Perdu-e... C'était le mot qui me convenait . Je débarquais d'Inde, et découvrais Londres. Cette ville n'avait strictement rien à voir avec Delhi, où j'avais grandi, ni même avec Pondichéry. Pour la première fois de sa vie, je mettais les pieds dans une ville peuplée mais très propre, avec un métro. Le métro ! C'était fou !

Cela valait bien tout l'argent que je mettais dans mon studio. Après mes études de journalisme, j'avais été engagé-e par la Gazette du Sorcier, journal célèbre dans tout le Royaume-Uni, que je lisais à Dublin, là où j'avais fini mes études.

Après avoir pris le métro dans le mauvais sens, puis finalement, dans le bon, et un bus, suivant le plan que j'avais pris à l'office du tourisme, j'étais arrivé dans une rue que je ne connaissais pas, et qui n'avait pas l'air d'être sur le plan. J'avais bien essayé de demander mon chemin à quelques Moldus, mais aucun n'avait pris la peine de me répondre. J'accusais mon accent indien, et le fait que je n'étais pas bilingue, et que j'hésitais…

Un parc se trouvait non loin de là. Je décidais donc d'aller m'y poser avec mon plan pour m'y retrouver. J'espérais juste que ma chouette, donnée par mes parents pour correspondre avec elleux, que je portais dans une petite cage, ne faisait pas trop étrange. Je ne me faisais pas de soucis pour mon chat, les Moldus ont souvent des chats, c'est un animal répandu.

En entrant dans le parc, je remarquai plein d'espèces végétales intéressantes. J'adorais la botanique, c'était une de mes matières préférées à Jadugara. Je me promis de retourner dans ce parc lorsque je serais bien installé-e ici.

En attendant, j'allai m'asseoir sur un banc, et déployai mon plan, tellement grand que je ne parvenais pas à le tenir entièrement. et, lorsque je tentai de le faire, il se déchira. J'étais dans la galère, je ne savais pas me repérer, et mon plan semblait décidé à ne pas vouloir m'aider… 

Reece marchait depuis quelques temps dans les rues de Londres, sans savoir quoi faire. Une cigarette presque entièrement consumée entre les doigts, il flânait, regardait chaque vitrine, et recommençait ce petit jeu minable. Le brun poussa un long soupir, alors qu'il passait devant un parc. Son colocataire était en ce moment avec une fille, et il était clairement stipulé dans leur charte des colocataires que l'autre devait s'en aller. Lui qui avait imaginé passer tout l'après-midi à jouer à un nouveau jeu, il allait devoir attendre. Et pendant ce temps, il marchait.
Reece s'était fait embaucher il y avait quelques jours seulement par le célèbre journal "La Gazette du Sorcier". L'écossais avait enfin trouvé un job, qu'il espérait stable. Il n'en pouvait plus de ces semaines dans des fast-food minable. Etre dans un bureau et ne pas sentir la frite à longueur de journée allait lui faire du bien.
Reece venait de dépasser un des chemins du parc, et, sans savoir pourquoi, recula ridiculement. Il pouvait bien aller s’asseoir sur un de ces bancs. Les mains dans la poche ventrale de son sweat-shirt bleu marine, qui paraissait toujours trop grand pour son corps maigre, il manqua de glisser et se rattrapa au dernier moment. Le brun refusait de tomber sur le chemin de terre. Laird n'hésiterait pas à se moquer de lui pendant une semaine entière. Le premier banc qu'il croisa était déjà occupé, mais un peu de compagnie dans son après-midi n'allait pas lui faire de mal. Un bruit atroce attaqua son cerveau, celui d'une feuille se déchirant. Tout en priant pour qu'aucun livre ne se soit fait tué, il leva la tête et aperçut le plan d'une jeune femme déchiré. Tout en s'asseyant sur le banc sans demander l'autorisation, il sortit une de ces mains pour désigner le plan et demanda :

-Vous êtes perdue ?

Un jeune homme venait d'arriver. Il se posa  sur le banc où j'étais installé-e. Je ne relevais pas. J'espérais juste qu'il n'allait pas se mettre à me draguer ou autre truc du style, je ne connaissais strictement rien à la drague anglaise, et les dragueurs que j'avais pu rencontrer dans ma vie m'avaient dégoûté-e des hommes.

Je fus surpris-e quand il me demanda si j'avais besoin d'aide. Je ne m'attendais pas à cela de sa part : bien qu'optimiste, je restais lucide quant à la nature humaine.

Travaillant mes mots et parlant doucement pour être compris-e par mon interlocuteur, je répondis en souriant :

- Oui, j'aurais besoin d'aide s'il vous plaît.

Je laissai transparaître néanmoins une certaine méfiance. Je n'appréciai en règle générale guère les hommes. Cependant, sur celui-là, j'avais l'avantage de la magie : s'il venait à m'embêter, je pouvais lui lancer un Stupéfix. Je vérifiai que ma baguette se trouvait bien dans mon sac le plus proche, et que je pouvais facilement l'atteindre.

- Je souhaiterais trouver la rue John Carpenter. Il me semble que ce n'est pas trop loin d'ici.

"D'après mon plan", voulus-je ajouter. Cependant, mon plan n'était plus en état de servir. J'espérais simplement que mon interlocuteur n'allait pas se moquer de mon accent, ou faire semblant de ne pas me comprendre.

- Et si vous aviez un plan quelconque sur vous, je ne suis pas contre, ris-je.

Désolé-e pour le retard

La jeune femme répondit dans un sourire, mais ses yeux, eux, montraient que Reece était vu comme un inconnu peut-être dangereux. Peu importe. Elle se rendrait très vite compte que le jeune homme était incapable de faire du mal, ou même seulement importuner une mouche. Et si la pensée de l'inconnue se portait sur la drague, il était bien trop timide pour aller vers les filles dans ce but. La brune demanda alors la rue John Carpenter. Reece voyait vaguement où celle-ci se situait, et de leur point de départ, qui était le Finsbury Circus Gardens*, il lui semblait que les deux n'étaient pas très loin.

-Cette rue est à peu près à 20 min de marche si mes souvenirs sont bons... Par contre, je n'ai pas de plan sur moi, ça me servirait pas à grand-chose, termina-t-il dans un léger rire

L'inconnue avait un accent intéressant, mais Reece ne parvenait pas à déterminer ses origines. Ce n'était pas d'une grande importance, mais l'écossais était curieux de savoir. Ce fut peut-être pour cette raison qu'il proposa à la femme la chose suivante, malgré son livre dans la poche de son léger blouson qui l'appelait :

-Si vous voulez, je peux vous y emmener. Enfin, je n'ai rien d'autre à faire, et ça me fera passer le temps. Vous n'êtes pas obligé de dire oui, hein...

Reece s'embrouillait dans sa phrase, et un petit sourire de gêne s'étala sur son visage, tandis qu'il se grattait la nuque. Il ferait mieux de se taire tout de suite, il n'allait faire qu'empirer les choses... Il ne serait pas surpris que l'inconnue refuse, il devait paraître étrange.

*J'ai mis ce parc au hasard, tu me dis si ça ne te convient pas

Apparemment, l'homme ne souhaitait que m'aider. Ouf. Il existait encore quelques hommes respectueux dans ce monde. Enfin, pour le moment. Je restais méfiant-e, ne pouvant pas me permettre de faire trop facilement confiance à cet homme, sinon, je risquais de révéler mon identité de magicien-ne à cet inconnu, sans doute Moldu, ainsi que mes origines, déjà trahies par mon accent. Je souhaitais limiter au minimum les situations pouvant conduire à du racisme.

- 20 minutes… D'accord, je ne suis pas pressé-e ! Vous savez si la rue où nous allons est fréquentée ? Je n'aime pas les quartiers sans ambiance.

Etant donné qu'il savait où se trouvait ma rue, je songeais qu'il devait être londonien, et donc bien connaître la ville dans laquelle il vivait, tout comme je connaissais Delhi et ses quartiers. Ah, Delhi, ma ville… J'adorais cet endroit, et, même si j'avais choisi de venir ici pour exercer mon métier plus librement, j'avais hâte d'y retourner.

L'inconnu me proposa de me guider. Je vérifiai intérieurement les conditions. J'avais pris l'habitude d'analyser toutes les situations, même si, statistiquement, j'avais moins de risques ici. Il n'y avait rien d'inquiétant : il ne faisait pas nuit, et les rues étaient encore fréquentées. Je me décidai donc à accepter.

- Je veux bien ! Attendez juste que je range ça, dis-je en désignant mon plan déchiré. J'essayerai de le réparer chez moi.

Lorsque j'eus fini de ranger ce bout de papier défoncé, je me levai du banc. Mon mouvement, sans doute trop brusque, fit tomber mon bâton de magie, que j'avais réussi à dissimuler dans un sac en tissu. Je me mis soudainement à stresser. Que pourrais-je dire à cet homme quant à la fonction de ce bâton ? Je me dépêchai alors de le ranger, espérant qu'il n'avait rien vu, et gardant le silence.

Pardon pour le retard… Je t'envoie un hibou pour t'expliquer tout ça !

Reece fit une grimace à la demande de la jeune femme, et lui répondit, essayant de fouiller dans ses souvenirs :

-J'ai bien peur que vous ne soyez déçue... Il me semble qu'il n'y ait pas de bar dans cette rue...

A la proposition du brun, l'inconnue mit quelques temps à se décider. Peut-être essayait-elle de deviner si Reece était  un tueur, un violeur ou autre, et un très léger sourire qu'il cacha en une seconde s'afficha sur ses lèvres à cette pensée. Il attendit à ses côtés, assis, que l'autre range son plan, ou du moins qu'elle le fourre dans son sac de tissu, mais se leva en même temps qu'elle. Un léger bruit l'interpella et il tourna la tête, apercevant difficilement un objet ressemblant étrangement à... une baguette ? Non, impossible. La probabilité de tomber sur une sorcière était trop peu élevée. Ou alors ?  Montrant du menton le sac en tissu, où la femme venait de ranger sa peut-être baguette, il dit :

-Sympa, votre bout de bâton.

Le brun marqua une légère pause, puis ajouta, d'un ton légèrement plus bas :

-J'espère que vous ne faites rien d'impardonnable avec...

Si elle était réellement une sorcière, elle comprendrait. Si non, il passerait juste pour un gars bizarre comme il en coure les rues partout dans le monde. Pas très grave. Reece était habitué à ce que l'on ne le comprenne pas. A Poudlard, beaucoup d'élèves pensaient être intéressants en faisant des commentaires sur sa façon de vivre sa vie, plongé dans ses romans. Reece n'en avait jamais tenu compte. La lecture était bien plus importante que les autres humains. Sauf Ania, bien sûr.

Il n'y avait pas de bar dans cette rue… Mais ce n'était pas réellement de ça que je parlais. Je pensais plutôt à de la musique de rue, à du théâtre itinérant… Enfin, il n'était pas nécessaire de questionner davantage ce jeune homme, il semblait ne pas en savoir beaucoup plus que moi, et nous n'avions pas la même définition de l'ambiance.

Soudain, il se remit à parler de mon "bout de bâton". J'eus un instant l'espoir qu'il laisse tomber, et se concentre sur le plan de la ville de Londres. Mais c'était sous-estimer mon interlocuteur. *impardonnable…* Ce mot tourna en boucle dans ma tête. C'était peut-être une référence aux Sortilèges Impardonnables. Mais était-ce un sorcier ? Tomber sur un sorcier lors de ma première rencontre à Londres me paraissait saugrenu.

Je ne savais pas quoi faire : pouvais-je me fier à cet homme ou pas ? Pouvais-je lui indiquer que ce n'était pas un "bout de bâton" mais un bâton de magie ? Si ce n'était pas un sorcier… ? Il me prendrait sans doute pour un-e dégénéré-e. Les Moldus étaient bien trop ancrés dans leur monde pour croire à l'existence de la magie. Et puis, cette phrase était définitivement trop suspecte pour que mon interlocuteur soit un Moldu.

- Rassurez-vous, je ne fais rien d'impardonnable avec ce bâton.

Après avoir prononcé ces quelques mots, je me décidai à cesser de tourner autour du pot :  ça m'agaçait profondément. J'inspirai un grand coup, puis je sortis mon bâton de magie de mon sac, et le lui présentai. D'une voix que je voulais calme, et surtout, pas trop sèche, j'indiquai :

- Ceci n'est pas un "bout de bâton". C'est un bâton de magie, qui fait la même chose que votre baguette magique. Je présume que vous en possédez une... Cessons de tourner autour du pot. Pouvez-vous m'indiquer votre nom ? demandai-je d'une voix plus légère. Ainsi, j'aurai au moins un contact dans le Londres sorcier avant de commencer à travailler.

A la fin de cette tirade, je lui adressai un petit sourire. J'espérai qu'il ne se braquerait pas trop.

La jeune femme semblait trouver Reece ennuyeux, et celui-ci se demanda alors s'il ne s'était pas trompé. Peut-être n'était-elle pas une sorcière, en fin de compte ? Mais elle reprit alors la parole, et le brun comprit qu'elle n'appréciait seulement pas les messages cachés. Sa tentative de connaître la réelle identité de la jeune femme avec un peu d'humour était donc complètement tombé à l'eau. Qu'est-ce qu'il se sentait bête, tout de suite... C'était un autre exemple du pourquoi aucune femme ne s'intéressait à lui. Pas drôle. Et même le sourire de l'étrangère ne parvenait pas à le rassurer. Il se trouvait pathétique, mais cela n'était pas nouveau. Dès qu'il s'adressait à une femme, il faisait une erreur, et se retrouvait mis dans la liste "Indésirables". Il en était presque habitué, mais il y avait toujours ce petit pincement au cœur chaque fois qu'il se rendait compte qu'il était nul pour parler aux autres.
N'osant plus trop parler, le sorcier se contenta de répondre avec le même petit sourire poli que la brune :

-Reece Brett. Et... Et le vôtre ?

Reece souhaitait maintenant seulement rentrer chez lui, pour lire, ou jouer aux jeux vidéo. Mais il avait proposé à la jeune femme de lui montrer le chemin, et n'était pas du genre à se débiner. Donc il resta à ses côtés tandis qu'il attendait qu'elle lui réponde. Il montra alors la rue du menton, les mains bien ancrées dans ses poches.

-On y va ?

Désolé pour le retard !