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20 juin 2017, 11:52
 RPG+   Angleterre  Mercredi rising tide

23

L’ATTITUDE FRANÇAISE


Je restai interdite devant la réaction de Kristen. Tout du moins le temps de me dire que je restai en présence d’une britannique et plus particulièrement de cette distance presque protocolaire qu’ils imposaient à toutes leurs relations. Mon sourire refit surface tandis que j’abaissai mes yeux sur le sol poussiéreux de l’ancienne demeure de Kristen. Comme ce sol, la vie de mon amie méritait un bon coup de balai. Il fallait tout recommencer. Lui faire goûter à ce petit brin de folie que seule une française pouvait lui apporter — tout du moins, c’est ce que prétendait la légende colportée par les étrangers de retour de leur voyage en France.

« Loin de moi l’idée de froisser la grande Kristen Loewy, déclarai-je d’un ton mi-théâtral mi-mutin en effaçant la distance qui nous séparait elle et moi. Mais je préfère apercevoir un sourire sur son visage. »

Arrivée à côté d’elle, je glissai mon bras sous le sien et me penchai légèrement vers l’avant en la regardant du coin de l’oeil.

« Vous semblez avoir oublié que vous m’avez sauvé la vie, dis-je avec la plus grande douceur. Ce qui fait de vous… et bien, tout. Je reconnais que mes manières bien françaises diffèrent quelque peu des vôtres, mais cela n’enlève rien au message de fond. Vous êtes ce que j’ai de plus cher avec ma fille et pour vous… et bien je serai prête à tout. »

Je me penchai un peu plus en avant en élargissant la courbure de mon sourire, consciente du fait que Kristen ne pouvait plus ignorer mon visage dans son champ de vision.

« Je vous en prie, Kristen, souriez à la vie. Nous sommes toutes les deux, si cela suffit à faire mon bonheur, cela devrait également suffire au vôtre. »

A la regarder comme je le faisais à cet instant, selon cet angle particulier, Kristen me faisait penser à un rocher solitaire dressé au milieu d’une mer houleuse. Je me surpris à regretter cette froideur apparente, quant elle me semblait si belle et si captivante lorsqu’un sourire éclairait son si beau visage. D’une légère pression sur son bras, je la poussai à me fixer droit dans les yeux car de tout ce qui faisait d’elle ce qu’elle était, le bleu de ses yeux m’avait toujours fasciné. Je lui souris tendrement avant de céder… une vieille habitude. Je tournai mon regard vers l’horizon sans me départir de mon sourire. Le vent caressait mon visage, le bon air allait et venait dans mes poumons, mais rien de tout cela ne pouvait calmer les remous qui agitaient mon ventre.

« Je voudrais n’avoir jamais à vous quitter, m’entendis-je dire d’une voix captive de mon émotion. Je n’ai jamais connu de vie heureuse, autre que celle que votre présence m’a apporté. »

20 juin 2017, 22:16
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Regardant droit devant elle, Kristen écoutait les douces paroles d’Aude Luneau et respirait un peu trop fort. La française avait-elle conscience de toucher un point sensible ? Le chatouillait-elle par plaisir, pour voir ce qui se passerait si elle continuait sur ce chemin ? Ou était-ce tout simplement innocent ? Si c’était le cas, ce serait peut-être même pire.

Kristen n’avait jamais espéré entendre de telles paroles, qui lui semblaient complètement irréelles et dépourvues de tout sens logique. Parce que même dans ses rêves les plus fous, elle n’avait jamais imaginé que ces mots puissent lui être adressés, Kristen n’en comprenait tout à fait que la moitié, et ne croyait pas à l’autre moitié. Ses oreilles avaient-elles subi un enchantement, déformant tout ce qui passait par ses tympans ? Son cerveau était-il embrouillé ?

En croisant le regard d’Aude Luneau un bref instant, elle prit conscience de la réalité de ce qu’elle avait entendu, mais aussi de l’incohérence générale qui régnait. Comment une femme si belle, si forte, comment une femme avec ces yeux- pouvait penser tout ce qu’elle venait de dire à Kristen Loewy, le déchet qui avait manqué de tuer son fils ? Aude avait beau affirmer tout ce qu'elle voulait, aux yeux de Kristen, c'était tout simplement bizarre.

Aude reporta son regard vers l’horizon, mais Kristen ne put détacher son regard de son profil. Elle baissa les yeux un instant, simplement pour se rendre compte que son amie avait passé son bras sous le sien - elle avait cru le remarquer, mais sans l'envisager dans une réalité palpable -, et ses yeux retrouvèrent le visage harmonieux d’Aude. Elle regarda également le profil de sa bouche, et il lui sembla qu’elle n’avait jamais vu le visage de la française d’aussi près. Elle le détailla lentement, plissant les yeux lorsque ceux-ci s’arrêtaient sur certains détails : un petit cheveu plus court et plus fin que les autres qui passait devant son oreille, un reflet de lumière sur ses lèvres rosées et légèrement brillantes, une tâche d’un bleu différent au coin de l’iris.

Aude avait dit tout ce qu’elle avait sur le cœur, et Kristen se trouvait incapable de trouver les mots adéquats pour répondre. Elle aurait voulu dire quelque chose de mémorable pour qu’Aude n’ait pas l’impression d’avoir tout lâché en vain. Mais elle ne pouvait que la contempler et se sentir tout à la fois beaucoup trop flattée, fière et un peu gênée de ne pas savoir quoi dire, consciente en arrière-plan qu’un tel discours ne pouvait rester sans réponse.

Alors, puisque les mots ne pouvaient pas sortir, elle plia un peu le bras auquel Aude était accrochée et attrapa sa main. Kristen se tourna tout à fait vers Aude, obligeant celle-ci à se tourner un peu aussi, et pour la deuxième fois en l’espace de quelques mois, approcha son autre main de sa joue. Cette fois, ce n’était pas de la compassion ou de la pitié, ce n’était pas la crainte de blesser, le besoin de consoler. Rien à voir. Kristen savait que c’était différent, mais alors que sa main était à quelques centimètres de la joue d’Aude et que son regard cherchait le fond de ses yeux bleus - si proche ! -, elle n’aurait su dire comment ni pourquoi elle avait été amenée à se tenir là, dans cette position. Elle ne se serait jamais crue si impulsive. Sa main s’approcha un peu plus de la joue de la belle Aude Luneau, l’effleura à peine, et retomba comme un ballon qui se dégonfle lamentablement. Kristen soupira et afficha un sourire résigné.

« C’est pourtant ce que vous ferez. Dès que tout sera réglé, vous retournerez à Beauxbâtons, et ce sera très bien ainsi. »

Elle n’en pensait pas un mot, mais c’était dans l’ordre des choses. La présence d’Aude auprès de Kristen n’était que provisoire, en dépit de tout ce qu’elle pouvait souhaiter. Elles s’écriraient comme deux directrices d’école qui sont amies s’écrivent, et tout reviendrait à la normale. Aude sembla perdue dans ses pensées, mais Kristen n'y fit pas vraiment attention, craignant ce qu'elle pourrait conclure d'une analyse de son air.

Elle rit un peu, car elle en avait besoin. Cela lui donnait du courage et l’impression que rien n’était aussi important qu’on pouvait le penser. Elle tourna la tête, regardant ailleurs, dans le vide.

« Mais vous avez raison, cela aurait pu suffire, dit-elle avec un petit sourire en coin. »

Ce n’était pas seulement elle qui le disait, mais aussi le reflet dans le miroir du Riséd. Lui ne pouvait pas mentir. Elle avait parlé comme si ses mots ne signifiaient rien, comme si c’était juste une blague, une petite réplique qu’elle lâchait comme à son habitude.

Ne désirant pas laisser le temps à ses mots de prendre du sens, elle enchaîna :

« Je voulais vous emmener dans un endroit moins... »

Elle n'acheva pas sa phrase. Glauque ? Bizarre ? Personnel ? Kristen avait pensé à un tas d'endroits, mais en vérité, ce qu'elle voulait surtout, c'était être avec Aude, et l'endroit lui importait peu.

« Mais peut-être y a-t-il quelque chose en particulier que vous aimeriez voir ? Ou préférez-vous rentrer ? »

Elle tourna sa baguette vers la bibliothèque portable, qui se replia et vola tout droit vers sa main. Kristen paraissait absorbée par l'enchantement qu'elle venait de jeter et la question qu'elle venait de poser, leur donnant beaucoup plus d'importance qu'à tout le reste.

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22 juin 2017, 22:34
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VERTIGES


Ce n’était qu’un geste, qu’un effleurement opportun, mais cela avait suffi à me couper de mes sens. Je cherchai à comprendre la raison de ce geste, et plus encore la raison pour laquelle il m’avait paru inachevé. J’avais la sensation de nager en plein doute, incapable d’analyser clairement la situation. D’un côté, le contact avait éveillé en moi des émotions puissantes, mais d’un autre, je m’étais sentit frustrée par la privation. Les paroles qui suivirent glissèrent sur moi comme glissait le vent, sans s’attarder, poursuivant un horizon lointain qu’il ne m’était pas permis de distinguer. Leur sens profond n’en était pas moins imprégné dans mon cerveau et je pris un temps considérable à traiter toutes ces informations. Quand se fut chose faite, j’étais encore plongée dans mes pensées, mais consciente de la présence de Kristen à côté de moi et des questions qu’elle avait laissées en suspens dans l’air.

Je fermai les yeux et soupirai pour me soulager d’une partie du poids considérable qui pesait sur mes épaules.

« Je ne serai jamais plus la directrice de Beauxbâtons, dis-je avec toute la difficulté que soulevait cette horrible réalité. Pour le bien de l’académie, c’est inenvisageable. Si la vérité devait éclater au grand jour, jamais les parents d’élèves ne me pardonneraient d’avoir tué, malgré les raisons qui étaient les miennes. Ils ne me pardonneraient pas plus mes innombrables mensonges. Jamais. Ils pourraient tenter de détourner le regard, mes actes trotteraient toujours dans un coin de leur esprit. Je le sais. Il en est ainsi en France. Et je ne puis blâmer personne de raisonner ainsi. »

Le poignard n’en était pas moins enfoncé dans ma poitrine. La douleur s’enfonçait toujours plus loin dans mon coeur, foudroyante et glacée. L’émotion m’étranglait ; ma respiration ne se résumant plus qu’à un filet d’air discret qui s’échappait de mes lèvres.

« J’ai le sentiment que je ne quitterai plus Poudlard… et je me surprends à ne pas trouver cette idée désagréable malgré l’effroi et le vertige qui s’emparent de moi à chaque fois que je pense à ce que j’ai laissé derrière moi. »

Je tournai mon regard vers Kristen et risquai un sourire. Il sortit plus crispé que je l’escomptai.

« Si ce n’est pas un poids pour vous, j’aimerai rester. »

Les joues réchauffées par ma demande, je ne laissai pas le temps à Kristen de respirer. Je laissai filtrer un rire cristallin et ramenai mon bras sous le sien.

« Emmenez-moi où vous voulez, dis-je en affirmant mon sourire tandis que j’abaissai mon regard dans le vide. N’importe où pourvu que vous l’ayez choisi. C’est mon anniversaire… et ce jour exige que vous répondiez à la moindre de mes exigences. »

Mon sourire retrouva sa belle et grande amplitude tandis que je relevai mes yeux et croisai ceux de ma si chère Kristen.

« Par chance, vous n’êtes pas tombée sur la plus difficile des femmes. Enfin, je crois. »

Je ris doucement en pressant mon autre main sur l’avant-bras de Kristen. Aujourd’hui était un jour particulier pour moi, je souhaitai en profiter autant qu’il m’était possible d’en profiter. Le bonheur n’attendait pas.

23 juin 2017, 22:59
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Kristen fronça un peu les sourcils. Pour Aude, visiblement, tuer et avoir voulu tuer étaient synonymes. Elle semblait oublier que Pierre Legallet n’était pas mort de sa main, et pour le moment – malheureusement - pas mort du tout. Kristen était cependant prise en étau entre deux sentiments contradictoires. D’un côté, elle éprouvait de la compassion pour Aude qui, d’après elle, ne retrouverait jamais sa vie d’avant. De l’autre, elle était rassurée de savoir qu’Aude voudrait vraiment rester près d’elle, à Poudlard. Au milieu de tout cela, la culpabilité de se sentir si égoïste.

Comment Aude pouvait-elle penser qu’elle serait un poids pour Kristen ? C’était vrai, sa présence lui avait causé des problèmes, et les sentiments qu’elle éprouvait pour elle étaient troublants, la poussaient à agir de façon parfois très peu raisonnable. Mais si jamais c’était un poids, alors c’était un poids agréable à porter, un poids dont elle n’aurait pu se passer.

Comme si elle s’adressait à un membre de la famille royale, Kristen inclina un peu la tête, de côté pour regarder Aude. Elle était désireuse de répondre à la moindre des exigences de Madame. Elle rangea son cadeau, passa sa main libre sur le bras libre de la Française, la pressa un peu contre elle, et, sans un mot, elles transplanèrent à nouveau.

Ce transplanage avait été exceptionnellement doux. Rien à voir avec l’effet tornade que l’on ressentait la plupart du temps. Il y en avait déjà eu un de ce genre, le soir où Aude était arrivée à Poudlard, mais de telles prouesses restaient rares. À travers ce transplanage en douceur, Kristen laissait entrevoir un part d’elle-même que l’on ignorait souvent. Oui, elle pouvait être douce, voire même faire preuve d'une certaine tendresse. Elle s'éloigna un peu d'Aude, mais passa la main du bras que celle-ci avait tenu dans le dos droit et fin de la belle Française.

Elles se trouvaient à la lisière d’une plaine verdoyante. Derrière elles, il y avait un rideau d’arbres derrière lequel s’étendait une vaste forêt. Le soleil tapait bien et rendait l’herbe encore plus verte. Il avait certainement plu peu de temps avant, car elle n’avait pas eu le temps de sécher. Mais le plus étonnant était encore ce qui se trouvait dans cette plaine. Des créatures volaient en tous sens, d’autres broutaient de l’herbe plus loin. De l’autre côté de la plaine, il y avait un petit ruisseau, dont le vent portait l’écho. Cet endroit respirait la magie, et ce n’était pas seulement dû aux créatures – inoffensives - qui y vivaient librement. L'air même en semblait imprégné.

« Madame est-elle satisfaite ? demanda-t-elle en haussant le menton. »

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25 juin 2017, 22:09
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FÉERIES


L’art du transplanage m’était bien assez pénible pour reconnaître l’incroyable compétence de Kristen en la matière. Transplaner avec elle était une expérience déroutante. Tout sorcier normalement constitué s’attendait à voir le monde tournoyer autour de lui, à sentir ses entrailles se tordre de douleur, et finalement à voir ses appuis céder à l’atterrissage. Il n’en était rien en présence de Kristen. La Maîtresse de Poudlard avait la capacité de rendre le voyage aussi doux et agréable qu’un filet d’air frais balayant une journée trop ensoleillée. Et que dire de l’atterrissage ? Une plume n’aurait pas pu rivaliser.

Le littoral s’évanouit derrière nous. Nous atterrîmes aux abords d’une forêt, devant une vaste étendue d’herbe scintillante. L’endroit me coupa le souffle. Une dizaine de Diricos au plumage bleu et mauve jeta un regard suspect sur notre présence tandis qu’un Niffleur émergeait de son terrier à quatre ou cinq mètres de nous. Plus loin, je distinguai un Croup à sa queue fourchue. La créature gambadait au milieu des hautes herbes, probablement surprise en pleine séance de chasse. Plus loin encore, à une distance si éloignée que je crus, un instant, être victime d’un mirage, deux Hippogriffes ne remarquèrent même pas que deux sorcières venaient tout juste d’apparaître au loin. La magie qui habitait cet endroit était singulière. Elle semblait habiter chaque gramme d’air, chaque brindille d’herbe et chaque parcelle de terre. Mes sens étaient peut-être induits en erreur, mais j’avais la sensation que cet endroit générait sa propre magie. Ce qui m’estomaquait. Même le parfum qui s’élevait de l’herbe encore humide avait une fragrance unique. Je n’avais encore jamais jeté mon dévolu sur un endroit digne d’être comparé à celui-ci.

« Elle l’est assurément, répondis-je à Kristen en tournant sur moi-même. »

Ce qui se trouvait dans mon dos était plus merveilleux encore puisqu’une nuée de fées valsait à l’orée de la forêt. Leurs ailes réfléchissaient la lumière du soleil et leurs robes florales étincelaient de mille et unes couleurs. Attirée par leur beauté, je m’avançai vers elles dans l’espoir d’en toucher une. Je tendis mon bras devant moi, un sourire encourageant pendu à mes lèvres. Sourire qui s’agrandit lorsqu’une des fées posa le bout de ses pieds minuscules dans le creux de ma main pour y tournoyer avec une grâce exemplaire.

Cet endroit était aux antipodes de la maison qu’avait habité Kristen dans son autre vie. C’était un lieu magique, féerique à plus d’un titre. Un endroit qui appelait à la paix et au calme. Je m’y sentis apaisée, sûre de moi, comme si rien ne pouvait plus m’atteindre. Je m’inclinai devant la fée qui me rendit une salutation encore plus appuyée avant de s’envoler vers ses congénères. Je me tournai ensuite vers Kristen, heureuse du spectacle qu’elle m’offrait.

« Quel est cet endroit ? lui demandai-je en revenant vers elle. Je ne crois pas avoir foulé une terre si enchantée depuis la découverte du Dominion. »

Je la dépassai en lui souriant, attirée par un Dirico isolé des siens. Les Diricos étaient insaisissables par nature, mais je n’avais encore jamais eu l’occasion d’apercevoir le phénomène de mes propres yeux. Je m’approchai donc de la créature à pas comptés, en essayant de faire le moins de bruit possible. Mais c’était sans compter sur leur faculté auditive. Le Dirico tourna sa tête vers moi. Il sembla, durant un court instant, jugé la distance qui nous séparait puis il se téléporta en un éclair une vingtaine de mètres plus loin. J’éclatai de rire, prise soudain d’un émerveillement enfantin pour tout ce qui occupait mon champ de vision.

Rien n’aurait pu rendre ce jour plus unique et plus beau.

26 juin 2017, 15:01
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Kristen avait du mal à en croire ses yeux. Elle se sentait spectatrice d’une scène à laquelle elle ne pouvait décemment prendre part. Ce qu’elle voyait était beau – non, c’était parfait, véritablement parfait – et donc parfaitement incroyable. C’était un moment hors du temps, hors du monde. Oui, cet endroit était naturellement fantastique, mais il était sublimé par une Aude tournant sur elle-même, manifestement ravie d’être là. C’était l’ensemble qui rendait cette scène si émouvante. C’était simple. Comme s’il n’y avait rien qui puisse être compliqué en dehors de cette vaste clairière, comme si la vraie vie était là, et que le reste n’était qu’un mauvais rêve.

Elle réfléchissait à la logique de ce raisonnement et croisa les bras, pencha la tête sur le côté et prit le temps de savourer ce qu’elle voyait. Ses yeux étaient plissés par l’attendrissement. Quand Aude revint vers elle, elle prit conscience qu’elle aussi, pour le moment au moins, avait le droit de faire partie de ce monde : elle n’en était pas qu’une spectatrice pleine de regrets.

Comme une enfant qui s’émerveille de tout, Aude s’éclipsa à nouveau et tenta d’approcher un Dirico, avançant très lentement, à pas de loup. Elle aurait aussi bien pu se baisser dans l’herbe et bondir sur sa proie. Malgré toutes ses précautions, le Dirico se téléporta plus loin, ne laissant pas à Aude l’occasion de le voir de plus près. La Française éclata de rire, un rire enfantin et émerveillé, le rire de quelqu’un qui ne voit pas à quel point le monde est pourri. Kristen resta un moment sans bouger, stupéfaite, toute tendue. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose allait se passer, quelque chose d’inédit et de très gênant. C’était quelque chose qui remontait de son ventre vers sa bouche à une vitesse alarmante. Est-ce qu’elle allait vomir, là, maintenant, tout de suite ?

Non, elle ne vomit pas. Elle éclata de rire elle aussi. Ce n’était pas un rire moqueur, plein d’ironie, ou ce genre de rires dont elle commençait à s’accommoder. C’était un vrai rire, sincère et par-dessus tout, un rire heureux. Kristen l’entendit sans comprendre qu’il venait bien d’elle, que c’était elle qui produisait ces petits ha-ha-ha. Quand elle le comprit, il était trop tard, elle avait beau mettre sa main devant sa bouche, gênée par ce rire qu’elle trouva un peu déplacé - plus inhabituel que déplacé, en vérité -, elle ne pouvait nier qu'il avait bien existé, et existait toujours derrière cette main timide.

Elle finit par réussir à se contenir, mais un solide sourire ne put se décrocher de ses lèvres.

« C’est un privilège des étudiants – et anciens étudiants – de la Faculté de Soins aux Créatures Magiques, dit-elle d’une voix encore altérée par le rire. »

Kristen n’y avait pas remis les pieds depuis des années. Son esprit avait été envahi par d’autres choses beaucoup plus complexes et désagréables. Un instant, elle regretta de ne pas avoir choisi une voie plus simple. Et si elle avait continué ses études de créatures magiques ? Aurait-elle eu la vie de son père, une vie simple et paisible, loin de tout ce qu’elle vivait maintenant ? Mais à quoi bon se questionner ? Elle ne l’avait pas fait. Elle avait préféré se méfier du monde, et elle avait tout voulu, tout ce qu’il était possible d’obtenir, au-delà de la simplicité. Elle avait exécré la vie trop lisse de son père, et le choix de sa mère de le suivre, abandonnant sa carrière. Elle qui était une Serpentard et qui avait abandonné : Salazar s’en retournerait dans sa tombe. Ce que Kristen avait voulu, c’était l’aventure, la nouveauté, la liberté. Une libre aventure, au-delà des certitudes du commun des mortels et au-delà de toute attache.

Aujourd’hui, elle aurait pu regretter ce choix, mais c’est en regardant Aude une fois de plus qu’elle repoussa cette idée. C’était tout ce chemin qui l’avait menée à elle. Une suite de choix plus ou moins importants, stupides ou catastrophiques qui avaient fait que tout au bout, il y avait Aude Luneau.

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27 juin 2017, 19:51
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26. SOUVIENS-TOI

*

Je me souviens de son rire. Je me souviens de la façon dont son visage s’est éclairé au moment où l’éclat de son rire a franchi la prison de ses lèvres. Aujourd’hui encore, le souvenir de cet instant magique éveille en moi les remous du bonheur. Dire que je suis pour quelque chose dans le bonheur de Kristen est un raccourci à peine voilé de la réalité. Avec le recul des années, je me rends compte à quel point elle avait besoin de moi et moi d’elle. C’est d’ailleurs toujours d’actualité ; comme une force inébranlable, une sorte de loi naturelle contre laquelle nous ne pouvons absolument rien. La femme émerveillée que j’étais au coeur de cette plaine féerique n’est pas si différente de celle que je suis aujourd’hui : l’âge a peut-être bien émoussé quelques uns de mes sens, mais les sentiments qui peuplent mon coeur sont plus puissants encore qu’ils l’étaient à ce moment de ma vie. Je savoure d’ailleurs avec un amusement à peine dissimulé la cécité qui m’habitait alors. Aimer une femme comme Kristen Loewy ne m’a pas été difficile. Réaliser que je l’aimais d’amour et non d’amitié, voilà quelque chose qui m’a pris du temps. De souvenir, un an et neuf mois entre le moment où j’ai croisé son regard pour la première fois et celui où j’ai su poser des mots sur ce que je ressentais pour elle. Autant dire une éternité.

*

Le restaurant était bondé. Des couples occupaient essentiellement les petites tables rondes recouvertes de nappes blanches. Il y avait bien une famille ou deux, mais elles se tenaient dans des carrés qui leur étaient destinés, à l’écart de la salle principale. Kristen et moi avions jeté notre dévolu sur une petite table en terrasse, insensibles aux regards que les passants posaient sur nous. Les Moldus devaient nous prendre pour des célébrités de passage dans la capitale, à voir la façon dont nous étions toutes les deux habillées. Cette hypothèse m’amusait, même si je n’avais pas la moindre idée de ce que pouvait signifier le mot « actrice » que j’avais cru lire sur les lèvres de certains badauds.

Kristen n’avait pas choisi n’importe quelle adresse pour ce diner. Elle m’avait conduit dans le meilleur restaurant français de Londres, tenu par un adorable et authentique couple de sorciers français, excusez-moi du peu ! J’étais naturellement ravie de cette attention. Mes yeux étaient braqués sur elle, sur son sourire, quand le menu nous fut apporté par l’un des serveurs — français lui aussi, mais Moldu selon toutes vraisemblances. Je le remerciai avant de poser mon regard sur la liste de noms complexes pour un non-initié aux arts de la table tels qu’ils étaient pratiqués dans mon pays d’origine. Je risquai un coup d’oeil par-dessus cette liste pour voir comment s’en sortait Kristen. A priori sans mal apparent.

« Bouillabaisse sur son lit de rougets, lus-je en poussant mon accent français jusqu’à la caricature. »

Un nouveau coup d’oeil vers Kristen et je me laissai aller à un de ces rires enfantins dont nous avions à présent le secret. Comme la vie était soudain devenu si simple ! Il me semblait que nous pouvions nous amuser de tout et ne plus avoir à nous préoccuper de rien. Le temps de cette soirée, j’oubliai même que ma douce Sybille allait bientôt me quitter. Il n’y avait plus de place pour la moindre peine. Kristen et moi partagions un pur instant de joie, un second souffle au coeur d’une existence peu portée vers les plaisirs simples de la vie.

« Avez-vous fait votre choix, madame ? demandai-je à Kristen en imitant la voix du serveur. Le gratin dauphinois est un pur régal, croyez-moi, nos habitués ne cessent de le solliciter. »

Je ris de nouveau en refermant le menu devant moi. Je déposai ensuite mon menton dans ma main et me contentai de la regarder.

27 juin 2017, 22:37
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L’après-midi était passé vite, et Kristen avait même commencé à ne plus se sentir bizarre à chaque fois qu’elle ressentait un peu plus de bonheur dans le creux de son ventre. Rire n’était plus une anomalie. Ce n’était pas toujours un grand rire comme celui qui avait tout déclenché, mais c’était plus régulier, voire même chronique. Parfois, elle s’arrêtait pour penser à la révélation du début d’après-midi : « …mon fils… j’ai failli le tuer. » Alors, elle regardait Aude, qui regardait un Croup, qui regardait un Dirico, et trouvait cela incroyable. Cent ans auraient pu passer entre le début de l’après-midi, au moment où Kristen avait joué quitte ou double, et le moment où Aude regardait ces créatures avec un air enfantin. Cent ans entre la maison de Rye et le rire. Elle avait une forte tendance à se demander comment un tel revirement de situation avait été possible, mais chaque fois que son esprit s’apprêtait à se torturer, que la petite voix dans sa tête allait hurler : « tu ne mérites pas d’être là avec elle ! », Aude se redressait, partant dans un rire magnifique : le Croup galopait à travers la clairière, il courait si vite que parfois, aucune de ses pattes ne touchait le sol. Et Kristen ne se torturait plus l’esprit : elle se délectait de ce cadeau qui lui était offert, et tant pis si demain, tout s’effondrait. Au moins aujourd’hui aurait existé.

Cent ans entre Rye et la clairière, deux cents entre Rye et le restaurant. Tout s’était déroulé naturellement, comme la bobine d’un film, et pourtant, tout aurait pu partir en vrille dès le départ - dès la maison au bord de la falaise.

Kristen n’avait jamais mis les pieds dans cet endroit, mais s’était renseignée sur le restaurant en amont. Elle voulait quelque chose de français car elle pensait que cela ferait plaisir à Aude, elle qui était condamnée à subir la vue de la gelée et du fromage en plastique d’un pays qui n’était pas le sien. Elle avait choisi le meilleur restaurant qu’elle avait pu trouver, et il s’avérait qu’il était tenu par un couple de sorciers. Néanmoins, ce quartier de Londres restait effroyablement moldu, et en arrivant devant le restaurant, Kristen se sentit moyennement à l’aise. Il lui fallut un regard vers Aude pour se raisonner : tout se passerait bien et aucun Moldu ne lui roterait dessus ce soir, par Merlin !

Quand on apporta le menu, Kristen préféra regarder Aude qui regardait le menu, comme elle l’avait regardée quand elle regardait un Croup qui regardait… bref. Elle aurait pu passer de longues minutes à la contempler, essayant de deviner ce à quoi elle pensait. Une demi-seconde, elle eut une horrible pensée pour Aidan Bowers – le sale gamin – et se moqua intérieurement de lui qui ne pouvait pas prendre de plaisir à jouer à ce jeu-là. Finalement, elle reposa les yeux sur le menu et l’analysa avec le plus grand sérieux. Kristen avait beau apprécier la culture française et lire les intitulés des plats « en version originale », elle avait du mal à se figurer à quoi pouvait bien ressembler, dans une assiette, de la « bouillabaisse ». Ce devait être un genre de bouillie qu'une grosse bonne femme servait à la louche en en mettant partout à côté. Le nom ne donnait en tout cas pas vraiment envie, mais lorsque ce fut Aude qui prononça ce mot avec sa voix si française, elle eut une soudaine envie d’y goûter tout de suite.

Aude interrogea Kristen sur son choix, lui conseillant d’une voix pompeuse le gratin dauphinois. C’était une caricature de la voix du serveur qui la fit sourire, et elle replongea dans le menu pour vérifier ce qu’était le gratin dauphinois. Après avoir compris que, non, ce n’était définitivement pas un gratin de dauphin (on ne savait jamais, avec les Français : ils mangeaient bien des grenouilles), elle abaissa son menu. Son choix était fait, en quelque sorte.

Elle vit alors qu’Aude la regardait comme elle-même aurait dû la regarder. Elle resta figée un instant, car elle avait l’impression que ce regard-là était bizarre. Peut-être était-ce la faim et l’idée de penser qu’un gratin dauphinois n’était finalement pas un plat de dauphin, ou peut-être pas, mais un étrange mouvement lui prit au ventre. Elle sourit finalement et dit :

« Mes connaissances en matière de cuisine française sont relativement limitées. J’aimerais que vous me fassiez découvrir quelque chose que vous aimez. »

Elle posa ses yeux sur la carte, ouverte sur la table.

« Enfin, sauf si ce sont les grenouilles ou les escargots. Je ne suis pas prête pour ça. »

L’arête de son nez marqua un pli tandis qu’elle imaginait un escargot faisant le tour d’une assiette au milieu de laquelle trônerait une rainette verte qui aurait une allure de totem de sacrifice. Elle sourit en pensant à ce drôle de manège. Depuis quand son imaginaire pouvait-il être si… drôle ?

Le vin qu’elles avaient commandé venait d’arriver. Kristen regarda le serveur le verser dans les verres en penchant un peu la tête sur le côté. Elle aimait bien ce bruit – le bruit du vin que l'on sert. Ses yeux remontèrent naturellement vers Aude et s’arrêtèrent dans le fond de ses iris. Ce moment allait-il réellement durer ? Un grand changement allait-il vraiment s’opérer, ou n’était-ce que pour ce soir ? Voilà cette question qui revenait encore et encore.

Le bruit du vin qui coule dans le verre avait cessé depuis quelques secondes quand Kristen se sentit obligée de combler ce silence par des mots qui sortaient de nulle part, en réponse à une vieille question du début d’après-midi :

« J’aimerais que vous restiez. »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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30 juin 2017, 23:58
 RPG+   Angleterre  Mercredi rising tide
27. LE PREMIER PAS

*

Toute mon attention était fixée sur Kristen. Ses dernières paroles venaient de piquer ma curiosité avec la précision d’une aiguille maniée par un maître de l’acuponcture. Je cherchai à saisir leur pleine signification en scrutant son regard ; en quête d’une étincelle ou du moindre scintillement qui pourrait me mettre sur la voie. Face à moi, les yeux de Kristen possédaient cette profondeur et cette intensité qui les différenciaient de tant d’autres. Je me sentis soudain transpercée par le sérieux dont ils étaient habités. C’était pour moi le signe incontesté que ses paroles signifiaient beaucoup plus que ce qu’elles prêtaient à entendre. Naturellement, j’explorai mes souvenirs, les survolai, les épluchai sommairement, cherchant la trace d’un instant auquel ces paroles auraient pu faire écho. Il me fallut une poignée de secondes pour mettre la main sur ce que je cherchais. Immédiatement, mon sourire s’élargit et même si je ne pouvais rien en voir, je sus que mes yeux pétillaient de joie.

« Alors c’est entendu, lui répondis-je en me redressant sur ma chaise dans une attitude un peu plus noble. »

Savoir que Kristen me voulait auprès d’elle déchainait en moi des remous d’une puissance surréaliste. Le temps d’un instant, je crus trouver un effet apaisant dans une gorgée de vin. Sans succès. Mon coeur tambourinait contre ma poitrine comme si je m’apprêtais à faire un malaise. A ceci près que je n’étais pas sur le point de faire un malaise. J’en étais certaine, Kristen était la seule coupable de tout ceci. J’étais comme ensorcelée, les picotements de magie en moins, mais les nuées de papillons dans le ventre en plus. Qu’est-ce qui m’arrivait ? Pourquoi j’avais si chaud tout d’un coup ? Je détournai mon regard, pensant que cela suffirait, mais rien à faire… mon coeur continuait à tambouriner. Encore et encore.

Mes yeux se perdirent à admirer le vide. La présence de Kristen m’enveloppait avec autant de force que si elle me tenait dans ses bras. Du plus profond de mon âme, dans ce lieu d’interrogations et d’épais mystères, jaillit une lueur ; comme une intuition implantée en moi par une main étrangère. Un frisson me glaça l’échine. Le film de ces derniers mois se mit à défiler à une vitesse ahurissante dans mon esprit. Je revis par de petits flashs successifs tous les instants que j’avais connu auprès de Kristen jusqu’au dernier, celui qui nous concernait aujourd’hui. Je déglutis doucement, prise d’un doute. Je risquai un regard en coin vers Kristen mais le rapatriai dès que j’effleurai son regard fixé sur moi. Je me sentais démunie, fragile, et jetée dans la gueule grande ouverte de mes émotions. J’avais beau tenter de chasser ce qui essayait de s’imposer à moi, je ne réussissais pas à discipliner mon esprit. Mon coeur, lui, ne m’appartenait plus.

Comment nous en étions arrivé là ? Je n’en savais rien. Je n’arrivais pas à me l’expliquer. Je me sentis soudain effrayée à l’idée que mes sentiments puissent être perçus de Kristen. J’en venais même à m’interroger sur sa capacité à lire mes pensées, mais je revenais très vite à moi-même en me souvenant que Kristen n’avait jamais manifesté le moindre don pour la legilimancie. Elle n’en avait tout simplement pas besoin. Elle voyait clair en tout le monde. Je ne représentais pas une exception.

Je relevai mes yeux vers elle, un brin craintive à l’idée qu’elle puisse tout découvrir et me planter sur place. Ce n’était décidément pas un sentiment convenable. Mais à soutenir son regard comme je le faisais, de nouvelles vagues submergèrent mon coeur, l’enfouissant dans des profondeurs qui me donnèrent le vertige.

« Je… m’entendis-je prononcer avant de me raviser en me pinçant les lèvres. »

Non, ce n’était vraiment pas convenable du tout. Je secouai la tête de gauche à droite comme pour chasser ce qui persistait à s’accrocher à ma cervelle. J’évacuai mon stress en chassant tout l’air que contenaient mes poumons.

« Veuillez m’excuser, une bouffée de chaleur, avançai-je en souriant avant de fourrer mon nez dans le menu. Bien. Voyons voir… hm… que diriez-vous d’un filet mignon en croûte ? »

Mon regard n’osai pas quitter les lignes du menu. Des lignes dont la signification m’échappait maintenant que les lettres dansaient devant mes yeux. Et ce coeur qui continuait de tambouriner avec une violence inouïe comme pour me dire hey, je suis là, écoute-moi un peu !

01 juil. 2017, 21:16
 RPG+   Angleterre  Mercredi rising tide
Même si Kristen ne comprenait pas précisément ce qui se jouait dans l’esprit d’Aude Luneau, elle pouvait lire sur son visage qu’une certaine forme de lutte s’y déroulait. Kristen n’attendit rien après ce « je… », ne soupçonnant pas du tout qu’il pouvait être le résultat de cette lutte intérieure. Elle s’inquiéta beaucoup plus de la bouffée de chaleur d’Aude et vint même à en conclure que c’était sa faute. Après tout, Aude n’avait pas été préparée à une telle expédition, et avait été amenée à droite et à gauche une bonne partie de la journée. Kristen fronça les sourcils, soucieuse, mais Aude enchaîna sur le filet mignon. Kristen pensa alors que le nom aurait été parfait s’il n’avait été suivi de « en croûte », qui retirait un peu de charme à ce met, mais elle hocha malgré tout la tête en jetant un œil sur son menu.

« Très bien. »

Elle referma la carte et leva ses yeux inquiets vers Aude, pencha un peu la tête sur le côté.

« Ça ira ? »

Aude répondit que oui, ça irait, mais Kristen la scruta encore quelques longues secondes. Son regard interrogateur disparut avec l’arrivée du serveur, qui venait prendre leurs commandes. Kristen choisit donc le filet mignon en croûte, nom qu’elle s’appliqua à prononcer en français, presque sans accent (elle eut juste un peu de mal sur le cr- de croûte et insista un peu trop sur le R, dans son désir de bien faire). Aude prit la même chose. Le serveur reparti, Kristen reporta son attention sur Aude.

« J’espère que ce n’est pas ma faute. »

Elle enchaîna en pliant le coin de sa serviette :

« Nous avons beaucoup bougé aujourd’hui. »

Impossible de dire si c'était dû à l'éclairage ou si c'était une conséquence de sa bouffée de chaleur, mais Aude semblait avoir les joues un peu roses. Elle agita la tête de gauche à droite, ce qui eut l'effet étrange de faire disparaître cette jolie couleur de ses joues. Finalement, elle assura à Kristen qu'elle n'y était pour rien, et qu'au contraire, elle avait rendu cette journée inoubliable. Kristen ne put retenir un petit sourire de fierté.

Son regard fut attiré par une forme rouge dans la rue. Un homme très grand et très mince marchait vite, zigzagant entre les groupes d’amis qui prenaient toute la largeur du trottoir. Il avait une coupe iroquoise rouge vif. Kristen pensa alors que c’était un comble de penser que les sorciers avaient un style étrange quand les Moldus osaient se coiffer ainsi. Enfin, à Poudlard, il y avait bien une enseignante aux cheveux bleus, mais heureusement, son extravagance était restée dans la limite du raisonnable et sa coupe était tout à fait convenable.

Le reste du dîner se passa bien. Aude n’eut pas d’autres bouffées de chaleur et le filet mignon en croûte était bon. Très souvent, Kristen regardait Aude et savourait sa chance plus que son plat. Elle faisait taire cette voix dans sa tête qui lui disait qu’elle en voulait plus, consciente que cette soirée était déjà une chance.



Kristen regretta presque de rentrer à Poudlard. Ce château signifiait paradoxalement la fin de l’extraordinaire. C’était le retour à la normalité, si l’on considérait que voir des armures danser la polka dans les couloirs et les tableaux se chercher des poux étaient des phénomènes normaux. Tous les problèmes extérieurs semblaient s’être évaporés le temps de cet après-midi, mais leur retour ne signifiait pas le retour de la terrible action. C’était simplement le retour des ennuis sans intérêt. Tout ce qui ne concernait pas Aude était de toute façon inutile et inintéressant.

« Aude ? »

La sorcière l’interrogea du regard. Kristen, si elle l’avait pu, se serait elle-même interrogée du regard. Elle ne savait pas ce qu’elle allait dire, comme si son être était séparé en deux parties : celle qui pensait, et celle qui devait agir absolument, trop enthousiasmée par le succès de la journée. La raison et la déraison – avec Aude dans les parages, la déraison l’emportait souvent.

« N’allez pas penser que mes actes sont intéressés. »

Les mains rapidement fourrées dans les poches de sa cape et l’air ailleurs, elle parlait au vide. Pourtant, son rythme cardiaque s’accélérait dangereusement : boum-boum-boum-boum, et elle avait commencé à serrer un peu plus les mâchoires.

« Mais voyez-vous, ne pas vous avouer que j’éprouve à votre égard des sentiments particuliers serait manquer d’honnêteté. »

Elle avait parlé très vite, à peu près au rythme des battements fous de son cœur, noyant l’information essentielle dans tout le reste avec un manque de naturel franchement déconcertant. Elle aurait aussi bien pu réciter l'énoncé d'un problème de mathématique - l'un de ceux où l'on doit trier les informations importantes et celles qui sont ajoutées exprès pour le piège. Un instant, elle espéra que son aveu passerait inaperçu ou ne serait pas interprété correctement : elle avait pour cela mis toutes les chances de son côté. Ainsi donc, elle l’aurait dit une bonne fois pour toutes, mais tout se passerait bien quand même. Affaire réglée.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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