presque à ma hauteur. Une autre seconde, son regard revint vers moi. Deux secondes, trois secondes. Elle ne le détourna pas cette fois-ci. Ses sourcils ne bougeaient pas, et son bleu était vidé de tout. Je n’arrivais pas à y voir, je n’arrivais pas à en comprendre. Alors je me contentais de regarder. Elle me dépassa, mais ses yeux étaient toujours plantés dans les miens, son cou tordu vers moi. Un éclair traversa son bleu trop clair, et je le sentis dans mon dos : sans le vouloir, ma colonne vertébrale se redressa brusquement. J'avais vu un truc ! Pourquoi est-ce que ça me rappelait quelque chose ?! *Bordel !*
La fille s’arrêta. J'aurais dû arrêter à mon tour : arrêter de la regarder. Je devais le faire, mais je n’en avais aucune envie. Je fouillais dans son bleu, même s’il était loin, parce que j’y avais vu quelque chose. Une main monta, c’était la sienne. Elle voyagea jusqu’à sa bouche, et accompagna ses lèvres d’un mouvement de baiser. J’arrachais mon regard de son bleu-flippant pour découvrir ses doigts qui pointaient vers moi. *Hein ?! Espèce de... de...*. Mon visage se tordit en une grimace incontrôlée, et toute mon envie de fouiller son regard s’envola. Sans aucune difficulté, je détournais mes yeux d’elle pour observer la route qui me faisait face. Cette folle n’était pas intéressante, je m’étais trompée ; et je pourrais presque en trembler de déception.
Par précaution, mes yeux se redirigèrent vers sa gueule de blonde, et nos regards se croisèrent encore une fois. Une seconde, deux secondes. Elle baissa les yeux. *Moi aussi j’suis déçue, t’es pas la seule ‘spèce d’abrutie*. Je ne savais pas pourquoi j’avais eu une attente par rapport à cette fille, je ne savais même pas quelle était mon attente. J’étais perdue. Tout ce que je comprenais, c’était que j’étais déçue. La fille au regard-trop-bleu me regarda une dernière fois avant de se retourner et de s’en aller.
Mon regard glissa, son jean était vraiment très serré.

Je rabattis mes paupières, plongeant mon maintenant dans l’obscurité de mon crâne, dans la solitude de ma pensée. *Impossible*. Être invisible était impossible. Je ne pouvais pas être invisible en vivant avec les Autres. Dès qu’ils posaient le regard sur moi, j’existais. À travers leur regard, j’étais foutrement visible, même si je ne voulais pas l'être. Je ne voulais tellement pas, et je voulais encore moins accepter de l’être à travers les Autres. Pourtant, je ne pouvais rien pour aller contre. J’étais visible. Je devais l’accepter. J’ouvris mes paupières trop lourdes, et je me rendis compte à quel point j’étais visible.

Un homme. Ou un gars. Il ressemblait à un homme, mais c’était un gars. Il était fort, ça se voyait à travers son tee-shirt déformé par ses muscles. Je remontais mon regard, et c’était bien ce que je pensais : il me regardait de son vert trop foncé. Son vert foutrement moche qui s’éclaircit brusquement sous un rayon de soleil. *Oh !*. Tout mon esprit se jeta sur son vert. Des tornades frappaient à l’intérieur, arrachant des pavés et des plaques par pans, détruisant pour mieux construire. *Qu’est-ce que…*. Je ne comprenais pas mes propres pensées, aussi bien que je ne comprenais pas mon envie de quitter son regard ; ce que je fis. Mes yeux montèrent de quelques centimètres. Des cheveux bouclés sur le dessus du crâne, marron foncé, beaucoup trop fins, mais des cheveux lisses et moins fins sur les côtés. Il avait des cheveux vairons ? Je clignais des yeux pour mieux les ouvrir un peu plus bas. Son regard n’était plus dirigé vers moi, mais sur la route. Qu’est-ce qu’elle avait de si intéressant, cette foutue route ? *Hein ?!*. Mon sang bouillonnait. J’étais en colère parce que je voulais revoir son regard ! Et il me le refusait. J’allais me lever pour lui barrer la route quand il s’arrêta. Ma tête se pencha, j’observais son dos musclé. *Qu’est-c'tu fous ?*. Sa tête se tourna de sorte que je la vois de profil, me donnant accès à son long nez et à sa mâchoire énorme. Son regard m’était interdit, alors j’attendais qu’il se retourne vers moi. Mais qui était ce gars ?
Mes muscles étaient contractés, et ils se crispèrent soudainement lorsque je vis le gars entrer dans une voiture trop blanche. J’eus simplement le temps de me lever que la voiture accéléra en me kidnappant le regard-tout-plein ; la carrosserie faisait mal aux yeux quand le soleil frappait sa surface, le blanc m’aveuglait. Et il disparut dans les Autres.
Je me retrouvais seule, debout comme une débile et serrant ma mâchoire de colère. *Mais...*. Mes dents se rentraient les unes dans les autres. Pourquoi il fallait toujours que je sois visible pour les Autres que je ne voulais pas, et invisible pour ceux que je voulais ? POURQUOI ?!
Mon poing se serra si fort que l’envie de l’écraser était insupportable, mon regard balaya l’entourage. La porte, les marches, les fleurs, le sol, une femme. Un frisson déchira ma main de l’intérieur, mes doigts s’ouvrirent tout seuls. Mon envie était passée ridiculement, sans rien écraser du tout. J'étais risible.
Et fatiguée des Autres.

Je me rassis sans faire attention, une douleur explosa dans mes fesses. « Ha… ». Je m’en foutais. Mon maintenant se devait d’être sous mon contrôle, je ne pouvais pas accepter de perdre mon emprise sur les rares moments que je me créais.
Ma main droite se leva pour gratter ma tête, et je redressais mon regard vers les Autres ; juste pour dévisager ces trucs qui décidaient à ma place si je devais être visible ou invisible.
Dernière modification par Charlie Rengan le 08 nov. 2019, 04:54, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

06 oct. 2018, 03:40
Peur de Leurre  PARTAGÉ 
Image



Si l'âme existe, que fait elle ? Certaines, prises au piège dans une enveloppe, tandis que d'autre, s'envole. S'envole comme le ferait un avion en papier ou bien une clef ? Certaines choses sont volatiles, quel est l'ancre qui nous rattache à un être ? Longtemps je voulais observer, m'éloigner de ce monde. De ces autres. Qu'est ce qui nous retient ? Qu'est ce qui nous motive ? De là à aller chercher et acheter. Acheter une plume pour avouer et danser. Sous la pluie, la voiture se noie, mais les kilomètres passés et la joie. La joie d'un récit, enfin écrit. Le récit de sa vie. Quand j'étais petite, mon frère Charlie m'a dit. Je voudrais uniquement observer ton Regard ; je n'ouvrirais pas la Bouche, je ne te dirais Rien. Le silence. Le silence des mots, ce silence que je ne connais que trop bien. Le regard est aussi volatile que l'âme. Mais le gouffre qui nous absorbe, qui nous étouffe. Cet étouffement, cet instant. La clef d'une vie passée, dans l'iris elle défile.

Je regardais le ciel une nouvelle fois, comme toutes ces fois. Mon père toujours derrière. Guettant mon inattention, mes fautes, mes erreurs dans un soucis de protecteur. Je commençais en avoir marre, je voulais m'émanciper, mais pourtant je renonçais. Renonçais à entrer dans un conflit. Je détestais les conflits, il me m'était mal, il brouillait ma vue, cette vue qui me permettait d'écouter, là où mes oreilles défaillaient. J'oubliais, je l'oubliais. Le ciel était bien plus intéressant. Ses nuances de bleu, plus ou moins profonde. Je laissais plonger mon cœur dans cet océan céleste. Pourquoi le ciel ? Je ressentais le besoin constant de me plonger dans l'univers, trouver ma place dans un monde qui s'en foutait royalement de ma personne et de mon ego.

Je rentrais dans une personne. À peine arriver sur terre que mon père avait empoigné l'autre type. Il était docile, il se laissait marcher sur les pieds en temps normal. Un peu comme moi. Alors, pourquoi il devenait un justicier quand j'étais impliquée ? Je ne comprenais pas, je comprenais les changements du ciel. Mais le flou des hommes restait un mystère. Je me contentais de vivre, d'avancer. Mon monde était chamboulé depuis cette visite. J'attrapais la manche de mon père et je le tirais. Je n'aimais pas le voir se battre. L'autre partait, un air apeuré inscrit sur son visage. Marque du passé, victime de sa propre temporalité. Un échange de signe avec mon père fusa. Le spectacle vu de l'extérieur était presque risible. Des gestes de la passion, mais pas un son. Le vide. Aucune vibration.

Je reprenais ma marche fermant les yeux non plus porté sur le ciel, mais sur cet asphalte. Cette maudite route grise et terne. Obligée de regarder devant moi pour ne pas me retrouver dans une situation similaire. Je sentis une vibration dans une de mes poches. Je sortais cet objet. Tout le monde le portaient à l'oreille. Je me contentais de le regarder, laissant pianoter mes doigts pour écrire des phrases. C'était Charlie, mon frère qui me demandait comment ça se passait. Il était resté à la maison, travaillant un de ses nombreux devoirs pour tenter d'intégrer je ne sais même plus quelle université. Je n'aimais pas cette université elle volait mon frère. Ou alors est ce le temps qui me le volait en grandissant ? Ce maudit temps qui passait lentement, mais qui pouvait se jouer de nous dans certaine circonstance ? Il me suivait encore, je faisais attention à ne pas me prendre de passant. Je me retournais encore une fois et je vis celui-ci distrait par ce même téléphone dont je ne connaîtrais jamais toutes les subtilités.

Je m'engageais dans une ruelle, plaquant mon corps contre un mur comme pour disparaitre. Il passa devant moi. Risible lui qui était si "prévoyant". À peine celui-ci avait fait quelques pas qu'il se retourna. Je pus lire sur ses lèvres. Me demandant d'arrêter de faire la gamine pas de chance pour lui j'en étais une. L'avait-il dit à haute voix ? Cette voix qui détournait souvent tous les regards sur moi. Ces vieux regards, ces autres qui me hantaient, que je détestais. Je vis une personne s'approcher de moi. Je rompais le contact visuel, mais encore une fois mon père s'énerva. Qu'avait-elle dit ? Encore les discours fabuleux "tu devrais répondre à ton père" *JE NE PEUX PAS !!!!* Je haïssais parfois ces gens sans gênent, de quoi ils se mêlaient ? Enfaîte je les haïssais tout le temps. Je portais mon regard vers le sol alors que mon père s'était mis à ma hauteur. Plaçant doucement sa main il tentait de retrouver un contact visuel. Je pouvais lire ses paroles.

Pourquoi tout devait être trop compliqué ? Pourquoi je ne pouvais pas juste me contenter de tourner le regard pour disparaitre ? Pourquoi il suffisait de me toucher ou de se poster en face de moi pour être leur bête de foire ? Mon père m'avait faite comprendre subtilement que si je ne bougeais pas d'ici, il irait à son rendez-vous et passerais me chercher ensuite. Qu'il y avait une galerie d'art non loin et que je pourrais poser mon regard sur les toiles. *Ambivalent* Je le comprenais définitivement plus. Mais ça m'arrangeais, je pourrais rester seul quelque instant, il me suffirais d'observer le ciel. J'avais besoin de me calmer. Je ne comprenais pas pourquoi je m'énervais aussi facilement.

Je reprenais mon calme, mon père était parti et m'avais signé de garder mon portable à une distance raisonnable. En gros ça voulait dire "laisse le sorti". Je tournais la tête, il y avait une fille sur des marches. Je détournais aussitôt rapidement et paniqué, le regard et je le plongeais naïvement dans mon ciel. Laissant ma main parcourir mes cheveux clairs, la curiosité commençait à entrainer ce regard, regard doré vers cette fille. Mon visage était aligné mais j'eus le temps de fermer les yeux avant de croiser les siens. J'avais presque fait ce que je détestais. J'effaçais mes pensées, je gardais mes yeux fermés, je pourrais disparaitre. M'effacer, alors que les gens passaient. Adossée sur la pierre je voulais briser ce mur, je voulais m'enfuir, mais une nouvelle fois j'étais prisonnière de ce possible regard. Ce démon. La magie avait-elle le pouvoir de chasser ces démons ? Avait elle du courage à me donner ? Je soufflais. Ma main glissais vers cette baguette faite de bois et de verre. Elle me calmait. Sans la voir j'arrivais en discerner les textures, le bois finement vernis, le verre enveloppant. C'était mon étoile qui chassait les démons. Je fixais le mur d'en face. Sans me risquer à croiser le regard de cette fille, je ne l'entendais de toute façon pas, je m'effaçais de ce monde.

CR Always <3

18 oct. 2018, 06:50
Peur de Leurre  PARTAGÉ 
Ma cervelle allait beaucoup trop vite, j’avais la foutue impression d’être surexcitée, prête à sauter sur n’importe quelle raison ou occasion. Mes artères étaient gonflées, prêtes à imploser. Et la sueur me décorait le front. *’dieu…*. Un long soupir s’extirpa de ma bouche serrée.
Je devais me calmer, ralentir le plus possible. Avec mon avant-bras, j’essuyais la sueur coulant sur mon front tout en observant le soleil écrasant. Mes paupières se plissèrent jusqu’à que la couleur trop jaune se fasse strier par mes cils tout noirs. *Bon Dieu qu'c’est beau*. Une grande tresse jaune et noire s’entrelaçait dans mon regard. Ces deux couleurs allaient vraiment bien ensemble : le jaune cramait ma rétine de sa nuance étincelante et le noir faisait exploser le jaune par son contraste si fort. L'intérieur de mes yeux commençait à me faire mal, alors je tournais la tête vers le côté opposé.

Clignant des yeux plusieurs fois, j'observais les couleurs ternes tanguer comme dans un kaléidoscope chimique – ça dura une seule seconde bien trop courte – et tout revint à la normale. Même si le rouge des bâtiments me paraissait encore plus moche qu’avant, comme s’il avait perdu une partie de sa consistance.

Peuh… crachais-je en posant lourdement mon dos contre la porte.

Ralentir. Observer les particules d’invisibilité, ou de visibilité. Je me concentrais sur ma respiration, comme me l’avait dit Miss Lloyd, et je commençais par prendre une longue inspiration qui me chatouilla la gorge ; puis j’expirais par à-coups, quatre ou cinq fois, jusqu’à ne plus avoir d’air dans les poumons. Puis je recommençais avec une inspiration plus profonde, plus poussée.

Ralentir. Contempler les secondes se tomber dessus, et se grignoter tranquillement, comme des amies se sacrifiant l’une pour l’autre. Une moue de désapprobation se plaqua sur ma bouche. Pas des amies, non ; mais plutôt des sœurs. Ma conscience reçut une belle pensée. Yuzu. *Faudrait qu'j’t’envoie un truc*. Je me demandais ce qu'elle faisait. Elle m’avait dit qu’elle resterait en Angleterre cet été ; il fallait vraiment que je lui envoie une lettre rapidement. J'agitais lentement mes doigts pour me gratter la cuisse, j’aimais bien cette sensation.

Arrête de faire la gamine !

Toute avec lenteur, je dirigeais ma tête vers cette voix grave.
Un Autre se tenait là, le corps trop contracté pour quelqu’un qui marche simplement dans la rue. *Qu’est-c’que…*. C’était un homme perdu qui tournait sur lui-même, le regard presque fou. Je continuais à me gratter doucement face à cet Autre bizarre. Brusquement, son regard se braqua dans une direction. Dans ses yeux se jouait une symphonie de colère, à plusieurs actes. Je voyais défiler les différentes parties à une vitesse incroyable. *Plus lentement !*. Il ne devait pas aller aussi vite ! Ma concentration se focalisait un peu moins sur l’oxygène dans mes bronches.

L’Autre lança ses grandes jambes trois fois pour finir accroupi. *Oh !*. Une fille lui faisait face, et elle avait l’impression de le connaître. *T’es la gamine*. Une main se posa sur son visage ; une grosse main d’homme ; et il eu des échanges presque tendres. Les gestes qui se jouaient entre eux prouvaient qu’ils étaient de la même famille, peut-être le père et la fille, ou l’oncle et la nièce. Je n’entendais pas ce qu’ils disaient, mais je m’en foutais. Ce qui réveillait ma curiosité ne concernait que la longueur des cheveux de cette Autre. Bon Dieu, ils n'avaient pas de fin. *C'pas...*. Leur couleur n’était pas belle, mais leur longueur cachait facilement ce défaut de nuance. Ils devaient être presque aussi longs que ceux de Solwen. *Tss…*. Ma joue tressauta, et j’arrêtai de me gratter la cuisse. Une violente envie de bouger m’obligea à replacer mes fesses sur la marche. La douleur se fit plus aigüe. J'allais trop vite, encore une fois !
Je décidais de ne plus bouger et d’observer ce duo qui n’avait pas sa place ici : j’avais l’impression que l’homme engueulait la fille, au vu de sa tête foutrement baissée.

Dans ce bordel des Autres, je n’entendais pas grand-chose à ce que racontait le père-oncle à cette fille ; mais j’arrivais à percevoir des miettes. « ’en aller ». Hein ? Il allait se casser ? « Plus tard ». Mon visage se tordit, j’avais l’impression que tout ce que j’entendais était brouillé et faux. « ‘leri d’art ». *Quoi ?*. Est-ce qu’il venait de parler de galerie d’art ? « Regard ». Inconsciemment, je fis glisser mes fesses pour me rapprocher de leur discussion. Si j'entendais des mots, je devais être sûre qu'ils étaient bons, même si je n’avais aucune chance d'en être vraiment sûre à cette distance.
Je m’arrêtais avant d’atteindre la limite de la marche, l’homme s’était détourné de la fille et se mit à marcher vers mon moi. Ne le quittant pas du regard, j’observais sa façon de se déplacer et sa vitesse bien plus élevée que tous les autres passants.
Arrivant à ma hauteur, je scrutais son profil sans intérêt pendant une petite seconde avant qu’il ne me dépasse ; il s’engouffra dans le flot des Autres, lui aussi.

Hm… soufflais-je sans rien penser de cet homme.

J’aimais bien sentir mon corps ralenti, ça me donnait l’impression de pouvoir retenir plus d’informations. Et de pouvoir analyser avec plus de force. *Dommage*. Il n’y avait rien à analyser chez cet Autre père-oncle.
Doucement, je me tordis le cou vers la fille laissée toute seule. Je ne voulais pas croiser son regard pourri. Elle allait me décevoir, comme tous les Autres.
Son visage se tourna vers moi, son corps aussi ; tout ce qui la représentait était dans ma direction, il ne manquait plus que son regard qui se rapprochait du mien. Je voyais déjà la couleur bizarre de ses yeux. *Oh…*. Bizarre, mais luisante.
Son regard allait croiser le mien. Il approchait ! Bientôt… Presque… Et…

Tout se brisa au dernier moment.

*Que…*. Ses paupières me coupèrent de tout ce qui pouvait constituer son regard. Elle venait de me le refuser, et même si je n’avais pas voulu croiser son regard de merde, je me sentais bizarrement trompée. Sa main s’enfonça dans ses longs cheveux, et elle me donna l’impression que je n'existais pas pour elle ; ce qui était vrai, je ne la connaissais pas. Je me désintéressais d'elle.
*Vraiment la galerie d’art ?*. Je n’étais pas sûre de ce que j’avais entendu. Soupirant profondément, et me reconcentrant sur ma respiration, je détournais mon regard de cette fille-aux-yeux-brillants pour fermer les yeux et poser ma tête contre la porte noire, sans aucune autre nuance.

Le dos et le crâne posés contre cette porte, je sentais les pores de mon visage vomir quelques perles de sueur. Laissant mon corps dans cette chaleur agréable, je repris le lent mouvement de mes doigts sur ma cuisse. Ma vision était noire contre cette porte tout aussi noire. Mes cheveux étaient noirs, et ma peau trop sombre. Je me rendais compte que je pouvais fusionner avec le bois qui me portait ; m’enfoncer dedans pour laisser uniquement mon regard trop clair scruter les Autres insouciants.
Et me foutre de leur gueule.

je suis Là ᚨ

21 oct. 2018, 14:46
Peur de Leurre  PARTAGÉ 
Le vide, vide impalpable, le vide de l'espace. Je retombais dans ce vide, vide de l'ennui. Il y avait toujours cette présence que je n'osais regarder, je ne voulais en aucun cas croiser ce regard qui me jetterait droit dans un blizzard. Dans le froid d'une possible interaction, ce froid mordant et cruel qui pouvait me faire mal à moi et mon ciel, devenir une de mes nombreuses abominations. Je me protégeais. Protection... Je connaissais la formule, je l'avais lu quelque part. Dans un des manuels de Kaitlyn, je crois même qu'elle voulait me l'apprendre. À moi, m'enseigner un sort alors que je n'avais toujours pas réussi à lancer la moindre particule magique depuis mon arrivée dans ce château froid et vide. J'oscillais, comme le ferait un signal. Une vieille sinusoïde banal. Tantôt en haut, parfois en bas, un cycle infinie, qui apparait comme abrutie. Toujours la même amplitude, la même fréquence et moi je me demande. Je me demande si ce monde est mieux ou si ce monde est vicieux.

Je sortais ma baguette, cette fine étoile toute en longueur. Cette fleur en verre légèrement dorée, implanté sur ce pin. Avec comme cœur une partie d'un phénix. Le bois et le verre qui ne faisait qu'un. Je contemplais cet objet, ce partenaire. Partenaire c'est comme ça que l'on me l'avait vendu. Partenaire qui me laissait seule. J'étais seule. Toujours seule. Le morceau de bois pincé entre mon index et mon pouce, je laissais le ballant vivre. Le point d'équilibre était décentré. Un objet magnifique possédant sa propre conscience. Pouvait-t-on communiquer avec ? Il fallait que je demande au maître des baguettes. Je posais mon regard vers le ciel. Le balais des nuages était encore une fois unique. Le surplus d'air pris au piège dans mes poumons fut expulsé de façon chaotique. Quand je stressais j'en oubliais parfois de respirer. J'aimais contempler le monde comme il devait nous contempler nous. Que pensait-il de nous ? Que pensait-il de tous ces gens aliénés qui marchaient d'un rendez-vous à l'autre, fermant les yeux sur notre hôte ? Que pensait le monde des autres qui vivaient à une vitesse folle alors que j'étais assise à les regarder comme lui ? J'étais aliénée moi aussi ? Peut-être que le monde s'en foutait. *Trop compliqué* Peut-être qu'en fait il n'y avait rien. Qu'ont tentaient de se rassurer sur la pauvreté de notre existence. Peut-être qu'au final, c'était ma communauté qui avait les réponses et que les autres étaient là pour les servir. *Trop extrême...*

Je soufflais à nouveau, puis, je sentis une légère vibration. Un message ? Je l'ignorais. Portant mon attention sur autre chose. Posant mon doigt sur une autre icône. La carte de Londres. Cette vue aérienne donnait ma position, celle de cette fameuse galerie dont m'avait parlé mon père. J'irais faire un tour finalement. Ça me sortirait du doute. Doute d'un regard. De cette paranoïa permanente causé par cette fille insolente. Je rangeais mon étoile. Relevant mon corps, celui-ci semblais chercher son chemin. Plus cette enveloppe tournait et plus je sentais ce regard invisible inhumain. Je commençais à paniquer. Finalement, la carte m'indiquait le chemin. C'est vrai que la galerie n'était pas loin, vraiment pas même. Je me tournais vers ces marches en prenant soin de ne pas regarder cette fille. Rapide un après l'autre j'avançais. Mes yeux avaient regardé une seconde la fille. *Traîtres !* La marche n'était pas droite ? Son pied ? *Vite fuyons* Est-ce que j'avais marché sur son pied ? Mon souffle était rapide, j'ignorais cette fille. M'effacer voilà ce que je voulais. J'étais enfin arrivée en haut des marches, je devais juste fuir. *Maudite squatteuse* elle m'avait mise dans la situation que je détestais par-dessus tout. Du peu que mes yeux avaient réussis à capter d'elle, elle me semblait familière. Comme si je l'avais déjà vue quelque part.

Mon corps se stoppait *Hiiiiii tu fous quoi, fuis !!* Je me retournais *Pas bonne idée* J'osais plonger mon regard sur cette fille. Mes yeux de couleur or qui tentaient de la percer. Alors que je restais plantée là à la regarder. *T'es qui toi ?* Je ne me reconnaissais pas. D'ordinaire discrète, je harponnais cette baleine échouée sur les marches, d'un simple regard luisant comme une comète.

CR Always <3

08 nov. 2019, 04:51
Peur de Leurre  PARTAGÉ 

je suis Là ᚨ