Au premier abord, elle crut que Phoebe allait approuver et contacter la personne qui l’avait amenée afin que cette dernière passe la chercher. Mais il n’en fut rien. L’adolescente de Serpentard se contenta de poser une nouvelle question, relative cette fois-ci aux paroles qu’Amy avait prononcées quelques secondes avant. La rousse s’en voudrait si elle laissait Phoebe faire cela seule, oui. On ne communiquait pas avec les morts juste comme ça et cela pourrait s’avérer dévastateur si la Serpentard le faisait en cachette.

« Je m’en voudrais dans le sens où vous ne devez pas tenter cela seule. Si vous n’obtenez aucune réponse, je n’ai pas envie que vous fassiez des tentatives désespérées ou que sais-je. Il peut aussi arriver que ça ne soit pas le « bon » esprit qui se manifeste. Si ce n’est pas celui que vous attendez, cela voudra sans doute dire qu’il ne viendra pas du tout ».

La professeure de Défense contre les Forces du Mal fit une courte pause avant de répondre.

« C’est pour cela qu’il vous faut vous préparer mentalement. Envisagez que les deux situations se produisent. Si la personne que vous attendez se manifeste, préparez dans votre esprit les questions que vous allez lui poser. N’oubliez pas qu’il ne pourra « répondre » qu’avec un oui, un non, ou former un mot avec des lettres. S’il ne se manifeste pas ou si ce n’est pas le bon esprit, il vous faut assimiler cela et ne pas être trop déçue ».

Par la suite, elle invita d’un mouvement de tête la jeune fille à boire son verre. La conversation partit ensuite sur des questions polies puis la personne (sa grande sœur, peut-être ?) qui avait déposé Phoebe repassa la chercher. Amy l’invita à revenir dans trois jours, le temps pour elle de se procurer ce dont elles avaient besoin.


Trois jours plus tard.

La professeure de Défense contre les Forces du Mal avait du se rendre dans une boutique d’antiquités afin de se procurer la planche de ouija dont elle avait besoin. Les tables disponibles dans les magasins de jouets moldus faisaient vraiment trop enfantin. Et surtout, QUI avait bien pu avoir l’idée de vendre à des enfants des planches pour invoquer les esprits ?
Elle avait donc ramené l’objet chez elle et l’avait planqué au fin fond d’un grand placard, priant pour que Scott ne tombe jamais dessus. Par la suite, la rousse avait envoyé un hibou à Phoebe afin de lui indiquer l’heure de rendez-vous, toujours chez elle. Ni trop tôt, ni trop tard. Vingt heures semblaient être le moment parfait. Amy avait donc préparé sa table basse en y installant la planche de ouija ainsi que la goutte qui lui avait été fournie.

Phoebe fit son apparition à la porte et Amy lui ouvrit, saluant une nouvelle fois l’accompagnatrice de la jeune Serpentard. Elle invita son élève à revenir s’asseoir à la même place qu’elle avait occupé quelques jours avant, puis reprit la parole pour lui expliquer comment elles allaient procéder.

« Alors c’est la première fois que je vais faire ça avec un réel objectif, mais je vais vous expliquer un peu. Nous allons toutes les deux poser deux doigts, index et majeur sur la goutte. Amy effectua les gestes en même temps. Lorsque j’invoquerai l’esprit, nous attendrons que la goutte se déplace d’elle-même. Il faut simplement suivre son mouvement et ne surtout pas bouger la goutte avec nos doigts au risque que l’esprit reparte ».

« Il vous faut sortir les objets en rapport avec votre ami et me redonner son nom, entre autres. Cela nous permettra de le trouver plus facilement, peut-être. Vous êtes prête ? »

Son Esprit avait déjà presque effacé son propre questionnement, elle n’imaginait pas l’adulte y répondre explicitement, cette dernière souhaitait la diriger vers la sortie. Pour autant elle pencha doucement sa tête sur le côté pour accueillir les termes de l’enseignante. Sa potentielle obstination éclairait les réserves, mais l’adolescente se sentait capable d’entrer dans cette brèche de Magie sans se perdre. De ne pas laisser primer son Désir, mais prendre sa Fascination comme salvatrice. En était-elle certaine ? Pour ne pas se laisser se consumer il lui fallait verrouiller certains espaces, la présence physique de la rousse comme garde-fou lui autorisait à ne pas prendre garde. Une prise de risque que de lâcher une parcelle à l’Altérité, mais elle n’avait pas la connaissance pour son entreprise, quoiqu’il arrive elle se soumettait au savoir-faire de Amy Holloway. La petite Swan hocha légèrement la tête, la sorcellerie ne pouvais pas tout, elle voulait uniquement le Contact, cela lui suffirait, elle Lui faisait confiance, il ne pourrait l’ignorer parfaitement s’il voyait sa détresse.

Sous le regard insistant de son aînée elle fit glisser entre ses lèvres ce liquide trop sucré, agressant ses papilles. N’ayant plus rien à faire en ces lieux pour l’instant, Phœbe se sentie poussée vers le départ, et se laissa pousser hors de ces murs, Æglé devait certainement l’attendre pas si loin, et la Serpentard n’était pas mécontente de quitter cette atmosphère étrange où l’intimité devait sortir face à l’inconnu. Sa Cousine ne conversa avec sa benjamine lorsqu’elle la ramena, certainement parce qu’elle la savait pour le moment peu encline à partager. La jeune adulte serait un soutien silencieux et ne comptait pas parler inutilement.



Les grains de sable tombaient à une certaine lenteur, mais la petite Swan savait combien de grains devaient s’écouler, elle savait se montrer patiente, l’attente ne rendrait le Moment que plus intense. Quand la dernière perle irrégulière s’écrasa, la jeune fille comprit que c’était le signal et se prépara à retourner dans ce logis qui l’avait entourée quelques jours à peine avant. C’est par les airs que l’adulte avait envoyé les termes de la nouvelle rencontre, qui serait une Mise en Présence particulière. Si l’entité que l’argentée attendait se manifestait.

De nouveau, la magicienne ne comprenait pas la rareté dans l’usage de cette Magie, mais ne montra son étonnement et écouta les petites indications. Concentrée, elle baissa la tête pour signifier qu’elle avait bien entendu ces mots. Cette Goutte était envoûtante, émanait déjà d’une vibration annonçant ses mouvements. Pourtant elle n’avait pas l’Éclat des gouttes d’une Pluie qui tombait parfois sur le visage lunaire de la Serpentard dans le château de Pierre. La petite Swan baissa ses lucarnes quelques secondes pour taire son doute et retrouver sa détermination.

Ses doigts fins et fragiles vinrent chercher dans sa poche la fameuse pièce, elle sentait comme s’il lui était arraché une part d’Elle dans cet objet, qu’elle mettait à nu sous les yeux de l’adulte. Mais non, voyons, elle ne pouvait percevoir. Il fallait s’en persuader. Ce nom, s’il devait lui traverser la gorge, pourrait certainement la brûler, mais Phœbe prit le risque. Elle entoura ces lettres de tout ce que son Cœur lui attachait.

« Em… Emrys. »

Elle exhala et laissa s’écouler quelques secondes avant sa déclaration faite d’une voix dure et sans le moindre trémolo qu’elle avait eu en prononçant ses dernières syllabes.

« Débutons. »

Phoebe n’eut pas de réaction particulière sauf celle d’hocher la tête lorsque la professeure lui demanda si elle était prête. Est-ce qu’elle l’était vraiment ? Cette demoiselle parlait si peu qu’Amy se demandait même si elle avait vraiment envie de tenter le coup. Néanmoins, l’adolescente finit par annoncer le nom de la personne et affirma son envie de commencer. La professeure de Défense contre les Forces du Mal plaça donc son index et son majeur sur la goutte et attendit que Phoebe en fasse de même. Une fois que cela fut fait, Amy reprit la parole d’une voix claire et distincte.

« Emrys, êtes-vous là ? »

Elle espérait sincèrement que Phoebe n’allait pas prendre ça à la légère. Déjà parce qu’Amy était assez mal à l’aise de faire une séance de spiritisme en présence d’une adolescente, mais aussi parce que le ouija laissait la porte ouverte à des entités qui pourraient être maléfiques. Si en plus elle devait contacter quelqu’un de plus expérimenté qu’elle… Est-ce que l’esprit d’Emrys allait vouloir se manifester aussi ? Si cela se trouvait, et ça arrivait souvent, il n’en avait juste pas envie. Alors qu’elle allait réitérer sa question, la goutte se déplaça de quelques centimètres vers la gauche. Amy tourna précipitamment sa tête vers Phoebe.

« Je.. Ce n’est pas vous, on est d’accord ? »

Non, ce n’était pas Phoebe, alors Amy recommença. « Emrys, nous souhaitons communiquer avec vous. Le voulez-vous ? » La goutte se déplaça alors lentement vers le haut du tableau. Les doigts de Phoebe et d’Amy ne pouvaient que suivre le mouvement jusqu’à ce que la goutte s’arrête sur le « Oui ». La rousse soupira de soulagement, puis se tourna de nouveau vers Phoebe.

« Bon. C’est déjà ça de fait. Je vais poser quelques questions et ensuite ce sera à vous ».

La professeure de Défense contre les Forces du Mal reporta son attention sur la goutte qui n’avait pas bougé et posa une troisième question. « Connaissez-vous Phoebe Swan ? » La réponse fut un peu plus longue à arriver et Amy crut même qu’elle allait devoir reposer la question. Mais la goutte trembla un peu sous leurs doigts avant de se décaler un tout petit peu, tout en restant sur le « oui ». La professeure souffla un bon coup puis enchaîna avec une autre question. « Phoebe dit que vous avez été tué, est-ce vrai ? » Elle jeta en même temps un coup d’œil à son élève afin de vérifier si elle allait bien. Amy reporta son attention sur la goutte qui commençait à bouger lentement, revenant d’abord à son point de départ. Elle laissait ses doigts suivre lentement le chemin qu’avait choisi la goutte, puis cette dernière revint lentement sur le « oui ». Amy tourna la tête vers Phoebe.

« Très bien. Maintenant que nous sommes sûres, c’est à votre tour de poser vos questions. N’oubliez pas qu’il faut que ce soit « oui », « non », des chiffres ou un mot. »

Le processus était en route, la sensation de vertige tenaillait déjà l’adolescente qui avait l’impression que ce qui la tenait jusqu’alors se dérobait sans crier gare et qu’elle devait affronter un espace sans la moindre prise rassurante où se raccrocher. Un univers brumeux et étranger mais qui avait le potentiel de tant lui offrir. L’adulte n’avait pas tardé avant de jeter l’élève au sein de cette redoutable expérience qu’elle attendait tout en craignant ne pas obtenir ce qu’elle recherchait si ardemment. La main pâle de la petite Swan pourtant ne tremblait pas et présentait une raideur étonnante quand elle se déposa sur la goutte avec laquelle elle eu dans un premier du temps quelques réserves à entrer en contact direct. Les doigts de la Serpentard frôlaient la surface, elle ne souhaitait s’enfoncer plus avant en s’engouffrant dans un sombre inconnu.

Entendre le nom du jeune garçon énoncé par la bouche de l’enseignante était une douleur pour les oreilles sensibles de la sorcière verte et argent, qui ressentait tout le contraste entre cette femme qui n’attachait rien à ces lettres, cette suite de sonorités et elle, qui les entourait d’une partie constitutive de son Être. La première question résonna dans l’air et Phœbe perçu les réverbérations des échos, son regard n’était pas sur la table et s’égarait aux alentours pour tenter de sentir une Présence qui apporterait une densité à l’atmosphère. Ses pupilles s’agrandirent quand la réponse, si inattendue, vint heurter en pleine face l’étudiante ébahie. Il était venu, par un simple appel, il se tenait Ici, insaisissable… En dépit des années écoulées, le cœur de l’argentée continuait à se laisser mordre impitoyablement par Emrys.

Plongée dans l’Irréel, la petite Swan vivait ce moment à la troisième personne, observant la rousse questionner l’Esprit et ce dernier pousser cette goutte à présent animée. Qui était-il devenu ? La temporalité l’avait-il affecté ? La petite Swan ignorait à qui elle était confronté en cet Instant. La très longue séparation se laisse difficilement combler dans l’imagination. L’ultime scène se déroulait de nouveaux sous ses yeux gris, elle savait ce qu’il lui brûlait de demander depuis si longtemps, mais que ses parents avaient tu en la plaçant en suspension jusqu’à ce qu’elle recouvre sa réalité.

« Sais-tu qui était-ce ? »

L’enfant leva la tête pour sonder les alentours et percevoir une Ombre, un mouvement mais l’unique vibration fut celle ressentie en l’extrémité de ses mains, il y eu une légère oscillation que l’argentée ne parvint pas identifier et expliquer avant la stabilisation sur l’affirmatif. Phœbe fronça les sourcils et médita, elle ne s’était pas suffisamment préparée, n’aurait pu prévoir qu’il connaissait  ce qu’elle recherchait. La bouche sèche, elle ne parvenait à trouver une nouvelle interrogation pertinente. Il le connaissait alors mais d’où… De sa Sphère ou de la Leur, commune.  Au fond d’elle, la Serpentard voulait croire qu’il y avait cette connexion incongrue, qu’elle était en somme si proche.

« Ai-je un lien avec cette personne ? »

Sitôt la phrase dite, la petite Swan réalisa l’absurdité de l’affirmation et sentit une vague de chaleur remonter le long de son visage et un frisson la parcourir, cette réponse si simple aurait un impact conséquent à n’en pas douter. La jeune magicienne prit le temps de respirer doucement, Emrys devait hésiter puisque l’instrument ne bougea qu’après sept respirations pour confirmer la proposition de l’adolescente qui se figea, sans s’accorder le moindre instant de réflexion elle implora et lâcha ces quelques termes dans un chuchotis tendu.

« Dis-moi qui… »

Sa main fut tirée sur le côté et courra sinueusement jusqu’à un autre bord du plateau pour offrir un refus que la sorcière eut peine à digérer. Elle déglutit avec peine, sentant une lancinante torsion dans ses entrailles. Il lui cachait une chose qu’il savait pour une raison qui lui était introuvable. Les Perles d’Argent de la fille transpercèrent la ouate qui l’oppressait de toutes parts. Elle sentait cette Confusion liée à la perte de contrôle l’envahir doucement, alors qu’elle marmonnait.

« Si j’y suis liée, alors je le retrouverais. Et je me vengerais. »

Phœbe serait prête à demander aux adultes qui détenaient des parcelles d’informations s’il le fallait. Ceux-là même qu'elle avait honnis. Elle eut à peine l’occasion de réfléchir plus avant aux moyens qu’elle mettrait en place dans sa quête qu’elle sentit la goutte vibrer et se diriger en une trajectoire nette pour jeter un non impérieux à la figure de la Serpentard. Il lui refusait sa seule Ancre.

« Explique-moi... »

Dans un souffle ces deux syllabes avaient été lâchées et la petite Swan attendait désespérément une explication, focalisée pour la première fois sur le plateau de Ouija. Sa respiration se faisait de plus en plus saccadée et irrégulière, dans l’angoisse de l’attente, sa liberté de répondre ou d’ignorer était une souffrance pour l’adolescente qui demandait en expectant plus que de raison. Ce mutisme qui se prolongea frappa l’élève persuadée d’avoir résolument perdu tout contact. Le souffle court, l’esprit bouillonnant de sa Confusion, l’adolescente jeta un regard affolé au professeur Holloway. Était-ce la fin ?

Amy se demandait comment Phoebe allait réagir maintenant que c’était à elle de poser les questions. La rousse n’avait que peu prêté attention à son élève lorsque c’était elle qui posait les questions ; elle préférait rester concentrée sur l’objectif de communiquer avec Emrys. Maintenant, c’était au tour de la Serpentard de parler, et elle ne tarda pas à demander si l’esprit savait qui l’avait tué. La professeure de Défense contre les Forces du Mal gardait ses doigts bien posés sur la goutte, qui trembla un peu mais qui finit par rester sur le « Oui ».

La deuxième question de Phoebe ne tarda pas à arriver, cette dernière demandant par la suite si elle avait un lien avec la personne en question. Le regard d’Amy se dirigea instinctivement vers le profil de la Serpentard. Ce genre de questions était très risqué et la rousse savait pertinemment que si la réponse était oui, Phoebe allait demander qui était cette personne. Même la jeune fille semblait regretter cette question. La réponse de l’esprit fut longue mais elle resta sur le « oui » après une vibration de deux secondes. Malheureusement pour la Serpentard, sa question suivante se solda par un « non » direct, les deux bras ayant du suivre rapidement le mouvement de la goutte.

Amy laissait Phoebe gérer, c’était son moment. Néanmoins, ses dernières paroles n’étaient pas les bonnes et la goutte ne bougea plus. La professeure de Défense contre les Forces du Mal reprit la parole.

« Ce n’est pas une question Miss Swan. Emrys, êtes-vous toujours là ? »

La goutte bougea lentement vers le « oui », alors Amy reposa une autre question. « Est-ce que vous voulez continuer cette discussion ? » La goutte trembla, puis partit se positionner sur le « Au revoir ». La rousse attendit quelques secondes, scrutant l’élève de Serpentard, puis retira ses doigts de la goutte en bois immobile.

« Je suis navrée Miss, c’est terminé. Il est parti. »

Elle fit une petite pause, le temps que Phoebe assimile le fait que l’esprit ait quitté la maison de la professeure de Défense contre les Forces du Mal, puis elle reprit la parole.

« Je suis désolée que cela se finisse comme ça, surtout si vite. Mais vous avez eu des informations supplémentaires qui, j’en suis sûre, vous aideront à avancer. Et j’anticipe un peu, mais je ne pense pas qu’il faudrait recommencer de suite, même si je pense que vous en avez très envie.Je m'avance peut-être à tort, mais je pense même que Emrys ne voudrait pas que vous recommenciez ».

En effet, il fallait mieux laisser le temps à tout le monde, vivants comme mort, de se remettre de cette séance. Le spiritisme prenait beaucoup d’énergie et Amy se sentait vraiment fatiguée. Néanmoins, elle ne dit rien devant son élève. Ne restait plus qu’à votre comment Phoebe allait encaisser tout cela.

Alors qu’elle était dans sa douloureuse attente, l’enseignante asséna l’erreur de la Serpentard qui fronça les sourcils en la laissant interroger une dernière fois l’esprit. Pourquoi la magie était si limitée ? Avec ses règles, ses rituels, devait-elle nécessairement être hermétique ? La fin était arrivée si rapidement, que la petite Swan contemplait d’un regard vide, hébétée, la table terne et l’outil parfaitement immobile avant de se retirer. L’instant avait été si fugitif, mais si pétrifiant. L’inespéré lui était venu, elle avait pu de nouveau être en sa présence, mais son esprit avait été tellement à distance de son corps, qu’elle n’en avait eu pleine conscience.

Les paroles de l’adulte transpercèrent la suspension de l’adolescente qui dodelina légèrement de la tête, comme pour signifier qu’elle entendait alors qu’elle comprenait véritablement qu’à moitié. Une petite clef verrouillait l’expérience et se retrouvait jetée au loin. Une petite étincelle et la disparition complète. Phœbe n’était pas certaine de vouloir la récupérer, elle ne souhaitait pas déranger à nouveau l’esprit en l’arrachant  de force à sa retraite.

Elle avait une nouvelle connaissance, mais cette dernière était loin de lui suffire et de la satisfaire. Il lui faudrait plus. Demander. Cette action devra lui être arrachée, mais c’est de la sorte qu’elle arracherait l’ultime information de sa quête. Son regard se posa sur la pièce qu’elle avait sortie pour l’invocation, à présent qu’elle était inerte et d’aucune utilité, la petite main gauche de l’étudiante l’attrapa pour la fourrer de nouveau dans sa poche, en sécurité, et à son contact. La jeune magicienne s’appuya sur la table pour se relever et briser le tacite lien que la magie avait établi. Les paupières baissées, elle exhala doucement.

Regrettait-elle ? Une part d’elle tentait de considérer la valeur du moment, avec peine. Cela n’avait pas de sens, elle maintenait en surface de son esprit une curiosité qui devrait avoir été enterrée. Tout en cherchant à toujours en savoir plus, elle ignorait en quoi elle s’enrichissait. Elle n’avait pas l’impression de ressentir quoique ce soit en avançant. Elle avait simplement trouvé une occupation moins consumante que d’autres. Elle continuerait à se laisser diriger tant que rien d'autre ne la prenait.

« Merci de m’avoir guidée, je n’aurais pas trouvé seule. »

Arrivée avec une vague idée, le professeur Holloway avait su apporter quelque chose de concret, de tangible, avec tant de réactivité, que la petite Swan n’avait pas réalisé ce qui s’était produit, ce qui l’avait assaillie en quelques jours. Passer de l’incertitude à… l’incertitude. L’adolescente marcha et contourna la table pour se diriger vers la rentrée, elle se retourna une dernière fois en direction de la rousse.

« Vous pouvez oublier ce moment. »

Elle sortait vraiment des choses absurdes. Qu’est-ce que l’adulte pouvait bien en avoir à faire des histoires de la Serpentard ? Évidemment qu’elle classerait comme une énième affaire avec un gosse qu’elle gérait à Poudlard. Si elle devait la recroiser dans le château, il ne passerait strictement rien, la sorcière verte et argent tenta de s’en persuader.

« Oui, bien sûr. Au revoir. »

Tout était dit, du moins elle n’avait rien à partager, tout lui viendrait certainement plus tardivement. Avec le petit objet que lui avait confié sa cousine, Phœbe appela Æglé alors qu’elle quittait cette demeure sur laquelle ses sens ne s’attardaient aucunement. Elle n’avait aucune envie de pénétrer l’inconnu et laisser entrer en elle l’étranger.

Une magicienne à la chevelure de feu regarda sa benjamine en penchant légèrement la tête, elle sentit qu’il ne fallait pas poser de questions et se contenta de la rejoindre à son niveau et de marcher en silence à ses côtés. Elle ne parvenait à déchiffrer ce qu’il s’était passé, la nuit lui cachait le visage de Phœbe, mais elle sentait une sorte de mélancolie, comme si elle avait retrouvé quelque chose de longtemps perdu et enfoui. La sorcière ne parvenait à déterminer si c’était une bonne chose ou non. Elle le découvrirait certainement le jour où elle aurait compris les tourments de la jeune Swan.