Inscription
Connexion

09 août 2020, 00:28
Une rencontre inattendue - Août 1996  Solo 
Il y a des souvenirs qui ne s’effaçaient jamais. Parfois, c’était un souvenir amer, une ombre surgie du passé qui jetait un éclairage cru sur un moment jusque-là innocent, un moment gravé dans votre mémoire qui vous faisait frissonner, un relent nauséabond du passé que l’on s’efforçait d’oublier. Mais ce n’est pas le cas de ce souvenir ci. Non, ce souvenir était doré comme une madeleine sortie du four. Un souvenir dont l’odeur vous transportait en un temps joyeux, un moment de bonheur comme il en existe peu. Un souvenir qui réchauffait le cœur et l’emplissait de joie.

Ce souvenir s’était déroulé quelques années auparavant, à une époque où les tensions entre sorciers et moldus n’étaient pas si exacerbées. Une époque où vous pouviez vous rendre aux quatre coins du pays sans problème. Une époque de paix. Alors tous les quinze jours, la famille Selket au complet se rendait chez les Selket Senior à l’autre bout de Londres, dans une banlieue paisible où il faisait bon vivre. Grand-Père Thomas et Grand-Mère Adélaïde habitaient encore leur petite maison toute faite de briques rouges. Il y avait un petit potager à l’arrière ainsi qu’un atelier remplit d’inventions moldues dont le vieil homme avait fait sa marotte. Les enfants prenaient alors un goûter copieux arrosé de marmelade et de café au lait puis chacun retournait à son occupation habituelle. Nora, Rowan, Mère et Père accompagnait Grand-Père Thomas dans une promenade à travers le quartier pendant laquelle ils discutaient de tout et de rien, des transformations du Ministère, aux derniers produits ménagers dont la gazette du sorcier vantait les miracles, tandis que Nora courrait après les insectes et que Rowan se transformait en un joueur de Quidditch chevauchant une branche comme s’il s’était agit d’un Nimbus. De son côté, Grand-Mère Adélaïde allait s’installer sur le banc de bois à côté du potager, un châle en laine jeté sur les épaules, suivie de près par Merlin.

Pour Merlin, Adélaïde était tout. Une grand-mère attentionnée bien sûr mais aussi une confidente dévouée et une conteuse hors pair. Cet après-midi, le jeune garçon s’était assis à ses côtés et, après un moment de silence, lui avait demandé :

« Grand-Mère, si tu es une moldue et Grand-Père un sorcier, alors comment ça se fait que vous vous soyez rencontré ? »

Amusée par la mine soudain si concentré du garçon qui se tenait devant elle, le vieille femme lui avait alors raconté comment elle avait rencontré le beau et fringuant Thomas Selket un beau soir d’août 1996.


Image


Big Ben venait de sonner vingt heures.

Adélaïde venait de terminer ses notes sur Les Croisades vues par les arabes. Le livre, qui avait presque l’air neuf au milieu de ses semblables, avait séduit la jeune femme dès la première lecture. Si pendant ses études, elle avait lu Grousset et Flori, le point de vu différent que celui-ci présentait était comme un souffle de fraicheur pour la jeune femme. Passionnée par l’histoire depuis sa plus tendre enfance, elle avait logiquement suivi cette voie jusqu’au récent poste de conservatrice qu’elle occupait depuis deux ans déjà au British Museum.

L’air chaud et lourd de la mi-août flottait dans la salle de lecture malgré la myriade de fenêtres du dôme comme une épaisse brume soporifique rendant chaque exercice de concentration plus ardu. Adélaïde, épuisée par sa longue journée, s’apprêtait à refermer l’ouvrage quand un claquement sourd la fit sursauter.

A cette heure-ci le musée était fermé et, ayant salué ses collègues quelques heures auparavant, elle était sûre qu’il ne s’agissait pas d’eux. Il faut dire qu’il n’y avait qu’elle pour travailler avec autant d’acharnement un samedi soir.

Rassemblant tout son courage, elle referma le livre qu’elle reposa en hâte sur son rayonnage avant de prendre la direction du bruit. Après avoir traversé un long couloir orné de tentures médiévales, elle déboucha dans la salle des armures. Prudemment, elle avança dans la pièce, éclairée uniquement par les lumières au dehors.

« Il y a quelqu’un ? »

Son ton était hésitant et elle frissonnait. Après quelques instant, un second claquement retentit à sa droite. Elle qui n’était d’ordinaire pas farouche, était, elle devait bien l’avouer, totalement effrayé. Cloué au sol par la peur, ses jambes refusant de ne faire qu’un pas de plus, Adélaïde dû se faire violence pour tourner la tête vers l’origine du bruit. Une armure du XIIIème siècle la fixait de ses orbites vides, son métal étincelant semblant prendre vie dans la pénombre de la pièce.

Lâchant un rire nerveux, la jeune femme commença à se détendre quand, comme prise d’un tremblement, la cuirasse se mit à vibrer puis à avancer. Incrédule, Adélaïde assista médusée à la scène. L’amure argentée se mouvait toute seule et, comme doué d’une volonté propre, elle se tourna vers elle. Une perle de sueur glacée dévala la tempe de celle-ci et vint s’écraser sur le sol de la galerie. La chose la voyait. Non, elle la regardait. Avec un ignoble grincement de métal, cette dernière tendit les bras vers elle, refermant brusquement ses gantelets vides dans des claquements lugubres.

Adélaïde repris alors le contrôle de ses jambes. Elle sorti de la pièce aussi vite qu’elle le pu, poursuivit par l’horrible couinement de métal, grimpa quatre à quatre les escaliers qui menait à son bureau, défonça presque la porte de celui-ci avant de la refermer à double tour et parti se réfugier derrière l’imposant meuble de bois. Terrifiée, elle s’empara de l’arbalète posée sur son bureau au passage. Aux aguets elle attendit, son cœur battant à tout rompre, ses doigts serrés autour de l’arme.

Au bout de quelques minutes, un choc sourd se fit entendre. Tremblant de tous ses membres, la jeune femme émit un petit cri apeuré, quelle regretta presque aussitôt. Des bruits de pas se firent entendre et, Adélaïde vit distinctement la poignée bougée, comme si quelqu’un tentait d’ouvrir la porte.

« N’entrez pas ! Je vous préviens je suis armé. Si vous entrez je tire ! »


La serrure diffusa alors une douce lumière dorée et elle pivota sur ses gonds, dévoilant une silhouette masculine.

« Ne tirez pas. Je ne vous veux aucun mal. »

Les mains levées vers le ciel, l’homme se glissa dans la pièce. Il avait l’air plutôt jeune, la vingtaine tout au plus, et portait une longue redingote élimée.

« Je ne vous veux pas de mal Mademoiselle. Je… »

« Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faites là ? Et puis c’était quoi… ce truc ? »

Baissant doucement les mains, l’inconnu poursuivit :

« Puis-je ? »

Indiquant une chaise, sur laquelle il s’installa, l’homme s’éclaircit la gorge avant de continuer. Ses cheveux châtains ébouriffés et son regard vert pétillants lui donnait un air avenant.

« Est-ce que vous pourriez baisser cette chose ? Je ne me sens pas très à l’aise avec une arme braquée sur moi. »

Prenant conscience de la dangerosité de la scène, Adélaïde se débarrassa rapidement de l’arbalète, reprenant peu à peu le dessus sur ses émotions.

« Vous ne m’avez pas répondu. J’exige de savoir qui vous êtes et ce que vous faites dans ce musée à cette heure-ci ? »

Le ton ferme utilisée par la jeune femme sembla amusé l’homme qui lui adressa un sourire avant de reprendre :

« Je m’appelle Thomas, Thomas Selket. Et si je suis ici c’est au sujet de cette chose qui vous à effrayé tout à l’heure. »

Attentive à chaque mot que prononçait ledit Thomas, Adélaïde le scrutait en silence.

« Il s’avère que c’est ce que l’on appelle un esprit frappeur ou poltergeist. Ils ne sont pas vraiment dangereux mais aime tourmenter les moldus. Celui-ci est un petit malin : se dissimuler dans une armure et tout ça pour poursuivre une jolie fille, il fallait y penser. »

Esprit, poltergeist, moldu… Ses mots n’avaient ni queue, ni tête.

« Monsieur euh… Selket, je ne comprends pas la moitié de ce que vous êtes entrain de me raconter mais une chose est sûre c’est que vous n’avez rien à faire ici, aussi je compte bien vous faire sortir au plus vite. »

Sur ces mots, elle vint se placer à côté de l’entrée de son bureau. Obtempérant, l’homme se leva et s’approcha de la porte, détaillant la jeune femme. Il appréciait l’étincelle qui couvait sous ses longs cils noirs, la courbe de ses lèvres délicates et sa silhouette gracile. Oubliant un instant, son devoir d’oubliator, il s’arrêta près d’elle, quand un énième claquement métallique la fit sursauter.
D’instinct, elle se blotti entre les bras du sorcier, enfouissant son visage contre son torse. Surpris par ce geste, celui-ci n’osa pas bouger, laissant le temps à celle qu’il tenait contre lui de reprendre ses esprits. Appuyant sa tête contre le chambranle de la porte, il savourait les effluves florales que dégageait la jeune femme. Après quelques instant, cette dernière s’éloigna enfin du corps de l’homme, visiblement gênée par cet acte irréfléchi, ses joues ayant pris une douce couleur rosée. Balbutiant des excuses, elle fut interrompue :

« Non, ne vous excusez pas, ce n’était pas si... Enfin ce n’est pas grave. Ecoutez, apparemment, la créature qui a élu domicile ici n’est pas décidée à partir et, nous devons nous chargez de tout ça. »

A ce moment-là, d’autres voix se firent entendre :

« Bon Thomas, tu as fini ? Il faut qu’on y aille. »

« Un instant, j’arrive. »

Il se retourna vers la jeune femme encore sous le choc, s’approcha d’elle pour n’être plus qu’à quelques centimètres de son visage, laissant leurs regards se croiser une dernière fois puis d’un geste discret sorti sa baguette et oublietta la jeune femme avant de s’éloigner et de disparaître au détour d’un couloir.

Merlin, toujours assis sur le vieux banc, écoutait sa grand-mère avec attention.

« Enfin voilà. C’est comme cela que l’on s’est rencontré ton grand-père et moi. Enfin, c’est comme ça qu’il me la raconté car moi je ne me rappelle de rien. »

Merlin Selket, Première Année, Serpentard