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24 nov. 2018, 11:56
Horizon d'asphalte  PV 
Zakary Bristyle


Novembre 2043
Londres
Zakary Bristyle, 27 ans


La danse du bitume n’est pas belle, ce soir. Le sol trop régulier coule sous ses yeux, se balade sous ses pieds. Il le regarde passer, de plus en plus ennuyé par l’obscurité de cette surface qui n’a rien à montrer. Les grosses chaussures de Narym lui compressent les pieds et leur lourdeur frappe le sol Moldu avec force. Le bitume qui file sous ses semelles ne peut rien faire pour échapper au rythme lancinant des pas rapides de Zakary. Il se fait frapper sans savoir que juste au dessus se trouve un pied qui hurle de douleur.
Zakary lève la tête sur les hauteurs des bâtiments londonien pour ne pas se laisser aller à penser à ses pieds coincés dans ces chausses Moldues. Il regarde l’obscurité du ciel éclairé par la lumineuse Londres, pour ne pas être tenté de faire rapper ses doigts contre le froc bleu que lui a filé son frère. Zakary déteste porter des vêtements Moldus. Il déteste sentir les tissus étrangers frotter sur sa peau et il ne supporte pas que ses membres soit enfermés alors qu’ils pourraient respirer sous une bonne robe épaisse.

Zakary lève à peine la tête quand il traverse la petite route brillante. La pluie dégouline du ciel et il regrette de ne pas avoir transplané. En partant de chez Narym, il a voulu errer dans les rues de Londres. Il avait alors l’esprit à la fête, le coeur à la boisson. Lounis n’étant pas disponible et Narym étant bien trop sérieux, Zakary avait dans l’idée de découvrir la nuit Moldue. De la découvrir seul. Mais maintenant que le ciel chiale sa peine, Zakary n’a qu’une envie : transplaner chez lui.

Levant la tête, il regarde autour de lui et grimace en avisant tous les Moldus qui trainent dehors. Un homme grisonnant le frôle et le dépasse sur le côté ; la rue est vivante, lumineuse et bavarde, il n’y a pas moyen de s’échapper pour transplaner. L’homme reprend sa route, fourrant ses mains dans les poches de la cape dont il n’a su se départir. Il resserre les pans autour de son corps et lève la tête sur les nuages pour ne pas voir le regard vide des Moldus qui regardent son accoutrement étrange.

Les bâtiments sont immenses autour de lui. Ils s’élèvent loin vers le ciel et leurs milles ouvertures jettent sur Zakary leur lumière artificielle. Un sourire s’inscrit sur les lèvres du l’homme ; il aime la nuit et ses secrets, il aime être seul et se laisser habiter par le mystère qui incombe aux ténèbres.

L’esprit ailleurs, Zakary tourne dans une rue et marche en frôlant les murs aux devantures lumineuses. Bien que particulièrement mal à l’aise dans ce monde sans magie, Zakary se laisse tenter à observer les objets inconnus qui défilent devant lui. Il plisse les yeux pour atténuer la douleur que cette lumière Moldue fait apparaître dans son crâne. Une soirée passée dans le salon de Narym éclairé par cette chose brillante a suffit à lui donner envie de vomir sur la moindre lumière qu’il croise. Pourtant, après avoir tourné dans une autre rue et évité une bande de jeunes caquetants qui l’avait gentiment chambré sans réussir à lui arracher de réponse, Zakary s’approche d’une devanture lumineuse qui accroche son regard.

L’homme, tout recroquevillé dans sa cape pour ne pas laisser le froid l’atteindre, se tient devant la grande vitrine lumineuse. C’est un magasin aux nombreuses baies vitrées et une immense double porte en verre qui, pour l’heure, est fermée par des grilles épaisses. Zakary déambule devant les vitres avant de jeter son dévolu sur celle la plus éloignée de la porte. Il se penche, grimaçant quand il doit remonter le pantalon rugueux pour plier ses longues jambes. Il se tient accroupi et secoue sa cape pour que le bout ne touche pas le sol humide.

Des objets énormes s’entassent. La lumière rebondit sur leur couleur métallique et leur forme étrange. Zakary fronce les sourcils, se penche jusqu’à ce que son front touche la verrière. Un objet particulièrement imposant attire son attention. Il trône en maître dans cette vitrine, Zakary comprend que les fioritures autour ne servent qu’à le mettre en avant. Il lève la tête pour voir le haut de l’objet puis la baisse pour tenter de comprendre pourquoi la chose est si différente de ce qu’il a vu auparavant. Les deux grandes roues ornées de tiges de fer sont agrémentées de tout un tas de choses étranges, de fils, de rondelles et sa forme est plus allongée que dans ses souvenirs. Une lourde ossature de métal rattache les roues et, au milieu, un siège.
Soudainement, il se souvient : il a déjà vu ces objets rouler sur les routes de Londres. En y pensant, il en voyait fréquemment mais n’avait jamais eu l’occasion de monter dessus. C’était étrange comme moyen de se déplacer et ce n’était certainement pas aussi sensationnel que le transplanage. Il se rappelle avoir vu l’une de ses vieilles choses dans la rue sorcière où il travaille ; elle était cependant loin de ressembler à la chose tout à fait Moldue qu’il est en train de regarder.

Un léger sourire aux lèvres, le visage illuminé par la lumière blanche de la vitrine, Zakary laisse courir ses yeux sur l’objet-transport qui arbore d’intenses couleurs rouge et bleu. Autour de lui, Londres respire. Elle jette des cris au ciel, des rires et même des chants. Les Moldus passent derrière Zakary, le contournent et l’ignore. Ces gens du soir ont le visage en fête ; et si certains ont le coeur plus lourd que d’autres, ils sont avalés par la foule nocturne qui fait vivre la ville.