Le professeur Featherstone s'était finalement décidé à descendre. Il avait passé la journée enfermé dans sa chambre d'hôtel, à écrire dans un carnet quelques observations et idées pour d'éventuelles futures recherches qu'il finirait par ne jamais faire. Le botaniste avait toujours plein d'idées qu'il lui arrivait de noter, mais il s'avérait qu'elles étaient parfois infructueuses. Par manque de temps, sans aucun doute, car le professeur avait, dans sa liste des choses à faire, des tas de prévisions, et il lui était parfois difficiles de tout effectuer.

Il avait bien plu dans la journée, les trottoirs étaient encore trempés par les énormes gouttes tombées dans l'après-midi. Et bien que le soleil avait repris sa place dans le ciel, la soirée de ce mois d'Août n'avait pas encore réussi à sécher complètement le parterre. Mais l'humidité ne gêna pas le professeur. Il avait sorti un parapluie, pour éviter les quelques gouttelettes insignifiantes qui tombaient encore des toits. Il marchait dans le Londres sorcier, pour se promener entre les immeubles.

La ville, c'était là un étrange paysage, le professeur Featherstone n'était pas de ceux qui appréciaient l'air citadine. Les voitures des non-magiques et la foule qui y déferlaient n'étaient pas du goût du vieil homme qui préférait de loin la tranquillité. Mais il était sorti, car sa chambre d'hôtel commençait à se faire étroite. Heureusement qu'il n'était à Londres que pour une semaine!

Le professeur s'arrêta à un carrefour, le petit bonhomme était devenu rouge. Il était peut-être sorcier, mais il avait grandi dans une famille qui vivait "à la moldue", il savait ce que le petit bonhomme rouge signifiait. Les voitures commencèrent alors à passer, entraînant avec elles de petites traînées de pluie.

Maman était sortie. Elle avait un tournage aujourd’hui. Tu t'étais retrouvée toute seule dans la maison.
Seule avec toi même.
Avec pour seule compagnie ta baguette magique que tu n’avais même pas le droit d’utiliser. Tu aurais pu sortir pour retrouver tes amis, mais ils étaient tous partis en vacances. Loin. Et toi, tu restais à Londres. Comme tous les ans. Dehors, il ne faisait pas très beau. Tu t’ennuyais. Comme toujours, lorsque maman avait un tournage et te laissait seule. Tu regardes la porte.
Et puis zut. Tu glissas ta baguette sous ton t-shirt. Tu sais bien qu’avec les temps qui courent dehors, il n’est pas prudent pour toi de sortir seule. Ni pour toi ni pour personne d’ailleurs.
Tu attrapas les clés de la porte d’entrée et la referma en la claquant derrière toi. Tu marchais dans la rue. Les mains dans les poches de ton jean. Un habit moldu. Tu avais grandi parmi eux. Ces gens sans pouvoirs magiques. Tu aurais aimé ne pas être une sorcière. Ça t’aurait évité tant d'ennuis. Tu te baladais dans Londres depuis maintenant 30min. Tu arriva à un passage piéton. Tu t'apprêtais a traverser la chaussée lorsque tu remarquas que le feu était rouge. Lorsqu’il passa au vert, tu te faufilas parmi les passants, manquant de renverser une personne un peu âgée. Les passants te bousculaient. Peut-être que, parmi eux, se trouvaient un sorcier. Tu ne savais pas. Tu dévisagea quelque instants le vieillard que tu avais bousculé. Il était pas si vieux que ça, au final.

- Excusez moi M’sieur.

Tu avais une drôle de voix ces temps-ci.
Ta voix s’était brisée. Et ton cœur avec. Tu étais seule et resterais seule. Tu voudrais être avec des gens sans vraiment en avoir envie. Tu posais ta main sur ta baguette. Tu la sentais à travers ton t-shirt. Tu regardas autour de toi. Où étais-tu ? Tu n’en savais rien. Tu t’en fichais.
Tu repartis, sans te rendre compte que tu laissais quelque chose derrière toi ... Quelque chose de précieux.


@Archibald Featherstone j'espère que ce pas vous conviendra. Dites moi si quelque chose ne va pas. Je vous conseille d’activer la petite cloche, comme ça nous n’aurons pas besoin de mentionner l’autre.

Les voitures passèrent en de vrombissements sonores que le professeur n'entendait même plus, trop habitué depuis quelques jours à ce qu'ils fassent partie de son quotidien. Puis elles s'arrêtèrent quelques secondes avant que le petit bonhomme passe au vert. Le botaniste le savait bien : c'était signe qu'il pouvait commencer à marcher pour traverser la route.

C'est d'ailleurs ce qu'il fit, commençant tout d'abord par enjamber d'un pas large le caniveau dans lequel, après les pluies récentes, une grande quantité d'eau stagnait en attendant son évacuation ou son évaporation. Le professeur ne voulait pas tremper ses belles chaussures en cuire, bien que l'humidité du sol ne l'en laissât pas le choix.

Il y avait pas mal de passants traversant, et le professeur marchait doucement : à quoi bon se dépêcher quand on à rien à faire. Mais cela n'était sûrement pas au goût de tous, puisque il sentit une masse le bousculer, cherchant sûrement à serpenter entre les personnes trop lentes. La première réaction du vieil homme fut de froncer les sourcils et de souffler d'agacement, il se désolait qu'aucune excuse n'avait été prononcée. Mais il fallait dire qu'avec le bruit ambiant et sa légère surdité, il était fort probable qu'il ne l'eût pas entendue.

Il s'aperçut ensuite qu'il s'agissait d'une enfant. Il ne pouvait pas lui en vouloir, les enfants pouvaient se montrer parfois turbulents et incontrôlables. Il se fit tout de même la réflexion que l'éducation de cette adolescente laissait à désirer, ses parents n'étaient-ils d'ailleurs pas là pour la laisser ainsi se perdre dans la foule? Alors qu'il la regardait s'en aller devant, il vit un éclat doré glisser de ses cheveux. L'homme s'accroupit donc en arrivant près de l'objet et cria en direction de la gamine :

"Eh toi, là-bas! Tu as fait tomber quelque chose!"

La voix du professeur n'était pas de celles qui portent le plus, mais il avait mis assez de puissance pour qu'elle fût audible par l'enfant. Il s'avança vers elle, en tenant le médaillon doré qu'elle avait laissé choir.

Tu t’en vas.
Sans te retourner.
Tes pas foulent sur le goudron.
Dans la grande rue,
Il y en avait du monde.
Que faisais-tu ici ?
Pourquoi étais tu sortie ?
Pour le retrouver.
Lui.
Mais tu ne peux pas.
Il est parti,
Il ne reviendra jamais.
Il t’a abandonné.
Il vous a abandonné.
Tu l’attends.
Jour et nuit.
Mais il ne vient pas.
Il ne viendra pas.
Jamais.
Ça ne sert plus à rien, maintenant.
Tu le sais.
Qu’il est parti.
La haut.
Puis tu n’entends plus rien.
Seul un bourdonnement à peine audible se fait entendre.
Puis soudain, une voix.
Cette voix brise le silence.
Tu ne sais pas à qui elle appartient.
Mais elle t’appelle.
Tu te retournes.
C’est le vieillard que tu avais bousculé tout à l’heure.
Il t’appelle.
Toi là-bas.
Ses mots sortent de ses lèvres,
Tel des couteaux.
Tranchants,
Avec vigueur.
Comme un adulte.
Une personne venue pour te sermonner.
Il va sans doute te gronder,
Te réprimander,
De l’avoir bousculer.
D’autant plus que c’est une vieille personne.
C’est plus fragile que les enfants.
Tu le regardes.
Tu t'arrêtes.
Il tient quelque chose à la main.
Quelque chose qui t’appartient.
Tu fixe sa main.
Sans rien dire.
Puis tu ouvres la bouche,
Pour prononcer quelques mots :

- Mon médaillon ... Mer ... Merci M’sieur.

Tu t'approches de lui.
Il te redonne ton médaillon.
Tu le regarde.
Le vieillard.
Il te l’a ramener.
Tu presse le médaillon sur ton cœur.
C’est tout ce qu’il reste de lui.
Alors tu chuchotes.

- Désolé pour tout à l’heure. J’vous avais pas vu.

Excusez moi pour ce retard ... Je ferais mon possible pour répondre plus vite ...

La fille se retourna à son appel, cela le rassurait un peu : il ne souhaitait pas garder ce médaillon qui ne lui appartenait pas. L'adolescente avança alors timidement pour récupérer son bien, qu'elle agrippa et plaqua contre elle. Il était difficile de ne pas voir qu'il s'agissait d'un objet important à ses yeux. Elle remercia le professeur, puis s'excusa de l'avoir bousculé.

"Ce n'est rien... Répondit le professeur, bien qu'il pensa que, s'il ne l'avait pas rappelée pour lui rendre son médaillon, elle n'aurait jamais présenté ses excuses. Ne restons pas au milieu de la route, veux-tu, le feu va passer au rouge."

A peine eut-il fini sa phrase que le petit bonhomme vert s'éteignit pour laisser la place au bonhomme rouge. Le vieil homme emporta alors la jeune fille vers le trottoir, la guidant de sa main comme un adulte le fait pour protéger un enfant.

Il arrivait parfois au professeur de se montrer protecteur, non pas parce qu'un instinct paternel faisait surface, mais plutôt par expérience. Il avait vu beaucoup de choses : des accidents, des personnes gravement blessées, lorsqu'il exerçait en tant que Médicomage. Ce métier lui avait appris que la vie était fragile, et il mettait un point d'honneur à protéger la sienne et celles des autres.

Arrivés sur le trottoir, l'homme regarda autour de lui. La jeune fille semblait être seule, ce qui le rendit perplexe.

"Tu n'es pas accompagnée? Où sont tes parents? Demanda-t-il."

Le monsieur, ne voulant pas rester au milieu de la route, pressa le pas.
Il t’attrapa la main.
Il t’avait touché.
Tu détestais cela.
Mais tu remarques dans son élan,
Quelque chose de bizarre.
La dernière fois que quelqu’un t’avait attrapé la main,
Tu ne t’en rappelais plus trop,
Mais tu te rappelais qui.
C’était ton père.
C'était lui qui avait attrapé ta main la dernière fois que quelqu’un l’avait fait.
Tu fixe la main du vieil homme dans la tienne.
Non pas avec dégoût,
Mais avec une tristesse.
Une peur.
Mais tu marchais avec lui.
Tu marchais vite,
A ces côtés.
Lorsque vous arrivez de l’autre coté, de la route,
Tu regardais toujours ses doigts dans les tiens.
Sans bruit.
Tu ne voulais pas pleurer.
Pas lui montrer ta tristesse,
Ta peur,
Ton désespoir.
Puis il parla.
Il prononça
Quelque chose,
Quelques mots.
Tu l’écoutais.
Tu ouvris la bouche pour lui répondre mais la referma immédiatement.
Tu ne pouvais pas lui dire.
Lui dire que tes parents,
Tu n’en a plus.
Ton père,
Il a disparu.
Et ta mère,
Elle est différente.
Elle est toujours là,
Mais elle a changé.
Comme toi.
Vous avez toutes les deux changées.
Et vous n’y pouvez rien.
Mais tu lui dis quand même.
Tu ouvris la bouche et dis :

Je ... oui. J’suis toute seule. Maman, elle ... elle est en plein tournage. Et papa ... papa, il ... il est plus là.

Le trottoir regagné, le professeur continuait de se demander ce que la jeune fille faisait seule, en plein Londres. Il y avait beaucoup de monde dans la capitale, et le vieil homme savait que les gens n'étaient pas tous des personnes respectables. Son inquiétude aurait été encore plus grande s'il avait su que l'enfant avec qui il parlait était sorcière. Mais il ne le savait pas.

La jeune fille semblait hésitante dans sa manière de parler, comme si elle freinait les mots qui voulaient sortir de sa bouche. Une chose était certaine, c'est qu'elle ne semblait pas heureuse. Elle avait dans le fond de son regard une lueur triste, celle que l'on aperçoit dans le reflet brillant des yeux larmoyants. Elle semblait tout de même dans la retenue, et le professeur ne comprenait pas... Après tout, les enfants pleurent parfois pour rien, peut-être qu'elle a été privée de goûter et qu'elle a donc fugué...

Mais la bouche de la gamine finit par s'ouvrir et y échapper quelques mots, d'une faiblesse et d'une monotonie qui trahissaient ses sentiments. Son père n'était plus là... le Professeur Featherstone aurait pu ne pas bien comprendre, mais il comprit. Il se sentit attristé pour elle, et ne savait pas vraiment comment réagir. Il ne laissa cependant rien transparaître : le professeur avait peu l'habitude de laisser voir ses émotions. Il se contenta de dire :

"Je suis désolé de l'apprendre. J'imagine que c'est lui qui t'a offert ce pendentif, continua-t-il en pointant le médaillon. Prends-en soin, et attache-le bien."

Il lui adressa un léger sourire, puis s'inquiétant de sa solitude il ajouta :

"Tu ne devrais pas traîner dans les rues de Londres, seule comme ça. Tu sais, il y a des gens louches!"

Il était désolé.
Le monsieur,
Il était désolé.
Pour toi.
Pour ce qu’il t’arrivait.

Tu n’aurais pas du lui dire.
Pas à lui.
Puis il parle.
Il prononce une phrase.
Puis une autre.
Tu l’écoute.

- Je ... Oui. C’est lui. C’est lui qui me l’a offert. C’est la première fois. Qu’il tombe. Je ... Il faudrait que je fasse plus attention.

Tu lui souris.
Même si tu n’es pas heureuse.
Mais c’est pour lui montrer que tu vas bien.
Qu’il ne faut pas s’inquiéter pour toi.
Un silence s’installa.
Un silence gênant.
Mais tu aimais bien le silence.
Cela te rendait forte.
Mais l’homme le brisa.
En prononçant quelque chose.
Quelque chose que tu écoutas,
Attentivement.

- Je ... Vous savez, je ne suis plus en sécurité nulle part. Avec les temps qui courent, même chez moi, je ne sais pas ce qu’il peut m’arriver. Je ne le saurais sans doute jamais ...

Tu dévisages alors tes pieds.
Sans bouger.
Tu n’oses pas le regarder.
Mais tu relèves la tête.
Doucement.

- Bien ... Euh ... Je ... Merci. Je vous remercie sincèrement.

Tu tenais toujours, dans ta main, celle du vieillard.
Tu la regarda.
Doucement.
Tu te demandais s’il ne fallait pas l’enlever.
Tu regardes le vieil homme.
Puis ta main.
Ta main dans la sienne.
Alternativement.
Tu avais peur.
Mais cette main t’inspirait confiance.

La jeune fille commença par bredouillait quelques mots. Le professeur, qui avait une ouïe peu développée, comprenait avec grande peine ce qu'elle disait. Son ton semblait d'une monotonie maussade, confirmant au vieil homme que l'adolescente était en détresse... pas étonnant si son père venait de rendre l'âme.

La jeune fille continua de parler, mentionnant le manque de sécurité qui pesait autour d'elle. Ce n'était pas étonnant, les conflits entre moldus et sorciers étaient alors très présents, et pouvaient inquiéter n'importe quel enfant de son âge, surtout qu'elle lui apparaissait comme sensible. Une chose était sûr, selon lui, c'est qu'elle serait plus en sécurité ailleurs qu'en pleine rue. Mais le professeur ne connaissant pas sa situation, décida de ne rien ajouter.

La jeune fille le remercia ensuite, encore une fois. Le professeur, pour simple réponse, se contenta de hocher la tête. Le regard de l'enfant se posa alors sur sa main, qui tenait toujours celle du professeur. Le professeur aurait préféré s'en défaire, il n'était pas des plus sociables, ni des plus tactiles, mais il avait l'impression que sa main lui apportait une assurance dont elle avait besoin. Il ne savait pas s'il devait la retirer ou non. Il finit tout de même par tirer légèrement sa main de la sienne, en douceur pour ne pas brusquer l'enfant, et dit :

"Je te conseille tout de même de ne pas trop traîner dans la rue, on est pas à l'abri des mauvaises rencontres... Tu es au courant du conflit avec les sorciers? Cela devrait te dissuader de sortir! Prends des infusions de millepertuis ou de passiflores, ça t'aidera à aller mieux."

Il fit un un sourire à la jeune fille, pour la rassurer. Sur ce, il décida de reprendre sa promenade et souhaita une bonne journée à la gamine.

L’homme enleva sa main.
Doucement.
Pas du tout brusquement.
Tu aurais aimé continuer à la tenir.
Mais tu sais bien que c’est impossible.
Tu fixais encore la main du vieil homme qui avait tenu la tienne auparavant.
Tu t’essuyas la main sur ton jean.
Elle était moite.
Il parla
Encore.
Tu l’écoutais.
Sans rien dire.
Le regard fixé sur sa main.
Une fois qu’il eut fini,
Tu détacha ton regard de sa main.
Tu te remémorais ce qu’il t’avait dit.
Mais un seul et unique mot te restait en mémoire.
Sorciers.
Il avait deviné.
Que tu étais une sorcière.
Une expression de peur sur le visage, tu avalas avec difficulté ta salive.
Tu bafouilla quelque chose d’incompréhensible que tu répéta plus fort pour que le vieux monsieur entende.
Tu essayais de paraître naturelle mais tu étais troublée.
Comment pouvais t’il savoir ?
Que tu es une sorcière ?
Il ne le peux pas.
C’est impossible.

- Je ... De ... Vous avez dit sorciers ? Je ... Oui, je ... connais ce conflit. J’en ... j’en ai entendu parler.

Lui dire ?
Ne pas lui dire ?
Il ne faudrait mieux pas, non.
Peut-être que c’est quelqu’un anti-sorcier qui va crier ton nom à tout rompre.
Ton nom.
Il ne le sait pas.
Tu ne lui as pas dit.
Alors,
D’une voix fragile,
Tu murmuras :

- Je m’appelle Lé... Léna