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18 août 2019, 23:47
 OS   Solo  Des mots purs sur des bouts de papier
RUBY, 11 ans
17 juillet 2044 7h00
Demeure des Everheart
Rothwell Street, quartier de Primrose Hill, Londres


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•••

D'un coup sec, je tirai les lourds rideaux de velours de ma chambre, et une vue imprenable sur la cité de Londres s'offrit à moi. Toujours la même, certes, et pourtant si différente chaque matin. Il était sept heures du matin et Primrose Hill s'éveillait, sous un ciel qui commençait à s'éclaircir. Depuis le deuxième étage du manoir Everheart, je contemplais ce paysage, comme absorbée par la beauté du lieu. Un faible rayon de soleil traversait la pièce où je me trouvais. *Que me réserve cette journée ?* songé-je. Chaque matin, j'avais la même pensée, pour mieux profiter des instants de bonheur que la vie m'offrait. Or, cette matinée là n'allait pas être comme les autres, et me réservait bien des surprises.
Je secouai la tête, chassant d'un mouvement ma rêverie, et me dirigeai vers la salle de bains qui jouxtait ma chambre. La demeure était grande, impossible de le nier. Elle avait appartenu à de riches occupants et le couple Everheart, assez aisés eux-aussi, l'avait rachetée.
Le visage d'une petite fille se reflétait maintenant dans le miroir de la pièce. Une mine vaguement ensommeillée et des cheveux d'un doux blond cendré mais surtout hirsutes, que je m'empressai de coiffer. Au hasard, j'attrapai une robe dans ma penderie, la revêtit puis me jaugeai du regard une dernière fois, tout en adressant un charmant sourire au miroir. Après cette inspection matinale, je descendis le grand escalier et pénétrai dans la salle à manger. Ma mère, Eileen, avait dû passer par là car le petit-déjeuner était déjà prêt.
Soudain, des pas se firent entendre et Amelia Everheart entra dans la pièce. Ma sœur cadette s'attabla en silence, sans un regard pour moi. *Encore !?*. Piquée au vif, je lui adressai un « Bonjour Amy » qui se voulait chaleureux. Sans effet, ou presque. Amelia marmonna un « Bonjour » à peine audible, et je renonçai à mes efforts d'amabilité. Simplement, je mis la mauvaise humeur d'Amelia sur le compte de l'ensommeillement dont elle devait encore être victime.
Mais je savais évidemment que nous étions en froid ces derniers temps, cherchant à se rapprocher et se déchirant à la fois. Querelles incessantes de sœurs, me direz-vous. Plus que cela, profondes jalousies et incessantes rivalités qui troublaient notre affection mutuelle. Des maux qui ne devraient pas accabler deux jeunes êtres, au tout début de leur existence. Pas maintenant.
J'allais pour me lever de ma chaise et à cet instant précis, mon père Alexander Everheart fit son entrée dans la pièce. Dans une de ses mains, il tenait le courrier que le facteur venait de déposer dans la boîte aux lettres familiale. Eileen arriva à son tour, comme un numéro finement préparé. L'air grave, le premier me tendit une lettre, me signifiant inutilement :

« Tu as du courrier, Ruby. »

Instantanément, je me saisis du message qui m'était destiné et le décachetai. Un très beau cachet en cire, d'ailleurs : s'y dessinait un blason, orné de la lettre "H" et enjolivé par quatre animaux. Je ne m'attardai pas davantage sur leur apparence et sortis directement la lettre contenue à l'intérieur de l'enveloppe. Mes yeux parcoururent rapidement le texte, effleurant tour à tour chaque mot. Une expression de surprise, mêlée de bonheur apparut sur mon visage, s'amplifiant à chaque paragraphe. Cette fameuse lettre m'expliquait que j'étais admise à l'école de sorcellerie écossaise de Poudlard, dont Maman m'avait souvent parlé suite à la découverte de mes pouvoirs, *des années plus tôt*. Y était jointe une liste de fournitures, bien entendu indispensables pour ma première année.
Je lus enfin la lettre à mes parents, ainsi qu'à ma sœur qui nous avait rejoints, et une fierté sans nom emplit le couple Everheart. Leur fille allait faire sa rentrée dans la prestigieuse école de Poudlard ! Bien sûr, cela signifiait qu'ils ne la verraient pas pendant quelque temps, mais qu'importe ! Eileen et Alexander me félicitèrent chaleureusement pour cette nouvelle, et même Amelia me complimenta.
Tandis que Maman, en effervescence, pensait déjà aux achats qu'elle ferait avec moi, je pris à part ma jeune sœur :

« Maintenant que je suis admise à... Poudlard... J'avais encore du mal à me faire à l'idée. On ne se verra plus autant qu'avant. Est-ce que ça te dirait qu'on s'envoie des lettres ? »

*Il doit sûrement avoir un service postal là-bas...* pensé-je. « Qu'en dis tu ? » demandé-je à ma cadette, me replongeant dans la conversation.

« Il est vrai que tu vas me manquer, Ruby, commença Amelia. C'est d'accord, on s'écrira. »

Je lui souris, touchée par sa réaction ; je n'obtins pas l'ombre d'un rictus en retour. Ma mère s'approchait déjà de moi.

« Ruby, je te propose d'aller acheter tes fournitures avec moi, sur le Chemin de Traverse, après-demain. Nous nous y rendrons à pied, Charing Cross Road n'est pas si loin. »

« Oh, j'ai si hâte maman ! » répondis-je, toute excitée.

Je n'étais jamais allée à cet endroit, et c'était un réel bonheur de voir mon avenir se dessiner ainsi. Du jour au lendemain, ma vie avait changé, et j'allais pouvoir apprendre à mieux contrôler ma magie ; tout comme moi, elle était pour l'instant imprévisible, changeante. Tant d'autres choses encore m'attendaient en Écosse. J'avais déjà des étoiles dans les yeux.

these violent delights have violent ends