Lumah sautillait dans les couloirs, gaie, comme à son habitude. Et dire qu'elle avait failli encore se perdre !
N'empêche, ça lui faisait un peu peur, ce centre aéré. Elle n'avait pas ses parents, et sa petite soeur. Elle était seule, en somme. Mais au fur et à mesure, elle avait trouvé ça plus drôle : ça lui avait permis de rencontrer plein de gens - bon, pas des garçons, c'était idiot comme machin. Surtout à son âge. -

Les garçons, certaines filles s'y intéressaient déjà ; et Lumah trouvait ça particulièrement inutile, elle. Pour elle, les garçons, ceux qui jouaient au foot, c'est des petits bidules tout excités qui s'agitaient comme des vers et se la pétaient. Voilà tout.

Après, elle disait ça en définition parce que la plupart ne faisaient que se moquer d'elle et de ses cheveux. Après, Lumah les frappait et elle était convoquée. C'était injuste.

Mais ici, elle ne leur parlait pas, t ils ne l'approchaient pas non plus, donc tout tout allait bien.

Lumah avait beau s'être bien intégrée, le bâtiment lui faisait toujours aussi peur. L'animateur, en racontant des histoires d'horreur, n'avait pas arrangé cela. Maintenant, même passer aux toilettes était un calvaire ! Lumah voyait des bêtes partout, des trous noirs qui apparaissaient dans un "plop", des serpents-clown, l'enfer quoi !
Le chemin des toilettes à la salle de jeux ne lui avait jamais paru aussi long. Lorsqu'elle arriva, elle se jeta sur le jeu qu'elle avait adoré depuis la première fois où elle l'avait essayé et auquel elle avait pensé toute la matinée.

Elle s'assied, ôta le couvercle, sortit les pions, et ouvrit le plateau. Elle entreprit ensuite de placer les pions sur le plateau.

« Haaan »

Lumah releva la tête. Un garçon, de cinq ans d'après ce que Lumah pouvait juger, semblait galérer à placer les figures en 3D dans les trous correspondants. La fillette, qui avait prit peur, souffla, soulagée.
Elle se remit à son travail et chercha dans les règles ou le pion jaune devait aller.

« Porquoi ça veut pas rentrer dendans ? »

Cette fois-ci, la jeune fille avait relevé la tête, non pas par agacement. Juste pour se demandais si elle allait l'aider ou non. Elle avait bien fait ; sinon, elle n'aurait pas pu voir la sphère qui fonçait vers elle, et n'aurait donc pas pu l'éviter - de justesse, mais elle restait entière -.

Elle ne hurla pas, pour une fois, mais resta stupéfaite deux secondes. Mais au moins, elle eut le temps de se fixer ; elle écarta la plateforme, posa sa main sur sa jambe pour s'aider à se relever, et fit un demi-pas à peine avant de se pencher pour ramasser la sphère.

La fillette fit ensuite en sorte de ne pas se ramasser - parce que personne ne la ramasserai, contrairement à la sphère -, ce qui était une tâche ardue en vue de tout ce qui jonchait sur le sol : dés, pions, figurines, pièces, boîtes, crayons, papier.... L'ennemi des maladroits (comme Lumah).

Le terrain infernal passé, elle arriva au niveau du garçon et s'assied, puis tendit sa main et donna la boule au petit brun (pas si petit que ça, en fait).

« Tiens ! » Dit-elle simplement.

« Euuuh... Tu veux de l'aide ? » Proposa Lumah, en voyant l'air refrogné du garçon.

Lumah avait eu peur de se recevoir véritablement un des polyèdres sur le visage, cette fois-ci, mais le garçon changea vite d'expression faciale ; ses joues devinrent roses et ses yeux brillants, et la blondinette prit peur un instant ; elle espérait ne pas avoir fait de bêtise. Lorsque des larmes lui perlèrent sur ses joues, elle se retint de lui faire un gros câlin, toujours un peu apeurée.

Puis, voyant son nez couler de manière alarmante, la petite, embêtée, chercha si elle avait un mouchoir, mais rien, elle n'avait rien ; elle l'avait sûrement laissé tomber, en bonne maladroite qu'elle était - si tenté qu'elle en ait eu un, mais elle ne s'en rappelait pas, comme elle ne se rappelait pas de la plupart des choses - . Elle fit une tête contrariée, mais le brun semblait avoir trouvé une solution (que dis-je, la solution).
Elle regardait toujours le petit garçon - un peu honteuse d'en avoir eu peur, il ne semblait pas méchant, mais par défaut, elle était quelque peu effrayée de ceux-là -, tentant de comprendre cette soudaine crise de larmes, car cela l'attristait de le voir ainsi ; elle se promit de l'aider de son mieux pour voir un sourire se dessiner enfin sur sa bouille. A vrai dire, elle ne se souvenait pas de ses aptitudes à cinq ans, mais le jeu ne lui semblait pas trop compliqué. C'était d'ailleurs un jeu tout aussi bizarre, finalement. Elle n'aimait pas trop les jeux comme celui-ci, trop répétitifs. Elle préférait ceux d'aventures, c'était bien plus drôle.

« Ça veut pas rentrer dendans. », dit le garçon, tout en justifiant par des mimes son affirmation.

Il lui tendit la sphère qu'il avait vainement tenté d'incruster dans sa forme correspondante et Lumah la prit, avec un léger étonnement tout d'abord, qui vint se remplacer par un sourire peu après.
Elle réfléchit à la meilleure de la façon de lui apprendre, en se disant que tout faire à sa place n'était peut-être pas la meilleure solution.
La petiote s'accroupit à côté de lui, cherchant plus d'aise, et lui demanda :

« Déjà, est ce que tu vois une case qui ressemble à ça ? » Elle agita la sphère, avant d'ajouter, espérant être plus précise : « Une qui a un point commun ? »

Lumah déplaça la sphère côte à côte à chacun des trous, afin qu'il remarque encore plus les similitudes qui feraient que ce maudit polyèdre passe une bonne fois pour toutes dans son trou.

Comme s'il tentait de se concentrer au maximum de ce qu'il pouvait faire, le garçon se mit sur les genoux, et observa, avec une attention particulière, les mouvements qu'elle faisait. Lumah trouvait cela plutôt touchant qu'il essaye, et n'abandonne pas aussi vite. Plus, il avait trouvé la solution, et un sourire, suffisant à éclairer sa journée, vint se dessiner sur ses lèvre, fierté. Lumah le voyait comme un tableau, une réussite ; sa bonne action du jour.

Lumah aimait plus que tout aider ceux qui en avaient besoin. Elle aimait les voir la remercier, avoir l'air mieux, serein, soulagés. Elle n'était pas empathe, du moins elle ne croyait pas, mais cela avait comme l'effet d'un pansement sur son coeur, bien qu'il ne fût pas tant abîmé que cela. Cela lui donnait à elle aussi un sourire, qu'elle usait afin de contaminer tous les gens autour d'elle, jusqu'à ce qu'à la fin, tout le monde soit heureux, d'apparence du moins.

Le son d'une paroi de bois contre son reflet ramena Lumah à la réalité ; la sphère venait d'entrer dans sa silhouette, il avait réussi ! Tout sautillant, il s'approcha de Lumah qui resta interdite quant à ce qu'il souhaitait lui faire ; un câlin, un tope-là...? Mais il se contenta d'approcher sa main de ses cheveux et d'annoncer un "T'es belle, madame", qui la laissa encore plus incrédule qu'elle ne l'était avant. Néanmoins, elle se reprit vite, son sourire remplaça presque aussitôt le "O" que formait sa bouche juste avant, et elle lui répondit :

« Merci, toi aussi ! » (Elle avait quelque peu improvisé, prise de court.)

Elle ne savait pas si elle devait le laisser l'observer - ce qui était gênant, mais elle ne pouvait le lui reprocher -, ou bien remettre sur le plateau le jeu afin qu'il le termine et le réussisse enfin pour de bon. Au bout d'un certain temps - elle n'aurait pas su dire s'il était long ou non, surement son embarras le rendait presque infini -, elle se décida à prendre la parole.

« Au fait, moi c'est Lumah. Tu peux m'appeler par mon prénom du coup. Et toi ? », demanda-t-elle, avec une teinte de curiosité dans la voix.