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08 nov. 2019, 04:52
Parce-qu'une Étoile peut aussi Chanter  CO-ÉCRIT 
Co-écrit avec la
Plume de Verity Abberline

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[ 1 JUILLET 2043 ]
Grande Avenue de Whitechapel, Tower Hamlets, Londres

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Verity Abberline, 12 ans.
2ème Année

oOo

Charlie, 13 ans.
2ème Année




Ces Autres, et leurs pas déréglés, sur le mauvais chemin. Combien de Moldus est-ce qu’il y avait dans ces pas ? *Beaucoup*. Mon crâne noir collé contre la porte qui me portait, de noir, s’apaisait tranquillement. Les pensées qui flottaient sur ma conscience m’emmenaient avec elles, griffues d’attirance. *Énormément d’Moldus*.
Tellement de corps qui vivaient sans la moindre idée que des Puissances sur pattes étaient en liberté. *Louna…*.
Depuis que mes paupières s’étaient ouvertes ce matin, j’avais repoussé cette torture de prénom ; ce concept malaxé de tellement de trucs instables. Il fallait que je réfléchisse à une manière de réellement comprendre la Magie, comme je l’avais fait avec mes harmoniques ; cette année, j’avais juste appris comme une abrutie, sans chercher à comprendre. Je devais tout recommencer. *Fait chier*. Mais j’avais tout l’été pour trouver une solution. *LE HIBOU !*.

Merde ! Yuzu ! Pour ça, je n’avais pas tout l’été ! *Bon Dieu ‘faut qu’j’envoie !*. Ce soir, dès que j’allais rentrer à la maison, il fallait que je saute sur ma plume.
Mes sourcils se tordirent dans la tranquillité de mon esprit. *Oh non*. Pour envoyer ma lettre, j’étais obligée d’utiliser la bestiole de l’Autre trainée ; Poudlard et ses hiboux à moitié crevés étaient bien loin maintenant. Mes pensées se brouillaient en se mélangeant entre elles, comme une grosse bouillie. *Moldu, magie, faire… C’était quoi déjà…*. La Peste nécrosait mon esprit dès qu’elle y apparaissait, comme la pire des maladies. Tout le calme que je m’étais créé venait de crever, pitoyablement ; il s’était écrasé la gueule par terre, tronche la première. *Tss…*. Je m’éjectais de mon noir, pointant un ultime doigt d’honneur à cette image maudite du vert-trainée.

J’écartais les paupières sans prendre mon temps, aussi brusquement que l’expulsion de mon crâne. *Oh*. Mon regard se concentra sur ce que j’avais en face. Toutes les couleurs étaient changées.
Pendant un instant, elles étaient beaucoup plus fortes, mais beaucoup plus ternes. Ces teintes-moches brillaient très fort, pendant ce petit instant. Puis mes yeux s’habituèrent, comme des traitres, ne me laissant même pas le temps d’aimer cette nouveauté. Je relevais les yeux sur la fille que j’avais presque oubliée. Elle était plantée là, en train de fixer un plan du quartier avec…
Ma respiration ralentit, mon front se tordit. *Que…*. J’allongeais mon cou pour mieux regarder, le silence se refermant dans mon crâne. *Mais…*. Je ne rêvais pas, mes yeux ne mentaient pas. *C’est une baguette !*. Cette tarée avait une foutue baguette à la main ! *MAIS !*. Mes fesses étaient presque entièrement dans le vide tellement je m’étais tendue pour voir. *ELLE S’FOUT D’LA GUEULE DE QUI ?!*. Je balayais les parages d’un coup d’œil rapide ; la rue n’était pas blindée d’Autres, mais il y avait quand même une bonne masse, plein de témoins partout. *Encore un foutu rêve !*. La folie cauchemardesque d’hier était en train de repointer sa première canine, là, aujourd’hui. *C’pas possible !*.

Mon regard se révulsa vers la tarée, qui était en train de plonger sa baguette dans sa robe. *S’est rendu compte d’sa connerie l’abrutie ?!*. Elle se retourna tellement fort que j’eus peur qu’elle perde l’équilibre ; et dans son mouvement, ses longs cheveux me frôlèrent la tronche, séparant l’air de leur forme impressionnante. *C’beau aussi long*. J’étais prise dans l’ampleur des longs filins dorés, emmenée dans leur vol trop court. *Hein ?*.
Mon pied gueulait d’une douleur aiguë. *Mais !*. Je défocalisais mon regard en un seul clignement, pour découvrir que la tarée m’avait marché dessus ; et qu’elle était en train de se casser.

En fronçant les sourcils, je baissais les yeux pour vérifier l’état de ma basket droite — celle qui cachait mes orteils souffrants. Aucune trace de saleté, mais des restes de douleur. *Bien…*. Il fallait que je me lève ; la galerie pouvait attendre puisque d’abord, j’allais bouffer cette tarée.
Les sourcils toujours aussi froncés, je relevais les yeux pour vérifier où elle était passée. *Oh, parfait*. En plus d’être tarée, elle était inconsciente ; son corps s’était retourné vers moi, et son regard m’appartenait.

*Alors…*. Je tordis encore plus mes traits, transformant mon visage en structure prête à attaquer. Sans chercher à lire en profondeur dans ses yeux brillants, j’y voyais facilement comme une pression, un truc qui s’écrasait. C’était moi qui provoquais ça, j’en étais sûre. Un sourire intérieur, mauvais, étalait mes pensées. J’étais en train de me venger d’hier, et *bordel* ça me plaisait.

Avec ta discrétion d’merde, j’suis sûre qu’t’es une pouffy, siffla ma voix, la mâchoire serrée.

J’avais décidé de rester assise pour savourer cet instant. Il avait un goût délicieux. Surtout avec la tronche que tirait la tarée ; tout son visage s’écrasait comme si quelqu’un l’avait frappée sur le crâne.
*La pauvre*. Une pointe de peine se mélangeait à mes autres émotions. Sa tronche me déclencha une brusque envie d’éclater de rire, presque aussi forte que d’écraser sa petite tronche sur le sol. Sa bouche était en train de s’ouvrir, je me demandais si sa voix allait trembler.

Silence.
La cavité de sa langue se referma. *Elle a autant peur qu’ça ?*. Ce foutu sentiment de peine revenait en essayant de déstabiliser mon visage fermé. *Tss…*. Sans abandonner mes traits serrés, j’essayais d’accrocher la surface de ses yeux brillants comme des petites billes.
Avant même d’en attraper la moindre miette, elle détourna sa tête vers le haut, cherchant quelque chose dans le ciel. Je suivis la cible de son regard en me tordant le cou. *Des nuages et… du bleu*. Même pas le moindre petit piaf. Une moue de doute se glissa entre mes traits, à l’étroit.

Mon regard glissa le long du ciel, puis le long du bâtiment en face, pour finir sur la tronche douteuse de la tarée. Elle me regardait ; de ses yeux étranges. Pas beaux, mais spéciaux. Puis — comme si de rien était — elle haussa les épaules en sortant un portable, tapotant dessus avec ses doigts, comme si je n’avais jamais existé. *’est vraiment bizarre…*. Elle était réellement tarée dans le sens profond du mot. Mes pensées en restaient bouche bée.

NOUS SOMMES PRÊTS À PARTIR POUR. GALERIE WHITECHAPEL.

Un GPS. *Ah*. Je ne savais plus vraiment si elle était sérieusement cinglée ou si elle se foutait de ma gueule de la plus belle des façons. Mais j’étais au moins sûre qu’elle voulait aller à l’exposition de mon père. *Bien*. Alors je décidais de continuer à croire qu’elle était normale.

CONTINUEZ TOUT DROIT PENDANT DEUX CENTS MÈTRES SUR. GRANDE AVENUE DE WHITECHAPEL.

Toute la rue allait finir par entendre ce foutu GPS.
Rassemblant toute ma concentration, mon regard était attentif au moindre détail de son visage, à l’affut du moindre mouvement qui pouvait la trahir.
Je me relevais lentement, en essayant de ne pas provoquer de réaction inutile. *Haa… Bon Dieu*. Mes fesses étaient presque totalement anesthésiées, vidées de leur sang.
Puis j’avançais mon corps, toujours avec la même lenteur. Trois pas, précisément. Pour me planter juste en face de cette fille bizarre.
Mes talons se posèrent sur le sol.

CONTINUEZ TOUT DROIT.

La tarée me remarqua et recula immédiatement d’un pas ; qui resta inachevé, la pointe de son pied contre le sol, son talon en l’air. *C’est…*. Elle resta comme ça, dans un équilibre approximatif.
Mon regard virevoltait dans tous les sens, pour ne rien rater. Ses yeux s’étaient fermés. *Elle…*. L’air se compressa au niveau de ses lèvres, aspiré par ses puissants poumons ; la fluidité de sa respiration me rendait jalouse, même si autre chose l’empêchait de bien respirer. *Moi*.
Ses prunelles apparurent enfin, dévoilées par ses paupières instables. *Oh*. Ça tremblait, là-dedans. Ça avait peur, tout au fond.

CONTINUEZ TOUT DROIT.

Mouvement.
Mon regard était déjà dessus. Sa bouche s’articulait ; sans voix. Même pas un tout petit filin de fréquence. Rien. Je me concentrais sur le balancement de ses lèvres, qui faisaient des mouvements tellement forcés pour articuler que même un aveugle aurait pu comprendre son unique mot. *Pardon ?*. C’était donc ça, la tarée. Me dire pardon ? *Ah ouais ?*.
La tarée-peureuse qui me faisait de plus en plus de peine. C’était donc ça…

CONTINUEZ TOUT DROIT.

Mon regard descendit sur le portable qui gueulait. *Oh. Mais…*. Et la main qui le portait qui tremblait. *Pourquoi ?*.
Je ne comprenais pas bien cette fille, mais le doute que j’avais eu au début se confirmait de plus en plus : elle était tétanisée. Son pied en retrait n’avait pas bougé, toujours en équilibre bancal, le talon en l’air. *Tss…*. Il n’y avait rien d’excitant à faire peur à une Autre qui était presque en train de se pisser dessus d’angoisse.
Je me sentais ridicule.

CONTINUEZ TOUT DROIT.

Je fis un pas en arrière, le regard écœuré vers le téléphone, puis je relevais les yeux mollement sur la peur-en-brillance, le regard vert bizarre.

Ton GPS va s’mettre à t’insulter, soupirais-je en supprimant toute la dureté de ma voix.
*’r’garde ma bouche*. Au moment où j’avais agité mes lèvres, ses yeux s’étaient lancés sur ma bouche pendant toute la durée de ma phrase ; c’était après ça qu’elle replongeait ses prunelles dans les miennes. *’lle entend pas bien ?*. Elle s’agita.

Ses doigts faisaient de grands mouvements rapides sur son téléphone.
Tout en l’observant, mes ongles grattèrent le dessus de mon crâne ; la sueur me démangeait encore. L’écran de son téléphone se planta soudainement face à moi, ce qui me fit oublier ma démangeaison.
Une petite barre clignotante portait à sa gauche l’unique mot : « Pardon ». Le téléphone s’éloigna et je pus voir qu’elle pointait mon pied de l’autre main. *C’est-bon-j’ai-pigé*. Sa tronche effrayée me faisait chier ; j’allais finir par avoir envie de m’excuser aussi, si elle continuait ses conneries. Un bruit perçant détona dans toute la rue ; me perforant les tympans.

Bordel ! criais-je sans m’entendre et en me vrillant les yeux. Mes deux mains virevoltèrent pour se plaquer contre mes oreilles. *Ambulance de merde !*. L’alarme de ce truc était la pire chose de la ville. J’appuyais de toutes mes forces, essayant de joindre mes paumes à travers mon crâne. La camionnette de l’enfer était juste à gauche, en train de forcer le passage. Tous les Autres se bouchaient les oreilles : si ce n’était pas les deux, c’était au moins une. Tous les Autres, sauf une. Qui remplissait mon regard. *Que…*.

La peureuse me regardait bizarrement, comme si j’étais devenue folle. Le son horrible n’existait pas dans ses yeux. Il n’y avait pas la moindre trace du bruit sur son visage, alors que mes mains étaient tellement écrasées que ma cervelle se sentait à l’étroit.
*T’es sourde*. C’était une évidence, une vérité flagrante ; j’étais sûre de moi. Cette peureuse était totalement sourde. *Bon Dieu*. Il y avait une pouffy sourde à Poudlard. Sa manière bizarre de me regarder s’expliquait. Tout comme sa manie de regarder ma bouche, ou de tordre son visage quand elle essayait de parler. Tous ses trucs débiles devenaient harmonieux, si vite. *Ne rien entendre…*. C’était horrible. Et la Brillance de son regard était celle qu’elle n’avait pas réussi à avoir avec ses oreilles. ; j’en étais tout aussi sûre. *’peut pas jouer du piano*. Un frisson me déchira le dos, mais j’étais très calme.

L’ambulance s’était éloignée.
Mes mains se décollaient lentement ; elles étaient moites, perlant de sueur. Sans dévier mon regard de la brillance, je pointais le téléphone d’une main, puis j’agitais mes doigts en un unique mouvement vers moi. *Donne-moi ça*. Sa Brillance avait moins peur, elle était moins bordélique, je la sentais. Alors je me permettais d’essayer.
La Brillance observa l’objet que je voulais, comme si elle était en train de juger sa valeur avant de le perdre.
*Sourde…*. J’avais encore du mal à y croire.

Son bras se tendit vers moi en tremblant, replongeant ses yeux spéciaux dans les miens. Je voulais contempler tout ce qui pouvait se passer à l’intérieur de sa Brillance précieuse, en prenant tout mon temps. *Regarde*.
Avec une grande lenteur, j’avançais ma propre main vers la sienne ; et je vis sa Brillance se dilater bizarrement. *’aie pas peur*. Le bout de mon pouce et mon index se posèrent sur l’objet. Mon regard était prêt à avaler tout ce qui pouvait barboter dans le sien.

Grand silence. Sa Brillance était figée dans un masque dilaté, comme si elle me jaugeait, me tournait autour avec la bouche ouverte. *J’vais rien t’faire*. Puis tout s’affaissa, un long soupir scintillant dans la fabrique de son regard, comme si un mur venait de se casser la gueule.
Le portable arrêta de trembler entre ses doigts. En contre-bas, son talon se reposa sur le sol ; puis elle leva la tête en l’air. *Deuxième fois*.
Un léger soupir traversa mes lèvres, alors que mes sourcils se fronçaient. J’avais aimé sa Brillance, mais elle était vraiment spéciale.
Cette fille… que ça soit ses mouvements de tête ou sa façon de regarder, c’était aussi bizarre qu’attirant.

Je refermais la bouche, pendant que la fille avait encore la tête en l’air. *C’est marrant*. Et elle avait l’air décidée à rester comme ça. Un léger rictus de sourire fendit ma tronche. *Dans quoi j’me suis foutue…* gloussa une petite pensée traitresse. Mon regard s’affaissa. *Ah oui !*. Ma main !
À l’aide de mes doigts, je tirais le portable vers moi ; je l’avais totalement oublié.

*Alors…*. Je tenais l’écran en face de mes yeux. *Bon Dieu qu’ça fait longtemps*. Mon doigt appuya sur le bouton du milieu, en bas, ce qui alluma l’écran en affichant l’accueil. *J’crois que…*. Je réfléchis un instant en observant le nom des icônes.

Ah, murmurais-je en voyant « Notes ».

J’appuyais dessus.
Un bordel s’ouvrit.
Il y avait des notes dans tous les sens, écrites à plein de dates différentes. *Bien…*. J’étais curieuse d’en lire certaines ; mais en voyant du coin de l’œil la tronche de la fille tournée vers les étoiles, je n’avais qu’une envie : la ramener sur Terre. *Vite*. J’appuyais sur le bouton « Nouvelle note », mon index gauche était prêt à tapoter, il survolait l’écran de très près. *Hm…*.
Mais je restais bloquée face à la barre clignotante. J’avais perdu mon idée d’origine, foutue traitresse. Et aucune idée ne me venait.

Ma langue sortit de son antre pour lécher la face du temps, essayant d’en tirer quelques idées fuyantes. *J’vais juste lui dire que j’sais et puis… c’est tout*. Ce n’était pas une idée mais une vérité, alors c’était bien.
Mon index tapota sur les lettres. *Uuu… M’eeeeen…*. J’étais lente, j’avais l’impression de prendre un temps affreusement long pour écrire que trois mots : « Tu m’entends ? ».

Contente de moi, je tendis l’écran face à la fille-à-la-tête-en-l’air.
Tous mes doigts étaient serrés autour du portable, pour bien faire comprendre à la Brillance que je ne comptais pas le lâcher pour l’instant.
Un instant un peu trop long me laissa toute seule avec le bras tendu, comme une abrutie ; puis la Brillance descendit enfin de son ciel. *Bien*. Je gonflais rapidement mes poumons, puis je me tordis la bouche pour en expulser un puissant sifflement.
*Haa…*. Une grimace déforma mes traits, mon sifflement était si fort qu’il résonna dans mes propres oreilles ainsi que plusieurs mètres à la ronde. *Bon Dieu, j’me suis éclatée…*. Certains Autres se tournèrent vers nous, à l’autre bout du trottoir, avant de continuer leur chemin comme si de rien n’était. Pourtant, la Brillance parcourrait mes mots dans son propre monde, sans avoir été dérangée par le bruit.
*Oh !*. Une épée s’était enfoncée dans l’étincelle de son regard, je sentis la pulsation de son cœur à travers son vert-bizarre, comme une onde courant sur l’eau. *C’est bizarre mais beau*.
Sa tête fit un tout petit mouvement de droite à gauche, comme si elle essayait de se cacher des Autres en me murmurant au creux de l’oreille : « Non, mais garde le secret ».

Cette fois-ci, ce n’était pas un rictus, mais un vrai sourire qui m’ouvrit la gueule. Je contemplais dans son regard sa façon qu’elle avait de partager ses secrets. Mon bras redescendit, mollement. *C’est mignon*. J’avais envie d’être la plus douce possible avec elle, pour ne pas la faire fuir comme un animal effrayé. Une pensée me fit claquer la mâchoire : la galerie d’exposition. Il fallait vraiment que j’y aille.
Le portable serré entre mes doigts, je soupirais en scrutant sa Brillance. J’étais décidée. *J’l’emmène*. On n’était plus très loin de la galerie de tout façon.
Et je voulais l’emmener moi-même.

Mon visage bascula vers le portable pour écrire de mon index gauche. *Peeeeeu… Meneeeer… Merde*. J’effaçais la mauvaise lettre que j’avais tapée, et je recommençais. *Laaaa… Gaaaa…*. Bordel, j’étais vraiment lente.

*Enfin !*. Mon doigt s’écarta pour me laisser vérifier mes mots : « Je peux t’emmener à la galerie ? ». *Parfait*.

Je plantais l’écran face à la Brillance, en sachant d’avance qu’elle allait accepter. Dès que son regard se posa sur ma phrase, elle plongea son regard dans le mien en levant les mains et en les agitant rapidement. *Oh*. Je ne comprenais rien, mais les signes étaient beaucoup trop précis pour n’avoir aucun sens. *J’sais c’que c’est !*. Ouais, c’était la première fois de ma vie que je rencontrais la Langue des Signes. *C’est beau !*. Le visage de la fille eut comme un sursaut, elle se rendit sûrement compte que je n’étais pas un membre de sa famille, peut-être. *Un tout p’tit peu tarée*. Une main se posa sur le portable. Je ne l’avais même pas vue arriver.
Non.
Je n’acceptais pas.
De ma main libre, j’attrapais doucement ses doigts qui touchaient le portable pour les éloigner ; sans lâcher sa main. *Elle hésite… J’pensais pas*. Elle avait raison de douter, elle ne me connaissait pas du tout. *Bien…*. En gardant le portable en l’air, je le tournais vers moi pour écrire à la suite, avec mon pouce. *Bon Dieu !*. C’était encore pire qu’avec mon index. Il me fallait minimum trois secondes pour poser une seule lettre. *Allez…*. J’abandonnais la ponctuation, pour laisser uniquement l’essence du message : « oui ou non ». En essayant de ne pas éclater le portable par terre, je retournais l’écran vers la Brillance. Mon autre main tenait toujours ses doigts, sans trop appuyer.

Le regard qu’elle me fit après avoir lu mes mots était étrange. *Solwen*. Ça me rappelait la façon de regarder de la Serdaigle, que j’avais complètement décidé d’oublier pour l’instant, ma promesse attendrait ; je ne voulais pas risquer de faire du mal à Yuzu. Une déferlante d’images galopait dans mes yeux, mais je chassais le tout d’un clignement de paupières.
Un autre secret s’évada de la fille-gênée, pour glisser jusqu’à mes yeux : sa tête fit un tout petit mouvement de haut en bas, aussi discret qu’un clin d’œil. *Bien !*.

D’une main, je relâchais ses doigts, puis de l’autre, je plongeais son portable dans ma poche. J’avais décidé de le garder bien réfugié dans mon short, là où je pouvais l’utiliser dès que je le voulais.
Mon regard balaya le corps de la pouffy, j’avais les deux mains libres. *Alors…*. Comment j’allais faire ? Marcher devant pendant qu’elle me suivait ? Je n’aimais pas cette idée. On allait marcher côte à côte, c’était beaucoup mieux, comme avec mon père.
J’avançais ma main droite vers elle, ne sachant pas vraiment ce que j’allais attraper. *Pas la main*. Non, pas besoin d’attraper, j’allais juste la guider. Ma paume se posa sur le bas de son dos — juste au-dessus de son bassin — puis je commençais à marcher, tout en la poussant à mes côtés.

On en avait pour cinq minutes de marche, pendant lesquelles j’avais décidé de rester silencieuse. Je n’avais rien à dire, alors autant la fermer.
À certains moments, le dos sous la pulpe de ma paume se contractait brutalement, avant de se détendre. *Calme-toi*. Je ne la regardais pas pendant ces instants de crispation, par précaution de ne pas la gêner ; j’avais même décidé de ne pas la regarder du tout pendant tout le trajet.
On marchait dans le silence en dehors du tracé des Autres.
Dernière modification par Charlie Rengan le 09 juin 2020, 18:25, modifié 5 fois.

je suis Là ᚨ

08 nov. 2019, 04:56
Parce-qu'une Étoile peut aussi Chanter  CO-ÉCRIT 
Mon pied conclut l’ultime pas.
On était juste en face de la Galerie Whitechapel. Mon regard se tourna vers la fille que j’avais escortée jusqu’ici. *Oh bon Dieu*. Sa Brillance rayonnait d’un bordel incroyable. *Qu’est-ce que…*. Elle était fascinée par la façade de la galerie. Sans pouvoir m’en empêcher, je pivotais la tête vers cette architecture si fascinante.
*C’est…*. Rien.
Même la forme n’était pas belle. C’était juste un bout de granit mal taillé. *Hm…*. Je m’étais habituée, peut-être. Il n’y avait rien d’exceptionnel pour moi ici. La galerie était un bloc de pierre, c’était tout.
Je replantais mes yeux sur la fille. *Mais c’est vrai qu’dans ton regard…*. La galerie était bien plus belle dans les prunelles de sa Brillance que dans la réalité. Et je ne savais pas si c’était la galerie embellie ou l’éclat de ses yeux que j’aimais. Son dos se décolla de ma paume pour s’avancer vers…

R’garde devant toi p’tite !

Un grand gars avait foncé dans Verity.

! beuglais-je dans sa direction en faisant un pas en avant.

Son regard de crapaud attardé se posa sur moi une fraction de seconde, avant de disparaitre dans le flot des Autres. Je décrispais mes deux poings serrés ; réflexe que j’avais pris dans mon quartier.
Je détestais ce genre d’Autres, qui pensaient pouvoir se permettre de tout dire et tout faire parce qu’ils ne faisaient que passer et qu’ils étaient pressés. *Abruti*. Quand j’allais pouvoir utiliser ma baguette en dehors de l’école, je pourrais calmer ce genre d’Autres, en cachette sous mon manteau ; se venger était un des grands avantages de la Magie.

En redirigeant mon attention sur la fille-gênée, je me rendais compte qu’elle n’en avait rien à foutre de se faire rentrer dedans ; c’était comme si ça n’avait jamais existé. Sa tête était levée, mais je ne voyais que ses cheveux. Actionnant mes jambes, je la contournais pour me mettre face à elle sans la déranger, je reculais en même temps qu’elle s’avançait.
Ses yeux souriaient ; ses joues aussi, et son nez pareil. Tout son visage était éclatant d’un sourire qui ne venait pas de ce monde. Elle semblait tellement loin d’ici. *Impossible à rattraper*. C’était beau, mais un peu flippant.

Han…

Mon dos se cogna contre la galerie, alors que la fille avançait toujours, tête tordue. Je m’écartais de son chemin, curieuse de savoir si elle allait s’éclater contre le mur. Ses pas ne s’arrêtaient pas. *Elle va s’le prendre*. Ma bouche s’ouvrit pour laisser ma voix frapper, mais son crâne bascula en avant, le sourire de sa Brillance encore plus écarté.

Ah… Je ravalais ma voix en observant ses doigts se poser sur le mur rocheux. *Hein ?*. Brusquement, son sourire explosa de brillance sur sa bouche, illuminant mon crâne de jalousie. *Magnifique*. J’aimerais savoir sourire avec une telle force, c’était profond, mais c’était pour un mur. *Dommage*.

La laissant savourer son instant à elle-toute-seule, j’en profitais pour brasser les environs du regard. Il y avait beaucoup d’Autres pressés, et des voitures bruyantes.
Personne ne rentrait dans la galerie, ni en sortait.
Mon attention s’attardait sur un homme plutôt grand, mais surtout large et gros, posté à l’entrée de la galerie ; et comme s’il avait senti mon regard, il braqua ses yeux sur moi.
Je lui fis un petit signe de la tête, il me le rendit tout aussi discrètement. *’fait longtemps*. Je ne le connaissais pas bien. Même le nom de son poste ne me revenait plus, il était arrivé que l’année dernière.

Putain !

Les sourcils du grand homme s’arquèrent, je sentais le problème grossir dans son regard. Mon crâne se retourna si vite que mon cou hurla de douleur. « Hha ! ».
Mon esprit virevoltait à toute vitesse. La Brillance était par terre. Une grande fille était debout. La Brillance avait les yeux fermés et le visage tordu. La grande fille avait les yeux grands ouverts et la bouche pleine de merde. Elle avait une main tendue. « Faut qu’tu fasses atten… ».

HÉ-FERME-TA-GUEULE-TOI !

Toute ma poitrine vibrait sous la force de mon cri.
Les grands yeux s’ouvrirent encore plus sur moi, ils étaient à la limite de tomber par terre en roulant vers une bouche d’égout. Je lançais mon corps en avant. Les grands yeux se transformaient. « De quoi ? ».
Les grands yeux parlaient pour ne rien dire. Je me taisais en continuant à avancer, les poings serrés en deux masses de puissance. Les grands yeux de merde n’avaient pas de baguette pour se défendre, et depuis hier, j’avais foutrement envie d’écraser une petite gueule. Encore trois pas.
*Presque*.
Et deux bras, face à moi.
Une main énorme se tendit vers mon visage, énorme.

Circulez mademoiselle, ce n’est qu’une enfant.

Je me figeais juste en face de la paume, fixant les grands yeux à travers les interstices doigtés. « Mais… Vous… Vous l’avez entend… ».

Circulez, coupa la voix grave, sans justification, sans rien de plus. C’était l’homme de la galerie aux sourcils bavards.

*Sale trainée*. Je pouvais encore contourner la main pour frapper ces grands yeux, mais ils n’en valaient même pas la peine, la mine d’attardé qu’ils avaient me cassait toute volonté de les attaquer.

Tss… Avant même qu’ils décident de partir, je fis volte-face pour aller vers la Brillance, qui était effrayée par terre. *Grande perche de merde*. J’espérais qu’un jour, quelqu’un comme le grand homme lui rentrerait dedans si fort qu’elle en perdrait ses grands yeux d’abrutie.

Je tentais de soupirer pour évacuer la colère qui bourdonnait dans mes veines, mais la vision de la Poufsouffle était bien plus efficace.
*Faut pas faire ça…*. Elle me faisait de la peine à être recroquevillée par terre, enroulée sur elle-même comme si le monde allait lui tomber sur le crâne. Je m’avançai à ses côtés, puis je m’accroupis lentement, sans arriver à retirer les yeux de ses paupières écrasées.

Charlie.

*’fait chier*. Ma tête pivota vers la voix grave ; qui me fixait de toute sa hauteur. *Ah ouais il est vraiment très grand*. Mon regard se confrontait au sien, comme pour l’inviter à continuer. Il allait peut-être m’engueuler.

Fais attention aux gens, articula sa bouche tout aussi grande.

Sans ciller, je tentais de voir ce qu’il y avait dans ses prunelles. *Trop opaque*. Il y avait là-dedans une limite que je n’arrivais pas à péter, un énorme voile qui ne créait aucun mouvement inconscient sur son visage, ça ne servait à rien de perdre plus de temps avec lui. Alors je lui répondis simplement : « D’accord ».

Toujours sans rien montrer, il se retourna pour reprendre sa place à l’entrée de la galerie. *Il a raison*. Je me désintéressais de lui pour la fille-au-sol, les paupières toujours aussi serrées.
Elle n’avait rien entendu… Tout ce qu’il venait de se passer n’existait pas pour elle : que ça soit ma colère, la grande fille, la voix grave du gars. Rien.
Elle était l’origine de tout ça. Et pourtant, les conséquences n’étaient pas pour elle. Elle était l’œil de la tornade, calme, bizarre, souriante, sourde, mais ne se rendait pas compte du carnage qu’elle faisait autour d’elle.

Tss…

Et elle me perdait dans mes propres pensées. Le bout de mon index se posa sur son menton.

Son sursaut me fit sursauter tout aussi fort. « ‘Dieu ! ». Je dégageais ma main comme une brûlure, observant durement son regard terrorisé qui était prêt à attaquer. « C’trop tard… » souffla ma bouche, en accord avec ce que je pensais. Avant même que je puisse sortir le portable pour lui écrire, elle se releva brusquement en se dirigeant vers la galerie ; totalement hypnotisée. *Mais bordel c’est une vraie gosse !*.

Lui parler en ce moment me paraissait impossible, alors je lui emboitais le pas en soupirant.
Je ne savais pas si l’exposition était ouverte au public aujourd’hui. *S’en fout*. Tant qu’elle était avec moi, ce n’était pas un problème.

À l’entrée, le grand homme faisait semblant d’être intéressé par le passage des voitures, il ne m’accorda pas un seul regard. « Tss… » chiquais-je à voix haute pour que ça arrive à ses oreilles.
Mon attention retourna sur la pouffy. *Merde*. Elle était déjà face à Charlie.
Un sourire instinctif se plaqua sur mon visage dès que je vis ses boucles cuivrées. Il n’avait toujours pas changé de coupe ; et plus je m’approchais, plus je me rendais compte qu’il n’avait pas du tout changé. Son énorme sourire hypocrite face à la pouffy était toujours celui qu’il tirait aux visiteurs.
Au moment où sa bouche allait s’ouvrir, son regard croisa le mien, transformant totalement son sourire ; moins grand, beaucoup plus éclatant, mais il restait parfaitement professionnel, puisqu’il devait sûrement penser que la fille était une visiteuse. Ses yeux retournèrent sur la pouffy.

Mademoiselle, je vous souhaite la bienvenue à la Galerie Whitchapel. Puis-je vou…

On est ensemble Charlie, lui coupais-je la parole en posant une main sur la fille ; qui sursauta à mon contact.

Le contrôle des émotions de Charlie était fascinant, il n’eut pas un seul soubresaut qui pouvait trahir son professionnalisme. Sa bouche se rouvrit juste après que la mienne se ferma : « Bien mesdemoiselles, alors je vous souhaite une excellente après-midi ». Les yeux de la pouffy qui faisaient des allers-retours entre nous deux gonflait mon sourire. *La pauvre ‘doit rien comprendre*.

J’t’explique t’à l’heure, conclus-je en poussant la fille-perdue vers la première salle.

Charlie leva les sourcils et pencha la tête, un sourire en coin sur ses lèvres. *Bon Dieu, mais non !*. Je secouais ma tête de gauche à droite avant de quitter son regard.
Dernière modification par Charlie Rengan le 20 nov. 2019, 19:00, modifié 1 fois.

je suis Là ᚨ

08 nov. 2019, 04:56
Parce-qu'une Étoile peut aussi Chanter  CO-ÉCRIT 
Les Autres qui flânaient dans la première salle n’avaient pas d’habits de toutes les couleurs, bien au contraire. Ils étaient tous élégants, portants en grande partie du noir et du blanc. *C’pas trop des tarés c'te fois*. Je balayais le grand espace du regard ; l’exposition m’avait l’air classique, sans mochetés pour me faire vomir. *Parfait*.
Mon père n’était pas visible au milieu des œuvres, il devait sûrement être dans les autres salles.

Bien…

J’enroulais mes doigts autour du tissu de la pouffy, puis je tirais vers moi pour la stopper. Sa Brillance se retourna vers moi, sans le moindre filin de surprise ou de peur à l’intérieur. *Lunatique*. C’était le premier mot qui me venait à l’esprit, mais je savais qu’il était faux. Cette fille tanguait juste entre deux réalités, la nôtre – moi et elle - et la sienne — sa tête, seule.
*L’art*. Ma bouche s’entrouvrit avant de me rappeler qu’elle ne pouvait pas m’entendre.
Je n’avais pas envie d’utiliser le portable, j’avais l’impression de trop rentrer dans sa réalité alors que je voulais plutôt la garder dans la mienne. *’sais lire sur les lèvres t’façon*. Ouais, cette fille était bizarre, mais pas bête. Je finis d’ouvrir la bouche pour confronter nos deux réalités :

Tu aimes l’art ?

J’essayais d’articuler normalement, même si je le faisais un peu trop lentement sans le faire exprès. Comme prévu, dès que ma bouche commença à bouger, sa Brillance quitta mes yeux pour se jeter sur mes lèvres ; puis continua à les scruter à la fin de ma phrase, comme si elle attendait autre chose. *Merde*. La confrontation des réalités n’était pas si simple, elle n’avait rien comp…
Ses épaules se haussèrent.
Je sentis mon sourcil droit tressauter. *Faut que j’me concentre*. Elle avait bien compris. C’était juste moi qui n’arrivais pas à bien comprendre ce que son corps voulait exprimer. Les mouvements bizarres de sa tête reprenaient doucement, comme si elle était en train de chercher une lumière quelque-part ; une clarté qu’elle seule pouvait voir.

Je fourrais mes mains dans les poches pour essayer de l’observer avec des yeux différents des miens, pour essayer de sentir ce qu’elle cherchait à ressentir.
Son crâne bascula en arrière. *Bon Dieu c’est la troisième fois !*. Elle cherchait un point que je ne voyais pas dans le ciel du plafond blanc. Je me concentrais sur son menton étiré et son cou tendu, elle devait faire ce mouvement beaucoup de fois puisqu’avec un basculement aussi violent, je ne savais même pas comment elle faisait pour garder l’équilibre.

Et… elle y reste en plus, souffla ma voix intérieure, en totale scrutation.

*Bien…*. Elle s’était confrontée à mon monde en lisant sur mes lèvres, c’était à mon tour de fracasser son monde, je devais faire quelque-chose. *Manque d’la vie à ton ciel*. J’observais l’espace juste au-dessus de son visage. *J’arrive*. Puis je joignais mes deux pouces en un câlin, étirant mes huit doigts restants. Mon regard dévia vers mes mains pour constater la forme. *Trop moche*. C’était un oiseau, plus ou moins, s’il était observé à quelques kilomètres de distance. *Pas grave*.
Je levais ma mocheté en l’air, le plus haut possible, étirant mes bras à m’en déchirer les épaules. *L’éclairage est dégueulasse en plus*. Avec les lumières de la galerie, la pouffy allait bien voir que ce n’était que des doigts mal accordés, mais ce n’était pas grave.

En tordant mon visage, je commençais à faire bouger mes doigts comme s’ils étaient deux ailes, tout en approchant la créature approximative dans le champ de vision de la Brillance. *Bon Dieu*. Faire un mouvement parfait de vague était foutrement dur, mais j’essayais vraiment de rendre ça crédible ; même si je me sentais ridicule.
Un déplacement d’air.
Mon regard quitta un instant le monstre-de-doigts pour descendre vers la fille, espérant qu’elle aimait ma nullité, mais la chute de mes prunelles ne s’arrêtait pas. Je m’enlisais les yeux, essayant de me raccrocher à sa robe, mais je n’y arrivais pas ; j’avais Aperçu, c’était trop tard. Et mon regard s’écrasa dessus.
La baguette.
Elle était là, entre les petits doigts fins. Son regard de prédateur me fit un clin d’œil d’être. *’foutue tarée...*. Mes yeux remontaient vers la Brillance, comme un rêve. *Plein d’Moldus*. Un reflet coulait sur son visage. C’était une larme ? Et mes pensées hurlèrent. *Bordel*.

Tout s’accéléra à une vitesse gerbante. Je rabattis mes bras contre moi pour lancer mes mains sur la pouffy. Mes deux paumes frappèrent contre son dos et son ventre pour lui tenailler le corps entre mes doigts. *Mais bordel !*. Je tirais sur mes muscles pour la trainer à l’extérieur de la première salle. *Complètement tarée !*. Mes mains lâchèrent prise. *Que…*.
La pouffy avait résisté en se plantant au sol, prenant racine du bout de ses foutus pieds.
Ma mâchoire claqua, et mon regard se gonfla face à la Brillance, grondant de colère. *’lle comprend rien !*. Je jetais une main dans ma poche pour en sortir le portable.

Mon index frappait sur l’écran aussi vite que pouvait mon crâne. *’chier !*. C’était une bouillie de mots : « Rznge ta baguuette toutdsuite », mais je n’avais pas plus de temps. Ma main se lança pour coller cet écran face à sa gueule.

Grouille-toi.

Si elle ne m’écoutait pas, j’allais lui arracher la baguette des mains pour courir jusqu’aux vestiaires avec ; ça l’obligerait à me poursuivre. Son petit crâne gigota différemment de ses mouvements bizarres qu’elle faisait ; pour la première fois, elle secouait la tête comme pour sortir de sa réalité. Et le rangement de sa baguette confirma ce que je pensais. *Enfin*. Mon corps était tendu, je ne le sentais que maintenant. *Trop dangereuse au milieu des Autres*. Je fourrais le portable dans ma poche.

Viens, lui articulais-je pendant qu’elle me fixait de sa Brillance diminuée.

Sans même prendre le temps d’une réponse, je lui attrapais la main et la tirais avec moi jusqu’aux vestiaires de la galerie — qui étaient toujours vide.

Vingt mètres plus loin, j’ouvrais la porte en poussant la pouffy dans la pièce.
Juste avant de refermer derrière nous, je croisais les yeux d’une grande dame qui nous dévisageaient. *Tss…*. Elle était vraiment moche.
La porte claqua.

Lentement, je fis pivoter mon corps vers la fille-tarée, celle qui avait osé sortir sa baguette en plein milieu de Moldus tout en chialant. Je l’observais de haut même si elle était plus haute que moi ; la lueur dans ses yeux ne se rendait pas compte de ce qu’elle venait de faire. *Tarée…*. Et les traces mouillées sous ses yeux m’insupportaient.
En soupirant, je sortis le portable pour lui ordonner : « Sèche tes larmes ».
Après avoir parcouru mes mots, la pouffy me fixa du regard en serrant les dents et en contractant son corps ; faisant ressortir les veines de son cou. Elle tremblait à moitié, comme une brindille. Mon bras s’était baissé. Elle avait foutrement peur, là, de moi, mais elle contractait tout son corps pour essayer de me faire peur. Moi.

Tss…

Je calmais ma respiration en me rendant compte que j’avais agi un peu trop brutalement avec elle. Sa Brillance était d’une fragilité de verre, presque comme un cristal à protéger. *Fais attention aux gens…*. Cette phrase me tournait dans le crâne, mais elle n’était pas appropriée pour ce moment.
Elle avait sorti une simple baguette, c’était un objet bizarre pour les Moldus, mais il n’y avait rien de dangereux. Je m’étais trop énervée pour rien. *C’est la Peste !*. Mes pensées étaient beaucoup trop bordéliques. *C’EST LOUNA !*. Je secouais violemment mon crâne pour faire valdinguer son contenu. *C’est tous ces foutus mots d’Louna…*. Mais ça ne marchait qu’à moitié.

Mon regard retourna sur l’ordre que j’avais écrit. Mes mots n’étaient pas durs, c’était mon corps qui l’était. Mon index tapota avec lenteur, ajoutant un seul mot : « S'il-te-plait ». L’écran voyagea jusqu’à la Brillance, avec un peu de fatigue se baladant dans ma cervelle.

Cette fois-ci, la fille-perdue m’écouta et son corps se décrispa directement. Elle était en train de s’essuyer avec ses mains, éjectant ce liquide que je détestais. *’lle m’fait d’la peine*. J’étais injuste avec la pouffy.
Tous ces Autres me rendaient folle, j’étais presque aussi tarée que la Brillance. Il fallait que j’oublie la journée d’hier le plus rapidement possible ; que j’enterre tout ce qu’elle avait réveillé en moi. *Bon Dieu…*.
J’observai les petites mains s’appliquer à retirer toute trace visible, puis mon regard bascula vers le portable. Je voulais être un peu plus gentille avec la pouffy, elle ne méritait pas ma colère.
L’écran se plaqua en face de son visage, encore une fois, en portant mes mots : « Un bisou ? ».

La fille eu un instant de latence en lisant ma question, puis son visage pivota vers le mien en se colorant de rose. *Hein ?*. Sa peau était en train de rougir. Je ne savais pas comment le prendre avec elle, je n’avais aucune foutue idée de ce que pouvait traverser son esprit.
La seule chose que je compris était son hochement de refus, très court, comme un secret qu’elle voulait se cacher à elle-même. *Pas grave*. Je n’avais aucune idée de ce qui pouvait réellement lui faire plaisir maintenant, alors je décidais de tout simplement lui demander. Mon index ajouta à ma précédente question : « Qu'est-ce qui te rend heureuse ? ».

Au moment où j’allais mettre l’écran face à son visage, ma volonté s’arrêta pour faire quelque chose d’encore mieux : je lui tendis son portable pour qu’elle puisse bien me répondre, et aussi pour lui faire comprendre que je ne le méritais plus. *C’est mieux*. Pour le deuxième point, c’était surtout à moi que ça faisait plaisir.

Il lui fallut une demi-seconde pour écrire sa réponse, ses deux pouces avaient frappé à une vitesse flippante ; ça pouvait être un massage à essayer sur une peau. Elle me tendit le portable que je repris à contrecœur.
*Le ciel…*. Bon Dieu. *J’comprends mieux…*. C’était donc ça, son basculement de crâne. Un plongeon dans son bonheur. Partout, face à n’importe quel Autre, il lui suffisait de se casser la nuque en arrière pour caresser son bonheur. *C’est tellement simple*. Face à ses mots, je me demandais si ce n’était pas mieux, au final, d’être tarée.

Mes lèvres gémirent un soupir profond, de ceux qui s’échappaient rarement. *Alors allons voir le ciel*. Mes pensées flottaient tranquillement pendant que je tapotais quelques mots sur l’écran : « Ne laisse jamais ton portable à une inconnue ». Elle devait comprendre que me laisser son portable était une erreur, il fallait faire attention aux gens. Puis j’ajoutais en retournant à la ligne : « Suis-moi ».
De ma main libre, j’attrapais la main de la pouffy pour lui enfouir son portable dedans, puis je relâchais le tout en lui tendant mon autre main fraichement libre — en signe d’invitation à la prendre.
Ses yeux quittèrent les miens pour observer l’écran couché entre ses doigts. Ses deux pouces s’agitèrent. *Ah ?* En fronçant les sourcils, je me demandais ce qu’elle pouvait bien m’écrire. Un refus ? *Impossible*.
Je lui avais fait aussi peur que ça ?

Elle s’arrêta de tapoter, puis effaça ce qu’elle venait d’écrire. *Non j’suis pas d’accord*. Ma main d’invitation s’abaissa, retournant dans l’oubli. La fille-gênée s’avança vers moi, me montrant qu’elle était prête à me suivre ; mais je n’étais plus prête à l’emmener. Fixant son vert-bizarre, j’articulais clairement :

Tu veux me dire quelque-chose ?

Sa Brillance se perdit sur mes lèvres, dans un endroit tellement reculé en elle-même que je ne pouvais que l’attendre sans l’atteindre ; en espérant qu’elle allait réussir à s’en sortir. *Qu’est-c’qu’il y a dans ce p’tit crâne ?*. J’essayais d’imaginer les formes que pouvaient prendre ses pensées, leurs textures, leurs voix. Est-ce qu’elles étaient douces et insolentes, ou violentes et chuchotantes ?

Son regard se dirigea vers son portable. *T’y es arrivée*. Ses doigts s’agitèrent en une petite danse rapide, précise, puis elle me tendit son écran que je repris directement.
*Tu n’es pas une inconnue… on m’a dit que Poudlard serait comme une seconde famille*. Je continuais ma lecture en laissant une moue tortiller mes lèvres. *Tu es bien à Poudlard ? Parce que tu as dit pouffy*. Finissant ses mots, ma tête se braqua vers son visage ; qui Brillait. Si Fort. L’éclat de sa joie me frappa l’estomac en me coupant la respiration. *Bordel*. Comment est-ce c’était possible d’être aussi joyeuse ? *Tarée mais foutrement heureuse*. J’avais envie de fuir. *C’est injuste*. Alors j’arrachais mon vert de ses griffes euphoriques, me fracassant la gueule sur l’écran et sa barre clignotante. *Y’a rien à répondre*. Je supprimais ses mots en restant appuyée sur la touche.
Je lui tendis son portable en redressant mon visage.
Sa réponse était dans sa question.

Pourtant, dès que son vert croisa le mien, ma bouche accrocha une pensée volante : « Ouais, t'as d'la… ». *Merde*. Je devais articuler.

Tu as de la chance d'être tombée sur moi.

La Brillance de son regard était étrange, elle se modifiait en quelque chose de plus doux, comme une lueur. Ses paupières clignèrent plusieurs fois face à ma réponse.
Ouais, elle était vraiment chanceuse d’être tombée sur la plus faible de toute l’école ; elle n’avait aucune chance d’être trop amochée même si je le voulais. « Tss… ». J’avais vraiment besoin de… quelque-chose pour devenir plus puissante que toutes les puissances de Poudlard. Je ne pouvais pas rester comme ça, je ne pouvais pas vivre en me sentant aussi faible qu’un rat. Je clignais des yeux face au portable tendu sous mon regard. *Non, j’peux pas vivre comme cette pouffy-au-grand-sourire*. Je saisis les mots tendus en observant la magnifique lueur sur son visage. *Par contre j’pourrais vivre avec une pouffy au grand sourire*.
Laissant mes pensées s’enfuir, je tournais mon attention vers l’écran.

Je suppose oui. Je sais pas mais tu n’es pas comme les autres démons. Toi tu es comme une sorte d’astre comme si tu avais une énorme force gravitationnelle, ton orbite est chaotique mais elle belle

Mes paupières clignèrent une fois. Je relus.
Elles clignèrent une deuxième fois. *Mais…*. J’approchais mon regard, puis je relus.
Une troisième fois. *Bon Dieu…*. Mon crâne brouillonnait d’excitation harmonique. Les notes harmonieuses s’assemblaient autour de ses mots, les intervalles se composaient en rythme autour des syllabes et les discordances s’ajoutaient en pointe de perfection. *C’est beau*. C’était différent de ma poésie compliquée, mais vraiment beau ; et surtout ça parlait de moi.

Je m’imaginais dans ses mots, accompagnée d’une douce harmonique de mes doigts. *Hm…*. Cette fille était tarée, mais très loin d’être abrutie ; elle était juste très différente, mais ça ne me dérangeait pas si elle continuait à sortir des phrases aussi belles.
Mon regard éclairé remonta vers le sien, et je me permis de lui poser une question en soufflant du bout des lèvres : « T’es qui ? ».
Juste au cas où je voudrais la retrouver à Poudlard.
Sa tête se pencha un peu sur le côté, comme si elle était en train de chercher la bonne réponse dans son oreille droite, puis elle baissa la tête pour tapoter.

Je contemplais tous ses mouvements, me demandant comment elle pouvait sortir de belles phrases cohérentes dans ma réalité, alors qu’elle avait l’air si loin de cette même réalité. Elle était un mélange bizarre, que je comprenais de moins en moins, mais qui m’intriguait de plus en plus.
L’écran revenait vers moi.

personne, juste une fille pommée plongée dans le silence éternel de l’espace incapable de rentrer seule dans sa salle commune
et toi ?

*Le silence éternel…*. Je relus une deuxième fois.
*Incapable…*. C’était un mot qui la résumait bien, incapable. Ça me faisait de la peine, mais c’était sa réalité. La fille-silencieuse était incapable de faire et de ressentir beaucoup de choses. Elle ne faisait que Recoller, tout le temps, essayer de remplir les énormes trous qui la définissaient. *Incapable*. Pourtant, il y avait quelque chose de beau dans tout ça ; sentir autant d’efforts accomplis par son corps forçait mon sourire. Tout était si différent chez elle, comme une autre planète. *C’est marrant*. Et elle me demandait qui j’étais…
Sans vouloir forcer mes pensées, c’était très simple.
Mon index fit son travail, très court, un seul mot pour me définir, même si je le détestais de tout mon cœur : « Charlie ».
Elle ne m’avait pas donné son prénom, mais le nom d’une pouffy aussi spéciale ne devait pas être compliqué à retrouver à Poudlard.
Je relevais les yeux, et juste avant de lui tendre son portable, j’articulais clairement : « J'aime ton silence ».

Son visage s’éclaira encore plus que tout à l’heure, comme si je lui avais annoncé qu’on partait visiter le ciel en volant. Les traits de son visage étaient mélangés à un battement de cœur bien plus fort, je le voyais frapper dans ses tempes. *’lle a vraiment aimé mon compliment*. J’avais parlé sincèrement, mais je ne pouvais pas m’empêcher d’être fière de moi. J’avais réussi à lui faire plaisir sans vraiment la comprendre, juste en essayant de la sentir.
Je clignais des yeux, le portable était tendu vers moi. *’m’arrive aussi d’m’enfoncer dans ma réalité*. En souriant à la fille, j’attrapais l’objet de ses mains pour lire son contenu.

Merci Charlie...l’astre chaotique sublimé

*Oh*. Là, c’était des mots qui ressemblaient aux miens. *Vraiment ?*. Là, ça commençait à être vraiment intéressant. Mon regard plongea dans sa Brillance. Petit astre qu’elle était. *Astre-chaotique-sublimé*. Bordel, c’était beau.

J’aime tes mots compliqués, articulais-je pour bien lui faire comprendre que la beauté de ses mots était précieuse.

Un instant. Puis j’attrapais sa main.

Viens.

Je fis un pas en arrière, et la Brillance se laissa porter. *Parfait…*. Serrant un peu plus mes doigts autour des siens, je me retournais pour entrouvrir la porte du vestiaire.
Je sortis d’abord ma tête pour vérifier le couloir en me tordant le cou. À droite, l’entrée de la galerie tout au fond. *Personne*. À gauche, l’escalier où on allait ; personne. *Parfait !*. Je tirais la porte de toutes mes forces pour laisser le temps à la fille de sortir, puis je me lançais vers les marches ; la main serrée. *Elle court aussi vite qu’moi !*. Un sourire me fendit les lèvres en me rendant compte qu’elle n’était pas un boulet.

En arrivant au pied de l’escalier, on se jetait sur les marches, les montant trois par trois avant que quelqu’un nous voie. On débouchai rapidement dans un couloir tranquille — vide d’Autres — dans lequel on pouvait marcher tranquillement.
Essoufflée, je tirais la main de la fille tout en avançant. Cette partie de la galerie n’était presque jamais éclairée avec des conneries de lampes artificielles, puisqu’il y avait un couloir avec une énorme baie vitrée triangulaire en guise de toit. *Elle va aimer*.

On bifurqua à gauche, s’engouffrant dans le fameux couloir plein de lumière solaire. Je me retournai vers la fille-aux-beaux-mots en ouvrant la bouche : « Regarde » articulais-je en pointant le plafond du doigt.
Sa main se détacha directement de la mienne, puis son corps s’avança presque en lévitant sur le sol ; avec son sourire magnifique sur le visage. Son cou était totalement tordu, encore une fois. *Quatre fois*. Mais je comprenais que c’était sa propre façon d’être heureuse ; juste en regardant le ciel.

Je m’adossais contre le mur en l’observant.
Elle sortit son portable en pointant l’écran vers le haut. Elle était sûrement en train de faire une photo, mais ça ne m’intéressait pas ; tout ce qui m’importait, c’était de lui avoir fait plaisir avec son ciel. *J’me suis un rattrapée*. Elle avait l’air d’avoir totalement oublié ma colère. *Même moi elle m’a oublié*. Mes lèvres s’étirèrent en un léger sourire, incontrôlable. *Ouais…*. Elle oubliait tout quand elle regardait son ciel, elle-même comprise. Le petit astre était juste heureux.

Ma main se leva pour gratter mon sourcil droit. *’l’est mignonne*. Je ne savais pas ce qu’elle faisait avec son portable, mais elle était vraiment mignonne comme ça, la nuque tordue de bonheur ; elle m’attendrissait.
En transférant mon poids sur mes jambes, je me décollais du mur pour aller à ses côtés. Elle ne remarquait même pas que j’étais là, juste à côté ; sa tête en l’air était toujours aussi lumineuse et concentrée, rien ne s’atténuait.
Je levais mon index pour lui tapoter tout doucement l’épaule, pour l’arracher à son bonheur. J’attendis qu’elle se retourne complètement avant d’ouvrir la bouche :

T’es heureuse ?

Ma bouche souriait en même temps que mes mots, et mes lèvres s’écartèrent encore plus quand la fille-spéciale hocha la tête de haut en bas.

À mon tour, je pointais le visage vers l’étendue du ciel, qui portait quelques taches nuageuses très blanches. *Ouais…*. C’était joli, mais pas au point d…
L’écran apparut dans ma vision, alors je déviais mon regard du bleu vers les mots écrits.

Et toi tu es heureuse ?

*Ho, ho…*. Un sourire me fendit le visage, différent des autres. Celui-ci, il était plus… vomis par ma poitrine. *J’étais bien là…*.
Préférant ne pas croiser la Brillance, je retournais mes yeux vers le bleu cassé par le toit. Le ciel était là, mais il était quadrillé d’aluminium et habillé de sa robe de verre, voilà ce que je voyais, moi ; le ciel cassé par le toit de la galerie. Je voyais ce qui n’allait pas, je voyais ma faiblesse pitoyable, j'étais sûre d'avoir perdu quelque chose d’affreux sans me rappeler quoi ; mais je n’étais pas triste.
Et je n’étais pas heureuse non plus.
Je hochais la tête de bas en haut en guise de réponse, pour ne pas l’inquiéter ; elle était bien la dernière Autre qui pouvait comprendre ce que ma poitrine hurlait.

Le bonheur…

*Bordel !*. Je me déboitais le cou en arrière, vers l’entrée du couloir.
Personne.
*Hein ?*.

…ne se tient pas dans ce que tu as…

Mon regard se jeta sur le portable de la Poufsouffle, qui parlait tout seul avec une voix de gars.

…il se tient là où tu peux le voir, le toucher, le sentir. Nul besoin de l’entendre ou de lui parler.

La voix s’arrêta. *Mais…*.

Regarde le ciel comme il te regarde, sa complexité, sa grandeur... Soit heureuse de faire partie de lui, car lui est heureux de te voir grandir et sourire... Verity, savais-tu que le ciel ne parle pas et n’entend pas ?

Clic. Clic.
Silence.

*Verity*. Mon regard cligna plusieurs fois. *Un enregistrement… pour une sourde ?*. Je fronçai les sourcils. Qu’est-ce que c’était que ce bordel ? Comment est-ce qu’elle faisait pour l’écouter ? Tournant mes yeux vers la fille, le visage tordu, je lui rappelais : « Mais tu n’peux pas entendre ». J’oubliais même d’articuler.
Son regard resta planté dans le mien plus que d’habitude. J’espérais qu’elle n’avait pas mal pris mon affirmation. *Non… j’crois pas*. La Brillance se tourna vers l’écran, tapotant quelques lettres frénétiquement pour moi :

comme le ciel... et pourtant je sais maintenant après des années ce que mon frère voulait me dire ce jour là

*Hein ?*. Mais qu’est-ce qu’elle racontait ?
Je me rendais compte qu’on ne parlait pas du tout de la même chose, elle m’avait mal comprise.

J’te parle d’entendre la no… commença ma voix avant de s’arrêter. Ses mots tournaient encore dans mes pensées. *Tu sais… maintenant ?!*. J’ouvris la bouche en oubliant d’articuler, encore une fois : « Qu’est-c’tu viens d’comprendre ? ».
Son visage se tordit vers le haut dès que mes lèvres se joignirent. *Le ciel ?*. Sa réponse à tout. C’était donc ça qui résumait toute sa compréhension ? *Bah bordel…*.
La Brillance revint vers l’écran pour pianoter dessus. *Ha…*. Elle était en train de développer, ça me rassurait. Je commençais vraiment à croire que le ciel était plus qu’un bonheur pour elle, peut-être une obsession.
Elle dirigea l’écran vers moi.

Que la mort ne fait aucune distinction entre les gens et que la vie aussi insensée soit elle nous permet d’apprécier ce que l’on a pas... enfin d’une certaine façon
Je plains les sorciers

*Bon Dieu*. Ça n’avait rien à voir avec le ciel. La mort, la vie, le manque, le vide. *C’est compliqué*. Elle me donnait envie d’écrire des poèmes, même si je savais que je n’allais pas le faire. *Mais tout n’est pas faux*. Il y avait de jolis mots dans sa bouillie de concepts. Pourtant, je n’étais pas d’accord avec un point important.

On va pas crever, articulais-je lentement, mon vert planté dans le sien. Je sentis ma langue passer sur mes lèvres avant de continuer : « Mais j’aime tes mots compliqués ». Un petit sourire faisait luire son visage pendant qu’elle me répondait directement, sans baisser son portable.

on meurt tous un jour. Mes mots compliqués.... merci

*Bien…*. Je ne savais pas si je devais répondre à la première partie de sa phrase, la deuxième ou les deux. Je tournais mon regard vers sa Brillance pour me décider, pleine de petits éclats du ciel.
Ma mâchoire se serra. La Mort. *Non… ça sert à rien*. Je n’avais pas envie de lui expliquer, puisque je n’arrivais pas à l’expliquer à moi-même ; mais je le sentais. Je La sentais, la Mort. Elle ne pouvait rien contre moi.
Je détournais mon visage vers le ciel.

J'meurs pas.

C’était une phrase pour moi, uniquement ; puisque je le savais et que j’étais la seule à le savoir. Tout comme cette fille *Verity* arrivait à Savoir le ciel.
*Bizarre*. La Brillance ne parlait pas et n’entendait pas, tout comme le ciel ; elle était heureuse avec son jumeau parfait. Alors que moi, je parlais et j’entendais. Le ciel n’était pas fait pour moi. Même si je me tuais à le regarder avec toute ma faible puissance, je n’en ressentais aucun bonheur. Ça ne marchait pas.

Ce ciel-là n’était pas pour moi. Ce ciel-là était sur la tête de tous les Autres, appartenait à tous. *J’veux pas*. Je n’acceptais pas de faire partie de ces foutus Autres. Ce ciel-là n’était pas celui que je voulais. Moi, je voulais mon propre ciel. Mais mon ciel, à moi, m’a tellement glissé entre les doigts que j’en avais perdu mes mains.
Mon cœur cogna dans ma poitrine, une fois, de trop. *Tss…*.
Mes pensées me faisaient chier.

Ma tête bascula lentement vers la Brillance, qui avait l’air de voyager dans sa réalité heureuse. C’était un peu dur à supporter, ce bonheur qui m’était inaccessible.
*Faut r’descendre*. J’allais lui présenter mon père, et lui montrer un peu l’exposition. Son père-oncle allait sûrement bientôt venir la chercher.

Sa poitrine se gonfla d’air, alors je laissai mon regard flâner dessus.
Verity... *C’est ancien*. Et ça lui allait foutrement bien.

je suis Là ᚨ